
fuffira pour que touts fe flattent que vous êtes
pour eux, parce qu’ordinairement on croit ce que
l’on fouhaite.
Le duc de Guife rapporte dans fes mémoires
qu’il entretenoit la nobleffe de Naples du deffein
qu’il avoit d’ériger cette ville en république , 6c
de lui en donner entièrement le gouvernement ;
q u e , d’un autre côté, il faifoit entendre au peuple
qu’il ne vouloit pas laiffer le moindre maniement
à fa nobleffe, dans l’établiffement de la république
dont il les flattoit : il recommandoit aux uns &
aux autres le fecret, afin; difoit le duc, que ceux
qui le feroient vus exclus ne traverfaffent pas
fes deffeins , . ou n’embraffaffent pas le part* de
l’Efpagne.
Le général Monch, qui, après la mort de Cromwell
, méditoit Secrètement de mettre Charles II
fur le trône d’Angleterre, marcha à Londres avec
l’armée Ecoffoife qu’il commandoit ; mais pour ne
trouver aucune oppofition, il ne donna jamais à
connoître s’il étoit plus porté pour le parti qui
vouloit le gouvernement républicain , ou pour
celui qui fouhaitoit le monarchique , qui étoient
alors les deux faéfions qui divifoient toute l’Angleterre.
Par cès marques extérieures d’indifférence,
il fut reçu des uns & des autres avec une extrême
jo ie , parce que chaque parti fe flattoit de gagner
la proteérion.
Djes précautions dans une guerre contre les barbares.
J’ai traité, des exercices qui, en général, conviennent
aux troupes ; mais fi vous avez à faire
la guerre contre des nations barbares , inftruifez
les chevaux à ouir, fans s’épouvanter, les divers
inftruments de guerre dont ces nations fe fervent ,
& accoutumez-les à voir les chameaux 6c à s’en
approcher, afin qu’ils ne s’effarouchent pas à la
vue & à l’odeur de ceux-que les Turcs , les Africains
& autres mènent aujourd’hui dans leurs
armées. Je dis la même choie des éléphants, s’il
y en a dans l’armée des ennemis.
Sémiramis , reine des Affyriens , fe préparant à
la guerre contre les Indiens , fit faire , avec des
peaux de vaches , des figures d’éléphants, afin que
l e s chevaux, accoutumés à. Voir ces faux éléphants -,
n’euffent pas frayeur des véritables, que ces Indiens
menoient dans leur armée.
Il feroit à propos d’ufer en même temps de
quelque invention capable de mettre en déiordre
les chevaux ennemis , afin de tirer avantage
d’une nouveauté q u i, comme je viens de le faire
voir , peut fe convertir en danger , lorfqu’elle
n’eft pas prévue , & qu’on n’a pas foin de prendre
les précautions néceffaires contre une cavalerie qui
n’eft pas accoutumée à l’odeur ou au bruit de la
poudre : il feroit peut- être utile de mettre en
ufage l’expédient de don Diègue d’Ala va , dont
je parlerai en traitant des dijpojîtions ayant une
kata'dle*
Plutarque nous apprend que Marc-Antoine mit
facilement l’armée des Parthes en déroute, pareè
que leurs chevaux s’épouvantèrent du bruit des
armes 6c des cris de guerre des Romains.
Les nations barbares ont ordinairement dans
leurs armées beaucoup de cavalerie légère , qui
continuellement inquiète leurs ennemis par des
attaques imprévues ; & fi , dans quelque occafion,
elle ne les trouve pas fur leurs" gardes, elle les
extermine. Pour remédier à ce danger, le meilleur
expédient eft de fortifier toujours le camp où vous
devez vous maintenir quelques jours , à l’exemple
de Bêla IV, roi de Hongrie, qui fortifia le fien
contre l’armée des Tartar-es, commandée par le
roi Bato.
. Si une grande partie des barbares eft armée
d’arcs, de dards , d’azagayes 6c de frondes,
comme cela eft ordinairement, je crois que fi
vos foldats n’ont pas de cuiraffes , il faut leur
donner des camifolles garnies par-devant’de coton
ou de laine en plufieurs doubles , 6c dont les
bafques couvrent la cuiffe , ou donner aux deux
premiers rangs d’infanterie des boucliers, qui ne’
lès empêcheront pas de porter un léger fufil en
bandoulière ; ils mettront de la même manière
leurs boucliers , lorfqu’ils fe voudront fervir du
fufil, afin que les ennemis venant à les charger
avec leurs pierres, leurs flèches 6c leurs dards ,
les deux autres rangs, en mettant un genou à
terre, foient couverts par les boucliers des deux
premiers rangs ; car ces fortes d’armes à lancer,
n’ayant pas la même force que la balle, il arrive
rarement que ceux qui font derrière foient bleffés*
Solis, parlant de cette forte d’arme défenfive ,
en forme de cafaque, qu’on appella efcaupile , 6c
dont les troupes d’Hernan Cortès fe fervirent dans
la conquête de la nouvelle Efpagne , dit que la •
néceffité fit imaginer cette invention, que l’expérience
approuva enfuite, ayant reconnu qu’un peu
de coton , mollement piqué entre deux toiles ,
valoit mieux que l’acier, pour réfifter aux flèches
& aux dards dont fe fervoient les Indiens, parce
que ces armes perdoient leur force dans la mob:
leffe du coton , & n’avoient plus d’aâion pour
rejaillir contre un autre & le bleffer.
Marc-Antoine , fé voyant invefti par l'armée
des Parthes armés de flèches, ordonna aux foldats,
en recevant la charge, que ceux du fécond rangx.
côuvriffent, avec leurs boucliers , ceux du premier
, qui avoient un genou à terre ; que le troi-
fième rang feroit la même chofe % à l’égard du
fécond & le quatrième à l’égard du troifième.
La. pratique ordinaire des anciens Romains étoit
que des quatre rangs de leurs vieux foldats, qu’ils
appelaient Triaires , & qui étoient touts armés de
boucliers, le premier mettoit un genou à terre ,
le fécond baiffoit un peu le corps, fe penchant
fur le devant ; le troifième fe baiffoit un peu'
moins, 6c le quatrième étoit debout, touts couverts
d€ leurs bçucliers : ce qui fe doit entendre*
tn recevant la charge lors d’une aâioil dans le
camp ; car, pour s’approcher des murailles des
places, ils obfervoient un ordre différént ; & ils
appelaient cet ordre la tortue : alors ils mettoient
les boucliers fur la tête ; les foldats du premier
rang étoient debout, 6c ceux des autres rangs
étoient baiffés proportionnellement & par degrés.
Mais cette 'matière h’eft pas de mon fiijet ; 6c fi
j ’ai propofé de faire mettre lin genou à terre au
troifième & au quatrième rangs, c’eft que je les
fuppofe fans boucliers.
Je dirai dans un autre endroit que la diverfité
des armes offenfives doit fe régler félon les différentes
armes dont fe fervent les nations contre
lefquellês on fait la guerre ; je ferai voir comment
il faut pofter chaque corps dans un terrein où il
puiffe fe fervir avantageufement des armes qu’on
lui donne.
On feroit un traité affez long, fi l’on vouloit
décrire tout ce qui fe pratiquoit par rapport aux
chars armés de faulx, 6c aux éléphants que les
Africains , les Afiatiques & autres nations avoient
anciennement dans leurs armées ; mais comme ces
chars & ces éléphants ne lont plus en ufagé parmi
les Africains, contre lelquels feuls nous pourrions
avoir la guerre, & que je ne fçais pas même s’il
y a encore quelques peuples qui s’en fervent dans
les armées, je n’en parlerai que fuccintement, &
feulement pour fatisfaire un peu la curiofité du
kéleur qui ne feroit pas verfé fur ce point d’hif-
toire : on mettoit fur les éléphants des tours de
bois , dans lefquelles s’enfermoient quelques combattants.
; Chaque éléphant portoit fon gouverneur armé
de toutes pièces, dont l’emploi étoit c!e conduire
l’éléphant contre la troupe des ennemis que l’on
avoit deffein de rompre, afin que par les vuides
que les éléphants ouvroient, les troupes qui s’y in-
troduifoient, achevaffent de remporter la vi&oire-
maisfiles éléphants épouvantés retournoient contre
leur propre armée , chaque gouverneur avoit fur
la nuque du col de l’éléphant un petit caiffôn de
bois , dans lequel étoit un fer extrêmement pointu
Par 1'e k ° ut d’en bas ; de forte que le gouverneur
€n donnant un coup de marteau fur 1 * bout d’en
haut, lelepant tomboit mort avant qu’il eût pu
mettre le défordre dans fa troupe. On poftoit les
éléphants dans la partie des lignes dont le terrein
étoit le plus uni ; parce que dans un terrein rude
ou couvert, on ne pouvoit pas les manier à caufe
de leur pefanteur naturelle 6c du poids de leur
charge.
On les piquoit avec des aiguillons pour les faire
avancer, & on les animoit par des cris.
Pour fe défendre contre l’attaque des éléphants,
on uloit des précautions fuivantes.
I Jules Cæfar avoit obfervé qu’en les bleffant au
flanc, ils prenoient la fuite ; mais cela n’étoit pas
a i le , parce qu’ordinairement ils étoient armés.
Quelques-uns, après avoir frotté des cochons
de p oîx , 6c y avoir mis le feu , les chaffoient vers
les éléphants, qui, épouvantés par le grognement
des cochons & par l’odeur de la poix, retournoient
fur leurs pas.
Quelques autres ouvroient fur leur chemin de
petits foffés couverts de gazon , & faifoient tomber
les éléphants, qui ne pouvoient plus fe relever,
ce qui fe pratiquoit aufli contre les chars armés de
faulx. Pour empêcher le paffage des uns & des
autres , on fe fervoit fouvent de paliffades ou de
piquets plantés en terre , qu’on bordoit d’un rang
de loldats. Ces paliffades 6c ces piquets étoient
couverts'jufqu’à ce que les éléphants fuffent auprès,
parce que fi les ennemis s’en étoient apper-
çus de loin , ils auroient fait avancer leurs éléphants
& leurs chars armés de faulx par une
autre partie de la ligne.
L’expédient le plus ordinaire 6c le plus efficace
contre les uns & les autres, étoit de leur ouvrir
un paffage , 6c de refferrer la ligne immédiatement
après, ayant tâché en paffant de bleffer au flanc
les chevaux 6c les éléphants, & de tuer leurs gouverneurs.
Quand les ennemis faifoient avancer les
éléphants avec de grands cris , on les recevoit en
filence, afin que rien ne les empêchât de franchir le
paffage qu’on leur laiffoit libre : mais quand les ennemis
les detachoient en filence, on leur oppofoit
des cris, des piques , des dards 6c des pierres lancées
avec la fronde , pour les obliger à retourner contre
l’armée d’où ils étoient partis; les chars avoient
leurs effieux & leurs côtés armés de faulx ; ils
étoient tirés par des chèvaux couverts dermes
défenfives, & conduits par des hommes armés de
toutes pièces. Ordinairement il y avoit des com-
battants fur ces chars, 6c ces^ chars étoient garnis
j de groffes planches, pour fervir comme d’un pa-
| rapet. En traitant des difpojîtions avant une bataille*
j je donnerai une idée luccinte de l’ordre de
j bataille des anciens.
| ' L’empereur Léon dit, que parmi les Africains
&Tes autres peuples barbares, une multitude de
volontaires fuit les armées, uniquement dans l’ef-
I perance du pillage ; ainfi dans une guerre contre
J ces nations, évitez les riches & les trop gros équipages
, pour ne pas vous attirer un plus grand
\ nombre d’ennemis, par l’amorce d’un plus confi-
derable butin. Quoique cet avis ne paroiffe pas
important, il faut s’en fervir comme d’un prétexte
pour éviter l’embarras, l’incommodité-, & mille
autres inconvénients que caufent les trop grands
bagages. ■ °
Le chevalier Comazzi a obfervé que l’empereur
Adrien traita d’abord de faire la paix avec les
Scythes , par la crainte qu’il eut qu’ils ne vouluflent
continuer avec obftination la guerre, dans l’efpé-
rance d’enlever les riches équipages des généraux
de Rome.
P olyb e, parlant des Romains , q u i, fous le
conful Lucius Emilius, combattoient contre l’opti*
tente armée des Gaulois, d it; « qu’ils étoien*