
de l’état-major, fans que nous entrions à cet égard
dans aucun détail.
Nous venons de dire que les élèves font continuellement
fous les yeux de quelqu’un : la nuit
même n’en eft pas exceptée. A l’heure du coucher,
l’on pofe des fentinelles d’invalides dans les falles
ou font diflribuées leurs chambres une à une ; &
toute la nuit il le fait des rondes comme dans les
places de guerre. On peut juger par cette attention,
au foin lingulier que l’on a de prévenir tout ce
quipourroit donner occafion au moindre reproche.
C'eft dans la même vue qu’un des premiers & des
principaux articles des réglements , porte une dé-
fenle expreffe aux élèves d’entrer jamais, fous
quelque prétexte que ce fo it , dans les chambres
les uns des autres , ni même dans celles des officiers
& des profeffeurs, fous peine de la prifon
la plus févère.
On lent bien que nous ne pouvons pas entrer
dans le détail de ces réglements ; il y en a de particuliers
pour les officiers, pour les élèves, pour
les profeffeurs & maîtres ; pour les commenfaux
de l’hôtel, pour les valets de toute efpèce. Chacun
a fes règles prefcrites ; elles ont été rédigées par
le confeil de l’h ôte l, dont nous parlerons après
avoir dit un mot de ce qui compofede refte de
l’établiffement.
L’intendant eft chargé del’adminiftration générale
des biens de l ’école royale militaire, fous les~ordres
du fur*intendant ; c’eft lui qui dirige auffi la partie
économique : il a fous fes ordres un contrôleur-:
infpe&eur-général, & un fous-contrôleur , qui lui
rendent compte ; ceux-ci font chargés du détail,
ôl ont fous eux un nombre fuffifant d’employés.
C ’eft auffi l’intendant qui expédie les ordonnances
fur le tréforier, pour toutes les dépenfes de l’hôtel,
de quelque nature qu’elles foient. Ce tréforier ne rend
compte qu’au confeil d’adminiftration de l’hôtel.
Lç Roi jugea à propos d’établir dans fon école
militaire un directeur général des études ; fes fonctions
fe devinent aifément. _
Il y a un profeffeur ou un maître pouf chaque
fcience ou art dont nous avons parlé. Ils eurent
d’abord chacun un nombre fuffifant d’adjoints dont
ils faifoient eux-mêmes le choix. Cette règle étoit
néceffaire pour établir la fubordination ÔL l’uniformité
dans les inftruétions ; les uns & les autres,
dans la partie qui leur étoit confiée , ne reçoivent
d’ordres que dû directeur général des études.
Le confeil eft aéhiellement compofé du miniftre
de la guerre , du gouverneur & infpeéteur général ,
du fous-infpeéleur, du contrôleur général, du trésorier
& du directeur des études ; un fecrétaire du
confeil de l'hôtel y tient la plume.
Le ro i, par* une ordonnance particulière , a |
fixé trois fortes de confeils dans Vécole royale
militaire ; un confeil d’adminiftration , un confeil
d’économie, & un confeil de police.
Dans le premier, qui fe tient touts les mois, &
auquel préfide toujours le miniftre, on traite de
toufes les affaires qui concernent l’adminiftratfoa
. generale de l’établiffement ; on y entend les-
*reforier ; le miniftre y confirme les
délibérations qui ont été faites dans fon abfencepar
le confeil d’économie & de police , &c.
k.e confeil d’économie eft particulièrement
deftine a régler tout ce qui a rapport aux fournitures
, aux dépenfes courantes , &c. Car il eft bon
d obferyer que , quoique la partie économique
foit dirigée par l’intendant de l’h ôtel, il ne paffe
aucun marché, ni n’alloue aucune dépenfe , qui
ne foit vifée & arrêtée au confeil d’économie ,
• enfuite par le miniftre au confeil d’admmiftration.
Le confeil de police a principalement pour objet
r.ePr*m,er ^ Punh les fautes des élèves ; les
officiers n ont d’autre autorité fur eux , que celle
de les mettre aux arrêts; cette précaution étoit
néceffaire pour éviter ces prédile&ions, qui ne
font que trop communes dans les éducations ordinaires.
L’officier rapporte la faute par écrit, & le
confeil prononce la punition. Les hommes font
fi fujets à fe laiffer prendre par l’extérieur , qu’on
ne doit pas être furpris qu’il en impofe aux enfants.
D ailleurs, ;en fermant la porte au caprice & à.
1 humeur, cela leur donne une idée de juftice qu’on
ne peut -leur rendre refpeftable de trop bonne
heure. Au refte , on a retranché de l ’école m i l i ta i r e
toutes ces punitions , qui, pour être confacrées par
Tufage , n'en déshonorent pas moins l’humanité.
Si des remontrances cenfées & raifonnables ne
fuffifent pas, il eft affez de moyens de punir févè-
rement, fims en venir à ces extrémités qui abail-
fent l’ame au lieu d’élever le courage. Nous avons
fait ufage, avec le plus grand fuccès , de la privation
même de l’étude & des exercices.: ce ne peut
être l’effet que d’une grande émulation. Raifonnons
toujours avec les enfants, fi nous voulons les
rendre raifonnables.
C ’eft à-peu-près là le plan du plus bel éta-
I bliffement du monde. Il eft digne de toute la grandeur
du monarque ; la poftérité y reconnoîtra le
fruit le plus précieux de fa bonté & de fon humanité
; & la nobleffe de fon royaume, élevée par
fes foins, perpétuée par fes bienfaits, lui confacrera
des jours & des talents qu’elle aura l’honneur ÔL
la gloire de tenir du plus grand & du meilleur
des rois.
C et a r tic le e j l d e f e u M . P a r i s d e M e y ç î e u , d i r e c t
t e u r g é n é r a l d e s é t u d e s , & in t e n d a n t d e l ’É c o l e ,
r o y a l e m i l i t a ir e , en [ u r v i v a n c e , d e M . P a r i s
d u V e r n e y , c o n s e ille r d ’é ta t. On a fimplement
corrigé les çhofes qui ne convenoient plus depuis
longtemps, & obfervé entre deux parenthèfes 9
ce qui n’a jamais eu lieu.
Un édit du roi du mois de Janvier 1751 , cftht
l ’école r o y a l e m i lita ir e . Elle fut d’abord établie au
château de Vincennes, en attendant que l ’hôtel »
bâti dans la plaine dç Grenelle, fût en état çte?
recevoir les élèves*
Il parut enfui te fucceffivement un grand nombre !
d’édits, déclarations , arrêts du confeil, réglements
& ordonnances pour régler l’ordre intérieur de
cette maifon, ÔL lui affigner des fonds. Ceux qui
voudront connoître tout ce qui a été fait à cet égard
peuvent confulter le recueil de ces édits, déclarations,
ÔLc. ,■ imprimé en 1762 chez le Mercier ,
rue Saint-Jacques, i n -8°.
. Cet établiflement a éprouvé, dans fon ordre
intérieur , de fréquents changements. On fent
combien cette flu&uation eft nuiflble. Elle annonce
la nullité ou la fauffeté des principes ; elle porto
un fentiment de mépris & de découragement dans
touts les efprits ; elle enhardit la mauvaife intention
, & empêche l’effet du zèle & des lumières.’
Je ne dirai point ici quelle en a été la fource, mais
feulement, ÔL en peu de mots, ce qui doit être |
pour qu’elle n’exifte pas.
L objet de l’établiffement eft d’abord l’utilité
publique , enfuite l’utilité particulière des familles
ÔL des individus ; le fouversin & l’état ne font
cette dépenfe que pour avoir des fujets plus capables
de les fervir. Si les élèves font pris au hafard
dans les familles, on aura, le plus fouvent des
enfants fans talent & fans efprit, qui, n’étant pas
propres à l’étude, en feront excédés, & contracteront
, en fubiffant des châtiments injuftes au fond,
plufieurs habitudes vicieufes qu’ils n’auroient pas
eues, s’ils étoiént reftés dans leurs familles. Ces
enfants tiendront la place de ceux qui, nés avec
des talents, perdront l’occafion d’entrer dans Y é c o le ,
Ôl de les y cultiver ; l’état éprouvera une double
perte, & la dépenfe qu’il fait lui nuira; il s’enfuit
néceffairement qu’on doit faire choix des élèves ,
& renvoyer aux parents ceux qui n’auront ni talents
ni difpofitions à l’étude, ni force de corps. Cette
loi étant établie , le renvoi, hors de Y école , ayant
pour caufe des défauts naturels indépendants du
fujet, ne fera plus regardé comme honteux.
Il n’eft pas moins effentiel de faire choix des
officiers. Le chef doit avoir une connoiffance générale
de toutes les parties qui font enfeignées dans
Y école. S’il né l’avôit pas, l’amour-propre l’éga-
reroit facilement, en lui perfuadant qu’elles font
peu importantes, & qu’on peut non-feulement
être officier , mais même officier général fans étude
ÔL fans connoiffances. Il n’auroit pas pour les profeffeurs
les ; égards néceffaires pour faire naître &
entretenir dans les élèves , le refpeâ qui leur eft
dû. Il les mépriferoit peut-être ; il montreroit ces
fentiments aux officiers qui fervent fous fes ordres ;
la plupart imiteroient fon exemple, foit qu’ils
penfaffent en effet comme lu i, foit qu’ils vouluffent
le flatter , ÔL toute étude feroit riégligée, tout zèle
fufpendu dans les maîtres , ÔL tout talent étouffé
dans les élèves. Ainfi l’objet de l’établiffement
feroit manqué pour l’utilité publique.
On ne doit employer , dans une école m ilita ir e ,
que des maîtres dont l’âge, l’expérience , les moeurs
irréprochables , les talents & les lumières puiffent
forcer le refpeéi ôl obtenir l’affeéHon de leu s
élèves. Si on y admet de jeunes gens, ils feront
incapables de l’emploi difficile qu’on leur confie ;
ils ne pourront connoître ni l’étendue ni l’importance
de leurs devoirs. Paffionnés, vains, & incon-
féquents , ils nuiront aux moeurs de leurs élèves ,
en leur donnant l’exemple dangereux de l’emportement
ÔL de l’injuftice, au lieu de les captiver.
ÔL de les conduire à la vertu par la douce ôl infaillible
voie de la railon-& de la perfuafion : il faut,
pour la concevoir, avoir éprouvé la toute pu if-
fan ce de la raifon fur les enfants. Leur ame innocente
, pure, & faite pour e lle, ne defire qu’elle ;
& qu’il eft rare qu’on la leur préfente ! Il lemble
qu’on ne cherche qu’à les abufer ; on fe trompe
étrangement; on ne conduit pas aubiçn par l’erreur.
On voit des maîtres fi jeunes, qu’ils auroient eux-
mêmés befoin de maîtres. Ils ne font pas feulement
incapables de former les moeurs par l’exemple qui
eft la leçon la plus efficace. A peine inftruits de
la fcience qu’ils ofent enfeigner, ils l'apprennent
avec leurs élèves. On peut juger de-là comme ils
les inftruifent. Ceux qui ont rempli avec fuccès
cet emploi difficile n’ignorent pas qu’il faut connoître
, embraffer , & avoir préfente une fcience
dans fon entier pour 'en donner les principes ;
qu’il faut étudier l’efprit de chaque élève, tantôt
le conduire ÔL l’éclairer , tantôt le fuivre & le
foutenir, fe replier pour lui préferiter fous une
autre face , une vérité qu’il ne faifit pas fous celle
qu’on lui préfente, l’encourager, l’animer fans ceffe,
ne le rebuter jamais , & , pour opérer ces chofes
fi délicates & fi difficiles, il faut l’aimer. Il faut
plus encore , on doit toujours voir dans l’élève
que l’on forme la fociété toute entière ; c’eft-là
l’intérêt principal ; celui de l’individu n’eft jamais
que fubordonné. Et voilà ce que nous difte la
véritable raifon ; elle n’eft jamais ni sèche ni dure :
au contraire , elle eft. toujours douce, aimable,
indulgente ; elle n’éclaire qu’avec l’intérêt de conduire
au vrai ; elle ne reprend celui qui s’en écarte
qu’avec les ménagements diftés par la bonté ÔL
l’humanité. On ne peut êtré convaincu de ces
| vérités que par une longue fuite de réflexions ÔL
une grande expérience , qu’il eft impoffible de
trouver dans un jeune homme, fouvent orgueilleux,
vain , peu inftruit , plein de préjugés , prefque
toujours égaré loin de la raifon par le feu de fes
pallions. Le comble du mal & de l’erreur èft qu’un
chef defpotiqué ne veuille que des maîtres qu’il
puiffe traiter en efclaves, favorifer aujourd’hui,
ÔL chaffer demain, fuivant fon caprice ; il en trouvera
peut-être , mais alors tout eft perdu.
Le choix des officiers n’eft pas d’une moindre
importance. Ils doivent joindre à toutes les qualités
relatives aux moeurs ,& dont je viens de parler,
la connoiffance de leur métier , l’amour des
fciences & de l’étude, ÔL la connoiffance des ufages
reçus. L’objet de l’éducation n’eft pas feulement
de former des hommes propres à la guerre ; mais