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La hauteur du roi de Perfe & ces mots de
maître de fervitude, indignèrent des hommes
libres : ils cherchèrent avec plus d’ardeur les
moyens de détruire l’armée ennemie. Scopahi fut
envoyé avec-une partie des Scythes & les Sau-
romates, pour engager les Ioniens à la retraite.
La cavalerie Scythe inquiéta les Perfes, fur-tout
de nuit, ou pendant les repas. Vive,légère, excellen
te pour ces attaques fubites, elle avoit toujours
l ’avantage. Mais elle étoit repouffée par l’infan-
. terie qui foutenoit les cavaliers mis en fuite ; & ,
comme la Scythie ne produifoit point d’ânes, les
. chevaux étoient fort effrayés du braiement &. de
la forme de ces animaux.
L’état de guerre que les Scythes avoient em-
hraiïe, ne leur laiflant rien à craindre, ils defiroient
, de retenir l’ennemi dans leur pays , afin de le
.ruiner en détail, & de le réduire à une entière
difette. Us réfolurent donc de laifler quelques troupeaux
feuls avec les bergers, &,de s’éloigner. Les
Perfes, tentés par cette proie, la pourfuivirent,
& enlevèrent de temps en temps ce bétail abandonnée
Ces petits fuccès les retinrent jufqu’à ce
qu’enfin les fubfiftances leur manquèrent. Ce fut
alors que les rois Scythes leur envoyèrent, fuivant
leur ufage, un préfent énigmatique, & c’étoit fans
doute celui qu’indathyrfe avoit promis à Darius.
Il confiftoit en un oifeau, un rat, une grenouille
& cinq flèches. Comme les rois font aufli prompts
à fe flatter qu’emprefles à recevoir la flatterie, celui
de Perfe crut que les Scythes, fous ces attributs fym-
boliqües'jluîlivroient la terre,l ’eau, & leurs armes,;
mais un des grands de fa cour, nommé Gobryas ,
les interprêta autrement. Suivant lui, les Scythes
vouloient dire : a vous n’êtes, ô Perfes, ni oifeaux
pour vous enfuir par les airs, ni rats pour vous
cacher fous la terre, ni grenouilles pour vous réfugier
au fond des eaux ; vous périrez par ces
flèches. ».
Darius manquant de-vivres & d’efpérance ,
craignoit déplus que les Scythes ne le préyinflent à
l ’Ifter, & ne détruififlent fon pont, ou que les
Grecs ne l’abandonnaffent. Il fe réfolut donc à la
retraite. Lorfque la nuit fut venuè, il fit allumer
des feux dans le camp à l’ordinaire, y laiflant touts
les ânes attachés, afin que leur braiement fît croire
à. l’ennemi que l’armée étoit préfente. Il voulut
cacher fon deflein, même à fes troupes, & feignit
de confier la garde du camp aux foldats les plus
.affoiblis par la difette & la fatigue, de même qu’à
ceux qu’il étoit le moins important pour lui de
facrifier, difant qu’il marchoit à l’ennemi avec.le
refte de fes troupes. Il fe mit donc à leur tête, &c
prit la route de 1’Ifter.
Dès que le jour parut, les Perfes, biffés dans le
camp, fe voyant abandonnés, en donnèrent avis
aux Scythes, Auflitôt leurs deux divifions, celle
des Sauromaîes, les Budins & les Gelons fe réunifient
» & fui vent1 l’armée ennemie. Comme ils. n’a-,
y oient que de la cavalerie, & connoifloient mieux
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les chemins, dont la plupart n’étoient pas frayés J
ils arrivèrent au pont de l’Ifter avant les Perfes.
Les Ioniens y étoient encore, quoique le temps
pi® Darius lui avoit prefcrit pour l’attendre, fut
écoulé, & que les Sauromates euflent déjà tenté
d-e les engager à fe retirer. Les Scythes eflayèrent
de leur perfuader que l’armée des Perfes étoit en
leurs mains, & qu’elle alloit être détruite. Miltiade,
chef des Athéniens, & tyran de la Cherfonèfe
Hellefpontique, confeilla de fuivre l’avis des Scythes,
& d’affranchir l’Ionie. Dans la perfuafion que
Darius & les Perfes n’avoient plus de reffource,
cette propofition étoit généreuie; dans le doute,
une trahifon. Hiftiée de Milet la combattit. Il pou-
. v o ity oppofer l’incertitude de la défaite des/Perfes,
& la foi de l’engagement pris avec Darius : il
employa un autre moyen moins honnête , mais
plus sûr : ce fut l’intérêt particulier des petits
tyrans, ou gouverneurs des villes Ioniennes. 11 leur
reprefenta qu’ils ne tenoient leur autorité que du
roi feul; que la fienne tombant, la leur tomberait
avec e lle , & que toutes les villes préféreroiéiit
l’état populaire à la tyrannie. Il fut auflitôt réfolu
que l’on attendroit encore Darius, & que l’on
prendroit les précautions néceflaires à l’égard des
Scythes.
Il falîoit paroître fuivre leur avis, & les mettre
hors d’etat de paiTer l’Ifter , & d’employer la force
contre les Ioniens, s’ils déçouvroient que la per>-
fuafion n’avoit pas réufli auprès d’eux. Les chefs
remplirent ces deux vues en faifant lever jufques
hors la portée du trait', la partie du pont qui étoit
du côté de la Scythie. Us envoyèrent enfuite un
député au roi Indathyrfe, pour le remercier de
I Qccafion qu’il leur donnoit de recouvrer la liberté,
& l’engager à chercher au plutôt à détruire leurs
ennemis communs. Le Scythe crut les Grecs ftn-
ceres : il fe mit en marche , ne douta plus que
les Perfes ne fuflenten fa puiflance.
Indathyrfe avoit employé jufqu^lors ce que l’art
de la guerre a de plus rufé,, & ce que la prudence
a de plus fage. Il avoit miné les forces de fon ennemi
en n’employant d’autres armes que la fatigue
& la difette ; il avoit vaincu fans combattre , réduit
à l’abfurde les projets cTun roi ambitieux ,
détruit la plus grande partie de fon armée, forcé
le refte à une retraite ignominieufe. U avoit tenté
& croyoit certaine la défeâion. de fes alliés. Il
alloit de nouveau le chercher, pour l’entourer.,
l’inquiéter, lui ôter toute fubfiftance. Mais une
précaution importante lui échappa. Il auroit dû envoyer
des cavaliers fur différents cheminspour
fçav.oir lequel avoit été fuivi par les Perfes. Il devoir
auffi laifler un détachement à la vue du ponr,’
pour être pleinement affuré de la retraite des Ioniens,
& avoir des nouvelles de l’armée ennemie,
dans le cas oh elle arriveroit par une autre route
que celle qu’il alloit prendre. Mais il compta trop
fur la foi des Grecs, & ne crut point que Darius
revînt par les mêmes lieux oh il a'voit paffé, parce
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que les Scythes y avoient tout ravagé, & fermé
les fources. Il- retourna vers ceux qui produifoient
encore quelque fubfiftance, ne doutant point de
î y trouver. Cette négligence à le faire chercher en
plufieurs endroits, l’empêcha de retirer tout le
fruit de fa profonde & fage conduite. Darius fuivi
t le chemin qui lui étoit connu , & traverfa péniblement
les plaines dévaftées, mais il parvint à
fon pont, & paffant lifter , échappa aux Scythes.
Il fe rendit promptement à Seftos, oh il s’embarqua
pour l’Afie , & laiffa dans la Thraee Mega-
byfe , fils de Zopire , avec quatre-vingt-mille
hommes , afin de contenir les peuples qu’il y avoit
fournis, & d’en achever la conquête. Il eftimoit
tant ce général , qu’Artaban lui demandant, ce
qu’il defireroit avoir en nombre égal aux grains
d’une grenade qu’il ouvroit : J’aimerois mieux, dit
Darius , avoir autant de Megabyfe que toute la
Grèce.
Le malheureux fuccès que ce monarque eut en
Scythie , ne modéra point fes vues ambitieufes. Il
entreprit la conquête de l’Inde , en fit une province
de fon empire, & lui impofa un tribut de
trois cents foixante talents d’or. Il fembloit que ce
vafte empire , compris depuis l’Inde jufqu’à la mer
d’Ionie , dut latisfaire fes defirs. Mais ceux des
conquérants n’ont aucunes bornes. Celui-ci, déjà
.maître d’une partie de la Thraee, embrâfloit déjà
dans fes projets le refte*de l’Europe. Mais il étoit
plus difficile qu’il ne le penfoit de s’en ouvrir
l’entrée, défendue par le courage & l’habileté dès
Grées. Je ne fais point ici mention des rois & des
guerres dont les hiftoriens Perfes ont- parlé , parce,
qu’on n’y trouve que des récits fabuleux , desi
noms de princes ou de généraux vaincus ou vainqueurs,
nul accord avec les hiftoriens Grecs, &
pas un feul détail utile à l’art militaire. S i, par
exemple , nous ne connoiflions l ’expédition d’A lexandre
que par eux , nous en ferions auffi peu inf-
truits que de-çelle de Jafon dans la Colchide.
G R E C S , I O N I E N S , Æ O L I E N S , &c.
. Les Grecs, vivant d’abord dans l’état fauvage,
oi. enfuite fous des chefs militaires , auxquels on
donna le nom de rois , continuèrent & firent
quelques guerres qui ne confiftoient qu’en invafions
& en brigandages. Us étoient divifés en petits
peuples nommés Pélafges , Aones , Léleges ,
Dryopes, & autres noms peu connus. U n’y avoit
entre eux ni sûreté, ni commerce. Le plus fort
dépouilloit le foible. La richeffe n’étoit qu’un malheur
, parce qu’elle excitoit l’envie. La fertilité des
campagnes attiroit la guerre : on ne les cultivoit que
pour en tirer la fubfiftance néceflaire. La Thefifa-
l ie , la Béotie, la plus grande partie du Peloponèfe,
pays abondant, furent le plus fujets aux révolutions.
Lés chefs y étoient plus puiffants , plus
jaloux, & ennemis entre eux. Lorfqu’ils s’étoient
gffoiblis par dgs guerres içteftines , il furyç.Qpft
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des brigands étrangers qui s’emparoient de leurs1
pofleflions. Au contraire , les cantons ftériles , tels
que l’Attique , étoient plus' paifibles, parce quils
n’excitoient ni la cupidité ni l’envie. Les peuplades
que la violencé dépoffédoit s’y réfugioient comme
dans un afyle. Ainfi la population diminua dans les
meilleurs cantons de la Grèce , & augmenta dans
les moins fertiles ; tellement que ceux-ci ne pouvant
fuffire à les habitants, ils furent obligés
d’envoyer au dehors dés colonies.
Cependant quelques-uns des petits chefs ayant
pris la prépondérance agrandirent leur territoire,
& furent plus en état de s’oppofer aux invafions.
Le royaume de Scicyone s’éleva au - deflus dès
autres ; mais'il fut bientôt en rivalité avec celui
d’A rgos, dont Inachus eft regardé comme le premier
roi. {A n du M. 2147, av. J. C. 1857 ). Pho-
ronée fon fils & fon fuccefleur engagea les fujets à
fe réunir dans une cité. Ainfi la civilifation n’a—
voit encore fait: que peu de progrès. Les guerres ,
les oppreffions , les violences , les barbaries s’y
oppofoient de toutes parts. Le courage, la valeur
de quelques autres chefs triomphèrent de ces obl-
tacles. Eurotas fonda le royaume de Sparte ou
Lacédémone. ( An du M. 2 2.90.). Cecrops celui de
l’Attique , Pelafge de l’Arcadie, ( 2448 ) , Sify phe
de Corinthe, ( 2490), Cadrnus de Thèbes, (25 5©)»
d’autres ceux de la-Theflalie-, d’Elide , d’Achaïe ,
de Locres , & d’autres petites parties de la Grèce.
L’hiftoire ne fait que marquer les guerres de ces
anciens temps. Sthénélns ou fon fils Elanor -, der—
nièr des Inachides, fut dépofledé du trône'd’Argos
par Danaiis, fils de B élus, roi d’Egypte ; Danaiis
par fon neveu Linée ; Prætus par fon frère Acri-
îlüs. Celui-ci aidé par fon beau-père Jobates, roi
des Lyciens, defeendants des Crétois , recouvra-
Tirinthe & les côtes de EArgolide. Avant ces deux
rivaux, la Grèce ne connoiflbit pas l’ufage du
bouclier. Les Cyclopes entourèrent.Tirinthe de
murs, Sc. Prætus leur permit de s’établir dans fes-
états. Bellérophon envoyé par Prætus à Jobatës v
avoit vaincu les Solymes ôc les Amazones , c?eft-
à-dire, fuivant ce qui paroît le plus vraifemblable,
quelques peuples feptentrionaux, 'dont les femmes
prenaient part aux combats avec les hommes.-
( Vûye1 A mazgnes.) .
Perfée , fils de Danaé , laiffant ArgOs à Méga-
penthe , fils de Prætus, fë réferva Tirinthe , & fortifia
Mycène & Midée. Amphytrion ayant reçu-
d’Eleelrion le royaume de Mycène , fit la guerre à
Pteilas, roi des Taphiens ou Téléboens F.tgoblis ,.
dans lès îles Echinades, fécondé par Céphale de
l’Attique , Panope de Phocée, l’Argien Elée, fils
de Perfée , & Créon de Thèbes, s’empara de toutes
ces îles, les partagea entre Elée & Céphale, &
revint avec un riche butin. Sous Euriftée parut le
plus célèbre des héros, tant par l’étendue de fes
courfes que par le nombre & la nature de fe s .
exploits. Si nous féparons ce que l’enthoufiafme ou >
l’ajiiour du, roçryçillgux, fit - -, r. i aj. outepr à• :fon hiftoixe,-