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Des moyens d'établir des contributions qui parobffènt |
i; pifiesi & n irritent pas les peuples,' r
J’ai déjà parlé des contributions dans le pays
ennemi que. l’on veut abandonner ; mais comme
les règles que j’ai établies » bien loin de pouvoir
fervir pour une. province; que vous voulez con- ,
Jerver»; font tout-à-fait oppofées', parce qu’il faut
«déduire alors tout .ce qui pourroit être de quelque
utilité aux ennemis : au; lieu qu’il s’agit ici de
ménager dès provinces qui doivent donner longtemps
des fecours à votre fouyerain pour fouténir
Ja guerre.
- J’ai déjà dit ailleurs qu’afin que les anciens fujets
de v.otre prince approuvent la guerre , & qu’ils y
contribuent volontiers , il faut leur faire connoîcre
quelle eft jufte & avantageufe, que l’honneur de
la nation y engage„ qu’elle fera de peu de durée,
& donner toutes les raifons qui obligent de prendre
les armes ; que fi la guerre eft défenfive de votre
part, il faut leur repréfenter que, pour leur propre
intérêt, ils doivent contribuer à lever & à faire
fubfifter une armée1, pour empêcher que leurs
maifons ne l'oient brûlées & leurs campagnes dé-
folées, pour les défendre de l’oppreflîon, mettre
à. couvert l-’honneur de leurs femmes, & conferver
les privilèges de leur pay s ; que fi la ^guerre eft
offenfive , il faut leur faire connoître que vous la
portez fur les terres ennemies, pour-recouvrer un
pays qui vous a été ufurpé, ou pour délivrer vos
états des ravages que les. armées eau lent ; que,
dans ce dernier cas , on doit leur faire fentir
qu’ayant une armée füpéneure à celle des ennemis,
on terminera promptement la guerre, &
qu’ils feront, récompenfés des «frais qu’elle leur
coûte par les richeffes des provinces ennemies :
enfin , qu’il fajit leur rappeller les offenfes qu’ils
ont reçues de la nation ennemie, foit par rapport a
leurs villes, à leurs perfonnes, ou à leur religion.
Plufieurs .de ces avis peuvent aufli fervir a l’égard
du pays conquis, lorfque la guerre n’eft pas contre
le prince fur lequel on l’a pris. Mais foit par rapport
à vos anciens ou à vos nouveaux fujets , '
j’ajoute ce qui fuit :
Si les peuples s’apperçoivent que l’argent que
vous leur demandez, fous prétexte de la guerre 9
s’employe à des dépenfes inutiles , touts les expé*-
dients que j’ai propofés deviennent inutiles, parce
que ces moyens perdent leur force , fi la fin pour
laquelle on les met en ufage eft fauffement fup-
pofée : ainfi , tâchez de faire voir aux peuples
que* l’argent que vous tirez cf’eux a fa véritable
deftination , & ne vous conténtez pas de leur
faire paroître, fouvenez-vous encore que la juftice
exige qu’il foit réellement employé pour les be-
foins pour lefquels vous le demandez ; « qu’ils
v o y en t, félon l’exprellion de Tac ite , que vous
yive^fagement & avec épargne, fans donner dans
Jjj» yainçs,.prefefions ; o u , felpn les termes de
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;Do(ce , lie. répandez pas dans le particulier avec
prodigalité ce que vous exigez avec .avidité, de la
•républiquè ». î : ”
; L’empereur Alexandre- Sévère avoir coutume
de dire que le fouverain devoit employer pour le
bien public ce qu’il retire du peuple , & ne pas
sien fervir pouri enrichir fes. amis &. fes favoris.
Peut-être que Sévère fonde ce fentiment fur le
confeil que Mécène donna à Augufte , : lorfqu il
lui repréientoit de s’enrichir plutôt.par l’économie ;
en évitant toute rdépenfè fuperflue, que par des
tributs exceffifs. - - • b .
Cette maxime doit être encore mieux obfervée,
lorfque le pays a déjà beaucoup fouffert par les
mauvaifes récoltes , par des précédentes pertes
, confidérables, par quelque malheur dans le commerce
, ou par les ravages de la guerre , parce
qu’alors, en ne dépenfant même que votre propre
argent, il paroîtroit odieux d’employer a des fu-
perfluités cé qui pourroit fervir' à foulager les
mifères publiques. ’
Quoiqu’Augufte n’eût pas opprimé l’empire par
des tributs, on trouva mauvais qu’il eût donne
un fplendide repas à fes amis, dans un temps oii
Rome éprouvoit une grande cherté.
Si vous voulez vous conferver. laffeélion des
peuples , n’exigez que de petites contributions
d’une province qui n’avoit pas coutume d en payer
de groffes à fon prince. ‘ *
Saint Thomas , confulté par la duchelle ue
Brabant , fi elle pouvoit en confcience impofer
un nouveau tribut fur les Juifs, lui répondit qu elle
le pouvoit ; mais qu’il lui confeilloit, en bonne
politique , de ne pas les furcharger d une impoli
tion trop forte, « parce que , n’étant pas accoutumés
à cette nouvelle charge, ils ne la fupporte-
roient qu’avec répugnance ». Ce font les dernieres
paroles de ce faint.
J’ajoute que fi un pays payoit moins que les
autres du même fouverain , ce devroit etre^ en
vertu de quelques .privilèges , par des fer vices
rendus à la couronne1, ou en confideration .de; la
ftériiité & de la pauvreté de ce même pays.
Le chevalier Borri donne pour confeil, que
lorfque le prince met un impôt, par exemple fur
les cartes-, il doit donner à entendre qu’un de fes
motifs elt de rendre le jeu plus cher , & par-la
d’abolir infenfiblement fon pernicieux ufa^e, qui
eft fi fort enraciné, qu’on ne fçauroit le défendre
tout d’un coup fans caufer quelque trouble.
Quand même l’expédient que Borri propofe
fuffiroit pour faire croire au peuple que cette
augmentation de contribution tend au bien public
j.le nouvel impôt ne doit jamais être exceflif,
fi vous ne voulez pas diminuer le produit de
cette impofition ; car, pour me fersir du meme
exemple , les peuples n’en joueront pas moins;
mais, s’ils ne fe fervent à prélent d’un jeu de cartes
que deux heures , ils n’en changeront alors que
tout? les deux jours. : ainfi, il fe vendra beaucoup
moins de cartes ; la contrebande en fera plus
gr..a...n.. .d...e..1 , ~&~ par conféquent les Udr1oUiItUs VdJuU IfWouUvVeCrIadilnl
diminueront réellement, au lieu de les faire aug
menter par ce nouvel impôt.
Les contributions les plus abondantes, & que
l’on paye avec moins de répugnance, font ordinairement
celles qu’on.demande fous le nom de don
gratuit, parce que le.fujet fe perfitade qu’on doit lui
Ravoir plus de gré de ce qu’il paye volontairement
que de ce qu’il donne par force. Ainfi, quand vous
douterez fi vous pouvez contraindre une province
à payer une impofition, ayez, recours à cet expédient.
Lorfque David , au lieu d’exiger une impofition
forcée , demanda à fes fujets un don gratuit ,- pour
les matériaux 8t les ornements du temple , la
contribution fut abondante, & l’écriture fainte
fait obferver « que le peuple y contribua avec
jo ie , parce : qu’il donnoit fans contrainte«.
Joieph approuve beaucoup l’expédient dont fe
fervit le .grand-facrificateur Joad, qui reçut ordre
de Joas de lever des contributions. Craignant d’ex-
. citer un loulèvement dans l’état,. s’il les exiveoit
autrement que comme un don. gratuit, il tira'
gracieufement de chaque particulier beaucoup plus
quil nauroit fait par les contributions, & tout
le. peuple fut charmé qu’on fe fût fervi.-de cette
manière douce pour lui demander quelque petite-
partie de fes' biens. Jofias, roi de Juda , en ufa
de la même forte.
Il feroit .bon que quelques-unes des perfonnes
qui-vous font affidées .offrifient d’abord un don
confidérable, quand même on devroit enfuite le
leur rendre fous main, afin que les autres fujets
du même rang, pour rie pas paroître ni moins
liberaux, ni moins affeélionnés. à leur prince,
les imitent; ce qui aura encore plus d’effet, fi
les perfonnes-qui ont donné l’exemple font du
nombre de celles dont les a étions ont coutume
d’etre fuivies, , i ,
. Les Romains-, fous le confulat de Marcus Vale-
rnî.s . ,orvinus ^ de Marcus Claudius Marcellus , - I
reluioient de vouloir contribuer .aux frais de la
guerre; ces confuls. perfuadèrent aux fénateurs de !
commencer par offrir un don gratuit confidérable, !
dont -les. confuls eux-.mêmes ne voulurent nas
meme etre exempts : dès-lors cet exemple- fut
inivi par la nobleffe & enfuite par le peuple. .
Lorfque vous exigez quelques contributions extraordinaires
d’un pays-, prenez en payement les'!
denrees & autres chofes qui, dans chaque ville I
ou dans chaque province, font les plus abondantes,
parce que toutes ces chofes , trafiquées par des
intendants de finance ou par des commiffaires ,
font le meme revenu pour le prince , fans appau- '
v-rir les fujets ; fouvent même ces denrées peuvent
etre telles ; qu'il ne foit pas befoin de les trafiquer :
enfin, de- quelle forte.quelles foient, de l’atgent
<re!lre en leSl vendànt> on achète ce qui
elt neçefljure pour votre armée, , ^ j
' . • ?— ? Cil îu a r i l l«
pour aller conquérir Carthage , prit des peuples
de Gere du bled & des vivres pour fon armée
navale ; des Tarquinois, de la toile pour lés voiles ;
des- Volterrans, quelque peu de froment,. des.'
armes & autres choies lemblables ; des Artihs, de'
1 argent, des cafqués , des. moriorts , des lanfces
des épieux & des haches ; des Peroufins , des«
Ghiofins & des Rofilans , il prit les bols pour:
conftruire les vaiffeaux : ainfi , en demandant ce
que pouvoit faire moins de faute à chaque province
, fans appauvrir les peuples fournis à Rome
il eut tout ce qui lui.étoit néceffaire pour équiper
isc-entretenir une armée de terre & de mer qu'il
leva promptement. . . , •
Drufas,:voyant qne le pays-des Frifonslétoit
pauvre en tout, excepté en troupeaux, n’exigea
d autre conmbutton qtfun certaianonibre de.peaux
de boeufs pour couvrir les boucliers & chauffer les
Soldats.
Ayez beaucoup de foin que la répartition des
contributions foit proportionnée à la richeffe
id e chaque lieu,, aux biens & aux revenus de
| chaque toaTticuiiers c’eft un prétexté de nos livres-
iamts. Selon la remarque -de Jufte-Lipfé, ordlnai-
! rement on fe reffent moins de la. pefanteur du
poids que de l’mégàlité de la charge. Comine
Ventura , dans, fa relation ■d ’Angleterre , s-’étend
avec eloge fur ce que cette maxime avoit. été
exactement obfervée dans cette île.
; _ Je ne crois'pas que jufqu’à préfent on ait vu
lur cette matière rien de plus, parfait & déplus
îuite que je reglement pour les intendants, que le
roi mon maître fit faire le 4 juillet r7 i8 : on v
! prend tontes les précautions nécefiaires , afin que
! es ,uêes >. Par affeftiqn ou par haine, ne favorifent !
pas certains particuliers au préjudice des autres , .
& qu’il taxe chacun a^proportion de fes revenus
& de fes biens , deduâion faite des penfions dont
les biens font chargés. ; ; «
Les .receveurs des contributions peuvent beaucoup
fervir aies rendre moins fenfibles au peuple,
en les exigeant fans rigueur, ayant foin de repréfenter
a chaque lieu que l'exactitude avec laquelle
il payera fera une preuve de fon zèle à l’égard du
fouverain , & le mettra à couvert' des détachements
ou des foldats à diferétion qu’on pourroit
ly .envoyer ; au lieu que des receveurs d’un génie
•violent irritent davantage les peuples par la rudeffe
de leurs traitemems.que- !a demande des contributions
n avoit fait : il ferbit donc à propos de choifir
pour receveurs des hommes prudents & adroits
“ ,Jai v u , dit le Seigneur, l’affliflion de mon'
peupie dans Egypte, & j’ai entendu fes c r is ,,
a c„ufe de-la durete de ceux qui préfidoient
aux ouvrages ;.. & connoiffant fa douleur , je fuis
defeendu pour le délivrer .des mains des -Egyp-
. I>’*»perent ..Antonin-le-Pieuxspar une. de fes
ordonnances.,; enjoignit aux jeceveurs de fes