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ro i, avoit pour objet le maintien d’un état chrétien
contre une puiflance ennemie du nom chrétien
: ce prince n’avoit aucun intérêt particulier
dans cette guerre , que celui de fa gloire, & de
fecourir gratuitement les Vénitiens que le Turc
opprimoit.
Les grands fecours qiie l’empereur, les Efpagnols
& l’électeur de Brandebourg donnèrent aux Hol-
landois en l’année 1672 , ont eu pour ob-iet la
jaloufie de la grande puiffance de la France; &
dans la perfonne de l’empereur, l’intérêt de ne
point laiffer accabler la Hollande, parce qu’il juge
oit que fa ruine feroit fuivie de celle des Pays-
Bas catholiques , appartenants à la maifon d’Autriche
Efpagnole. Ainfi, cette guerre de fecours a
eu pour objetles juftes j al Qu'fies qui fe prennent
contre un prince conquérant, & a été entreprife
avec raifon, fuivant les maximes de cette quatrième
efpèce de guerre.
Dans la guerre préfente, qui eft celle qui a commencé
en 170 1 , les puifîances qui fe font liguées
contre les deux couronnes, ont prefque toutës eu
des vues différentes.
L’empereur y a un intérêt perfonnel de fa
maifon Allemande, dépouillée de la fuceeffion
qu’elle prétend des -états de la branche Efpagnole.
L’empire & fes princes , les Anglois , les Hol-
landois & le Portugal , font auxiliaires de l’empereur
9 & n’ont de véritable prétention fur aucune
des parties de la monarchie d’Efpagne.
Ainfi, il eft évident que cette guerre auxiliaire
de la part de toutes ces puiffances , n’a pour objet
que la jaloufie qu’elles ont conçue de la grandeur
de la maifon de France , fi on la laifloit
réunir paifiblement e'n la perfonne de Philippe V ,
touts les états de la monarchie d’Efpagne.
Je finirai mes réflexions fur les différentes ef- |
pèces de guerre, par les civiles, qui en font là
cinquième efpèce.
'11 y en a eu deux grandes en France dans le
fiècle paffé, dont je ne parlerai point , parce
quelles ont été terminées * l’une, avant ma naif-
fance , l’autre, dans mon enfance.
Celle que l’on a nommée la guerre de la Rochelle
, avoit pour origine l ’ambition des grands:,
fomentée par .les ennemis de l’état & la foibleffe
du gouvernement ; & pour prétexte apparent j
l’infraéfion dé quelques articles dii traité dé -paix
pour la religion , que l’on a nommé l’édit dé
Nantes.
La fécondé, qu’on a appellée la guerre des
princes, n’a point eu la religion pour prétexte;
mais les mécontentements des princes, qui Te font
cru maltraités, dans un temps de minorité, pà-r
une reine régente, gouvernée par un miniftre qui
étoit étranger.
Les autres mouvements intérieurs que j’ai vu •
de" mon temps dans le royaume, ont plutôt été
des émeutes populaires, que des guerres civiles 9 '■
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puifqü'il ne s’eft point montré de chef accrédité.
Elles ont été calmées en peu de, temps, ou par la
diligence qu’on y a apportée avant qu’il fe foit
montré un chef, ou par le châtiment dès peuples
qui s’étoient mutinés, ou par la jufte modération
ou luppreflion des impôts qui avoit caufé' ces
mouvements.
IL faut pourtant excepter du nombre de ces
mouvements populaires , celui des Cevenes, qui
avoit la religion pour prétexte. Il a duré longtemps
, quoique fans chef, au moins apparent,
parce qu’il a été fomenté par les émiflaires fe-
crets de nos ennemis , leur argent, & celui même
qui a été fecrétement levé dans le royaume fur
les gens de même croyance.
Ce mouvement n’a été appaifé que par des
fupplices , & la ruine de ce pays. Je puis même
dire qu’il n’auroit été ni fi confidérable , ni d’une
fi longue durée, fi ceux qui dévoient travailler
à le calmer, par l’autorité qu’ils avoient dans
cette province , avoient préféré l’intérêt du roi au
leur propre.
La guerre civile en Angleterre, qui fe termina
par le parricide du roi Charles Ier, décapité par
une fentence des commiffaires nommés par lë
parlement- de- ce royaume , fous prétexte .des in-
fraétions ..des loix faites par ce prince , eft "un
exemple, quoique d’une dureté criante, qui fait
connoître combien l’amour de la confervation des
loix eft puiffant dans le coeur des Anglois.
La guerre que les mécontents de Hongrie fou-
tiennent depuis plus de quarante ans contre l’empereur
, qui eft le ro i, a pour origine' le maintien
des privilèges de la nation, auxquels l’empereur
a donné des atteintes continuelles.
Ce prince, qui eft de la maifon d’Autriche ,
après avoir rendu la couronne de Bohême héréditaire
dans fa maifon , au lieu quelle étoit élective
, en a voulu faire autant de celle de Hongrie.
Les grands de ce royaume, fitué entre l’Allemagne
& lés états du Turc , qui même en poflédoit plus
de la moitié, fe font oppofés à ce changement ;
l’empereur en a gagné plufieurs par des bienfaits.,
& a cru pouvoir impunément accabler les autres.
Ceux qui ont échappé au poifon, aux meurtres &
aux fupplices, ont pris les armes, ont eu recours à
la proteélion du Turc. Ils ont même contrarié des
alliances avec les puiffances qui étoient en guerre
contre l’empereur , & ont nommé entre eux un
chef pour les commander, qui a été le comte de
■ Tékéli. -
Le chef, avec des fuecès différents, a cependant
foutenu la guerre contre l'empereur, ou feül,
ou joint aux Turcs , jufqu’à ce qu’enfin il -fût par
eux abandonné par le traité de paix :de Carlowitz ,
&. contraint deTherc-her-fa retraite dans les états
du Turc.
Depuis quelques années, l’empereur, fous prétexté
de fes- conquêtes fur les Turcs en Hongrie,
a voulu faire reconnoître, par une diète générale
dçs
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<5es états de ce royaume, fon droit héréditaire fiïr
la couronne de Hongrie dans-fa maifon. La présence
des trpupes Allemandes', & l’attachement
de plufieurs feigneurs Hongrois à l’empereur, lui
rendirent le fuccès de la diète favorable ; .enfüite
de quoi ce prince reprit fes maximes Sévères
contre les grands qu’il crut «l’être pas attachés aux
intérêts de fa maifon.
■ ■ Du nombre de ces feigneurs étoit le prihce
Ragotzy ; fils de fa femme du comte de Tékélÿ».
Ce prince, fût bientôt emprifonné fous de légers
prétextes ; mais ayant trouvé le moyen de s'évader
de la prifon, il fe retira en Hongrie;-oh il a
fçu foulever prefque tout le royaume-, irrité;,'de
l’infraétio'n de fès privilèges^ & de la; dureté du
gouvernement Allemand.1 Et depuis fept ans, fans
le' fecours des Turc? , & feulement par fon crédit
perfonnel & l’argent qui lui a été fourni par
les puifîances qui-font, en guerre contre l’empereur
, il lçàit fe maintenir, & a même enlevé à
l’empereur plufieurs places fortes , s’eft fait reconnoître
prince de Traiflylvanie, & a eu le crédit
de faire publier un interrègne en Hongrie dàrts
une diète de ,lês partifans & confédérés^ V'oilà
quel e ft fe ta t de la Hongrie dans le temps que
Récris.: ]-
Gef exemple juftifie^fuffifamment ce que j’ai
avancé dans mes m'aximes en parlant des guerres
civiles, qu’un prince fe doit fojgneufement obferver
fur la manière de gouverner les fujets,' loit anciens,
foit nouveaux ; quhlne les’doit jamais irriter,
Ou par lu i-m êm e , 'ou par ceux quil chargé
du gouvernement particulier de,fes peuples, envers
léfqiiels iTne doit-jamais’ avoir' recours à la
dureté v .qu’aprèS ÙVotr -épuifé toutes l’ès maniérés
douces' de gag’nër’ le coeur de fesfujéts"; parcè
que quand toute une nation ou un peuple eft
irrité, fës mouvements féditieux font généraux:
or lé prince doit ’foigneufement obferver que ce
malheur nar-rive pas.
En effet, -il ëft cëriftant, fur la matière préfènte ;
que fi l’empereur-n’eût pas inquiété lés proteftants
& les grands ; (te Hongrie de êe«é religion dans
fon èxercicè ; qu’il né les eût pas abandonnés'au
zèle indifcrët & à l’àvidité des Jéfuites', auxquels
il donnoit les biens de ces feigneurs , qu’i r con-
fifq'uoity & s’il' ri’avôit1 pas renverfé iés privilèges'
dé 'toute la nation -dans,! lâ^dlète -d’Odèm-
bourg , où il fit déclarer la fuCceffi'6n>-héYêdîtaire
d é 1 cë-t’te côu’ronrie’ dans' fa -màilbn ; d’il l ’abolition
dé l’éîéâîon : il eft-certain, dïs-tjè:,v qùe le^ mouvement
ÿ'atfrôit été-bien’mtoins'génér'àl.'1- ' “
Il Taîldif ' donc j que l’emperéùr,- -dans lesi réglés
d’une politique circonfpe&e I pour exciter une
guerre c\<n\e en Hongrie , nedonrîâc atteinte que
fucçeflivement aüx privilèges 'de cécre nation,
après avoir1 'achevé rde: gagner1 pârftadouteur’, lés
bienfaits j& les étàfehffemefrt$,’en'Allèmàg-në/Tés
feigneurs qu’il croyoit les m'Oins attaéh'és à fa
tnàifon.-* Il- ^te devoir pas ' fùpppimer la
Ar t militaire, Tom. IL
:c '.U :e ^
i dignité dé -palatin , : .qü’il' avoit plnfieürs'fois-fait
l'exerçér par- uri- Xîiemârîd -, contre fiés loix î:dü
royaume de Hongrie qui excluent tout étranger
de,cette dignité, &. il en devoir revêtir ûh feigneur
Hongrois, dont il'connût rattachement aux- intérêts
de fa mâiloh.
Par Cette ' conduite- ciréëilfpe£lé> &- cachée -if
auroit infenfiblement conduit JeS ' grands' auj jôugj,
fans 'qu’il ‘s’eh, fûfferit' -apperçôs , après qu’il léiir
-aUroit été abiolument ijnpofli'blô de Je feëOuer. !
- Je' Uë parlerai-ici de la rêVolte &febMreffirie-, arrivée
en Tannée 16 76/que pour*•'prouver: encore
quels-font les dangerë d’un gbüVe'fn'e'mënt dur &
févère à contre-temps fur un peuple naturellement
léger / ôt qui veut-CQhférvér lê%' privilèges fous
leiqùël£ il' ' Un priricëi r
- Cette révolte aürUit été fuivie dë'laperté entière
de ce royaume pour lès-Efpagnols^ fi lé ëcrmman-
•dement de l’arnaèed'u roi; en; cé paysdà a’vbiï été
commis- à'-uri aütrè homme que’M/lé maréchal dè
Vivonne, dont lapefanteur & la -pareffe naturelle
donna le temps aux Efpagnols, & à leurs alliés'^
de pourvoir à "là co’nférvStioW'du refte d e rTrie.
• Cët exehiple TeràTentir v'qüe fi uW prince! doit
êtté circQiffpeéP' pbar- éviter- la' révolte' d e 1 fei
fùjèts il faut âüfîi que- le prince que lés ■ fü-jéis
révoltés appellent foit v if à foutenir'la 'révolte ;
& circonfpeêl daiis-fes mahiëres, 'pour ne point
aliéner les coeurs des révoltés-, & ne les point faire
rèffemvenir de la - dominàtion qu’ils ont aban1
dôrïnéev I i
- - Quoique te révolté préfenté des Catalans’ doive
être mife au nombre,dèé-gzrê/Tèt:éiviles‘, pmfqù’ellè
a été fufcitéé par dés fiqéts piilffarits &^des penplçs'
i[ui avoient réconnu^ prêté forment de fidélité au
roi Philippe V ; -cep^ftdaht cé foiilèvemënt n’a pas
èu pôUr origine la dureté du gouvernement , ni
l’infra&ion des privilèges de1 ces peuples ; mais
bien lé changement : de Fautorité royale d’uhè
maifon da'ns une a u t r e . ' iJ- j
Quelques grâtàdsde FEfpâgne ; affectionnés à la
itnailbn d’Autriche ; & mécontë'nts^ du changement
auquel ils. p’avoien t : ■ pèinf éu de- * part ont pris
fëcrètéiûent des'fikifons avéc les énnemis de-leur
nouveau roi. Ils n’aurojeht-pas -pu faire - éclater
leurs mauvais dëffeins ,fi lés peuples ne leur avoient
pas ■ étéTàvôVa-Mes.'Iis fe! font- fer-vis ■ 'dés Tuggeftions
des mbihfesî-'ëfpecë doint.fa maifon d’Autriche eft
én pôfféflian dè^fé fèrvir beaucoup plus utilement
ffoifC Ibs uVitéfêts y qu’aucune autre ' püiffance dè
l’Europe^ 8c dVùfant plus^dangerèufe dans un état*,,
cjue nôtrts 'fé^ Mouvements pour l’ébranlçr font
fecrets & impénétrables! ‘ '
Vollà^-dohc rôtigine'i d ’une guerre civile tonte
différeùté;:des autres dont '] ’ài*parlé. Peut-être^
aùrôi^èlfëipü/êtré3ptévenue par un peu plus d’ap-
pHcàtidH fur -lü êbrtdfiité des'premiers grands m ;é -
èonterfts;'mais il âùroit été b.ieh: difficile de pén e-
t rè f - ê ê •' tKbûft al fe tré t’ , *5dbnt l e s : itibme s fe ‘ fo ht
trduv êS''lèsPihaîtres.^Cèpéndà'nt-' i l ‘èft-aifé- de crbirè
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