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M. le prince d’Orange à qui touts lesmôuve-
.ments qui le faifoieut dansNamur éroient connus., •
crut qu’effeéHvement M. de Luxembourg vouldit
attaquer le camp retranché de Liège. Il quitta
.ion camp de Parckpour l'uivre M. de Luxembourg
de loin, 6c fe mettre à portée de faire encore entrer
dans le camp de Liège autant de troupes qu’il y
'en avoit, en faiiant marcher ce corps à couvert du
Démer
M. de Luxembourg, informé de la marche de il
l’ennemi pour s’approcher de lu i, & de fon déta- j
chement pour Liège, régla fes mouvements de-
vant cette place , de manière qu’il pût être sûr
de l’affoibliflement de l’armée de M. le prince
.d’Orange, avant que d’exécuter fon deflein de
combattre.
M. le prince d’Orange, qui fe fentoit fort fupé-
rieùr en troupes à M. de Luxembourg, content
d’avoir fait entrer de nouvelles troupes dans le
camp retranché de Liège, fe tenoit avec tout le
relie de fon armée , fa droite à Getthe , fa gauche
à RonfJorph, le long du ruiffeau de la Landen , le
village de Neerwenden à fa tête. Il détacha même
encore M. le duc de Wirtemberg avec un corps de
dix ou douze mille hommes, pour aller forcer nos
lignes de Courtrai, & faire contribuer nos châ.-.
tëîlenies, parce qu’il ne croyoit pas que. M. de
Luxembourg pût le venir attaquer dans le polie
qu'il s’était ehoifi.
M. de Luxembourg, content des mouvements
que M. le prince d’Orange .venoit de faire par. la
préfomption que lui donnoit fa fupériorité en
troupes , .ne fongea qu’à raflùrer encore mieux
M. le prince d’Orange, dans fon camp de Ner-
■ winde', où il lé croyoit, en fureté, & ou M. de
Luxembourg avoit pourtant réfolu de l’aller combattre.
II feignit pour cèt effet d’avoir conçu une inquiétude
extrême pour nos Châtellenies de Flandre,
& fit marcher à midi toute.la fécondé ligne , avec
des ordres publics de faire toute la diligence pof-
fible pour fecourir nos châtellenies , ôc des ordres
fécrets aux troupes détachées de faire balte :en un
lieu marqué ; 6c dès que la nuit fut venue j il marcha
à l’ennemi avec tout le relie de l’armée : il
le trouva tranquille dans fon camp , parce qu’il
croyoit M. de Luxembourg occupé à fon entreprise
de Liège y & affaibli même d’une partie de
fon armée, qu’il avoit eu avis qui marchoit vers
la Flandre.
. Un orage terrible , furvenu dans le moment que
l’armée fe mettoit en marche , l’appefantit li fort,
qu’elle ne put arriver affez-tôt pour combattre ce
même jpur ; il .fallût attendre au lendemain , que 1
la bataille fe donna avec le fuccès glorieux dont
je parlerai ailleurs.
,Çe récit n’a été détaillé avec toutes fes ciixonf-
tances^. que pour rendre.fenfible ce que j’ai avancé
dstns mes, ; mémoires : fu r Jâ pierre, lorfqiie j’ai dit
que la conduite d’une pierre défenfive entre puifi-
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fances égales, réfidoit toute entière dans l’efpric
6c la capacité du général qui en étoit chargé ,
dont ila fupériorité de génie fur fon adverfaire
s’étoit louvent trouvé feul capable de faire changer
la conftitution'de cette efpèce de pierre , toujours
.défagréable à foutenir.
.-Car enfin, qu’eft-il de plus vrai que fi M. de
Luxembourg avoit été de ces génies de guerre
ordinaires, 6c qu’il n’eût pas été plus habile que
M. le prince d’Orange , la campagne de Flandre
auroit été aufli défagréable pour le Roi que le
fut celle d’Allemagne, comme nous le dirons en
•fon lieu-?’
Le gain de la bataille de Nerwinde fut fi effeéfif,
•qu’il.procura la-fupériorité entière à l’armée-du roi
pour le refte de la campagne , de manière qu’à la
fin de feptembré elle forma le fiège de Gharleroi,
prit cette place , après quoi elle alla encore empêcher
M. le prince d’Orange de s’emparer 4e Côür-
trai, 6c vécut enfin aux dépens des ennemis jufqu’au
temps des quartiers d’hiver. Voici quelles furent les
fautes qui firent perdre à M. le prince d’Orange fa
fupériorité véritable.
La première fu t, après le départ du roi pour fort
retour , -6c*celui de M. le dauphin avec fon armée
pour l’Allemagne, de n’être pas .forti de fon camp
de Parck, 6c de n’àvoir pas empêché M. de Luxembourg
de prendre celui de Meldert. Cette négligence
fut caufe qu’il ne put fortir de fon camp de
Parck, tant que M. de Luxembourg négligea de
prendre celui de Meldert, 6c qu’il ne put aufli fe
faire joindre par les troupes qui étoient à Lièges
crainte que notre général ne s’emparât de cette
v ille , s’il la laiffoit fans unë puiffante proteâion.
Amfi il manqua l’occafion de fe donner fur. M. de
Luxembourg la fupériorité qu’il- auroit eue s’ils
avoient été enfernble.
La fécondé , fut celle d’avoir pris toutes les dé-
monftrations de M. de Luxembourg fur Liéc;è pour
un deflein certain , 6c de s’être déplacé avant que
ce général eût effectivement formé l’attaque de
Liège.
La troifième, d’avoir trop promptement détaché
M. de Wirtemberg pour aller en ‘Flandre , dans-là
fuppofition qu’il auroit le temps d’exécutér. dette
entreprife pendant que M. de, Luxembourg ferôit
occupé à Liège.
La quatrième, qui imit M. de Luxembourg en
état de profiter desr trois premières, fut celle de
s’être tenu à portée d’une aélion générale , après
s'être affoibli par les détachements pour Liège 6c
pour la Flandres.
La cinquièmefans laquelle M.'de Luxembourg
n’auroit encore que foiblement réuffi dans fon
deflein de changer la conftitution de la guerre ,
6c n’auroit pu. parvenir tout au plus même qu’à
faire une guerre..égale 6c fans avantage, le•tefle
de la campagne ,;:fut icelle' de croire qu’ayant eu
le temps de retrancher le front de fan camp
| dont les ailes étaient couvertes par la Getthe16c
4e
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le ruifle.au de Lauden , M. de Luxembourg, dont
l’infanterie n’avoit pu, arriver que la nuit, quoiqu’il
fut arrivé avec fa cavalerie à deux heures après-
midi à vue du camp ennemi, fe déflfteroit du defir
de le combattre, lorfque le lendemain matin i l .
yerroit le front du camp, retranché, comme il le
fut pendant la nuit.
Si même M. le prince d’Orange , fans prendre
trop de confiance dans la bonté apparente de fon
polie, eût voulu éviter une aétion décifive dans
«ne conjoncture ou les détachements qu’il avoit
faits la lui dévoient prudemment faire éviter, 6c
s’il fe fût fervi du temps de la nuit pour faire palier
la Getthe à fon armée, 6c mettre cette rivière
devant lui, il eft certain que tout« les mouvements
d’habile Ôc de grand capitaine que M. de Luxembourg
avoit faits pour combattre M. le prince
d’Orange avec avantage , ne lui auroient été d’aucun
profit pour changer la conflitution de la guerre ,
6c fe donner la fupériorité fur fon ennemi par
des mouvements qui n’auroient rien décidé fans
combat ; parce que M. le prince d’Orange , en
le couvrant de la Getthe , 6c évitant de combattre ,
feprocuroit le moyen infaillible de rejoindre toutes
les forces , 6c de fe conferver par-là la fupériorité j
fur M. de Luxembourg.
Exemple qui juftifie combien facilement une
première faute faite devant un général d’un génie
fupérieur , conduit aifément à toutes les autres, 6c
jufqu’à celle qui décide de la conftitution d’une guerre.
J’ai -dit ci-defliis que le premier projet pour la
campagne d'Allemagne avoit été d’y demeurer fur
la defenfiv.e, ôc que celui même des ennemis étoit
de ne rien entreprendre de ce côté-là, parce qu’ils
vouloient agir avec fupériorité en Hongrie 6c en
Piémont , à quoi ils. étoient conviés par ce qui
s’étoit pafle l’année précédente en ce pays-là.
Mais M. le Dauphin ayant marché en Allemagne
avec fon armée , 6c y ayant joint celle que
çommandoit M. le ;maréchal de Lorges , pour agir
conjointement contre l’armée de l’empire, commandée
par M. le prince de Baden, ce prince ,
qui vit fondre fur lui une armée fort fupérieure à la
fjenne , ne fongea qu’à fe placer de manière à
pouvoir feulement garder l’Allemagne au - delà du
Necker, 6c abandonna tout le pays entre le Rhin
$ le Necker, comptant que c’en fèroit aflez dans
1 état ôu il fe trouvoit, s’il pouvoit empêcher que
nous ne pénétrations plus avant, 6c efpérant que ;
la fupériorité de M. le prince d’Orangè en Flandres,
ou 1 offenfive que M. de Savoye avoit réfolu de
faire contre nous , le débarrafleroit de nos grandes
forces en Allemagne pour marcher au fecours de
Pignerol ou de la Flandres, 6c qu’ainfi nous ne pourrions
pas prendre des quartiers d’hiver dans l’Empire.
Pour ,cet effet M. de Baden fortifia un camp
pour toute fon armée fur la hauteur quLtombe
fur Heilbron , où il avoit jetté un corps d’infanterie.
Ce camp étoit inattaquable du côté de Heilbron
, parce qu’il ne pouvoit être abordé- qu’après
Art militaire, Tom, II,
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«’être rendu maître de cette ville ; mais il n’étoit
point foutenable , fi l’armée du roi avoit pafle
le Necker à Nakerfulm 6c à'Wimphen , 6c qu’elle
eût tourné ce camp.
Ce fut ce que l’on négligea de faire : on le tâta
du côté de Lauffen, où il n’étoit point attaquable ;
on s’amufa à courir 6c à piller Wirtemberg, que
M. le prince de Baden abandonnoit ; 6c , après
avoir inutilement fatigué l’armée pendant quelque
temps, ôc.fait beaucoup de défordre dans le Wirtemberg
, on fe retira; parce que, comme M. de
Baden l’avoit fagement prévu, le fiège de Pignerol,
que M. de Savoye commençoit à former , obligea
le roi à faire détacher de fon armée d’Allemagne
beaucoup de cavalerie , afin de mettre M. de Cati-
nat en état de fecourir cet^e place , 6c de combattre
M. de Savoye , en cas que ce prince s’opiniâtrât
au deflein de 'ce fiège.
Cet exemple de la judicieufe défenfive de M. le
prince de Baden en Allemagne , fendra à faire
connoîtrë que cette efpèce de guerre peut fe foutenir
fans défavantage marqué , quand on peut
réduire l’agrefleur à un point d’attaque préalable à
aucune autre entreprife , Ôc que, dans un commencement
de cette opération , on ne regarde pas
comme un objet eflentiel de fon projet de défenfive
, de s’oppofer à un ennemi qui attaque avec
grande fupériorité , 6c qu’on ne s’attache qu’à le
réduire à ce point d’attaque préalable à toute autre
opération.
Il eft certain que M. le prince de Baden , dans
cette efpèce de guerre , avoit judicieufement penfé
d abandonner de fon bon gré tout le pays entre le
Rhin Ôc Je-Necker, parce qu’il n’auroit pu tenter de
le foutenir pour partie , fans expofer aufli quelques
parties de fon armée, fort inférieure à la nôtre , &
que fes moindres pertes auroient été fort confidé-
rables pour lui dans l'état où-il fe trouvoit, ôc auroient
abfolument décidé de notre fupériorité dans
un temps où il lui étoit d’une conféquence infinie
de fe maintenir dans une efpèce d’égalité par le
choix d’un bon pofte.
, Par les raifons contraires, il eft aufli certain
que l’agrefleur ne doit jamais fe négliger fur les
attentions à avoir pour décider de la Supériorité.
Si donc M. le maréchal de Lorges avoit été a&if
s’ il n’avoit pas perdu inutilement des jours qui
confommoient le pain qu’il ne droit que de Phiiis-
bourg ôc du Fort-Louis , s’il s’étoit précédemment
informé avec exactitude de la nature du pofte que
M. le prince de Baden avoit pris fur la hauteur
de Heilbron, il auroit fçu que ce pofte n’étoit
point attaquable du côté de Lauffen , 6c il n’y
auroit p®int porté inutilement l’armée.
Il auroit fçu que ne pouvant point attaquer
Heilbron , le Necker entre deux , 6c foutenu de
l’armée ennemie , il falloit pafler cette rivière à
Neckerfulm ou à Wimphen , pour pouvoir agir
avec fuccès contre cette ville , où étoient les
viyres pour, l’armée de M. de Baden j & s'il
N a n a