rappeller les affaillants , pour venir s’opposer dans
la ligne à Jugurtha qui l’.attaquoit.
Le moindre avantage que l’on puiffe tirer de
ce voifinage eft que les ennemis, pour ne pas
rifquer d’être attaqués pendant l’affaut, accorderont
à la place une capitulation avantageufe.
Les troupes du pape & celles du roi d’Ëfpagne
faifoient, en 152,1, le liège de Ferrare ; M. de
LautrecI général de l’armée de France , le vint
camper à ïept milles de cette place , dans la vue
que M. de l’Efcut fon frère, qui la défendoit, &
qui étoit fur le point de la rendre, obtînt une
meilleure capitulation : mais l’événement parta fon
attente ; car Profper Colone , ayant appréhendé
que Lautrec ne l’attaquât durant l’alTaut, prit la
réfolution d’abandonner l’entreprife.
Si le terrein eft favorable pour mettre en fureté
votre armée, fortifiez - vous dans un pofte d’où
vous puifliez enfiler ou commander l’endroit par
lequel il y a lieu de croire que les ennemis dirigeront
la tranchée , leurs batteries & leurs mines
contre le front le plus foible de la place , ou dans
lequel ils camperoient commodément leur armée,
fans craindre les inondations, lé mauvais air, la
difette d’eau, ou quelqu’un des autres défavan-
tages qu’on ne peut fouvent éviter dans les campements.
S’il ne fe trouve point, au voifinage de la place,
de terrein avantageux, fortifiez une étroite avenue,
qui ferviroit aux ennemis pour recevoir de ce
côté-là , fans empêchement, leurs fourrages &
leurs convois ; qui les difpenferoit du travail d’une
grande circonvallation , & qui vous ôteroit la
facilité de jetter du fecours dans la place, quand
même votre armée ferait devenue plus nombreufe
que celle de i’affiégeant.
Il eft encore plus important de fe fortifier fur
une étroite avenue , lorfqu’il n’y a que celle-là
pour s’approcher & faire l’inveftiture à la place,
ou que vous les réduifez toutes à une , en rendant
les autres impraticables par les moyens dont j’ai
parlé en traitant des fièges.
Il feroit fur*tout très avantageux de vous fortifier
dans un pofte qui vous confervât la communication
libre avec la place ; car, pouvant alors
recevoir touts les fecours dont elle a befoin, & fe
décharger chaque jour des malades & des bleffés,
elle ne doit point fe perdre , quelque long que
foit le fiège.
Le comte Maurice de Naffau fut obligé d’abandonner
le fiège de B o is - le -D u c , parce que le
comte de Frederich de Bergh vint fe retrancher,
avec l’armée de l’archiduc Albert, dans un pofte
qui lui donnoit une communication libre avec }a
place.
Par cette communication avec la place, vous
fatiguerez extrêmement les ennemis, lorfqu’ils
feront obligés de garnir la tranchée de ce grand
pombre de troupes néceffaires pour s’oppofer aux
fortiçs, je ne dois pas dire de la -garnifon,, mais
de toute l'armée, parce q u e , d’un moment I
l’autre , vous pourrez fournir à la place touts le*
foldats & les régiments dont elle aura befoin pour
faire de puiffantes forties.
Des moyens de fecourir une place affiégée.
Il peut arriver qu’il vous foit impoffible de
réüflir dans ce que je viens de propofer, parce
que l’armée ennemie aura furpris les portes d’une
place autre que celle dont vous aviez conjeéluré
que les ennemis avoient deffein d’entreprendre
le fiège, ou parce qu’avant de vous fortifier au
voifinage de la place qui étoit menacée, vous n’aviez
pas encore affemblé les troupes qui viennent
joindre enfuite en affez grand nombre pour pouvoir
approcher des ennemis. Dans ce cas, commencez
à attaquer & à vous reqdre maître de
touts les châteaux, de touts les lieux fortifiés &
de touts. les autres portes avancés de la ligne
ennemie qui fe trouvent fur votre avenue > afin
qu’aucun n’incommode vos convois & vos fourrages
, lorfqu’en vous approchant des ennemis 9
vous laiffez derrière ces châteaux, ces forts de
campagne & ces villages retranchés.
Alexandre Farnèfe , pour tâcher de fecourir
Paris , fans être forcé d’en venir à un combat
général, s’empara d’abord du château de Lagny,
afin qu’à la faveur de ce château il pût s’approcher
de cette grande ville , qui fut enfin fecourue.
Si les poftes que vous venez occuper ne font
pas affez voifins de la place, approchez-vous-en
le plus qu’il vous fera poffible ; ayez foin de
vous bien retrancher, quand même vous feriez
fupérieur, & dreffez des batteries dans des endroits-
qui enfilent ou qui commandent les batteries de
l’arnjée ennenfie, afin de tenir toujours les ennemis
inquiets.
11 eft quelquefois impoffible de faire entrer des
troupes dans la place affiégée, foit parce qu’il y
a une grande rivière qu’il faudroit paffer, foit
parce que les étroites avenues p a r , lefquelles il
faudroit pénétrer, font fi bien défendues, qu’elles
fervent d’une fûre circonvallation à l’affiégeant.
Dans ce cas , fi la place eft en danger de fe
rendre faute d’argent, comme cela feroit arrivé
à Pavie , lorfque les François en firent le fiège
contre Charles V , il fufïira de vous approcher de
la place à la portée de vos gros mortiers, d’où ,
par les bombes tirées avec la précaution dont je
parlerai dans la fuite, vous jetterez dans la place
tout l’argent qui lui fera néceffaire.
François Lignioni, ingénieur dans l’armée de
Philippe IV , roi d’Efpagne , introduisit dans T urin
, dont les François faifoient le fiège , un fe-
cours de poudre , de fel & de farine par le moyen
de certaines bombes ou boules de métal, que d’un
porte voifin il jeta avec des mortiers dans la place.
Il eft aifé de comprendre qu’il eft infiniment plus
aifé de mettre çn pfage cet expédient, à l’égard
feulement
feulement d’une fomme d’argent, que par rapport
à une quantité de provifions de bouche & de
guerre.
J’ai prouvé dans un endroit de cet ouvrage , par
l’exemple de don Charles de la N o y a , que l’on
'peut dans une nuit obfcure faire entrer de l’or dans
une place, par des hommes de réfolution q u i,
déguifés en vivandiers ou foldats des affiégeants,
s’avancent peu à peu à la tête de la tranchée,
pour paffer de-là à la place.
Ce qui fe pratique ordinairement quand une
place manque d’argent, eft que le gouverneur
fait battre une forte de monnoie de fer, de cuivre
ou d’autre métal, ou il diftribue des billets fignés !
de fa main & fcellés de fes armes ; tout cela, après
un ban qu’il fait publier, a cours félon la valeur
qu’il lui donne. Par le même ban, il doit promettre
qu’après le fiège, le prince rembourfera exactement
en efpèces d’or & d’argent touts ceux qui
feront porteurs de ces billets , ou de ces nouvelles
monnoies. Pour l’ordinaire les troupes de la nation
acceptent la loi fans beaucoup de répugnance : il
n’en eft pas de même des étrangers , qui préfèrent
prefque toujours leur intérêt particulier à l’importance
du fervice , ainfi que je l’ai prouvé au long
en traitant des difpojitions avant la guerre.
Après vous être approché de la place, vbus-
conviendrez avec fon gouverneur, par les correspondances
& les fignaux dont je parlerai plus
bas, de la nuit qu’il doit être prêt pour détacher
une partie de fa garnifon, afin d’animer les troupes
du fecours à arriver promptement par le chemin
que vous leur prefcrivez. Avant de nommer les
troupes, &. de commencer à charger en croupe de
la cavalerie, ou de mettre dans les havrefacs de
l’infanterie te poudre, le plomb, les pierres, la
farine & les autres provifions dont la place peut
avoir befoin, entourez votre camp de fentinelles ,
& donnez vos ordres pour que la marche foit
conduite avec les précautions dont j’ai parlé en
traitant des furprifes. Deftinez en 'même temps des
partis, qui , par un chemin différent de celui que
tiennent les troupes du fecours, iront donner vivement
l’alarme aux ennemis , ce que la garnifon
fera auffi prefqu’en même temps que vous commencerez
la véritable attaque.
Cette conduite réuffit parfaitement à M. Nor-
rits , lorfqu’en 1580 les Espagnols faifoient le fiège
de Steenwick , qui fut fecouru par les Provinces-
Unies que Norrits commandoit.
Les ennemis fe tiendront moins fur leurs gardes
plus votre armée fe trouvera éloignée ; par confé-
quent, fi elle n’eft pas au voifinage de la place ,
vous pourrez la fecourir par un détachement qui
marchera fecrétement pendant la nuit, & qui, en
feignant d’être un détachement de l’armée ennemie
, s’avancera autant qu’il pourra de la place fans
donner l’alarme. Pour mieux réuffir par ce ftra-
tagême , il faudroit que les affiégeants ne fe fuf-
f g î i t pas encore retranchés, & qu’il n’y e û t pas
«4rt militaire. Tome 11»
encore de barrières à 'paffer pour traverfer leur
camp. Il eft néceffairg qu’il y.'ait dans ce détachement
des officiers; & des ibldats qui entendent
en perfeâion la langue des ennemis, & qu’ils la
.parlent en marchant, afin que les affiégeants croyent
plus facilement que ce font de leurs troupes.
Je conviens que ce détachement ne pourra pas
conduire un fort gros convoi : néanmoins on chargera
chaque foldat & chaque cheval d’autant de
munitions & de farine qu’ils en pourront porter ,
fans que cela faffe un certain volume , qui donne
à foupçonner l’artifice. Il fe peut auffi que la place
n’ait befoin que d’un, fecours d’hommes & d’argent
; en ce cas, on diftribuera l’argent entre les
officiers. On choifirapour cétte opération des foldats
de confiance & de beaucoup de valeur , afin
qu’ils ne découvrent pas, le fecret pendant te
marche, & qu’on puiffe compter fur leur bravoure.
Si ce détachement eft reconnu, il doit
avec beaucoup de yigueur attaquer les ennemis
qui voudroient s’oppofer à fon partage.
Démofthène, fils d’Alciftène, capitaine Athénien,
ayant formé fon avant-garde de Meffeniens ,
& les ayant prévenus de parler ^hautement la langue
Dorique, fe mêla dans un corps de troupes
Ambraciotes qu’il furprit, parce qu’on n’ayoit
point Soupçonné que ce détachement de Démo.f-
thène fût ennemi.
Dans la dernière guerre des alliés contre les
deux couronnes , le chevalier de Luxembourg
s’acquit beaucoup de gloire par une pareille conduite
, s’étant* fervi du même ■ ftratagême pour
faire entrer des munitions dans Lille qui étoit
affiégée : ç’eft ainfi que me l’ont raconté divers
officiers François qui fervoient dans ote pays.
Lorfqu’en 152,2. M. de Lautrec faifoit le fiège
de Pavie , Profper Colonne envoya un fecours
d’Italiens & d’EfpagnoIs commandé par Cullio &
Corbera. Ce détachement, en partant auprès des
troupes Françoifes, parloit italien , & les François
crurent que c’étoit un détachement de V é nitiens
leurs alliés. En partant devant les Italiens
qui fervoient la France., il patloit François, &
les Italiens les prirent pour un détachement de
Gafcons. De cette manière il arriva jufques aux
dernières gardes fans être obligé de combattre,
&. il entra librement dans la place.
JuniusPacheco,généra,l Efpagnol dans les troupes
de Cæfar, eut ordre de marcher avec fix cohortes
&. un corps de cavalerie pour aller fecourir la
place d’Ulla , dont Pompée faifoit le fiège. Il
arriva au camp des affiégeants, & les fentinelles
ayant crié qui vive? un loldat de Pacheco répondit
: paix, point de bruit ; nous fommes des troupes de
Pompée qui allons pour furprendre la ville : à cette
réponfe, les.fentinelles laiffèrent paffer les troupes
de Cæfar, q u i, fans en venir à un combat, fe^-
coururent la place.
En traitant des furprifes, j’ai fait voir que dans
pareilles- oecafions il eft important de connoître
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