
& les concluions du Jieur N. , major de N. , le
confeil de guerre a entériné ledit brevet de grâce,
■ pardon & rémijfion pour par le fuppliant jouir de
L'effet contenu en icelui. Fait à N. , le N.
Le major de la place donne à l’accufé copie du
brevet & de l’entérinement, & il écrit au bas :
Certifié véritable & confôrme à l'original refié entre
nos mains , JV, , major de N> Fait à N., le N.
Nous ferons connoître dans l’article p e in e , la
différence qui exifte en Angleterre entre un confeil
de guerre général, & un confeil de guerre régimen-
tal. Cette différence effentielle nous paroît faite
pour trouver place dans le code militaire criminel
de touts les peuples fages & amis de la juftice.
§ . I I .
Des confeils de guerre que nous avons appellés
cours martiales•
Une infinité de queftions, toutes très importantes
, fe préfentent ici : les principales font celles
qui fuivent :
i- Un général doit-il, avant d’entreprendre une
opération militaire , corifulter les perfonnes qui
l'environnent ?
2. Doit -on impofer à un général là néceffité de
prendre les avis d'un confeil }
3. Doit-on laiffer au général la liberté de choifir
fon confeil}
4. Le général doit-il être obligé de fuivre les
dédiions de fon confeil'}
5* Un général ne doit-il pas fe former plus d’un
confeil ? Quelles doivent être les occupations des confeils ?
6. Quelles perfonnes le général doit-il admettre
dans les confeils ?
7. Quelle conduite le général doit-il tenir dans
les confeils ?
8. Quelle conduite le général doit-il tenir avec
ceux qui lui ont donné des confeils ?
9. Quelle conduite doivent tenir les perfonnes
que le général appelle dans un confeil ?
Eclairés par les écrivains dida&iques , & fou-
tenus par les exemples des plus grands généraux ,
effayons de réfoudre toutes ces queftions, ou du
moins d’en préparer la folution.
1. Si quelques généraux étoient éblouis par
Cæfar, par Louis XI & par quelques autres per- j
fonnages célèbres, qui ont pris rarément les avis
de leurs fubordonnés , nous leur ferions voir que
ft Cæfar exécuta de grandes chofes , fans recourir
aux confeils des perfonnes qui méritoient fa confiance
, il auroit évité une fin tragique & terminé
plus aifément fes grandes entreprifes , s’il .
avoir daigné confulter ceux qui l’entouroient. Nous
leur montrerions Louis XI fe repentant de la confiance
qu’il avoit eue en fes propres lumières ,
avouant à fes confidents , que cet amour propre
exceflif avoit creufé les précipices dans lefquels
I il étoit tom b é , & faifant élever fon fils dans une'
profonde ignorance pour l’obliger , difoit-il , à
I P^en^re ^.es COI1LeiIs. Mais comme tout efprit jufte
eft convaincu de la néceflité de recourir fouvent
aux avis d au tru i, comme on avoue que c’eft plutôt
par orgueil que par fageffe qu’on néglige de
prendre des confeils , comme perfônne n’ignore
que les militaires s’intéreffent plus vivement aux
operations fur lefquelles ils ont été confultés, qu’à
celles qu on ne leur a pas communiquées ; &
comme tout le monde convient qu’on eft moins
coupable quand on s’égare après avoir placé un
grand nombre de fanaux fur la route qu’on doit
iuivre , que lorfqu’on s’y engage éclairé feulement
par fes propres lumières, nous regarderons comme
prouve qu un général, quelque génie qu’il ait reçu
du c i e l , doit prendre l’avis des perfonnes capables
de lui donner de fages confeils.
Q u e les généraux ne craignent point de voir
leur gloire ternie par leur attention à demander
confeil : qui ne fçait pas qu’il y autant d’habilité
a profiter d’un bon a v is , qu’à fe bien confeiiler
101-meme ? N i leurs contemporains , ni la poftérité
ne s’informeront point d’ailleurs , fi les généraux
ont commandé en écoutant des avis fages , ou en
agiffant d’après eux-mêmes ; ils demanderont feulement
s ils ont vaincu les ennemis & bien fervi
l’etat.
2.^Si les généraux d’armée étoient choifis parmi
des etres auflî fupérieurs aux hommes par le,urs
vertus &. par leurs connoiffances , que par leur
autorité & leur puiffance ; s’ils raffembloient feulement
toutes les qualités &. touts les talents dont
nous avons parlé dans notre article général 9
ils pourroient, fans in con vén ien t, confulter les
perfonnes qu’ils jugeroient à propos ; ils pourro
ien t, peut-être même, fe paffer de recevoir des
avis : mais ils font hommes, ils font fournis à des
pallions : les perfonnes qui les approchent leur
-communiquent des foibleffes & fouvent des vices ;
il eft donc utile de les obliger à prendre les avis ,
non de quelques individus épa rs, mais ceux d’un
confeil réglé. T e l homme qui dans l’intérieur d’un
cabinet auroit puifé fon avis dans les y e u x de fon
ch e f, remontera dans un confeil jufqu’à la fource
de la vérité ; celui qui n’auroit écouté dans un
tete a tête que la voix de fon intérêt particulier ,
! n’entendra en public que celle de l’intérêt général ,
ou au moins n’ofera être l’interprète qué de ce
dernier : celui enfin qui n’aurô.it fongé là qu’à
conserver fa fa v eu r , voudra ici conferver fa gloire.
M a is , eft-ce le prince qui doit nommer le confeil
d é g é n é r a i, ou le général doit-il le compofer lui-
même ?
3. Un prince qui auroit nommé touts les
membres du confeil dont le général de fon armée
devroit prendre les av is , pourroit-illui dire .comme
Augufte a Varus : Rends-moi mes légions ? C e n’eft
pas a moi que vous devez imputer les défaites
que vos troupes ont e f fu y é e s , lui répondroit l e
C O N
général : ce n’eft pas à moi que vous devez de- I
mander compte des occafions favorables que nous
avons perdues & des fautes que nous, avons faites, j
Vous m’aviez confié en apparence le bâton de I
commandement ; mais il étoit réellement porté
par les ignorants, les envieux ou les traîtres dont
vous m’aviez entouré. Fuffai-je coupable de touts
les événements malheureux , à l’abri de l’égide
que vous m’aviez^ donnée vous-même, je devrois
échapper à votre colère : il n’en auroit pas été de
même , fi j’avois nommé les membres de mon
confeil y comme ils auroient été de mon choix j
j-’aurois dû répondre d’eux comme de moi-même.
Si le prince , dira-t-on peut-être , après avoir
confié une partie de fon autorité à un fujet peu
propre au commandement des armées , lui laiffe
encore la liberté de choifir fes confeils , ne les
prendra-t-il pas parmi des hommes qui lui reffem-
blent ? C e la eft poflible ; mais cela n’arrivera
prefque jamais. L a v o ix publique défignera toujours
fi hautement au général quelques fujets dignes
d ’entrer dans fes confeils , qu’il n’oferâ'fe difpenfer
de les y admettre. 11 n’appartient qu’à des êtres
nés dans un rang très éminent, de fermer l’oreille
aux cris & aux voeu x d’un peuple entier. Il fuffit
d ’un bon pilote pour conduire un vaiffeau : pendant
le calme on peut négliger les avis qu’il donne ;
mais on les fuit quand la tempête approche. Dans
la v ie privée nous nous laiffons quelquefois entraîner
vers des flatteurs , des ignorants ou des
âmes baffes : mais quand touts les y e u x font fixés
fur nous , tout change : fi nous ne rendons pas
alors au vrai mérite toute la juftice qui lui eft due ,
au moins n’ofons-nous pas le laiffer dans l’oubli.
E n un m o t , fi un guerrier aime affez fon pays
pour mériter d’être mis à la tête d’une arm é e, fi
on juge qu’il a affez de talents & de qualités pour
la bien conduire , comment peut-on imaginer qu’il
n ’aura pas affez de fageffe pour bien compofer fon
çonfeil ?
4. Faut-il plus d’un chef à chaque armée ? C e
ch e f doit il jouir d’un pouvoir abfolu ? Réfolvons
ces queftions , & nous fçaurons fi le général doit-
Itre obligé de fuivre les avis de fon confeil.
Les écrivains politiques & militaires, m ême ceux
qui ont vécu au fein. des républiques les plus ja-
loufes , ont touts dit : la divifion dans le commandement
fait d’abord naître la jaloufie ; la mésintelligence
fuccède à celle-ci ; la difcorde fe
jnontre bientôt ; enfin les défaites arrivent. Us
ont touts configné dans leurs écrits les maximes !
fui vantes : lorfque le commandement eft d iv ifé ,
la victoire a moins d’appas pour les généraux, &
la défaite moins de honte. Plus-il y a de chefs ,
plus l’autorité eft foible : plus il y a de chefs, plus
il y a de pallions qui luttent les unes contre les
autres : plus il y a de chefs, plus il y a d’avis différents
, & 'p a r conféquent plus il y a d’indécifion.
En un mot ils ont touts conclu qu’il ne falloir
qu’un chef à c-ha.quç armée. Si ces maximes font |
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fa in e s , le général ne doit pas être obligé de fuivre
les avis de fon confeil ; car ce ne feroit plus un
homme qui commanderoit, mais dix , vingt ou
trente.
Les écrivains politiques & militaires font des
hommes ; ils peuvent s’être trompés : confultons
les faits hiftoriques qui ne peuvent pas vouloir
nous induire en erreur -, s’ils nous montrent que
le commandement ne doit point.être d iv ifé , cette
propofition fera inconteftablement vraie.
Les Athéniens mettent dix généraux à la tête
des troupes qu’ils envoyent contre le roi de Perfe.
Ariftide , l’un de ces dix chefs , -convaincu qu’il
ne falloit-qu’un général à une armée , cède à Mil-
tiade le commandement entier • les huit autres
chefs l’im iten t, les Perfes font vaincus.
Les Lacédémoniens ne veulent pas remettre
toute l’autorité civile entre les mains d’un feul
homme ; ils créent deux rois : mais dans le même
inftant ils font une loi qui oblige un de leurs fou-
ver ai ns a refter dans Sparte toutes les fois que
l’autre fera à la tête de l’armée.
L ’hiftoire romaine nous fourniroit plufieurs
exemples des funeftes effets du partage dans le
commandement. Bornons-nous à remarquer que
ce partage rallentit la marche des v iâ o ire s des
Romains ; qu’ils créèrent un dictateur toutes les
fois qu’ils eurent des ennemis redoutables à combattre
, & que ce même partage leur avoit fait
éprouver de grandes défaites. V o y e z dans l’hiftoir.e
univerfelle angloife , la defcription des combats
que Rome livra aux Volfques , aux V e ïe n s , aux
Eques , aux Carthaginois : arrêtez-vous fur-tout à
la bataille de Cannes : defcendez enfuite jufqu’au
temps où elle combattit les Gaulois , & vous
trouverez une infinité de preuves de cette vérité.
Les Carthaginois éprouvèrent aulîi ce que peut
le partage du commandement, Dans la guerre
contre les rebelles d’Afrique , le fénat fut o b lig é
de donner aux foldats la liberté de choifir entre
les deux généraux qu’il avoit nommés , & de
conferver celui qu’ils jugeroient à propos de
garder.
L ’hiftoire du bas-empire nous préfente fou vent
la même leçon ; elle eft écrite en caractères ineffaçable
s, tome 1 7 , pag. 400 de I’hiftoire univerfelle
angloife.
L ’abbé de V e l ly attribue, a v e c raifon , au partage
dans le commandement, la défaite que les
Saxons firent e ffuyer en 783 aux généraux de Charlemagne.
La longueur du fiège de Saint-Jean-d’A c r e , &
les malheurs des C ro ifé s , eurent-ils d’autres caufes
que la multiplicité de leurs chefs , & leur méfin-
telligen.ee , qui en étoit une fuite néceffaire.
Louis X I I éprouva en 1 5 1 2 , qu’une armée commandée
par un général médiocre , fait de plus
grandes chofes que lorfqu’elle obéit à deux grands
hommes. Le duc de Longueville & Charles de
Bourbon , les deux plus célèbres généraux c e leur
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