
il étoit confiant que dans ces commencements &
longtemps depuis , il n’y avoit que des gentilshommes
dont la nobleffe fut bien prouvée , qui
fuffçnt .reçus dans ces compagnies. Ce que je citerai
bientôt du maréchal de Fleurang.es, confirmera
ce qui eft dit ici. Mais en attendant j’ajouterai
une nouvelle preuve ; c’efl que la première
année de Charles I X , on trouve encore le nom
d’un feigneur des plus illuftres maifons du royaume
parmi les cent gentilshommes : c’eft Gabriel de
Beauvau, chevalier fieur de Rivau.
Secondement, chacun de ces gentilshommes avoit
deux archers qu’il entretenoit, montoit & armoit
à les dépens fur fa folde.
Troijièmement y le capitaine étoit abfolument le
maître de fa compagnie ; ôt Heélor de Golart ,
qui le fut dans le temps de l’inftitution , non-feulement
eut la permiffion du roi de choifir lui-même
-touts les gentilshommes , mais encore il les caffoit
comme il jugeoit à propos, & en mettoit d’autres
à la place de ceux qu’il avoit caffés. On voit
même que Jacques de Myolans , qui en étoit capitaine
l'ous le règne de Charles V I I I , donnoit
des lettres de provifions aux gentilshommes pour
leur place dans ce corps : mais cela fut changé ,
& les gentilshommes jugèrent qu’il étoit de leur
honneur d’avoir leurs provifions du roi même.
Quatrièmement y il n’y avoit d’officier en titre
d’office que le feul capitaine, & il dépendoit de
lui de .prendre dans la compagnie quelqu’un des
gentilshommes pour-faire les fondions de fon lieutenant
: ç’efl ce que l’auteur, dont je tire l’hifloire
de ces deux compagnies, remarque & ce qu’il'
établit , fur les rôles qu’il avoit vus de cette compagnie.
L’auteur ajoute, qu’il paroît par les rôles,
que ce ne fut qu’en l’an 1 539 qu’il y eut un lieutenant
d’office aux gages de cinq cents livres ,
les gentilshommes n’en ayant chacun que quatre
cents. é
Le premier changement qu’on peut remarquer ,
eft : que dans la fuite on ne fut pas fi exaéi fur
le choix.des fujets touchant la nobleffe, qu’on
rétoit, autrefois. L’ordonnance du roi Henri III, ,
du i er de janvier de l’an 1585 , fuppofe.ee que
je dis par la défenfe qu’on y fait aux capitaines
de n’enrôler en leur compagnie que gentilshommes
de la qualité requife , lefquels à cette fin ils lui
préfenteront auparavant que de les recevoir. Il y
av-oit .peu d’ordre dans la maifon du roi fous ce
règne , auffi-bien que fous celui de fes deux pré-
déceffeurs, & même de fon fucceffeur , pendant
très longtemps, à caufe des guerres civiles.
fous François I er. Au moins ,ne voit -on rien de
ce que je vais dire dans les hiftoires de Louis X I ,
de Charles VIII & de Louis XII. G’eft que quand
les deux compagnies ç\es gentilshommes alloient à
l’armée , il fe rangeoit fous leurs drapeaux une
infinité de nobleffe volontaire , qui en faifoit un
corps très nombreux, & jufqu’à quatorze ou quinze
cents hommes. C ’eft ce que nous apprenons par
les mémoires du maréchal de Fleurange. Voici ce
que ce feigneur dit là-deffus.
Un. autre changement fe fit dans la première
compagnie peu après fon inftitution. C a r , ayant
été inftituée en 1474 & compofée , outre les cent
gentilshommes y de deux cents archers, deux par
chaque gentilhomme ; le roi Louis XI , en 1475 ,
en fépara les deux cents archers , dont iîffit la
petite garde de fqn corps.
Le troifième changement remarquable fe fit |
« Premièrement , le roi François Ier a pour fa
garde deux cents gentilshommes de fa maifon , gens
expérimentés .& hommes qui ont bien fervi en
bandes , porteurs d’enfeignes , guidons & vaillants
hommes ; cent pour cent ung chef & ung c a p i taine
, dont eft pour l’heure préfente le grand fé-
néchal de Normandie & le vidame de Chartres,
qui font deux gros gentilshommes & bien fondés
en rentes , & baille à toujours lefdites charges à
gens qui font de groffe maifon & ont d’état ; les
capitaines chacun deux mille francs , & les gentilshommes
fous eux vingt écus par mois , & portent
haches autour de la perfonne du ro i, & font garde
êt guet la nuit, quand le roi eft en ung camp ;
mais en touts temps ils le font de jour , & vous
affeure quand cefdites bandes font en armes , que
c’eft une merveilleufement forte bande : car , il y
a aux deux bandes quatorze ou quinze cents chevaux
combattants , & la plupart touts gens expérimentés
».
La folde de ces gentilshommes étoit de vingt
écus par mois du temps de Louis X I , de Charles
V I I I & de François Ier; d’oh vient qu’on les
appelloit les gentilshommes des vingt écus. C ’eft,
ce que nous apprenons par Philippe de Confines. .
Et comme ledit duc vouloit partir , dit cet-
hiftorien , fut pris des Anglois , un valet d’un des
gentilshommes de la maifon du roi qui étoit des
vingt écus ; & en un autre endroit, parlant de la
bataille de Fournouë , je me trouvai du côté
gauche oh étoient les gentilshommes des vingt
écus. Elle fut fixée depuis à quatre cents livres.
Nos rois recevoient eux-mêmes le ferment du
capitaine : & l’on voit par Jes provifions données
à Gabriel Nompar de Gaumont , marquis de
Peguilin en 16 16 , que ce feigneur prêta le ferment
entre les mains du roi. L’enfeigne étoit
comme la lieutenance , une commiflion que le
capitaine donnoit à celui des gentilshommes de la
compagnie qu’il jugeoit à propos. C ’étoit > félon
le prélident de Chaffaing , l’enfeigne qui payoit
les cent gentilshommes & qui femble avoir fait
1 les fondions de major.
j Le dernier changement fut la décadence de cette.
J troupe de la maifon du roi ; il me. paroît que cela
arriva fous le règne d’Henri I V ; car elle étoit
encore en honneur; fous Henri I I I , comme on le
verra dans la fuite. II.y a beaucoup d’apparence
que cette décadence vint de ce que plufieurs de
çes gentilshommes fe rangèrent au parti de la ligue j
& qu’après la paix de Vervins Henri I V ayant
déjà fur pied une nouvelle garde de fes chevaux-
légers, il négligea de rétablir celle des deux cents
gentilshommes, fans néanmoins la fupprimer en
confédération des deux capitaines, dont l’un étoit
Louis de la Trimouille , marquis de Royan, capitaine
de la première compagnie , & Charles
d’Angennes, vidame du Mans, qui l’étoit de la
fécondé.
Je ne fçai fi leur nom «de gentilshommes au bec
de corbin eft fort ancien : l’auteur du livre de
leur origine, qui écrivoit en 16 14 , ne le leur donne
point; mais dès l ’an 1564, fous Charles IX , on
donnoit à leur hache d’armes le nom de bec de
faucon : du Haillan , qui étoit du même temps,
dit : qu’ils portoient en leurs mains le bec de
corbin ; & un auteur, nommé Lupanus , dont le
livre fut imprimé en 1551 , donne à leur arme le
nom de beccum falconis.
Quel étoit le fervice des cent gentilshommes.
J’ai déjà d it , fondé fur les mémoires manuf-
crits du maréchal de‘ Fleuranges , & fur l’hiftoire
de l’origine des deux compagnies des cent gentilshommes
, que ce fut à fon inftitution , &. longtemps
depuis , la plus noble garde de nos rois ; & c’étoit
par oppofition à cette garde, que celle des archers
du corps, fous Louis X I , étoit appeffée la petite
garde.
C ’eft par la raifon de cette prééminence, &
de la valeur de ce corps , qu’une de fes fonctions
étoit d’être autour du roi dans un jour de
bataille.
Ils avoient une fécondé fonélion marquée par
le maréchal de Fleuranges , qui étoit de faire la
garde & guet la nuit quand le roi étoit en un
camp , & bn tout temps de faire la garde de jour
autour de fa. perfonne.
Nous n’avons pas plus de détail de leur fer-
vice , dans les ordonnances de nos rois , qui concernent
ces deux compagnies, jufqu’au règne de
Henri III , qui le marque dans fon ordonnance du
mois de janvier de l’an 1585 , en cette manière :
fa majefté ordonne que les deux cents gentils- ,
hommes de fa maifon ferviront chacun par quartier
près de fa perfonne ; à fçavoir , pour le préfent '
quartier de janvier , le plus ancien pourvu des
deux capitaines avec fon enfeigne, & cinquante
de fa compagnie. Pour le quartier d’avril, &c.
Le premier jour de chacun quartier , le capitaine
ou le lieutenant entrant en charge ( c’eft- à-
dire en quartier,) préfentera à 1a majefté les
cinquante gentilshommes de fervice , & les lui
nommera : les défaillants perdront leurs gages.
Veut fa majefté , qu’aucun defdits gentilshommes
ne foit penfionnaire ni domeftique de qui que ce
foit ; ordonne dès à préfent que ceux de cette
condition foient caffés. Ceci ne fut pas ordonné
fans caufç par le roi Henri III ; c’eft qu’alors le
royaume étoit partagé en faélions ; la ligue y étoit
fort puiffante : le duc de Guife &. les autres princes
de cette maifon avoient par-tout des penfionnaires
& des partifants ; & c’étoit pour empêcher qu’ils
n’en euflént parmi ces deux cents gentilshommes
que le roi Henri III mit cette cîaufe dans fon ordonnance.
Défend ( fa majefté) aux capitaines d’enrôler
en leurs compagnies que gentilshommes de la qualité
requife , lefquels à cette fin ils lui préfenteront
auparavant que de les recevoir, ainfi qu’il
:eft dit. On voit par là qu’il falloit encore alors
faire preuve de nobleffe pour entrer dans ces
compagnies.
Veut aufli fa majefté , que les 'gentilshommes
étant en quartier , fe trouvent en fon antichambre
dès les fix heures du matin, pour l’accompagner
avec leurs haches, comme ils ont accoutumé , juf*
qu’à fon dîner , &. l’après-dînée jufqu’à fon fouper*
On voit par cet article que fous ce règne ils
étoient encore fur le pied de gardes ordinaires du
roi.T
outes les fois que lefdits gentilshommes accompagneront
fa majefté avec leurs haches , ils fe
mettront en haie de chacun de fes côtés : le capitaine
ou celui qui commandera fera le premier
& le plus près d’elle à main droite , & à la main,
gauche un autre chef, ou le plus ancien dt%.gen*
tilshommes.
Si fa majefté eft à pied , ceux defdits rangs qui
feront à côté d’elle , ne pafferont point en arrière
le pommeau de fon épée, &. fi elle eft à cheval*
ne fe tiendront point plus en arrière qu’à la pointe
de fon pied. Ce font maintenant les capitaines
les lieutenants &. les enfeignes des gardes du corps
qui, en accompagnant le ro i, Occupent les places
d’honneur auprès de fa perfonne.
Nul des fufdits ne fera payé qu’il n’ait rendu
l’afliduité & fujétion durant fon quartier , dont il
fera tenu de rapporter certification du capitaine
ou lieutenant , qui aura fervi, pour être payé
par le tréforier, auquel eft défendu de leur payer
aucune chofe qu’en vertu du rôle & de la certification
qu’il rapportera fur les comptes avec leurs
quittances.
Enjoint fa majefté très expreffément auxdits
gentilshommes , chacun en droit foi , d’obferver
de point en point tout le contenu ci-deffus, fous
peine de caffation, & aux capitaines d’en répondre
fur leur honneur.
On peut ajouter ici que dans la première institution
on exigeoit tant de régularité dans ces
gentilshommes y que Louis X I , en 1482, en caffa
deux pour être fufpeélionnés de mauvaife maladie,
& en remit deux autres en leur place.
Tel étoit le fervice des cent gentilshommes , en
l’an 1585 ; & il falloit que cette garde fût encore
alors en grande confidération : car , en l’an 1575 ,
Albert de Gond i, comte de Rais, ayant donné
fa démiffjon de la charge de capitaine de la çre- y v v ij.