
ville où il n*y a point d’état-major, le commandant
de la compagnie adreffe fa plainte au com-
dant du corps. »
« Lorfque le commandant de la place ou du
corps a admis la plainte , ce qu’il ne peut s’empêcher
de faire, fans des raifons très graves & dont
il informe lur le champ le fecrétaire d’état au département
de la guerre , il la figne ôc l’apoftille de
ces mots : fait fait ainfi qu'il efi requis. Dans les
villes où fl y a un état-major, la plainte eft aufli-
tot remife au major de la place , ou en fon ab-
fence, au premier aide-major; dans celles où il n’y
a point d’état - major, la plainte eft remife au
major du corps ; le major de la place ou Gelui du
corps procèdent à l’information. ( Voyeç Inform
a t io n . ) . A l’interrogatoire. (Voye^Interrog
a t o ir e . ). Au récollement des témoins. (roy<?r
K e c o l l em en t .). A la confrontation des témoins
a laccufé. (Voye^ C o n f r o n t a t io n .). Toutes
ces opérations doivent être faites dans deux fois
vingt-quatre heures au plus, à moins qu’il n’y ait
des raifons effentielles qui exigent d’y employer
un plus long temps. »
En ne donnant que deux fois vingt-quatre heures
pour la confection d’une procédure criminelle, le
redaéteur <fe l’ordonnance de 1768 a fait voir qu’il
connoifloit l’efprit de la difcipline militaire : qu'il
içavoit que les peines qui fuivent les fautes de
très près, font infiniment plus d’effet que celles
qui ne tombent fur les coupables qu’après un temps
confidérable , mais n’a-t-il pas été entraîné trop
lo in , & n’aufoit - il point dû prévoir les raifons
qu il appelle effentielles ? On ne peut trop répéter
qu il ne faut rien laiffer à l’arbitraire. Celui que
ion genie a élevé à la fonction fublime de donner
des loix aux nations , eft fans doute plus éclairé
que les hommes à qui le hafard confie le foin
de^ rendre la juftice ; il doit dans fa fageffe tout
prévoir ôc tout décider.
“ Lorfque le procès eft fait & parfait, le major.
P^ace en renc^ compte au commandant, qui
ordonne fans delai la tenue du confeil de guerre ».
Quelque précis que paroiffe le mot fans délai,
il ne l’eft cependant point allez. Celui qui ne fent
pas un mouvement d’indignation s’élever dans '
ion ame à la vue d’un malheureux qui, pour une
faute que les loix ne puniffent que par quinze jours
de prifon, eft quelquefois détenu pendant trois
mois avant de fubir un jugement, celui-là eft un
barbare. Ne fe fouviendroit-on que la juftice militaire
doit être prompte que lorfqu’il eft dangereux
qu elle le foit ? Au lieu du mot vague fans délai ,
difons donc le lendemain, ou tout au plus dans
deux fois vingt-quatre heures.
« Les confeils de guerre ne doivent fe tenir que
les^ jours ouvrables, hors les cas extraordinaires
qui ne permettent pas de les différer. ».
Toujours de l’arbitraire ; & pourquoi, d’ailleurs ,
ne pas tenir les confeils de guerre les jours de
dimanche? Peut - on s’adoimer, pendant çe joqr
confacré ^ a une occupation plus fainte Ôc plus
agréable à la Divinité que celle de faire éclater
1 innocence d un malheureux injuftement accufé 8
ou de condamner un coupable à une peine qu’il
a méritée ?
« Les officiers qui doivent compofer un confeil
de guerre font commandés à tour de rolle ôc à
I ordre par le major de la place , la veille du jour
ou il doit fe tenir: aucun de^ceux qui font commandes
ne peut fe difpenfer de s’y trouver ôc
d y opiner. ».
La loi impofe aux officiers la néceflité de donner
leurs av is , mais elle ne pourvoit pas à ce que
ces avis foient conformes à ce qu’elle a décidé ;
& voila cependant ce qui devroit l’occuper le
plus. La plupart des officiers appellés à un confeil
de guerre, ne connoiffent point en effet les déçi-
fions du code criminel : ils forment leur opinion
ou fur les conclufions du major de la place, ou
fur lavis des officiers qui ont opiné avant eux.
Jofê avancer ces faits , parce que j’en ai été
plusieurs fois le témoin. Il eft temps que la lumière
parvienne jufqu’aux guerriers ; applaniffons
le chemin qui doit la conduire vers eux.
Les moyens .que nous avons indiqués dans
1 article c a p it a in e font infaillibles : ils confiftent
a obliger les jeunes gens qui fe deftinent à l’état
militaire , de fubir un examen auffi févère fur
les crimes ôc les délits militaires que fur les autres
connoiffances neceffaires aux officiers particuliers.
Ce n eft ni dans la colleélion de Briquet, ni dans
celle de d Héricourt qu’on devroit leur faire étudier
les ordonnances militaires : ces „deux compilations
font peu propres à l’objet qui nous occupe ; elles
font furchargees de beaucoup de chofes inutiles ,
& manquant de plufieurs articles néceffaires , elles
porteroient la confufion dans la tête des jeunes
gens, ÔC le dégoût dans leurs âmes. Choiiiffons
quelques guerriers inftruits : qu’ils rédigent un
catechifme militaire ; qu’ils confignent dans cet
ouvrage clair, mais concis, les différents devoirs
des divers grades ; que l’officier , le bas-officier
& le foldat y puifent également des leçons utiles;
qu ils apprennent là ce qu’ils doivent à l’état ôc à
fon chef ; à leurs fupérieurs ôc à leurs égaux ; à
^^•-^^mes ôc a leurs inferieurs. C et ouvrage pour»
roit etre divifé en préceptes ôc en confeils ; ainfi,
il enfeigneroit ce que la loi exige, & la meilleure
manière d’exécuter fes volontés. Ce catéchifme
ne feroit que le troifième de ceux qu’on mettroit
entre les mains des jeunes citoyens ; car le ca—
téchifme de la religion ôc celui de la morale doivent
précéder celui de la guerre. C ’étoit à peu près ainfi
que les Scythes, cette nation célèbre qui vainquit
Darius, roi de Perfe , qui combattit avec avantage
contre Philippe, toi de Macédoine , qui
obligea Alexandre à accepter une paix dont elle
avoit oiéle les conditions, fit rédiger en vers toutes
fes loix militaires, obligea touts fes enfants de
les fçavoir par coeur, 6c de les chanter dans cec-
Aines circonftances : de forte, remarque judicieu-
fement leur hiftorien , que les jeunes Scythes fça-
voient tout ce qui eft néceffaire a un homme de
guerre, avant d’être en état de porter les armes.
« Les juges d’un confeil de guerre font au nombre
de fep t, y compris le préfident ».
Un confeil de guerre eft compofé chez le rqi de
Pruffe , d’un major préfident, d’un auditeur, de
deux capitaines, de deux lieutenants, de deux
fous - lieutenants, de deux enfeignes , de deux
fergents , de deux caporaux, de deux appointés
& de deux foldats , ce qui fait en tout dix-fept
juges. L’ordonnance de guerre des Anglois, donnée
l ’an 17 79 , v eut, article I I I , que les confeils de
guerre ne foient jamais compofés de moins de
treize juges. Quel rifque courrions-nous à fuivre
les exemples de ce roi philofophe & de ce peuple
iage ? N’imiterons-nous jamais que lorfque l’imitation
pourra nous être funefte ? Au lieu de fept
juges, mettons-en donc au moins treize dans nos
confeils : prenons fix de ces juges , comme nous
l’avons fait jufqu’ic i , parmi les capitaines ou les
officiers qui auront plus de dix ans de fervice ,
& les fix autres parmi les lieutenants ou les fous-
lieutenants : ne donnons point, fi on le veut ,
voix délibérative à ces nouveaux juges : qu’ils
ayent feulement la permiflion de propofer leurs
doutes ; qu’on leur demande cependant leurs avis ,
ôc qu’on les oblige à motiver leurs opinions. Chaque
lieutenant & chaque fous-lieutenant faifant ce fer-
,Vice à fon tour, ils apprendront touts à remplir
un jour dignement l’importante fon&ion d’arbitres
de l’honneur & de la vie de leurs fubordonnés.
Mais pourquoi né ferions-nous pas fièger auffi des
bas - officiers ôc des foldats parmi les juges des
délits militaires ? Ou je me trompe fort, ou cette
innovation produiroit les effets les plus heureux.
M. de Chamilly l’employa avec fuccès pendant le
liège de Grave. Peut-être que ce moyen prévien-
droit beaucoup de crimes, au moins éléveroit-il
l ’ame du foldat, 6c on fçait que fi la bravoure
eft produite par la force du corps , le courage
eft l’effet de l’élévation de l’ame.
« Quand il n’y a pas affez d’officiers d’infanterie
dans une garnifon pour juger un foldat, on a recours
aux officiers de cavalerie & de dragons de
la même garnifon , ôc réciproquement pour la
cavalerie ».
Dans les petites garnifons les confeils de guerre
font uniquement compofés des officiers du corps
dont eft l’accufé , ôc dans les grandes places de
guerre , ils y entrent toujours au nombre de
deux ou trois. Cette compofition des confeils de
guerre n’ouvre-t-elle pas une route à la prévention ?
Chilon, compté parmi les fages de la Grèce ,
eft élevé à la fuprême magiftrature ; il d oit, lui
troifième , juger un citoyen de fes amis accufé
d’un crime capital ; les preuves- font claires : il
faut que le coupable paye fon délit de fa tête.
JL.e juge flotte néanmoins entre la juftice 6c l’amitié
: n’ofant ouvertement commettre une injustice
, défefpéré de perdre un ami par une mort
honteufe, il condamne l’accufé à mort ; mais toutes
fois après l’avoir défendu avec affez de chaleur 6C
d’éloquence pour forcer fes collègues à l’abfoudre.
Si un homme réputé pour fage ôc pour jufte chez
un peuple jufte 6c fage, emploie pour faire ab-
foudre un criminel un moyen, j’ofe dire inique ,
qui de nous en pareille circonftance fera affez
confiant pour ofer donner fa voix ? L’oferons-nous
plutôt quand , animés par la haine ou l’intérêt, ces
paffions malheureufement plus aâives que l’amitié ,
nous ne fendrons pas notre ame dans cet état
d’indifférence 6c d’impartialité qui, nous affimilant
a la lo i, nous rend dignes d’être les organes de
fes volontés ? L’homme vertueux répondra qu’il
eft prêt à fouler aux pieds toutes les confidérations
perï’onnelles. Il en aura le projet ; je le crois ;
mais malgré lu i, fes paffions modifieront fes jugements.
Quand fon intérêt élevera la vo ix , il s’efforcera
de l’étôuffer , mais combien n’eft-il pas à
craindre qu’il ne finiffe comme Chilon par éluder
la loi. T e l eft le coeur humain : prétendre le ré*
former feroit inutile ; ne pas le mettre dans le cas
de lutter entre fes paffions 6c fes devoirs, c’eft
la feule manière de s’affurer de lui.
D ’après ces principes, dont on ne peut guère
contefter la vérité , d’après l’expérience journalière
, qui nous apprend que les membres d’un
confeil de guerre, quand ils font tirés du régiment
dans lequel fert l’accufé, perdent par des
motifs de haine ou d’amitié perfonnelle , d’honneur
ou d’intérêt de corps , cette égalité d’ame ôc cette
tranquillité d’efprit néceffaires aux difpenfateurs
de la juftice , nous nous croyons en droit de
demander , non qu’on permette aux juges de fe
récufer , aux prévenus de récufer leurs juges ,
mais qu il n entre jamais dans les confeils de guerre
que peu d’officiers tirés du régiment de l’accufé.
Cela feroit infiniment aifé dans les armées. 6c
dans les grandes garnifons : dans les petites places
6c dans les quartiers on pourroit compofer les
confeils de quelques officiers du corps de l ’accufé,
6c de plufieurs anciens militaires retirés avec la
croix de Saint-Louis , la commiffion de capitaine ,
ou une penfion de fa majefté ; l’occafion de cette
efpèce de fervice fe préfentant très rarement, 6c
ayant pour objet futilité générale , j’ofe croire
qu’aucun officier retiré ne s’y refuferoit.
« S il n y a pas dans la garnifon un nombre
fuffifant d officiers pour tenir un confeil de guerre ,
le commandant de la place y fupplée en appel-
lant des officiers des garnifons voifines. Ces officiers
ne peuvent fe difpenfer de fe rendre aux ordres du
commandant de la place ; ôc ceux de la garnifon
ne peuvent fe difpenfer de les admettre parmi
eux , 6c de leur laiffer prendre le rang que leur
donnent leurs commiflions ou leurs brevets : an
défaut d’officiers, on admet au confeil de guerre
des ba§-offiçier$. ».