
prendre en Flandres , pendant l’abfence de la pria»
cipale armée autrichienne.
Guillaume III de Naffauufa, en 1672, de la
même précaution à l’égard de la Hollande, avant
que d’aller chercher les François.
Annibal, avant que de fe mettre en marche pour
la conquête de l’Italie, renouvella toutes Tes alliances
, & laiffa l’Efpagne & Carthage en état de
faire une bonne défenfe, parce qu’il craignoit une
diverfion de la part des Romains.
Pour mieux laiffer vos états en fureté, avant
d’en éloigner le gros de votre armée, il feroit
important de commencer la guerre par la prife
de quelques places qui mettent vos frontières à
couvert.
Philippe, roi de Macédoine, ayant deffein de
conquérir la Phtiotide, commença par prendre la
place de Bylazorea, & quelques autres polies qui
mettoient la Macédoine à couvert des incurfions
des Dardanois, fes ennemis*
Des tfoupes laijféès pour la défenfe de votre pays.
Ce chapitre paroît être hors de fa place , eu
égard à celui qui fuit ; mais fi l’on fait attention à
celui qui l’a précédé, on trouvera qu’il n’eft point
déplacé, afin de déterminer tout ce qui me relie
à dire par rapport à la fureté du pays dont vous
vous éloignez pour porter la guerre offenfive dans
un autre.
Les troupes que vous lailferez pour garder vos
états ne doivent pas, fans une néceflité extrême,
rifquer un combat, parce qu’elles ne font directement
que pour fe tenir fur la défenfive ; ôc je
prouverai ailleurs que celui qui fe tient fur la défenfive
, fe met, en combattant, dans un plus
grand hafard de perdre que de gagner.
Lorfque Judas Machabée & Simon fon frère ,
marchèrent contre les Galiléens & les Galaadites,
51s laifsèrent une partie des troupes fous les ordres
de Jofeph, pour la garde de la Judée ; « mais ils
l ’avertirent de fe tenir uniquement fur la défenfive
, ôc d’éviter, jufqu’après leur retour, d’en
venir à un combat contre quelque nation que ce
fût. ».
Quand les troupes, que vous- laiffez pour la
défenfe de votre pays , forcées d’en venir à une
bataille, font battues, & que les ennemis entrent
dans les provinces qu’elles gardoient, examinez fi ,
en continuant la guerre offenfive , vous pouvez
gagner davantage que ce que vous vous expolez
de perdre, en n’accourant pas au fecours de votre
patrie ; parce que c’eft fur cette confidération que
vous devez vous déterminer, ou d’abandonner vos
conquêtes, ©u de lesr porter plus loin. Pour cela,
voyez fi les ennemis peuvent ou non fe maintenir
dans votre pays, ôc vous empêcher, les convois;
car f i , faute de magafins, ils font obligés de fe
retirer dans peu de temps, après avoir fait quelques
incurfions, vous courez rifque de ne pas les ,
r'eftèôtitfer en revenant, Ôc, fans feéourîr vdïre
province, vous interrompez les progrès que vous
étiez en état défaire dans les provinces étrangères.
D’un autre côté, fi les ennemis ont des troupes ,
de l’artillerie, des provifions, 8c peuvent fe rendre
maîtres de vos places importantes ; vous vous
mettez dans le danger, en continuant la guerre
offenfive, de ne pas gagner ce que vous vous
expofez de perdre. D ’ailleurs, il eft à craindre
que les peuples, s’ils font mal intentionnés pour
leur prince , ne favorifent les ennemis qui font
entrés dans leurs provinces.
Il n’eft pas poffible de prévoir touts les cas qui
peuvent déterminer à prendre un parti plutôt que
l’autre : j’en rapporterai néanmoins un grand
nombre en traitant de la guerre de diverfion.
Le marquis Ambroife Spinola n’abandonna pas
le fiège d’Oftende par la diverfion que Maurice de
Naffau voulut faire fur fon paya., parce que touts
les portes que le prince Maurice pouvoir prendre ,
ne prévaloient pas à 4a perte d’Oftende : c’eft la
remarque du cardinal Bentivoglio.
Pendant que Dorimaque faifoit la guerre en
Theffalie , Philippe, roi de Macédoine , la porta
en Italie. Dorimaque abandonna fon entreprife
1 pour venir au fecours de fa patrie : mais, quand il.
arriva, Philippe avoit déjà fini fes courfes, Ôc s’étoit
mis en fureté-avec fes troupes.
H en r iIV , roi de France, eut tout lieu de fe
repentir d’avoir laiîfé prendre Calais à l’archiduc,
Albert, pendant qu’il affiégeoit la Ferre, place qui
ne lui étoit pas fi importante que Calais, ôc qu’il ne
vint pas fecourir pour s’obftiner à la prife de la
Ferre.
Il y auroit, ce femble, un milieu entre revenir
avec toute l’armée pour défendre votre pays, ou
continuer la guerre offenfive fur les terres des ennemis;
ce feroit de faire un détachement de votre
armée, qui, fe joignant au refte des troupes qui
ont été battues dans votre province, foit fuffifant
pour la garder 8c la défendre. Ne prenez pourtant
pas ce parti, excepté que vous n’ayez affez de
trqupes pour continuer vos entreprifes , parce qu’il
arriveroit que peut-être vous perdriez dans les
deux endroits, fans gagner dans aucun; ou que,
vous vous expoferiez à être battu dans l’un ou
dans l’autre, fi les ennemis, par la fituation du
terrein, ont la commodité de réunir fecrètement
leurs deux armées, 8c de vous dérober quelque
marche pour fondre enfuite tout d’un coup fur vos
troupes.
Pendant que l’armée des deux couronnes étoit
en Catalogne, en 1708, les ennemis prétendirent
faire une diverfion en envoyant quelques troupes
contre l’Arragon. S. A. R. le duc d’Orléans, qui
avoit affez de troupes pour pourfuivre fon entreprife,
Ôc pour couvrir l’Arragon, envoya fur ces
frontières un gros corps de cavalerie, ôc, avec le
refte de l’armée, il attaqua Tortofe.
Je dirai enfuite comment on peut raffemoier
Beux ar'méëâ, Quoique féparées pa!P celle ’ des
nemis, qui eft entre les deux 6c fupérieure à chacune
des vôtres ; ce qui peut fervir aufli Iorfqu’il
s’agit de réunir vos troupes avec le refte de celles
que les ennemis ont mis en déroute dans votre
Des bornes quil faut donner aux conquêtes. Avantages
de la fupériorité en forces navales
Lorfqu’on a deffein d’entreprendre une guerre
offenfive, il faut entrer dans le détail des circonl-
tances qui peuvent la rendre plus facile 6c plus
utile dans l’une ou dans l’autre des provinces des
ennemis: mais comme j’ai donné des avis fur cette
matière, en différents endroits de cet ouvrage, je
vais les rappeller en peu de mots.
Si vous avez une même commodité 6c une
égale liberté de porter la guerre dans un pays ou
dans un autre, choififfez celui dont les peuples
font moins belliqueux, ou qui craignent davantage
vos troupes, parce qu’autrefois ils ont été battus ;
0.11 qui, par l’affeélion qu’ils confervent pour votre
fouverain, auront moins de peine à fe voir fous
la domination ; ou qui ne font pas aufli capables
de défendre leur patrie que ceux d’une autre
frontière.
Choififfez celles des provinces ennemies où les
difcordes qui y régnent vous préfentent des avantages
confidérables.
J’ai dit aufli dans quelles occafions vous devez
faire la guerre dans la province la plus pauvre ou
la plus riche des ennemis,- dans un pays de plaine
ou de montagnes , plus ou moins ftérile , ou
abondant en eau 6c en fourrage, fuivant que votre
principale force confiftera en infanterie 6c en cavalerie
, 6c félon le deffein que vous avez de
réduire les ennemis faute de vivres , de conferver
le pays conquis, ou de vous en rendre maître
feulement pour y fubfifter quelques temps.
Un pays peut être abondant en fourrages , 6c la
qualité de ces fourrages ne pas convenir à votre
cavalerie ; touts les chevaux Friions, Allemands
6c Suiffes mourroient en peu cfe mois dans l’An-
daloufie , l’Eftramadure , la Caftille , la Catal ogne
6c 1 Arragon, parce qu’il n’y a ni foin, ni avoine ;
au contraire , ceux d’Efpagne , accoutumés à la ■
paillev6c à l’orge, périffent en peu de jours, fi
on leur donne du foin 6c de l’avoine ; de forte
que nos ennemis fe virent obligés, en Efpagne,
d’avoir rer rs aux chevaux du pays , 6c nous,
en Italie, 'ëÆ chevaux Allemands 6c Italiens.
J ai fait voir que, pour avancer ôc conferver
fes conquêtes, ils faut choifir un pays où il y ait
peu de places ; qu’il eft pourtant néceffaire qu’il y
en ait quelques-unes pour la fureté des entrepôts
6c de la retraite ; qu’il y a un grand avantage de
faire la guerre dans une province où vous pouvez
plus aîfément recevoir vos convois Ôc les rendre
difficiles aux emienjis; ce qui arrivera, prinçipalefffe'iit
fi vous stvez des places avancées du côté
d’où les ennemis doivent les recevoir ; qu’il eft
avantageux d’avoir en fa faveur le courant des
principales rivières, ppur les tranfports des convois
; qu’en portant la guerre dans un état où il
y a plufieurs rivières navigables , il faut y être
fupérieur en cette forte de navires ou bateaux dont
. on fe fert fur ces rivières ; enfin, dans le deffein
de faire des conquêtes , que ce foit dans un pays
dont le climat foit plus proportionné à celui fous
lequel vos foldats font nés, qu’à celui de la plupart
des troupes qui compofent l’armée ennemie.
Si les ennemis ont fur mer des forces fupérieures
aux vôtres, portez vos armes dans l’intérieur du
pays ; s’ils vous font inférieurs , étendez vo9
conquêtes le long de la côte, ou dans les îles ,
parce qu’il vous fera facile de les conferver, à
la faveur de vos vaiffeaux, qui pourront fouvent
faire le voyag e , 6c tranfporter vos convois avec
moins d’embarras 6c de dépenfe que par terre ,
fur-tout lorfqu’il faut traverfer une longue étendue
de, pays.
Dans la guerre de Sicile , les Romains , qui
étoient fupçrieurs en troupes, étoient maîtres de
la plus grande partie des places de l’intérieur du
pays, 6c les Carthaginois, fupérieurs en vaiffeaux ,
de prefque toutes les villes maritimes. .
Une des raifons que M. de Bouc de Savigni,
meftre de camp général, donnoit à l’archiduc
Albert, pour lui perfuader d’attaquer Calais avant
toute autre place , étoit qu’il pourroit mieux conferver
Calais à la faveur de l’armée navale d’E l-
pagne, qui alors étoit puiffante.
Le roi don Ferdinand-le-Catholique, l’empereur
Charles V 6c Philippe II , roi d’Eipagne, qui, par
mer, étoient fupérieurs-aux Africains en vaiffeaux,
6c inférieurs en troupes for terre, firent en Afrique
toutes leurs conquêtes le long de la côte.
Les armées navales coûtent beaucoup 6c fervent
p eu, lorfque celles des ennemis font fupérieures,
parce qu’alors les vôtres font obligées de fe tenir
dans les ports, où il faut toujours payer les officiers
de marine, 6c le nombre de matelots nécef-
faires pour entretenir les vaiffeaux. Nous avons
v u , dans la dernière guerre des alliés contre les
deux couronnes, qu’après que les efcadres, fran-
çoifes de Château-Renaud ôc de Pontis eurent été
maltraitées à Vigo 6c à Gibraltar, les François
furent contraints de défarmer entièrement. Ainfi,
je penfe qu’il faut ou que vos armées navales
foiept fupérieures, ou n’en point avoir du tout,
à l’exceptipn de quelques galères , qui fervent
toujours , foit pour garder les côtes contre les
corfaires, foit pour les fecours ; parce que, pendant
des nuits de calme, elles paffent au milieu
des vaiffeaux ennemis, pour faire les tranfports
neceffaires aux places 6c aux côtes maritimes.
C ’eft ce qui a été éprouvé dans la dernière guerre
de Sicile ; car quoique les Anglois euffent vingt
gros vaiffeaux fur ces côtes, ils ne purent jamais
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