
Ces c r i s , que faifôient les armées ne furent pas
toujours, ainfi que je l’ai dit , des hurlemens de
voix confufes ou des huées, ce furent certains mots
différents félon les nations, & même félon les
religions. Dans la première Cro'ifade, le cri de guerre
de T armée chrétienne étoit dieu le -veut, ou dieu
nous aide ; les auteurs de ce temps en font fouvent
mention; .& les Normands' , dit Orderic Vitalis,
crièrent & prononcèrent avec fo i, dieu nous aide.
Celui de dieu le veu t , on le voit dans l’hiftoire de
Jérufalem dans' l’armée des chrétiens il n’y aura
que ce feul cri de guerre : erit u hiver fis hâte ex parte
de't m a voci feratio, deusm v u l t , deus v u lt.
Le Cri de guerre propre des rois de France ,
principalement quand l’ufage fut introduit de porter
l’oriflamme dans lès armées,: étoit montjoie S a in t
D e n is . On voit par nos hifloir.es , fur-tout depuis
les premières guerres de Philippe Augulle jufqu’au
règne dé Charles V I I , que c’étoit l’unique, ou le
plus ordinaire.
Mathieu Paris', auteur du treizième fiècle , en
parie comme cri 'd’armes des rois de France dans
un combat qu il rapporte d’Henri I I I , roi d’Angleterre
, il dit que' les uns crièrent d’une façon
terrible a u x armes, a u x armes , les autres, r o y a u x ,
r oya u x j enfin M o n tjo ie , c’eft-à-dire lés différents
cris des rois qui cômbatto’ient. Mais on ne fçait fi
cet auteur &touts les autres qui en ont parlé, entendent
de la même manière la Lignification de ce
mot ; les uns difant moritis gaudium , les autres ,
hieurn gaudium. Arderic Vitali-s-femble le fixer pofi-
tivement à cette dërnière acception : f e d ingrejjî,
d it-il, meùm g a u d ium , qùod franCorum Jignum eft i
clamaverunt. Malgré cette autorité, il paroît difficile
de fixer l’origine de ce mot.
Robert Cenal, évêque d’Avranches, dit que
C lo v is , dans un extrême danger à la bataille de
Tolbiac, contre les Allemands, invoqua S. Denis,
dont la reine Çlotilde lui avoit parlé plufieurs fois ,
& qu’il cria montjoie S a in t D e n i s , comme voulant
dire que fi faint Denis le fauvoit de ce péril, &
lui faifoit remporter la viéfoire , il feroit déformais
fon fauveur, fon Jupiter. Le même auteur
ajoute que de monjove, qui fut depuis le cri de
guerre des François , on a fait montjoie.
Pafquier , dans fes recherches fur la France ,
c roit, avec Orderiç Vitalis, que montjoie a été dit
au lieu de ma jo ie ; comme fi l’on vouloit dire ,
fa in t D e n is tria jo ie , mon efpoir, ma confolation.
Mais nos anciens écrivains écrivent mon tjoie, ce
qui ne s’accorde pas avec cette étymologie.
Ducange prétend que montjoie eft un ancien mot
françois qui fignifioit une colline, & que c’eft un
diminutif dé mont ; il en apporte diverfes preuves,
& croit que montjoie fa in t D en is fignifie Montmartre
, ©ü faint Denis foüffrit le martyre : «Mais
j’ai peine à me ranger à cettè opinion , dit le père
Daniel, car Montmartre n’eft point une colline ,
mais une véritable montagne ; elle eft trop haute I
pour qu’en lui ait donné le nom de montjoie, j
comme un diminutif du nom de mont. Elle n’eft
nulle part appellée du nom de montjoie : nos
anciens hiftoriens la nomment mons martis, mons
mercurii ; je doute fort fi le nom de Montmartre
ne tire pas plutôt fon origine de mons martis, que
de mons martyrum, quelqu’autorifée que foit cette
étymologie , par. la piété des Parifiens. j j, ( Pour
donner au Montmartre le nom de montagne, &
lui refufer celui de colline, il falloit que le père
Daniel n’eût vu ni les Alpes ni les Pyrénées, ni
même l’Auvergne.)
Borel croit que montjoie eft un mot corrompu ,
&. que l’on cria d’abord moultjoie, faint Denis'efl
notre protecteur.
Quoi qu’il en foit de l’étymologie du mot, il
eft certain que c’atoit le cri de guerre de nos armées 9
comme celui de faint Jacques étoit celui des Caf-
tillâns; faint George, celui des Ang\oïs‘, faint Yves,
celui des ducs de Bretagne ; faint Lambert, celui
des Liégeois & ainfi.des autres., félon la dévotion
& la confiance que chaque peuple avoit en
quelque faint qu’il regardoit comme fon proteéfeur.
Outre ces cris nationaux , les feigneurs & certaines
familles en avoient qui leur étoient propres..
Celui des Montmorenci étoit, dieu aide premier
chrétien. Les Baufremont avoient le même , apparemment
par la même raifon ou la même prétention
; fçavoir, que comme les Montmorenci pré-
tendoient que le premier feigneur François qui
fut baptifé après Clovis, étoit un de leurs ancêtres ;
de même les Baufremont, félon quelque femblable
tradition, croyoient que le premier feigneur Bourguignon
qui embrafla la religion chrétienne , après
le premier roi chrétien de cette nation , étoit la
tige de leur maifon.
Quoique dans les combats le cri du prince fut
celui de toute la nation ; cependant chaque ban-
neret avoit le fien, qui devenoit le cri commun
de tout le corps & de toutes les autres bannières
qu’il commandoit.
Cela n’empêchoit pas que , durant le combat
les foldats ne criaffent, en certaines.occafions, le
cri du capitaine qui les commandoit immédiatement.
Froiïïart raconte qu’avant le combat qui fe
donna au pont de Commines l’an 1382, le Maréchal
de Sancerre ordonna que chacun fit le cri de fa
bannière , quoique les bannerets n’y fuffent pas
tous ; afin de faire croire aux Flamands que les
troupes frànçoifes étoiënt plus nombreufes qu’elles
ne l’étoient en effet. « Là crioit-on , ajoute l’auteur
, faint Dy Laval, Sancerre , Enguien , &
autres cris qu’ils crièrent , dont il avoit Gendarmes.
». C’eft ainfi que depuis l’abolition des cris
d’armes , en pareilles occafions, un commandant
a quelquefois fait fonner quantité de^ trompettes,
de tambours , de timbales ; battre la marche fran-
çoife, la marche fuifle , celle des dragons, pour
faire croire aux ennemis qu’il y avoit beaucoup
plus de troupes qu’ils ne penfoient.
Quoique le cri de guerre fut en général celui dq
banneret qui commandoit les autres bannières, &
que ce banneret fut le plus qualifié, cependant, .
comme il pouvoit ne pas être le plus habile général
, quand il étoit queftion de donner un
combat, les bannerets choififlbient entr’eux un
commandant pour l’aéfion. Le cri de guerre étoit
alors celui de ce commandant. Nous-en avons, un
exemple dans le fameux combat de Cocherel,
fous Charles V , en 1364, ou lés commandants
furent Jean de Grailly , captai de Bufch , du côté
des Anglois & Navarrois , & Bertrand du Guef-
clin pour la France; en conféquence, le cri fut
notre- dame-Guefclin.
Ces cris fe faifôient non-feulement fur le point
de donner, mais encore pour levralliement, ou
quand le banneret étoit en danger ou preïïe par
l’ennemi.
Ces cris, dans ces occafipns, s’appèlloient cris à la ‘
recoujfe : c’eft un .Vieux mot françois qui fignifie
délivrance , comme celui de recous fignifie délivre.
Comme • il n’étoit pas permis aux cadets de
porter les armes de leur maifon fans brifure, il
femble de même qu’il n’en pôuvoient pas prendre
le cri, fans-y ajouter le nom de leur branche.
Il paroit que depuis Charles VII les cris d’armes
D A G
• D a G U E . Efpèce de poignard à lame tranchante.
Lorfqu’un gendarme en avoit renverfé un
autre, il quittait Ion épée, prenoit fa dague, &
cherchoit le défaut des armes pour la lui enfoncer
: dans; le corps,'s’il ne demahdoit merci : c’eft ce
qui fit donner à cette arme le nom dé miféricorde.
On lit dans Guillaume Guyart :
Plufieurs piétons François ala ,
Qui pour prifonniers n’ont pas, cordes J
Mais çoutiaux ôt miférieordes ,
Dont on doit- fervir en tie x fêtés.
La dague fe portoit à la ceinture. On en faifoit
ufage dans le bas empire ; c’étoit ce qu’on nom-
moit alors para\onïum.
DÉBLAI. Tranfport des terres inutiles. On
fait le déblai des terres provenant des fouilles &
excavations des foflês & fondements d’une place
ou d’un ouvrage que l’on va conftruire. ( Voyc^
F o r t if ic a t io n . ) .
DÉCAMPEMENT. Levée d’un camp.
DÉ C IM A TIO N . Peine militaire infligée à la
dixième partie d’une -troupe. La décimation eft
■ ordinairement une peine capitale. Elle étoit fré**^
quente dans la milice Romaine; mais elle eft aujourd’hui
peu en ufage & avec raifon. Elle eft évidemment
& fouverainement injufte, en ce que
le fort peut feul décider fur quels individus elle
va tomber, & qu’un homme innocent, un brave
homme , un excellent, citoyen, entraîné malgré
particuliers- furent abolis dans les armées, parce
qu’ayant inftitué les compagnies d’ordonnance, Sc
difpenfé par-là les gentilshommes d’amener leurs
vauaux au feryiee ordinaire, les bannières & la
qualité de banneret ne fubfiftèrent plus à la guerre 9
ni par conféquent le cri d’arme ; parce que c’étoit
au nom du banneret ou du feigneur qu’il le faifoit.
Plufieurs de ces cris d’armés fe font conferves
comme devifes dans les écus d’armes de quelques
nobles & anciennès-maifons. ( J , ) ; .
CROIX. V. O rdre de 5. L o u is .
CUI RÀSS.E. Armure défetifive . qui couvre le
corps pardevant .& pardeirière , depuis le 'cou
' jufqu’au bas du tronc. V. A rmes.
ÇUISSART. Armure défenfive qui couvroit les
cuifles.
Ç U N E T T E . Fofle creufé au milieu du grand
'foffé d’une place. On donne,à la cunette environ
vingt, pieds de largeur & fix dé profondeur. Elle
fert à l ’écoulement''des eaux , à rendre plus,difficiles
les furprifes , à 1 retarder Les paffages du fôfle.
Mais afin que l’ennemi n’y trouve pas un couvert,
il eft bon de la flanquer par des caponnières. On
lui donne auffi le nom' de cuvette.
C U V E T T E ..F i C u ne tte.
D E C .
lui hors du fentier de l’honneur, eft fouvent frappé,’
tandis que le'coupable & le lâche eft fouftrait à
la juftrce. Il'eft de toute évidence qu’une femblable
peine doit être profente.
D É C L A R A T IO N DE GUERRE. A6ie par
lequel une puiffance ' fouveraine déclare que ,
n’ayant pu obtenir d’une autre puiffance', par la
voie des hégôciations & de la raifon, la réparation
des dommages que cette puiffance lui a caufés,
elle va tenter de l ’y contraindre par la voie des
armes.'
La- déclaration de guerre 1 a été en ufage chez
prefque tôuts les peuplés eivilifés, & même chez
les Sauvages. Les Grecs & lès Romains avoient
à cet égard" des formalités qu’ils manquoient rarement
d’obferver. Les Grecs envoyoient des
"héraults chargés de déclarer la guerre, lorfque .leurs
demandes faites par ambaffadeurs avoient été in»
fru&üeufes.
Chez les Romains ,• la voie des armes n’étôit
point employée, avant que certaines formalités
preferites par la loi euflent été remplies. Le roi
Ancus les établit, & les emprunta de l’ancienne
nation des (Equicoles. Lorfque le peuple Romain
avoit éprouvé quelque dommage de la part d’un
autre peuple,’ il envoyoit un légat en demander
la réparation. Celui-ci, parvenu aux frontières du
peuple agreffeur, fe couvroit la tête d’un voile
de faine , & prononçoit cette formule. « Ecoutez
Jupiter, écoutez frontières, & que la jufticè écoute.
X i j