
;perfonnes du pays conquis , qui vous font fecrè-
'tement affidées, la propofent elles-mêmes-, -parce
•qu’alors les autres citoyens, au lieu de l’attribuer
■ à une dangereufe maxime de votre cour, la regarderont
peut-être comme un effet de votre
•çondefcendance.
Vous me dire z, fans doute, que les hommes
éclairés s’appercevront bientôt de la feinte : je
réponds que s’ils ont affez d’habileté pour la voir,,
ils auront auffi affez de politique pour ne pas faire
femblant de la connoître, de peur de tomber en
dHgrace} & le peuple, qui n’a pas’cette crainte,
n ’aura pas auffi la pénétration néceffaire pour découvrir
-le deffein de votre prince.
Tacite a ffait la même réflexiôn fur différents
endroits de la vie de Tibère.
Si la province réduite fous l’obéiïïance de votre
prince diffère du refte de lès états, dans les modes,
3a langue, la monnoie, les poids, les mefures, &c.
tâchez qu’elle fe conforme, en toutes ces chofes,
à ce qui fe pratique dans les anciens états de votre
fouverain, afin q u e , dans la fuite des temps, M
m’y ait plus entre les deux peuples une différence
’■ qui faffe naître la défunion.
Polybe, parlant des divers peuples du Pélopo-
--aièfe , dit à leur louange qu’ils étoient unis par
une ferme alliance ; que, pour la mieux conferver,
-ils vivoient fous les mêmes loix , que leurs
poids-, leurs mefures , leur monnoie , leurs tribu-
maux, leurs cônfeils & leurs juges étoient les
mêmes; de forte que, pour croire que mut le
-Péloponèfe -n’-étoit qu’une feule v i l l e i l ne lui
manquoit que d’être fermé par une même muraille.
Te-conquérant peut encore en cela faire paroître
clémence , puifqu’il peut donner à connoître
par-là qu’il ne veut traiter un pays qu’il a conquis
par tes armes que comme il traite fes anciennes
provinces.
J ’ai oui-dire qu’Anne, reine d’Angleterre-, ppef-
foit fortement le marquis de Monteléone , ‘miniftre
•ff’Efpagne , qui fe trouvoit à Londres , de lui
•donner une réponfe poiitive , fur ce qu’elle de-
mandoit que les Catalans , qui avoient eu recours
à fa proteéHon, ne fuffent pas maltraités. Ce fage
miniftre promit, au nom du ro i, que, par confi-
•dération pour fa majefté britannique, les Catalans
feroient traités de la même manière que les Caf-
ttillans , -qui s’étoient déclarés ouvertement pour
•le roi mon maître, & avoient fidèlement foutenu
Ton parti. -Cette promeffe fatisfit la 'reine ; en
-conféquence on ôta' aux Catalans ce nombre ex- :
-ceffif de privilèges qu’ils avoient fur les Caftillans,
•& ces deux peuples furent réduits à une fi parfaite
•-égalité de privilèges, que même, pour leurs avan- I
«eements dans les charges & les emplois-, on ne
Tait point aujourd’hui de différence entre eux. Le
troi -introduifit dans la Catalogne la monnoie de 1
Caôille , & voulut que des a£tes publics 'fuffent \
éécrits en -Caffillan. Je ne fuis pas bien -certain fi
L’on ^détendit ùle dire dans des écoles ten langue f
Catalane ; mais je fçais que les tribunaux de Catalogne
, de Valence & d’Arragon furent mis fur
le pied de ceux de Caftille.
11 y a trois obfervations a faire fur ce que je
viens de dire. La première eff qu'à ce changement:
de monnoie, de poids &. de mefures, il faut faire
précéder une déclaration exaéle fur leur juffe évaluation
& leur nouvelle rédu&ion ', afin d’éviter
les procès & des difputes avec des fermiers & les
négociants.
La fécondé eff d’examiner fi les nouvelles loix
font convenables pour ce pays, parce que, comme
je l’ai déjà prouvé , toutes les loix ne font pas
propres à toutes les provinces.
La troifième eff que, pendant qu’on tâche d’ap-
•privoifer les peuples conquis, ou de gagner leur
affeôion, le prince doit laiffer affez de troupes
.pour les tenir en x-efpeû,; car il eff certain qu’au
commencement ils feront choqués de toutes ces
nouveautés.
Après que le conful Romain Lucius Furius
Camillus eut conquis lès peuples Latins,, il demanda
au fénat de leur accorder le droit de bour-
geoifie , afin que leur reconnoiffance pour ce
bienfait leur fît fupporter avec plaifir la nouvelle
domination fous laquelle ils tomboient. Rome y
confentit,. à l’exception feulemênt de quelques
-lieux , qui, par leurs fréquentes révoltes, avoient
mérité d’être punis; & dès-lors, pour -me fervir
des termes de don Balthafar d’Alamo, dans fon
commentaire fur Tacite , -la défenfe , l’intérêt &
l’honneur des conquérants devinrent communs aux
vaincus.
Je trouve cette maxime fort bonne , lorfque les
■ circonftances dont je parlerai dans la fuite ne fe
rencontrent pas.
J e dirai bientôt ^comment on peut, par les colonies
, les mariages & l’échange réciproque des
troupes , conformer les moeurs, les ufag.es 6c les
génies des vaincus à ceux des vainqueurs.
àEn traitant des révoltes, je prouverai qu’tl eff
dangereux, défavantageux pour le prince & pour
le pays, qii’une province ait trop de privilèges, on
qu’elle n’en ait pas affez ; qu’il y en a certains qu’il
faut retrancher pour toujours , & certains .autres
•qu’il faut feulement fufpendre pour un temps, dans
un pays qu’a-près une révolte vous foumettez par
les armes. ;Ce que je -dis dans cet endroit peut
en partie s’appliquer aux conquêtes faites .par la
force ; mais ce cas ne regarde point la matière
que je-traite à préfent, parce que j’examine feulement
par quels, moyens, par quel art on peut
conferver les terres nouvellement xonquifes.
Des contributions. De la déferife des exa&ions *
rançonnements^ &c. De la diminution des .impôts»
JJn pays 'Conquis , au vous augmenterez les
impofitions , fera touts fes efforts pour retourner
Tous la domination .de fon premier m aîtrep arce
*jue le prince qui demande le moins eff toujours
3e plus chéri.
Capriata, Guanovi , Mauffon, ’Sazélle., Meh-
-dicata, & quelques autres lieux occupés en 162Ç
;par les François & les Savoyards ., fecouèrent
bientôt le joujf de la nouvelle domination, parce
que les troqpes viâorieufes vivoient aux dépens
du pays.
iPour faire payer ces tributs exceffifs, il en faut
venir à des exécutions & à l’indigne cruauté d’ôter
-au pauvre, jufqu’aux vêtements de fa miférable
famille., dont les cris pitoyables s’élèvent jufqu’au
c ie l, & Dieu les écoute. On lit dans le Deuté-
ironome : u les Egyptiens nous ont affligés & nous
ont perfécutés , en nous impol'ant des charges fort
pefantes.; nous avons élevé nos cris vers le feigneur,
le Dieu de nos per.es., qui nous a écoutés, & ^
regardé favorablement notre affliéfion , nos travaux.,
■ notre mifere ».
Les exorbitantes contributions épuifent-entière-
îsnent le pays & privent le prince d’un revenu
annuel, qu’il tireroit par de raifonnables impofi-
tions ; car le payfan, à qui un impitoyable receveur
prend les boeufs ou les mules de labour, le
^grain deftiné pour les femences ,6c les inftruments
d e fa charrue, ne fait plus de récolte, 6c ne fe •
Joue tant plus de travailler 2 il fe m et à vivre d’au- h
mione, ou il abandonne le pays-pour le venger, \
<ôc va fervir le prince ennemi.
Ainfi, pour une année en laquelle Timpofition
oeff plus forte , elle diminue dans toutes les fui-
v an te s ,.& .o n augmente le nombre des ennemis.
** Celui-, dit Salomon, qui preffe fort la mamelle
pour le lait, en fait fortir un fuoépaiffi; celui qui
ne mouche trop fort tire le fang i$ / •
Il ne faut donc pas oublier cette ancienne
îmaxime de politique, que pour continuer à avoir
d e la laine , « il faut tondre la brebis, mais il ne
faut pas l’écorcher-«.
■ Après.ce .que je viens de dire , je crois qu’au
•aieu d augmenter les importions dans le pays conduis.,
il eu à propos d’en retrancher quelques-unes
Jur-tout lorfqu’i) étoit déjà auparavant furchargé
.-0 impôts. «Par-là on calme fouvent dans 'les -tiou-
yeaux fujets un deftr deirévolte, que leur affeôion
inaturehe pour leur premier maître peut leur inf-
Jtrer. Tout au moins accordez-leur, pour umtemps
«limite , quelque grac-e, qui puiffe fervir à gagner
peu a peu leur amour.
Quintus iVeranîus, gouvemeurlpourTibèie, de
’U Cappadoce, devenu depuis peu province de
■ 1 empire Romain, l’exempta d’une partie des tri-
JÊ jt 5U elle Pay ° ù à les anciens rois, afin d’atta-
^ e Y Y v .ritj‘ge^ ar;l i ces PeuPles ^Rome. Eurigie,
noi X XX des Goths en Efpagne, conferva par ce
anoyen des provinces, qui me lui appartenoient pas
même après avoir
^hafle le rot Andtie du trône de Hongrie, l e conti-
muateur de^orefli-nous apprend qu’Edouard XII,
m ' “ «Angleterre^ «étoit .adoré ide .fes jteqples
7 3 1
parce qu’il les avoit déchargés de fon tribut extraordinaire,
iLes Génois honorèrent de leurs, larmes la mort
de françois Sforce, qui les avoit conquis., parce
qu’il « ’avoir tiré de Gènes que ce qui étoit-pré-
■ rifément néceffaire pour l’entretien de la garnifon.
Jlodolphe d’Autriche, nouvellement élevé fur
lei trône de Bohème , ayant trouvé la couronne
chargée de plufieurs dettes des rois fes prédécet-
leurs, les paya de fon propre argent, fans mettre
aucune nouvelle contribution fur la Bohème.
Nicolas Sture,.chef de l’armée de Charles VIII
to i de Suède , contre l’archevêque d’Upfal, r i -
mena^ à l’obéiflance du roi -les peuples qui l’avoit
promife.à l’archevêque, en les déchargeant feule-
iment des gabelles qu’ils payoient auparavant.
E ’offre que les ennemis du roi mon -maître
firent -à la Sardaigne., de l ’exempter pendant
fept ans des droits qu’elle payoit à l’Efpagne,
fut un motif puiffant pour porter -cette île à fe
foule.ver.
Si les peuples ne fouffrent qu’avec peine let
exceffives contributions que le prince leur impofe
a plus forte raifon feront -ils violemment irrité*
des pilleries des commandants & des miniftres 2
ainfi, ne donnez jamais à des officiers intéreffék
le :gouvernement d’un pays dont vous voulez voua
attirer l’affeélion , parce qu’ils pilleront fous .mille
,prétextes du fer.vice du roi.; prétextes qui ne
«manquent jamais .à quiconque n’ a pas -beaucoup
de délicateffe & de confeience. *
Bâton .repréfentoit :à Tibère que ’la •©almatie
ne s’etoit (ouftraite de la domination de J’empire
Romain qu’à caufè des .pilleries & de l ’a varice.de
tes gouverneurs.
Entre affeéler-un defintereffement extérieur '&
piller ouvertement, il y a un milieu, c e font ire
.préfents.; cleft fous ce mafque que l’on déguife le
-larcin & que l’on défigure la juftice. Vous ne
devriez donc pas permettre que les miniftres., que
vous biffez les maîtres d’agir en beaucoup de
chofes fins vous confulter, resuffent des préfents.
•On lit dans l’écriture fainte : <« vous ne recevrez
-point de préfents,«parce qq’ils aveuglent les fage*
P ™ e j “ ■ 3U’' ,S corrompent les jugements d®
juites.... Ils fe font laiffés corrompre par l’avarice-
ils ont reçu des préfents, .& ils ont rendu des
jugements injuftes «.
J ’ai fait voir quelles fuites, fâcheufes il -y a k
craindre, de tolérer aux foldats de piller le pays
J’ai dit comment on peut l’empêcher, & les deuic
exemples fuivants prouveront qu’il eft poflible d-
réduire en pratique les règles que j’ai données-à
«ce fujet.
•I de Scaurus . changeant de camp
tUaiffa un arbre chargé d’excellents fruits bien
murs. Beyerlinck, parlant de l ’armée de Bélifaire-
-dit.: «.que jamais aucun foldat n’étendit fes mait»
:pour prendrelles fruitsqui-pendôient fur le s» a ir*
flu ils itencotttr-oicntXianslleuis-maixhâs.