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muler ici un plus grand nombre de preuves potlr
conftater cette vérité. L’hiftoire ancienne ôc moderne
eft remplie de pareils exemples.
D O D É C A G O N E . Place dont l’enceinte a
douze battions.
DONJON. Partie la plus élevée d’un château
bâti à l’antique. C ’eft une efpèce de petit fort renfermé
dans un autre , qui fert de dernière retraite
à ceux qui le défendent. On ne trouve plus de
donjons que dans les vieux châteaux ou dans les
anciennes fortifications.
Fauchet dérive ce met de domicilium , parce
que le donjon étant la partie la plus forte du château
, étoit le logement du feigneur. Ménage le
dérive de dominionus, qu’on trouve dans les anciens
titres en cette lignification. D ’autres tiennent qu’il
vient de domus Julii Cezfaris , ou domus jugi • Ôç
d’autres , de domus' Juliani, l’empereur Julien
ayant bâti plufieurs de ces châteaux dans les ■
Gaules, dont il y en a encore un en Lorraine ,
qu’on appelle dom. Julien. Ducangè dit qu’on a
ainfi appellé un château, in duno aut colle cedifi-
catum , & que les auteurs de la batte latinité l’ont
appellé donjo , dongeo , dongios, domgio , & domnio.
( Ce peut être un diminutif Ide dun , qui fignifioit
anciennement ville ou fort élevé.). Chambers. (Q.).
DOUBLEMENT. Réunion de deux troupes
en une feule.
Il y a doublement, lorfqu’on réunit deux compagnies
en une feule , deux bataillons, deux régiments
en un, Ôcc. ; ou lorfque-j-daiis les évolutions,
■ une troupe quelconque, venant fe former à côté
d’une autre , double fon front.
D R A G O N S . Troupe deftinée à combattre,
foit à pied , foit à ; che val.
Je vois un préjugé parmi nos officiers de guerre,
que les premiers dragons François de nos armées ,
ont été ceux du feu maréchal de la Ferté. Cela
vient de ce qu’il y avoit en effet peu d’autres dra*
gons dans les armées de France un peu avant la
paix des Pyrénées , & de ce que ceux de la Ferté
firent beaucoup parler d’eux, 6c fe fignalèrent en
diverfes occafions fur la fin des guerres, qui furent
terminées par le mariage du roi Louis X IV ; mais
on verra que ce préjugé eft très faux, par plufieurs
çhofes que je vais dire fur ce fujet.
Les dragons font une efpèce particulière de milice
diftinguée de la gendarmerie , de la cavalerie
légère , 6c de l’infanterie. C ’e ft, ainfi qu’il plaît à
quelques-uns de s’exprimer, une infanterie à chev
a l: ou , fi l’on veut, ce font des cavaliers qui
marchent d’ordinaire à cheval,, 6c qui combattent
fouvent à pied ; 6ç c’eft pour cela qu’ils n’ont que
des bottines ; ils ne portent qu’un piftolet à l’arçon
de la felle, d’un côté ; 5c de l’autre, une hache ,
ou quelqu’inftrument propre à remuer la terre. Ils
ont autti un fufil 6c une bayonnette : leur coèffure
éft une efpèce de chaperon à longue queue, tel
à-peu-près qu’on le portoit autrefois ayant l’ufage
des chapeaux*
D U É
Le lîOttï de dragons, félon M. Ménage \ dafi-s
fes étymologies, paroît venir dé ceux qu’on appe-
loit draconarïi dans les armées Romaines , qui por-
toient des figures de dragons au haut d’une longue
lance. D ’autres le dérivent du mot Allemand tra+
gen ou draghen , qui fignifié, difent-ils , infanterie
portée, parce que les dragons appartiennent à l’infanterie
, 6c qu'ils font portés à cheval. Ménage réfute
cette étymologie , parce que , dit-il, draghen
ne fignifié rien en Allemand ; 6c tragen, qui eft un
mot Allemand , ne fignifié point infanterie portée ,
mais feulement porter. -
J’ajouterai, pour appuyer cette réfutation, que
les dragons étant une milice qui a pris naiffance
. dans les a rmées de France, comme je le vais montrer
, il n’eft guères vraifemblable que les François
leur ayent donné un nom Allemand. Ce feroit
autre chofe fi elle nous étoit venue d’Allemagne;
car, en oe cas, il feroit fort naturel qu’elle eût
gardé fon ancien nom.
Je fuis encore moins content de l’étymologie de
M. Ménage ; car enfin, ces foldats n’ont point de
dragons dans leurs drapeaux, 6c ils n’ont nulle
reflèrrîbiance 6c nul rapport aux draconarïi dont
parle Végece 6c quelques anciens auteurs qui ont ^
traité de la milice Romaine ; car ces draconarïi des
anciens , étoient des officiers qui portoient la figure
d’un dragon dans les cohortes , dont les foldats ne
s’appelloient pas pour cela draconïis , 6c leurs fonctions
n’avoient nul rapport .à celles de nos dragons•
î l me paroît beaucoup plus vraifemblable, que
ce nom fut donné d’abord à nos dragons, comme
une injure par les ennemis chez lefquels ils alloient
porter le ravage, 6c qu’il leur demeura. Ils le prirent
volontiers comme un nom terrible qui les ren-
doit redoutables, ôc qui marquoit leur a&ivité ÔC
leur valeur. Il fe pourroit faire encore que le maréchal
de Briffac , qui imagina cette efpèce de mi-,
lice , leur donna lui-même ce nom , par de pareilles
raifons.
Je dis que ce fut Charles de Cotte, maréchal
de Briffac , qui imagina, ou du moins qui leva
cette efpèce de milice, lorfqu’il étoit à la tête des
armées de France , dans le Piémont : 6c je le dis
fur le témoignage du cavalier Meizo, qùi imprima,
en i 6 i i , fon ouvrage intitulé Regole militari
fopra iïgoverno délia cavalleria. C ’étoit un chevalier
de Ma'.the 6c un officier eonfidérable dans les
troupes du roi d’Efpagne. Les arquebufiers à chev
al, dit-il, furent une invention des François
dans les dernières guerres de Piémont; 6c eux-
mêmes leur donnèrent le nom de dragons , qui leur
eft toujours demeuré depuis. L’ufo degli Archi-
bugieri a cavallo fu ijiventato dà Francefi nelle ultime
guerre di Piemonte , & da e([e furono chiamati
dragoni il quai nome tuttavid vengono apprejfo di loro.
Les Espagnols en mirent autti dans leurs armées •
6c quand le duc d’Albe vint commander en Pié-.
mont, il le v a , dit le meme auteur , quelques
compagnies.
« D R A
compagnies de cette milice, qu’il trouva fort utile
au fervice.
Il marque encore les ufages à quoi l’on em-
ployoit les dragons de ce temps-là, qui étoient à-
peu-près les mêmes qu’en ce temps-ci ; on s’en
fervoit pour efeorter les convois, pour battre,
l’eftrade , pour harceler l’ennemi dans une retraite,
pour occuper promptement un pofte, oii l’on ne
pouvoit pas faire marcher affez tôt de l’infanterie :
6c c’eft là proprement leur deftination ; ils com-
battoient tantôt à pied, tantôt à cheval, mais fe
plus fouvent à pied ; 6c dans un combat on les pla-
çoit quelquefois dans les vuides des bataillons.
On ne les faifoit point combattre en efeadron
ou en bataillon ferré ; mais on les rangeoit fur
plufieurs lignes éloignées les unes des. autres, qui,
après avoir fait leurs décharges , alloient à la queue
pour recharger leurs moufquets ou arquebulès, à
moins qu’ils ne fuffent preffés par l’ennemi, 6c obligés
de mettre l’épée à la main.
Le même auteur montre Futilité de cette efpèce
de milice par l’expérience de diverfes rencontres ,
où l’on s’en étoit fervi avec fucfcès. Il rapporte ,
entr’autres preuves, ce qui arriva dans l’expédition
de François Duc d’Alençon, frere des rois
Charles IX 6c Henri I I I , lorfqu’étant appellé par
les états révoltés des Pays-Bas, il vint faire lever
le blocus de Cambrai, que le marquis de Roubais
avoit formé par les ordres d’Alexandre de Parme,
gouverneur des Pays-Bas, pour Philippe I I , roi
d’Efpagne.
Alexandre de Parme, un des grands capitaines
qu’il y eût alors en Europe | s’avança de Valenciennes
vers Cambrai, pour faciliter la retraite aux
troupes du marquis de Roubais. Il faifoit femblant
de vouloir livrer bataille au duc d’Alençon ; mais ce
n’étoit nullement fon intention , lui étant beaucoup
inférieur en forces ; il envoya le capitaine la Biche
fe faifir du village de Paluet, fur la petite rivière
deSenfet, où le duc d’Alençon avoit fait jetterun
pont , à deffein d’aller combattre l’armée d’Efpagne.
Le capitaine la Biche marcha promptement au vif- '
lage, avec fes dragons ; il leur fit mettre pied à terre,
fe retrancha en cet endroit, 6c défendit le paffage
pendant quatre heures; ce qui donna le temps au
duc de Parme d’attendre les troupes du blocus,
6c de fe retirer fans défordre jufqu’à Valenciennes.
Il y avoit encore des dragons en France fous le
règne de Henri I V , dans l’armée de M. d’Au-
mont, immédiatement après la mort de Henri III.
Il y avoit, dit M . d’Angoulême dans fes Mémoires,
trois compagnies d’arquebufiers à cheval, qu’on
nommoit dragons. Un hiftorien de ce temps-là,
qui nous a laifle de très-bons Mémoires du règne
de Henri I V , parle ainfi de fa retraite d’Aumale,
où il courut un grand rifque. «Le roi, dit-il, qui
fe vit fi près de fon ennemi, avec forces du tout
inégales, fans aucune infanterie, fans canons , fit
mettre pied à terre à deux cents arquebufiers à
cheval, que l’on appelloit, dit-il, en ce temps-là
Art militaire. Tome IJ,
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dragons pour l’amufer tandis qu’il feroit paffer fes
troupes au-delà d’une petite rivière, qu’il defiroit
mettre entre deux. Cependant que îa cavalerie
royale paffoit fur un pont, le roi faifoit lui-.même la
retraite ; le duc de Parme , avec toute l’armée ,
étant en bataille, ne voulant rien faire dont on le
dût accufer de témérité, 6c ne croyant point que le
roi fe fût là acheminé avec fi peu de forces, faifoit
ferme, 6c , fans y penfer, donna au roi ce bénéfice
du temps, pour la retraite qu’il faifoit : mais
l’ayant reconnu un peu tard, il fit faire une charge
fi rude aux dragons qui avoient mis pied à terre ,
que peu fe fauvèrent : le roi même en cette charge
reçut un coup d’arquebufe, au. défaut de la cui-
raffe, qui lui brûla fa chemife, êc; lui meurtrit
un peu la chair fur les reins ».
Je trouve encore les dragons du fieur des Ad-
jous, l’an j622 , dans le corps d’armée avec lequel
le comte de Soiffons commença à bloquer la Rochelle
: mais il paroît que cette efpèce de milice
fut fupprimée tout-à-fait, peu de temps après le
fiége de la Rochelle dans les troupes Françoifes ;
je dis dans les troupes Françoifes, car dans les
étrangères, qui étoient au fervice du r o i, il y en
avoit encore ; cela fe voit par les mémoires pour
l’hiftoire du Cardinal de Richelieu, dans les lettres
de ce miniftre 6c des fecrétaires d’état. Il y en
avoit dans les troupes que commandoient les ce-
lonels Batilli, Egenfeld, Heucourt, Hébron. .
Mais , pour revenir à ce que je dis que les Ara-
■gons furent abolis peu de temps après le fiège de
la Rochelle, la chofe me paroît certaine; premièrement,
parce que les auteurs qui ont parlé
des troupes Françoifes en ce temps-là, ne font point
mention de- dragons. Secondement, par une lettre
de M. de Servien , au cardinal de la Valette, du
mois'de juin de l’an 1635 ».qui ^ut celle où l’on
rétablit les dragons : Voie ce que dit M. de
Setvien dans fa lettre : La chaleur s’étant mife à
faire des dragons que l’on avoit toujours rejettés
les commiffions ont été toutes délivrées en trois
jours ; 6c maintenant il n’y en a plus à donner.
Ces paroles marquent clairement qu’il y avoit du
temps^qu’on ne fe fervoit plus de dragons dans les
troupes Françoifes, 6c que ce fut alors, c’eft-à-dire
en 1635 , qu’on les remit fur pied.
En effet, on voit auffitôt après, dans les lettres
des fecrétaires d’état, rapportées dans le même
livre, le régiment de dragons du cardinal de Richelieu
, de douze cents hommes, celui deM. d’AI-
légré, Ôc plufieurs autres.
Il me paroît que depuis ce temps-là, il y a
toujours eu des dragons dans nos armées : il y en
avoit encore l’an 1640; car dans une lettre de
M. des Noyers, feçrétaire d’état, écrite cette
année ^ le 15 de Juillet , aux maréchaux de
Chaulnès, de Chaftillon 6c de la Meilleraye, il eft
dit : « Le roi ayant vu que M. de la Meilleraye
fait état d’amener quatre pièces de canon , eftime
quêtant le g e r e ,,,,,, . ce fera chofe avantageufe