
fice qu’on veut élever* & meme âu*delà, s’ilfe
peut, pour lui donner tout le poids qu’il pourra
jamais porter , (j%. 302 & 303 , ) , afin qu’il s’af-
failTe dans touts les endroits où le fable peut être
moins affuré. Quand au bout d’un certain temps
on voit qu’il ne lui eft arrivé aucun accident con-
fiderable , on établit deflus de bons grillages .couverts
d’un plancher de gros madriers , fur lequel on
affeoit l’édifice.
Quand on peut battre des pilots tout autour de
l’efpaceque doit occuper l’enrochement, on pourra
j faire un bon empattement, qui garantira le pied
des dégravoyements qui pourroient arriver dans la
fuite, & par ce moyen l’ouvrage en fera bien plus
affuré, & n’aura en quelque façon rien à craindre.
On a auffi foin de faire au pied de la muraille une
risberme compofée de fafeinage & de grillage ,
comme on le pratique aux jettées, pour empêcher
que dans un gros temps il *e furvienne des vagues
qui pourroiçnt faper le mur. Malgré toutes les
précautions qu’on peut prendre, il eft toujours bien
dangereux de bâtir dans la mer 5 cependant nous
avons en France plufieurs édifices de la nature de
ceux dont je viens de parler , qui fubfiftent depuis
longtemps , fans qu’il leur foit arrivé aucun accident.
Je viens de fuppofet un enrochement fait dans
la mer , pour montrer comment on peu^furmonter
les plus grands obftacles qui fe rencontrent en
fondant ; mais il y a une infinité, d’autres endroits
o ù l’on peut s’en fervir utilement & avec bien
plus de fuccès , comme les rivières, les lacs, les
étangs, & touts les lieux où on ne peut parvenir
à établir de fondements à fec. Vitruve, dans le
12e chapitre de fon 5e livre , parlant des jettées
qui fe font aux ports de mer, détaille affez-bien
la maçonnerie à pierres perdues, ce qui joint à
d’autres recherches que j’ai faites fur ç-e fujet, fait
que j’en aurois pu parler plus à fond que je ne viens
de faire , mais ces fortes d’ouvrages appartiennent à
l’archire&ure hydraulique ; ( on trouvera dans la fécondé
partie de l’ouvrage de M. Bélidor ce qui
manque ici ) ; je n’en aurois même fait aucune
mention préfentement , fi je n’avois cru qu’il
étoit à propos de donner dans ce chapitre une
idée générale de toutes les différentes manières de
fonder.
Il y a encore un autre moyen de fonder dans
„les endroits que nous venons de fuppofer , qui eft
de fe fervir de caiffons dans lefquels on maçonne
à chaux & à fable, Ces caiffons ne font autre
chofe qu’un affemblage de charpente bien calfaté.
On commence par conduire & arranger toutes les
pièces d’alignement à l’endroit où l’on veut fonder ;
çh les arrête par des cables qui paffent dans des
anneaux de fer qui font attachés. aux caiffons ;
après les avoir bien difpofées, on y met des maçons
qui les rempliffent de bonne maçonnerie j à me-
fure que l’ouvrage avance, le poids des pierres
fait enfoncer les caiffons dans l’eau jufqu’à ce qu’ils
ayent atteint le fond ; c’eft pourquoi l’on proporë
tionne la hauteur des caiffons à la profondeur de
l’eau qu’il y a dans le lieu où l’on travaille ; l’on
obferve même de les faire deux ou trois pieds plus
haut, afin que les ouvriers n’en foient point incommodés.
Quand la profondeur de l’eau eft fi
confidérable qu’on ne peut pas atteindre le fond
fans donner aux caiffons une hauteur extraordinaire
, on prend le parti d’en augmenter la hauteur
avec des hauffes à mefure qu’ils approchent du
fond. j
Quelquefois l’on établit les caiffons ( fig. 304 &
305 ) fur un enrochement, quand le lit fur lequel
on veut fonder n’eft pas uni, foit à caufe des
trous , ou des petits bancs de fable , ou bien quand
les eaux font trop hautes.
Si je voulois rapporter toutes les différentes
manières de fonder félon les occaftons qui fe peuvent
préfenter , je ne finirois jamais , c’eft pourquoi
je me tiendrai à l’idée que je viens d’en
donner, me réfervant pourtant d’entrer encore
dans quelques détails fur ce fujet quand la chofe
en méritera la peine, comme , - par exemple *
pour les fondements des ponts de maçonnerie ,
des éclufes & autres ouvrages qui demandent
beaucoup d’attention pour les établir folidemèrtt,
& que j’ai traité à fond dans la fuite de cet ouvrage*
Cependant, le peu que je viens d’infinuer pourra
donner affez de connoiffance à ceux qui ont de!»
fein de s’appliquer à l’architeâure -, pour que
d’eux-mêmes , ayant un peu de pratique & d’in-
telligence , ils puiffent faire le choix qui conviendra
le mieux entre les- différents moyens que je
propofe.
Je n’ai point parlé jufqu’ici de la profondeur
qu’il falloit donner aux fondements, parce qu’il
eft affez difficile de la déterminer , dépendant eft
quelque forte de la nature du terreiri où l’on
travaille \ mais je ferai au moins remarquer que
la plupart des architeôes font des dépenfes fort
inutiles, leur donnant une grande profondeur,
qui ne contribue en rien à la folidité de l’édifice ;
car de deux chofes l’une , le terrein fera bon, ou
il fera mauvais ; s’il eft bon, on peut bâtir en
toute affurance ; s’il ne l’eft .pas, on en fera quitte
en faifant un bon plancher de madriers ou de
grillages, fans creufer plus avant pour chercher
un autre fond , qu’on ne trouveroit peut-être pas
meilleur. Si le terrein eft mouvant ou marécageux
, il y a encore moins de raifon d’approfondir,
puifqu’on fera toujours contraint de piloter. Or *
dans touts ces cas , la profondeur des fondements
ne fera rien pour la folidité des murs que l'on veut
élever, le tout eft de les établir fur une bafe
ferme & bien affurée ; fi on ne la rencontre point
telle qu’on peut la fouhaiter, il faut avoir recours
aux expédients que nous venons de dire. On n’en
a pas ufé autrement pour touts les grands édifices
qui fubfiftent depuis tant de fiècles. Les fondements
de l’églife de Noye-Dame de Paris, qui
jeft un vaîffeau des plus confidérables \ quoique
bâti dans un fort-mauvais terrein , n’ont prefque
pas de profondeur. Touts ceux des ponts de la
même ville n’en ont que fort peu non plus, &
ne fe foutiennent pas moins , tandis qu’on voit
donner à de fimples maifons des fondements de
7 à 8 pieds de profondeur, fans faire attention
que leurs quatre faces formant un parallélipipède ,
doivent fe foutenir par leur propre poids. Que
fi l’on en voit quelquefois manquer par le pied ,
il ne faut pas penfer que cela vienne de ce que
leurs fondement» n’ont pas eu affez de profondeur
, mais parce qu’on ne les bâtis que peu à
peu ", c eft-à-dire qu’il y aura eu des reprifes
d’ouvrages où la vieille maçonnerie ne fera pas
liée avec la nouvelle ; de-là il arrive que fi un
mur eft affermi, parce qu’il aura été bâti le premier
, l’autre ne l’eft pas pour avoir été fait plus
tard , & touts ces murs venant à être chargés
enfemble, Je fardeau étant inégalement porté, la
partie la plus foible fléchit tandis que l ’autre
jéfifte ; ajoutons à cela qu’un côté peut avoir été
travaillé avec de bons matériaux , & l’autre avec
moins de précaution ainft, ce qu’on attribue au
défaut des fondements , provient prefque toujours
de la mauvaife façon.
Mais fi , dans un bâtiment, on commence par
creufer les tranchées de touts les murs, &: qu’a-r
près les avoir mifes de niveau , on y érabliffe
pae bonne maçonnerie , toujours conduite à
même hauteur , & dont toutes les parties diffés-
rentes foient bien liées , & qu’enfuite on éleve
deffus, dans fe même temps, les pignons & les
refents , on peut s’affurer que quand les fondements
n’auroient que deux ou trois pieds au plus de profondeur,
l’ouvrage ne courra aucun danger, au
lieu que s’il n’eft conduit que par parties , &. qu’on
tombe dans les défauts que je viens de remarquer,
quand ces fondements auroient 15 à 20 pieds , le
batiment ne feroit pas moins fujet à touts les incon-
yenients que la mauvaife façon peut caufer.
S’il étoit queftion de quelque gros mur d’en-
ceinte ou de quai, il faudra non-feulement avoir
toutes les attentions dont on vient de parler, mais
•Ctre plus attentif à leur faire des empattements
larges & bien affis qu’à les faire profonds , ,& cette
largeur, qui excédera celle du mur, doit particulièrement
régner du côté oppofé à celui où le
mur UUra quelque effort confidérable à foutenir ,
foit de la part de la pouffée des terres, ou de
celle d’une voûte ; on en doit foutenir la néceffité
par ce qui a été dit dans le premier livre. On eft
pourtant quelquefois obligé de donner de la profondeur
aux fondements , quoique le terrein foit
bon , ce qui fe fait lorfqu’on travaille fur Le bord
4 ’une rivière , afin de fe mettre au-deffaus de fon
l i t , crainte que les eaux ne viennent par la fuite à
tlegravoyer le terrein , & à miner les fondements ,
cequi eft fojt à craindre quand on eft dans le voifi-
nage d une é c lu fe o ù il y a une grande chute d’eau.
Puifque nous en fommes fur répaiffeur des fondements
, il eft à propos d’en dire quelque chofe ,
paroiffant y avoir encore ici des difficultés qui ont
befoin d’être examinées.
Les fondements d’un mur étant la bafe fur
laquelle il eft établi > il femble que la largeur de
cette bafe doit être, proportionnée non-feulement
à l’épaiffeur du mur, mais plus encore à fa hauteur
, & qu’on doit fuivre une certaine règle pour
déterminer la largeur des retraits du rez-de-chauffée ;
mais c’eft c e que les archite&es n’ont point fait
que je fçache ; il eft bien vrai qu’ils ont parlé de
l’épaiffeur qu’il falloit donner aux fondements ,
par rapport à celle du mur qui les devoit porter ,
mais ils n’ont pas eu égard à la hauteur de ces
murs. Par exemple, Scamoifi veut que l’on donne
pour retraite, de chaque côté , la huitième partie
de l’épaiffeur du mur, c’eft-à-dire , que s’il y a
quatre pieds d’épaiffeur, il faudra en donner cinq
aux fondements. Philibert de l'Orme fait ces fondements
plus épais, donnant pour retraite , de
chaque côté , un quart d’épaiffeur du mur ; ainfi ,
a un mur de quatre pieds d’épaiffeur , il en donne
! fix aux fondements. Palladio les fait encore plus
épaisvoulant qu’ils ayent le double de l’épaiffeur
du mur ; & ce qu'il y a de furprenant, comme je
le viens de dire, c’eft que ni les uns ni les autres
ne font aucune mention de la hauteur des murs ;
cependant, il n’y a pas de raifon de donner autant
&épaiffeur au* fondements d’un mur de clôture,
d’une hauteur médiocre, qui ne porte rien , qu’à
ceux des piédroits d’une voûte fort élevée &
maffiye, ou d’un autre mur qui doit porter plu<-
fieurs grands planchers chargés de fardeaux confidérables
, comme aux arfenaux & aux magafins
pour les vivres , car il n’y a point d’édifice dont
les murs n’ayent quelque ppuffée à foutenir, &
c ’eft ce qui fait qu’ils furplombent plutôt en
dehors qu’en dedans. D ’ailleurs, quand un mur
eft fort élevé , & qu’il n’a qu’une épaiffeur médiocre
, fi l’empattement n’eft pas proportionné
à l’élévation , pour peu que le mur vienne à s’ incliner
? la longueur du bras de levier a un fi grand
avantage fur la réfiftance que les fondements
peuvent rencontrer de la part du terrein, qu’il
faut que ce terrein foit d’une folidité extrême pour
ne pas fléchir. Car il eft bon de faire attention ic i,
qu’un mur &. ,fes fondements doivent être confi-
çlérés , comme ne faifant qu’un feul corps, quoique
j’aye fuppofé le contraire dans le premier & le
fécond livre ; par conféquent fi le point d’appui ,
au lieu de répondre au rez-de-chauffée fè trouve
fur le bord de la première affile des fondements ,
il faut neceffairement, pour qu’un mur fort élevé
foit auffi bien affis qu’un autre plus bas , qu’il y ait
une proportion entre t’épaiffeur de leur fondement ;
cette proportion eft fur-tout effentielle, quand le
mur qui a.le plus d’élévation n’a qu’june médioçre
épaiffeur , comme font, par exemple , la plupart
des pignons. Or pour fçavoir à quoi nous en tenir,