armée fa fupériorité, à votre régiment fon furnom,
a votre bataillon l’eftime dont il jouit, à votre
compagnie, a vos camarades la renommée qu’ils
ont acquife, foyez brave , docile', inftruit, honnête
, &c. Quel mal peut-il réfulter d’un pareil .
difcours ? Mais ce qui fait le plus fortement l’apologie
de Yefprit de corps , c’eft la conduite de fes
antagoniftes les plus ardents ; c’eft dans leurs compagnies
de grenadiers qu’ils mettent toute leur
efpérance ; ce font ces compagnies qui doivent
décider du fuccès des combats & de la gloire de
la nation ; mais pour les former , croyez-vous qu’ils
choififfent les plus braves, les plus intelligents ?
Non. Les qualités morales des grenadiers les occupent
peu ; pourvu qu’ils foient beaux, ils font
contents ; Yefprit de corps fera le re.fte , difent-ils ,
& ils ont railon. Veut-on fçavoir pourquoi de
deux payfans que le fort a fait foldats , Pun devient
brave & l’autre lâche ; c’eft parce que le premier,
étant d’une taille haute , eft entré dans une troupe
qui a Yefprit de corps ( les grenadiers royaux ) ,
tandis que lq fécond , à caufe de fa petite taille ,
a été placé dans un régiment^ qui notre légèreté
a ôté tout efprit de corps , ( les régiments provinciaux
). Veut-on fçavoir encore pourquoi de deux
foldats qui fe font engagés volontairement, l’un eft
valeureux & l’autre timide ? C ’efl que le premier
eft entré dans un régiment renommé par fes hauts
faits, & l’autre dans un régiment nouvellement
formé , ou qui'n’a pas eu l’occafion d’acquérir une
grande renommée ; c’eft toujours la même caufe
qui agit ; c’eft toujours Yefprit de corps qui opère.
L ’ouvrage intitulé : le véritable-efprit militaire, ouvrage
fortement penfé , écrit avec chaleur, & qui
n’eft point allez généralement connu, ouvrage com- J
pofé par un officier au fer vice de l’Efpagne , d it, I
tome premier , page 184, c’eft par un effet de cet
efprit de corps que chaque régiment s’impofe à lui-
même l’obligation de mieux faire qu’un autre ; &
l’on peut dire que le feul moyen de bien évaluer
• les forces d’une armée , feroit de fixer le plus haut
degré d’aâivité que l’on peut donner à cet efprit
de corps.
D ’après tout ce que nous venons de dire, nous
croyons avoir prouvé que les effets de Yefprit de
corps ne peuvent être qu’heureux : occupons-nous
donc des moyens de le fortifier ou de le faire
renaître.
Pour faire renaître Yefprit de corps dans une
armée, il faudroit commencer par ranimer l’efprit
de famille ; on y patviendroit en réunifiant dans le
même régiment, dans la même compagnie , le plus |
defrères, de fils & de parents qu’il feroit poffible ;
( V oy e^ E m p l o i , N o m i n a t i o n a u x e m p l o i s . ) j .
11 faudroit que chaque régiment qui s’eft diftingué , I
fût récompenfé par desLignes permanents, & qu’on !
fit rejaillir fur les membres une partie des diftinc- .
lions que le corps aùroit méritées ; il faudroit rendre
aux anciens officiers la confidération que leur âge
doit naturellement leur concilier ; donner à chaque -
régiment, fuivant l’idée du maréchal de Saxe -,
un nom & un uniforme qu’il garderoit toujours ; il
faudroit enfin procurer aux foldats une efpèce d’e-
ducation morale qui plaçât dans leurs coeurs les
fentiments qu’on leroit bien aife d’y faire germer.
Pour entretenir Yefprit de corps , il faudroit bannir
des régiments touts les fujets qui , par leurs vices,
peuvent porter atteinte à la réputation dont il jouit ;
( V o y e^ C a s s a t i o n , C o n g e s i n f a m a n t s . ) Ne
faire fubir aux troupes que lés plus petits changements
poffibles ; ne féparer que rarement le même
corps ; n’en réformer jamais à la paix, pour n’être
point obligé d’en créer de nouveaux à la guerre ;
( Voyez r é f o r m e . ) & accorder enfin à chaque
régiment le droit de cenfurer & de punir, même
avec févérité , ceux de fes membres dont la conduite
ne feroit pas conforme à Yefprit du corps.
Voyez c a s s a t i o n . ( C ) .
E S TO C . Coup de pointe. Frapper à'efloc &
de taille , c’eft frapper de la pointe & du tranchant
d’une épée ou d’un fabre.
ESTR ADE . Environs d’un pofte. Battre Yef-
trade, c’eft parcourir les environs , foit d’une
place, foit d’un camp , pour fçavoir ce qui s’y
pafle , & s’il n’y paroît point quelques partis
ennemis.
E S TR A D IO T S . Efpèce de troupes légères
qui ne fut connue dés François que fous Charles
V I I I , durant les guerres d’Italie. Ils étoient Grecs ,
& ce nom à’eflradiot ou Jiradiot vient du mot Grec
s lp e tT io T t is « qui ftgnifie foldat.
"Philippe de Comines dit : « qu’eflradiots font
gens comme Genetaires, veftus, à pied &. à cheval
, comme Turcs , fauf la tefte, où ils ne portent
cette toile qu’ils appellent turban. Et font dures
gens , & couchent dehors tout l’an , & leurs chevaux.
Ils étoient touts Grecs , venus des places
que les Vénitiens y ont; les uns de Naples, de
Romanie, en la Mor-ée ; autres d’Albanie devers
Duras, & font leurs chevaux bons & touts de
Turquie. Les Vénitiens s’en fervent fort & s ’y
fient. Ils tuèrent quelques Allemands dont ils emportèrent
les têtes. Telle étoit leur coutume. » .
Louis XII prit deux mille eflradiots à fon fer-
vice , lorfqu’il marcha contre les Génois. On ap-
pella en France cette milice , cavalerie Albanoife»
Il y en eut auffi fous Henri I1L Le duc de Joyeufe
commandait un efcadron à’eflradiots à la bataille
de Coutras.
« Les e f l r a d io t s , dit M. de Montgommery
(p. 13 7), étoient armés de même que les chevaux-
légers , hormis qu’au lieu des avants-bras & gantelets
, ils avoient des manches & des gants de
mailles , l’épée large au côté, la maffe à l’arçon ,
& la zagaie, qu’ils appelloient arzegaie , au poing ,
longue de dix à douze pieds, ferrée par les deux
bouts. Leur cotte ou foubrevefte d’armes étoit
courte & fans manches. Au, lieu de cornette ils
faifoient porter une grande banderolle au bout
d’une lance pour fe rallier. Ils avoient pour la tete
une fàlade à vue coupée.
M. de Langey dit qu’on les faifoit quelquefois
combattre à pied, & qu’avec leurs arzegaies ils
faifoient lafon&ion depiquiers contre la cavalerie.
Il ajoute qu’un de leurs principaux exercices étoit
de fe bien fervir de cette arme & à toutes, mains ,
en donnant tantôt d’une pointe & tantôt de l’autre.
E S T R A P AD E , fupplice militaire, dans lequel,
après avoir lié au criminel les mains derrière le
do,s j on l’élevoit avec un cordage jufqu’au haut
d’une haute pièce de bois, d’où on le laiffoit
tomber jufqu’auprès de terre , de manière qu’en
tom b a n t la pefanteur de fon corps lui difioquoit
les bras. Quelquefois il étoit condamné à recevoir
trois eflrapades , ou même davantage.
Ce mot vien t, dit-on , du vieux mot eflreper ,
qui ftgnifie brifer, arracher ; ou bien de l’italien
flrappata, du verbe flrappare , tordre par force.
Trévoux & Chambers.
L’eflrapade n’eft plus d’ufage , du moins en
France.
ETAPE. Vivres & fourrages qu’on diftribue aux
troupes qui marchent dans le royaume.
Feu M. de Louvoisfit dreffer, par ordre du roi, ;
une carte générale des lieux qui feroient deftinés
au logement des troupes & à la fourniture des
étapes fur toutes les principales routes du royaume;
& cette carte a depuis fervi de règle pour toutes
les marches des recrues, ou des corps qui fe font
dans le royaume.
Cet établiffement avoit été projetté fous le règne
de Louis XIII. L’ordonnance qu’il rendit à Saint-
Germain-en-Laye le 14 août 162,3, Porte qu’il
feroit établi quatre principales brifées dans le
royaume ; une de la frontière de Picardie à
Bayonne, une autre de la frontière delà Baffe-Bretagne
à Marfeille, une du milieu du Languedoc
juiqu’au milieu de la Normandie, & une autre de
l’extrémité de la Saintonge aux confins de la
Breffe ; qu’il feroit tiré de moindres brifées tra-
verfant les provinces qui fe trouveroient enfermées
entre les quatre principales, & que dans ces brifées
feroient affectés de traite en traite certains logements
& maifons , qui feroient délaiffés vuides par
les gouverneurs des provinces, baillis, fénéchaux ,
gouverneurs particuliers, maires & échevins de
v ille , lefquels logements feroient mis en état de
recevoir & loger les gens de guerre , de cheval &
de pied, paffant de province à autre.
Cet arrangement rendit le logement & le paffage
des troupes moins onéreux aux' provinces ; mais
comme le foldat devoit vivre en route au moyen
de fa folde, fixée à huit fols par foldat par ladite
. ordonnance, les troupes chargées de leur fubfiftance
ne manquoient pas les occafions d’enlever des légumes
, des volailles, S i tout ce qui pouvoitcontribuer
à rendre leur nourriture meilleure.
Ce fut dans la vue d’obvier à .cette efpèce de
pillage, que le roi Louis XIV jugea à propos de
faire fournir la fubfiftance en pain , vin Sc viande,
dans chaque lieu deftiné au logement. .Cet établiffement
produifit dans les provinces tout l’effet
qu’on pouvoit en attendre ; les habitants de la campagne
y trouvèrent leur intérêt dans une confom-
mation utile de leurs denrées ; les troupes sûres de
trouver en arrivant à leur logement une fubfiftance
prête & abondante, n’eurent plus de motif de rien
prendre; la difeipline devint régulière dans les
marches : enfin la facilité de porter des troupes
d’une frontière à l’autre, fans aucune difpofition
préliminaire pouf affurer leur fubfiftance, ne contribua
pas peu dans les dernières guerres au fecret
des projets- & à la vivacité des opération^. Ainfi
les princes voifins ont toujours regardé le s - é ta p e s
comme un avantage infini que la France avoit. en
fait de guerre fur leurs états , qui, par la confti-
tution de leur gouvernement & par læ différence
de leurs intérêts, n’étoient pas fufceptibles d’un
pareil établiffement.
Une utilité fi marquée n’avoit pas cependant
empêché de fupprimer les étapes en 1 7 18 , au
moyen de l’ augmentation de paye que l’on accorda
aux troupes. Infenfiblement on retomba dans les
inconvénients que l’on avoit évités par cet établiffement;
& les chofes en vinrent à un tel point, que
Sa Majefté , attentive à favorifer fes peuples & à
maintenir la difeipline parmi fes troupes, ne crut
rien faire de plus utile que de les rétablir par l’ordonnance
du 13 juillet 17 2 7 , dont les principaux
articles font tirés de celle qui fut rendue le 14
Juin 1702. (Q - ) . (Code Militaire par M. Briquet.)
On donne le nom d’étapes aux denrées que reçoivent
pour leur nourriture les troupes qui
voyagent dans l’intérieur du royaume : on fe fert
du même nom pour défigner les villes, les bourgs
& les villages'où les troup.es reçoivent la diftri-
bution des vivres que la loi leur accorde ; on s’en
fert enfin pour indiquer la maifon où cette diftri-
bution fe fait.
Le premier établiffement des étapes eft dû à
Henri II : Louis XIII créa de nouveau les étapes,
que les guerres de religion avoient fans doute fait
oublier. Louis X IV leur donna une forme nouvelle
& une Habilité plus grande. Louis X V les
abolit en 1718 & les rétablit en 1727 ; depuis
cette dernière époque les troupes françoifes ; ont
toujours voyagé par étape. La longue durée de
cet établiffement dans un royaume où les changements
font fréquents, feroit un préjugé très grand
en fa faveur, f i , de. loin en loin, les écrivains
militaires n’avoient pas élevé la voix contre lui :
avant d’entrer dans les difeufiions relatives à cet
ob jet, faifons connoître les étapes telles qu’elles
font aujourd’hui.
Un régiment qui doit changer de garnifon, reçoit
quelque temps d’avance un ordre qui fixe le
jour de fon départ, celui où il doit paffer à tel
& tel endroit, & celui de fon arrivée à fa nouvelle
dçftination. Voye^ Route. En même temps qu’on