
Les vaiffeaux difcontinueront de faire feu dès ;
que les chaloupes .auront paffé devant eux.
C ’eft* alors , fans doute, que les ennemis , qui
s écoient tenus hors de la portée de votre canon,
viendront à grands pas vers le bord de la mer
pour infulter vos troupes avant qu’elles foient
rangées en bataille. Dans ce cas, vos chaloupes
feront alte à plus d’une portée de fufil de terre
.& lie ferviront de leurs pierriers ou de leurs petits
canons de proue à fimple boulet, en meme temps
que les frégates , les galères , Jes brigantins & les
galiotes des extrémités ou des ailes continuent leur
feu ; ce q u i, fans cloute, obligera les ennemis à
fe retirer de nouveau,. & alors vos chaloupes ,
pourfuivant leur route , feront leur débarquement.
, Si toutes ces chaloupes ne peuvent pas être fur
un même front à la plage , elles formeront un
fécond rang ; & lorfque les troupes des chaloupes
de la première ligné auront débarquées, les chaloupes
du fécond rang approcheront leur proue de
la poupe de celles du premier rang , afin que les
lcldats, pour débarquer, s’en fervent comme d'un
p o n t, & c’eft pour cela que j’ai précédemment
propofé d’y faire une efpèce de courber.
Les foldats, en fautant à terre , porteront haut
leur fufil, de peur d’en mouiller les platines ; &
pour éviter que leurs munitions ne fe mouillent,
ils raccourciront les courroies de leurs fournimens,
St mettront en bandoulière celles de leurs cartouches
, en les faifant defcendre de deffus l’épaule
gauche au-defTous du bras droit.
Le généralifîime de guerre fera d’abord ranger ;
en bataille les troupes débarquées. J’ai dit plus
haut comment il peut y réaffir en peu de temps
St fans confufion..
A mefiiré que les troupes étendent leur front,
les frégates., les galères St les brigantins fe tiendront
aufîi vers les côtés , pour pouvoir , fans
crainte d’incommoder vos troupes, tirer fur les
ennemis ,• qui viendront tomber fur elles avant lé
débarquement du fécond voyage. Si vos bâtiments
légers ne peuvent pas faire ce mouvement, parce
que la plage fe termine d’abord par des caps ou
.des pointes qui avancent dans la mer , vos frégates
, vos galères & vos brigantins fe rangeront
de forte que vos troupes en foient toujours flanquées,
quand même il faudroit doubler les files
-de vos troupes. De quelque manière que ce foit,
fervez-vous des chevaux de frife , dont j’ai parlé ,
pour couvrir votre front & vos flancs.
Dès queles premières troupes auront débarqué,
les-bâtiments de tranfport, qui jufqu’alors s’étoient
tenus hors de la portée du canon des ennemis ,
s’approcheront de terre.
■ Les chaloupes du premier débarquement, après
avoir mis les troupes à terre, ne s’arrêteront pas
un moment, & retourneront fur le champ pour ■
aller faire un fécond voyage , en fe diftribuant j
également auprès des vaiffeaux , qui confervent i
encore leurs banderoles j car les navires qui n’auront
plus de foldats à débarquer y auront déjà
quitté lès leurs.
Quand vou§ voyez que les chaloupes du fécond
voyage approchent de la plage , prenez du terrein
vers le front, afin que les troupes du fécond débarquement
ayent du terrein pour fe ranger', à
moins que les premièies n’ayent formé deux
lignes ; en ce cas , s’il y à un efpace futfifant vers
les flancs , les troupes du fécond voyage prolongeront
le fi ont au lieu d’augmenter la hauteur.
Pour le débarquement de la cavalerie, on fera
fignal aux chaloupes d’aller prendre les cavaliers,
leurs armes & les harnois de leurs chevaux , &
la cavaleriè débarquera moitié à l’aile droite,
moitié à l’aile gauche de l'infanterie.
Les bâtiments qui tranfportent les chevaux
s’approcheront du plus près qu’il leur fera poflible
de l’endroit où les harnois des chevaux &. les
cavaliers qui doivent les monter ont été débarques.
L à , on jettera les chevaux en mer , qui
n’auront que leurs licous longs de trois pieds,
afin que les foldats qui en attendent fur le bord ,
pmflent les prendre. Les, licous ne feront point
entortillés au cou des chevaux, de peur que,
venant à y mettre les pieds dedans,-, ils ne puii-
fent pas nager ; je crois que l’on fçait, qu’auprès
des navires qui débarquent les chevaux, il y a
fur des chaloupes des hommes qui dépaffent cette
forte de petit bâton ou morceau de ' bois, qui
paflant au-travers d’une ouverture, à l’extrémité
de la fangle de débarquement, la tient ferrée , &
pendant ce peu dejemps néçeffaire pour dépaffer
ce petit bâton , un marinier foutient la tête dur
cheval.
Dès que les bâtiments qui avoient tranfporté la
cavalerie l’auront débarquée., ils quitteront leurs
banderoles de la même manière que je l’ai dit de
l’infamerie , afin que les chaloupes de débarquement
ne perdent pas de temps en retournant inutilement
vers ces bâtiments.,.
S’il y a à craindre qu’avant le; débarquement’
fini, les troupes des ennemis ne Surviennent en
grand nombre , plutôt qu.e de retarder le débarquement
, il vaut mieux jetteren mer les. chevaux
fcellés &. bridés, ayant foin d’attacher les rênes fur
leur cou, de manière qu’ils ne puiffent y paffer
les jambes , & de laiffer leur poitrail flottant
& leurs .fangles un peu lâches, de peur qu’elles
ne rompent, quand l’eau vient à les refferrer. Que
cet expédient foit pourtant le dernier à meure
en ufage , parce que, les chevaux nagent avec plus
de difficulté, & les felles fe gâtent entièrement.
Le débarquement de la cavalerie fini, on fera
fignal du bord du commandant pour le débarquement
des provifions de bouche & de guerre. Les
. bâtiments fur lefquels elles feront, arboreront de
nouveau leurs banderoles, afin que les chaloupes
s’en approchent ; ils les quitteront à mefure qu’ils
auront achevé de débarquer les vivres & les pro-
yifions de guenç , que chaque patron, dans .le
poft
écrit de mettre à terre , dès que les troupes débarquent
; fur quoi j’ai oublié d’avertir précédemment
que ces provifions dé bouché &c de guerre doivent
etre chargées dans lés bâtiments félon l’ordre que
lès unes & les autres en doivent être retirées les
premières. 11 eft néçeffaire d’entrer auparavant dans
tout ce détail, parce que , fi l’on attendoit l’heure
du débarquement pour donner touts les ordres convenables
, il y^ auroit trop de retardement & de
confufion, & 1 on débarqueroit beaucoup de quelques
provifions & peu de quelques autres, qui
iouvent fe trouvent les plus néceffaires.
Il n y a point de valet d'officier qui, dès qu’il
voit 1 armée a terre, ne voulût débarquer l’équipage
de fon maître ; cependant, jufqn’à ce que les
vivres & les provifions de guerre ayent été débarquées
, on ne fera point fignal pour' le débarquement
du bagage, qui fe fera félon la préférence
que les troupes ont entre elles, & félon le rang
des généraux & l’ancienneté des régiments.
Lorfque larmee de terre doit marcher d’abord
pour aller invertir quelque port de mer , les
équipages, & la plus grande partie des provifions
de. bouche &. de guerre fe débarquent fur les plages
vomnes dé ce port, dès que l’armée y eft arrivée.
Je du, la même chofe de l’hôpital. De quelque
rnamere que ce foit, on ne met point les malades
a terre , qu il n y ait tout ce qui eft néçeffaire pour
leur loulagement. Quand on ne fçait pas laquelle
des plages des ennemis eft la moins gardée, fi
les troupes ennemies font en fi petit nombre que
les vôtres* quoique divifées, puiffent les combattre,
on tente en même temps un débarquement en
deux ou trois endroits , & l’efeadre qui la première
y réuffit, en donne avis aux autres, afin
que fi elles trouvent des ennemis retranchés avec
*^e. i art^'er‘e , ou quelque autre obftacle , elles
puiffent venir débarquer oii la première a pris
terre. ?
Si d une efeadre a l’autre les fignaux fe peuvent
voir, la nouvelle de la réuffite de débarquement ira
bien plus vite par cette voie que par les chaloupes :
est il relotgnement eft trop grand, on y peut'fup-
pleer par des navires détachés entre les efeadres,
qui repéreront les mêmes fignaux.
n fait quelquefois une diverfion pour divifer
les forces des ennemis ; alors le gros de l’armée
bavale fe tient éloigné de terre au-delà de la
portée de la vue, pendant que quelques vaiffeaux
e guerre, & la plus grande partie des bâtiments
de tranfport., s’approchent du porte où vous feigniez
de vouloir faire votre débarquement, mettent
leurs chaloupes à la mer, tirent fur les hommes
quils découvrent à terre, & lorfque le nombre
de ces hommes n’eft pas conftdérable , on dé-
barque quelques troupes des vaiffeaux d sguerre,
ou des batiments de tranfport, pour enlever les
boftiaux , brûler les hameaux & les villages,
mettre en fuites les pay fans, & pour faire pendant
J*rt militaire, T.ome 11,
^ t u u c u i s
nemis fe perfuadent que c’e ft-là où fe fait le
debarquement, y accourent & laiffent fans défenfe
le pofte où effeâivement vous voulez débarquer
vos troupes. Pendant ces entrefaites, le gros de
votre armée confervera le deffus du vent de la
plage où fe doit faire le véritable débarquement,
&. le tiendra toujours à quatorze ou quinze lieues
loin de terre jufqu’à la nuit, qu’il s’en approchera
pour débarquer le jour fuivant.
Je fuppofe que l’endroit du faux débarquement
fera éloigné du véritable de plus d’une marche ;
que ces troupes q u i, dans le faux débarquement,
auront fauté à terre, ne s’éloigneront pas telle-
ment^ du bord de la mer, qu’elles puiffent être
coupées par lès partis ennemis ; que de ces troupes
il ne reftera à terre la nuit que quarante ou cin-
| quante hommes, pour entretenir les feux ’dont
I je viens de parler, & empêcher les gens du
i Pays d’approcher & de reconnoître qu’il n’y a
point d’armée dans" cet endroit : les chaloupes
les fuivront toujours, afin qu’ils puiffent s’y embarquer
d’abord, fuppofé qu’ils foient obligés de
fe retirer, & l’on choifira , pour.cette expédition ,
des cadets, des caporaux , ou des foldats d’une
fidélité reconnue, pour éviter que quelqu’un ne
déferte, pour porter à l’ennemi la nouvelle de
votre ftratagême. On ufera de la même précaution
à l’égard des matelots pour les chaloupes qui
vont à terre. Je fuppofe encore qu’on prendra
pour ce débarquement fimulé, ceux des bâtiments
de tranfport qui n’ont à bord que les provifions
néceffaires pour le vrai débarquement., & qu’aufii-
tôt que vous l’aurez commencé , vous en donnere?
avis à votre détachement de vaiffeaux, avec ordre
de venir joindre.
Le meilleur endroit pour débarquer' eft celui
q u i, à une portée de canon de la mer, n’a ni retranchement,
ni colline ou élévation de fable qui
puiffe mettre les troupes ennemies à couvert de
[’artillerie de vos vaiffeaux; parce quer comme
je la i déjà d it, il n’y a point d’homme qui, à
corps découvert , puiffe foutenir le feu d’une
armee navale ; & fi les ennemis fe tiennent hors
de là portée du canon de vos vaiffeaux, avant
qu’ils puiffent arriver au bord de l’eau, principalement
fi c’eft leur infanterie qui vient s’oppofer
à votre débarquement & vous chargér, vos
troupes du premier voyage des chaloupes feront
déjà rangées en bataille, & celles du fécond feront
en route.
S i, auprès de la mer, il y a de ces collines ou
élévations de fable dont on vient de parler, vos '
vaiffeaux tireront à ricochet ; mais je ne vous promets
pas que votre canon ait le même effet que
s’il tiroit de but-en-blanc.
Si les ennemis, pour s’oppofer à fon débarquement,
n’ont que dé la cavalerie, il n’y 'aura point
d’inconvénient de débarquer dans un endroit voi-
fin des montagnes, afin qu’entre elles & la mer
V v y v