
nombreux de cavalerie, dès qu’elle appercoit fon'
ennemi , elle le met en colonne , couvre fon
iront & les flancs avec Tes piques, & attend avec
tranquillité^ derrière cette efpèee de digue que
1 eicadron foit venu s y brifer, Eft-on en bataille,
remarque-t-on que les rangs commencent à le
ployer, a fe confondre, les ferre-files croifent leurs
piques , & offrent aux fuyards un obftacle- prefque
inlurmontable. C ’eft ainfi qu’en agit le roi de
Prufle. Dans une mêlée ÿ une furprife de polie,
un officier fe trouve ferré de très près, il prend
Ipn piftolet, tire à bout portant, St fauve la vie
en immolant celle de fon adverfaire : il en agit
de la meme maniéré , quant en faifant une patrouille
pu une ronde, il tombe dans une embuf-
çade f i l prend le même parti dans ces circonftances
malheureufes ou l’efprit de révolte rend le facrifice
du chef des faélieux néceflaire.
•Je ne dirai point quel eft de ces deux avis celui
qui me paroît le plus fage , je me contente de les
rapporter touts deux, St je iailfe au génie de nos
îegiüateurs , guidés par l’expérience, le foin d’ap-
precier les raifpns que les différents partis ont
.allégués. ( C. )
Fusil-pique. L e fu fil-p iq u e , à quelques changements
près » n’eft autre chofe que le fujîl du dernier
modèle , ou tel autre qu’on voudra lui préférer
; en voici la différence. ( Foyer ( fie. 300') A B .
C D ,E F , G If.'). Son bois n’a que trois pieds trois
poupes ; niais il eft plus gros d’une ligne dans la
partie comprife entre la lous-garde St la première
chappe. A la partie antérieure du canon font
adaptés deux gros porte-baguettes 1 , 2 , dont la
tormç de^ l’un & de l’autre , reffemble affez à la
.douille dune bayonnette renverfée, comme on
peut le remarquer dans fa figure L , qui repréfente
en grand une partie de cette arme. Dans ces deux
porte-baguettes eft une hampe , 5 , 6 , longue de
trois pi.çds trois pouces, qui fe gîte dans le bois
de la même manière que la baguette. Cette hampe
eft un canon qui, dans toute fa longueur, eft de
meme epaiffeur & de même calibre que celui du
f u f i l a fon embouchure, fortifiée par un bâton de
bois de lapin , qui le remplit très-exaâement :
.elle a trois boutons femblables au guidon du fufil
dont deux fervent à la retenir & à la fixer dans les
porte-baguettes lorfqu’on la tire pour faire h pique;
&. le troifième à recevoir la bayonnette 9 qu’on
allonge de fix pouces, & qui, au moyen d’un petit
reffort pratique au bas de fa douille, tiçnt au canon
de manière à n$ pouvoir s’en détacher - fans y
mettre la main. La baguette placée àu côté gauche
du fufil., entre le canon St la hampe, coule dans
un porte-baguette, 7 , S,figure Z , adhérant aux
deux grps , qu’on appelle porte-hampe, & y eft
tres-bien. La .croffe du fufil-pique, eft coupée fur:
fa longueur en deux parties; & au moyen d’une
charnière pratiquée dans le milieu & fur toute la
largeur de la plaque du talon , on peut, en renveiv
la partie, fupérieure , 9 , 1 0 , allonger Je fufil de
fleuf pouces St demi, & lui donner au bèfoin un
talon, 11 » pointu & ferré , fixé par un reffort très-
folide , mais aife à détendre , pratiqué au point 12
de la partie inférieure de la croffe ; la partie fupé-
rieure eft auffi fixée au point 9 par un petit reffort.
La principale objeétion qu’on ait faite fur le
fufil-pique 3 St la première qui s’offre- à l’imagination
, eft la pefanteur ; mais ce qui pourra paroître
fort extraordinaire à ceux qui ne l’ont pas vu ,
c eft quil ne pèfe exaélement que deux livres de
plus que 1@ fufil dont fe fert a&uellement l’infan- -
terie ; mais cette augmentation de poids ne doit être
d aucune Confidération dans une arme fi redoutable
& fi commode : ajoutez que le prix e ft, à
bien peu de chofe près, le même que celui du
jufil ordinaire. ( Cette objeélion nous a été faite
par un officier-général qui a ajouté que ce fufil
ieroit fujet a la rouille. C e dernier inconvénient
eft infeparable du fer ; mais on le prévient avec
du foin. Quant a la pefanteur, il n’a pas fait atten-..
tion que le fufil-pique ne pefant qu’onze livres St
demie, la pique dont on fe fervoit encore au
commencement .de ce fiècle, pefoit cinq livres
& demie de plus. Nous fommes donc bien dégénérés
, heu quàrn dégénérés ! )
' Quant au manimènt de cette arme , qu’on a
fait taire St repeter à plufieurs folçiats, comme
fu f il, il eft tout auffi facile que celui dif fufil dont
on fe fert aujourd’hui; S t, comme pique, on s’eft
convaincu par toutes fortes d’expériences qu’elle
a autant de mobilité St de folidi-té qu’il' eft né-’
ceffaire , outre qu’alongée de cette-manière, elle
laiffe .la liberté de faire feu tant qu’on voudra.
Explication des figures de la planche qui repréfentt
le fufil-pique.
AB repre fente un fufil-pique de la même longueur
que le fufil du dernier modèle , St dont on peut
faire le même ufage que ce dernier.
C D , fufil-pique vu du côté de la baguette.
E F , le meme dans fa longueur moyenne, qui
de 7 pieds 4 pouces. On le met à ce point
en arrêtant le fécond bouton de la hampe dans
le premier porte-hampe, oh il eft contenu par un
petit reffort.
G H , le même dans toute fa longueur, qui eft
de 9 pieds.
En adoptant cette arme , dont le feül afpeâ fait
affez fentir touts les avantages1, nous voudrions
qu ç>n donnât au foldat une épée courte, appèllée
anciennement hracquemarty dont la lame, longue
de 20 pouces ; y compris un talon de 15 lignes,
feroit large St tranchante des deux côtés, dont la
monture feroit de cuivre, St la poignée de corne
ou de bois, & qu’il porteroit de manière à ne point
embarraffer tes jambçs dans les marches & les
mouvement^
Ave c cela, en attendant qu’on revienne fur la
néc^fii^e de reprendre les armes défenfives, dont
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J’abandon a été caufé par la molleffe St l’indifri-
pline, nous dirons qu’il faut que le foldat ait le
devant du corps couvert d’une armure légère, mais
affez forte pour réfifter aux coups de fufils tirés
à une certaine diftance , St qu’en outre on lui
donne des demi-braffards St un cafque en état de
parer au moins les coups d’armes blanches. Il eft
fur qu’un homme qui a de bonnes armes en main ,
& qui fe fent la tê te , la poitrine St la principale
partie des bras à couvert des bleffures, doit fe
battre avec plus de courage & d’affurance. ( C ’eft
l ’avis de Montécuculli St de beaucoup d’autres
après lui. Cet auteur fait mention d’uii bouclier
compofé de deux cuirs préparés dans le vinaigre,
qui, appliqués l’un contre l’autre, réfiftent au coup
. de fufil. La découverte d’un tel fecret feroit très
précieufe , puifqu’on pourroit en profiter pour faire
1 armure du foldat. C ’eft bien le cas d’offrir un bon
prix au premier qui trouveroit une arme défenfive
de cette efpèee, ou quelque autre qui , par fa
réfiftance, l'on poids St fon prix , foit praticable
pour l’infanterie. ). A la bataille de Tours, la plus
importante qu’il y ait peut-être eu^en Europe, les
Arabes, au nombre d e . quatre cents mille, fans
armes défenfives, furent taillés en pièces par trente
mille Francs qui étoient couverts de fer. On trouve
dans rhiftoire quantité d’exemples de cette efpèee ;
mais leur multiplicité n’eft pas néceflaire pour faire
fentir une vérité qui fe préfente fi naturellement
à fefprit.
On a cru, en quittant la pique, que le fu f il,
avec fa baïonnette à douille ,• pourroit la fuppléer ;•
& depuis que ce changement eft arrivé , plufieurs
taéliciens ont adopté cette idée , St fait touts-leurs
efforts pour la perpétuer, en démontrant, par des
raifonnements & des calculs , que la force de l’infanterie
pour la réfiftance, St fon impulsion pour
le choc ,- réfutent dans une certaine profondeur de
files.; d’autres , quoique dans ces mêmes principes ,
ont infifté pour les armes longues ; mais , puifqu’il
.eft vrai que l’ordre profond donne tant d’avantages
a l’infanterie dans l’attaque comme dans la défenle,
il eft bien certain qu’on ne peut mieux faire que de
rétablir les armes de longueur, d’autant que le fuccès,
fi defirable dans toutes les opérations de la guerre,.
en fera bien plus affuré. C ’eft en raifonnant de la
forte que nous nous fommes décidés pour la pique ;
& nous avons fenti que , fi nous pouvions parvenir
a la réunir avec le fufil dans une même main, d’une
manière commode & fu ie , il ne refteroit plus-
d’objeélions à faire fur le mélange des armes. Cette
dernière idée a déjà donné lieu à plufieurs inventions^:
les uns ont propofé d'allonger le fufil &
la baïonnette; les autres feulement la baïonnette;
ceux-ci, la baïonnette St la croffe; ceux-ià, d’ajouter
au fufil une demi-pique de fer, mobile par un
reffort, adapté à l’antérieur du canon ; & tout
.nouvellement M. de Maizeroy , dans la même vue
que ces derniers , a publié une arme de fon invention,
qu’il appeljepique-à-feu : mais, û cette arme
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eft plus légère que le fufil-pique, elle réunit moins
d’avantages , & j>réfente avec cela plufieurs inconvénients
, que cet auteur femble lui-même avoir
reconnus, îorfqu’jl dit : au furplus , f i l ’on trouve
quelque inconvénient dans ma pique-à-feu, qu’on f e
ferve , j ’y confens , d’une fimpU pertuifanne longue
de 8 piedf, &e.
Il refte encore une. objeéïion qu’on oppofe toujours
, quoique généralement mauvaife, à toutes
lp.s nouvelles idées militaires. Si le fufil-pique,
dira-t-on, eft fi A vantageux, nos ennemis* s’en
ferviront contre nous. G u i, fans doute, iis pourront?
,en venir là ; mais, en attendant, nous aurons eu
des fuccès. Lorfque nos ennemis auront pris les
mêmes armes , nous nous retrouverons au pair
,& notre avantage ceffera. Rien, fi l’on v eut, n’eft
plus pofitif ; mais alors nous aurons fait le pas le plus
difficile. Accoutumés à joindre l’ennemi, à me--
prifer fon feu, & à le combattre avec toutes fortes
d’armes, nous nous trouverons enfin dans cet état
de for.ee qui, de tout temps, a été bien plus commun
à notre nation qu’à toute autre de celles
auxquelles elle a ordinairement affairé, qui eft?
fingulièrement l’effet de cette heureufe vivacité
qui la earaélérife, & le feul propre à lui donner
toujours furement & promptement raifon de fes
ennemis. En un mot, fi le fufil-pique peut quelque
jour avoir donné lieu à ce changement fi fort à-
defirer dans notre infanterie , il aura été , nous
l’ofons dire, d’une utilité inappréciable à la France^
Le fufil a l ’avantage d’être à la' fois arme de-
jet êc-arme de main, S t , par cette r a i fp n i l eft:
propre à l’attaque St à la défenfe de loin comme-
de près ; fon feu v if, promptement redoublé St
bien diftribué, peut inconteftabkment donner d e
l’avantage , St être d’une très grande reffource
en beaucoup d’occafions; maïs c’eft fur-tout par
La baïonnette qu’il eft très redoutable.
Le maréchal de Puyfégur , qui a fait un- chapitré
en faveur du fufil, conclut que, de toutes les armes-
dont l’infanterie s’eft fervie jufqu’à prêtent-, celle-ci,,
avec fa baïonnette à douille » eft celle qui doit-
être préférée, St que l’on doit s’y arrêter ju-fqu’é
cè qu’on en ait inventé une autre que l’on'prouvé"
être plus avantageufe. Si l’on avoit- befoin çrautres-
.autorités, on n’en manqueroït- certainement pas y
car touts les militaires qui ont écrit fur la taéiique
depuis ce célèbre maréchal , excepté deux ou trois,
ont répété à-peu-près la même chofe d’ailîeurs-
c’eft aujourd’hui un fentiment fi général, qu’il eflr
Inutile de chercher à l’appuyer. On fe contentera
de rapporter quelques exemples pour faire voir
qu’il n’eft pas tout-à-fait fans-fondement..
A là bataille de Caffano, les Impériaux, a la
faveur de leur feu, forcèrent deux fois le pont
du Ritorfo. Folard qui étoit à cette affaire, Si. de
qui nous en avons une relation très curieufe &
très inftruclive , dit « que le feu des ennemis éfoit
£ vif & fi violent-, qjfil ne s'eft jamais rien- y.»
de pareil ».