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nous le voudrons ; mais ne lui donnons jamais le
nom de corvée.
Si j’ai conçu des idées juftes du pouvoir des
mots & du véritable efprit militaire françois ,nous
devons bannir le mot corvée de notre vocabulaire ;
il réveille , en effet, des idées de fervitude , d’abjection
qui ne doivent jamais s’offrir à l’efprit d’un
guerrier valeureux & attefrtif à remplir fes devoirs
dans toute leur étendue.
Si nous voulons abfolument conferver le mot
carvée, réléguons-le dans la lifte de nos punitions.
Cette réflexion fur les corvées militaires , ne
pourroit elle pas être étendue aux corvées, auxquelles
une certaine clafie de citoyens eft affu-
jettie ? (C .) .
CO T E S . Terres qui, bornent la mer. Attaque
des cotes. Vo yez d e sc e n t e .
D É F E N S E S D E S C O T E S .
Dans la guerre contre une puiffance maritime
il peut exitter trois cas. L’un , qu’on n’ait pas de
marine-. ; alors le feul commerce poffible , eft le
cabotage -.l’autre, qu’en ayant une , elle foit capable
de foutenir la défenfive , dans celui-ci on
peut rifquer le commerce : & .le troifième , qu’elle
foit fupérieure ou maîtreffe de la mer; alors le commerce
eft libre.
Dans le premier cas , la guerre fe borne à une
pure défenfive , qui confifte dans la proteftion du
cabotage, & à préferver les~rdr« & l’intérieur
d’invafion : elle dépend prefque tout-à-fait des
forces de terre ; dans le fécond la marine pourra
contribuer à la défenfe , &. dans le troifième elle
peut s’en charger prefque uniquement.
De-là naiffent plufieurs fyftêmes de défenfe :
fçavoir, par le moyen des forces de terre; par
celui des forces de mer , & par celui des deux
forces combinées. -
J’expoferai d’abord les moyens généraux , puis
les moyens particuliers, ou le fervice des côtes.
De la défense d es côtes en général.
Syfleme de défenfe, quand on n a point de marine.
Un pays maritime dans cette fuppofition, doit
être conlidéré comme une place détendue par fes
feules reffources intérieures , & dans 1 attente
d’être attaquée d’un inftant à l’autre. Ainft , du
haut de fes côtes comme de deffus les remparts
de celle-ci on doit faire nuit & jour une garde
vigilante , foit par des poftes , foit par des fignaux
diftribués le long des côtes.
C ’eft de l’exa&itude & de l’intelligence des fignaux
que dépend en grande partie la fureté de
la côte & de la navigation : ce n’eft que d’après ce
qu’ils indiquent l’une & l’autre , qu’on connoît ce
qui fe paffe à la mer. 11 eft donc très effentiel,
i ° . que les gardiens de pavillon foient furs , vigilants
& bons marins ; que leurs poftes fe
r cuvent phcfc de manière qu’ils découvrent le
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plus qu’il fè pourra la mer & les côtes ; 30. que
leur diftance refpective, ainfi que leur fit nation
ne les empêche pas-d’appercevoir réciproquement
leurs fignaux.
Outre ceux-ci, ne feroit-il pas néceffaire d’en
établir dans l’intérieur, furies points les plus élevés,
defquels on diftingueroit, foit à la v u e , foit avec
des longues vues ceux de la côte : au moyen de
cela , on pourroit en un inftant donner l’alerte
à tout le pays , & prévenir le commandant de
ce qui furviendroit.
Il ne feroit peut-être pas moins utile d’établir des
fignaux de nuit, en plaçant à chaque corps-de-
garde des pots à feu : ces lumières, accompagnées
de coups de canon ou de fufil, pourroient même
indiquer l’efpèce d’avis.
La province , telle encore qu’une place , -doit
être pourvue d’une quantité de troupes, proportionnée
à fon étendue : il faut en outre que leur
nombre & leur efpèce foient relatifs à la nature1 de
fes côtes ; comme efcarpées, femées d’écueils ,
fabloneufes ou unies ; ou bien à leur configuration
, comme droites , telles que- du Poitou à
Bayonne ; rentrantes, de là Normandie à la Pi-.,
cardie ; circulaires , en Bretagne & dans les ifles,
afin qu’en peu de temps on puiffe oppofer partout
à l’ennemi une quantité de troupes fuffifante
pour le repouffer.
Mais pour remplir ces objets fans les trop multiplier,
il ne faut difperfer fes troupes que le moins
qu’on peut ; c’eft-à-dire, n’établir des poftes qu’aux
points les plus acceffibles, ou pour protéger dû
loin en loin le cabotage ; ne placer des détachements
qu’à l’entrée des rivières navigables , les bataillons
que dans les lieux fortifiés par l’art ou la nature ,
ou bien affez éloignés de la mer pour n’être pas
furpris , &. pour fe porter avec une facilité égale,
fur touts les points de leur diftriéb C ’eft dans ces
lieux qu’on peut dépofer les munitions de guerre ,
afin que les troupes , non furchargées d’attirails ,
d’artillerie , puiffent en trouver par-tout , & fe
tranfporter promptement fur l’ennemi.
Les troupes trop difperfées entraînent encore
un inconvénient très dangereux* C’eft leur lenteur
conudérable à fe réunir en nombre fufiifant pour
faire face à celui que l’ennemi eft maître de porter
fur tel ou tel point. Ce retard peut être occa-
fionné foit par la foule d’ordres particuliers , foit à
caufe des obftacles que la nature des côtes oppofe
prefque par-tout à leur réunion , parce quelles
font coupées de marais,, de rivières ou de bras
de mer très larges & très profonds , toujours très
longs à paffer, & fouvent impoffibles, foit par
le défaut de tranfport , ou par l’intempérie de
l’air ; de forte que tout combiné, un corps de
troupes qui partiroit de l’intérieur des terres à fept
& douze lieues de la mer leroit plutôt rendu au ,
point attaqué , qu’un pareil corps formé des détachements
de droite de gauche à la moitié de
cette diftance.
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La cavalerie peut fuppléer à la multiplicité dès.
poftes, parce que fa. marche eft plus rapide, &
qu’elle peut traverfer à la nage les eaux qui arrê-
teroient l ’infanterie. Ces avantages la mettent a
même d’arriver à temps pour repouffer une descente.
Quelques efcadrons répartis fur les côtes,
o.u à portée des côtes, en pouffant en avant des
patrouilles , feroient un très bon moyen de défenfe
les cavaliers ferviroient encore à porter les
avis; ou les ordres ; ce qui vaudroit infiniment
mieux que la voie, aûuellfi des compagnies du
guet. ,
Si le pays a des ports, fur-tout s’ils font capables
d’admettre des vaiffeaux de guerre, on les doit
fortifier du côté de terre comme de celui de la
mer , parce que l’objet de l’ennemi, en vous faifant
la guerre, ne peut être que de s’emparer d’un
point de votre continentduquel il puiffe vous j
molefter ou fubjuger la province. Tels furent jadis
Bordeaux, Calais & Dunkerque pour les Anglois ;
c’eft pourquoi la prudence exige qu’on n’y dépofe1
pas toutes fes munitions de guerre , afin que fi la
place étoit inveftie, on ne fe trouve pas d’abord
4>rivé ; que fi elle eft affiégée, ©n ne loit pas ex-
pofé par fa reddition, à une perte qui pourroit
l'eule entraîner celle de la province. On commit
cette faute à Belle-Ifte dans la derniere guerre.
On l’a commife à Minorque & à Saint-Chriftophe
dans celle-ci ; c’eft elle qui a caufé la perte de
cette dernière île. La quantité néceffaire pour les
befoins journaliers ou imprévus pourra y être
mife; mais la partie principale, celle qui doit remplacer
les confommations , & qui doit foutenir
la guerre qu’un défaftre ou la force majeure por-
t.eroit dans le centre doit être dépofée vers cette
partie , clans une ou plufieurs places , félon que
la facilité des approvifionnements & celui de la
défenfe peuvent l'exiger.
Selon ce principe , il faut bien fe garder de
conftruire^es forts un peu fpacieux, ou de fortifier
des habitations fur les prefqu’îles , d’oîi
l’on peut tirer fes fecours par mer ; car pour
les garder , ils demandent beaucoup de monde ,
bien qu’ils ne fervent à rien , . &c s’ils ne le
font pas par une quantité fuffifante , ils font
expofés à être pris d’emblée ; & fi l’ennemi a le
temps de s’y fixer, il fera très difficile , & peut-
être impoffible de l’en déloger, foit à caufe de
l’étranglement de l’ifthme , qui ne fourniroit pas
un front d’attaque affez fpacieux pour un liège
ou pour un combat ; Toit parce que la mer flottant :
des deux côtés, le feu des vaiffeaux vous croife
ou vous écharpe ; enfin , parce que fon monde
& fes munitions peuvent être fans ceffe renou-
vellés, Tels font le Penthievre de Quibéron ,
Newyorck &/ Gibraltar. ,
Mais on peut fortifier les gorges &. défiles par
oh l’ennemi fera contraint de palier pour pénétrer
dans les terres, & une ou plufieurs villes du centre
pourront être converties en places d’armes, ca-
Art •militaire. Tome, II,
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pables de foutenir un long fiège ; c’eft autour d’elles;
que l’armée fera diftribuée.-.
La proportion refpeftive de l’infanterie à la cavalerie
le réglera félon la. nature du pays & des.,
côtes. S’il eft tel que la. Flandre , ras , découvert,
les côtes unies & baffes, les. plages longues , partout
abordables par les chaloupes , la cavalerie;
fera très avafitâgeufe pour repouffer les defcentes ,,
arrêter les progrès de l’ennemi ; fa proportion do.-:
minera fur celle de l’infanterie.
Mais s’il,eft tel que la Bretagne , coupé, mon«
tueux, les côtes efcarpées & femées d’écueils,
abordable feulement en certains endroits, fa proportion
fera médiocre , & ce que nous en avons,
indiqué pour les patrouilles des côtes fepiblè y
fuffire.
G’eft ici le cas,de pefer .s’il eft plus avantageux
que nuifible , pour un. pays réduit à fe défendre A
de n’avoir que très peu de grandes routes, d’êtres
coupé & difficile, tel que la Bretagne Tétoit avant
Fadminiftration de M. le duc d’Aiguillon. Quel.-
eft le point effentiel pour un pays dans cette
circonftance ?' C ’eft d’être à l’abri d’une in vallon
; en ce cas , il femble qu’une telle conftitu-.
tion eft fon plus fur préfervatif, car elle réduit
l’ennemi à une guerre de pofte, dans laquelle l’ex-.
périence prouve toujours que l’affaillant a le défa-»
vantage & très-fouvent le deffous , fur-tout dans
les, expéditions maritimes. Nos guerres avec la
Savoye ; celle des infurgens en font des preuves.
Cependant il eft effentiel de faciliter l’accès & la
communication des poftes, des côtes, pour remé-»
dier aux obftacles qu’elles oppofent à la défenfe.
Quoique la puiffance fur la défenfive puiffe bien
être fans marine , néanmoins elle ne peut être
tellement dépourvue de moyens, quelle ne puiffe
armer quelques petits bâtiments de guerre.
voudrois donc qu’elle en eût de deux fortes, l’une
pour donner la chaffe aux corfaires , efcorter les
caboteurs, ou éclairer les deffeins de l’ennemi, touts
bons voiliers & propres au combat, tels que des
frégates, des caiches,.des corvètes, & c . ; l’anttè»
uniquement employée à la défenfe de. la cote „
comme prames , chaloupes canonières , galiotes à
bombes , d’échantillon fort de fond plat, armés de
gros calibre; l’une & l’autre force employée comme
il fuit :
Les bâtiments voiliers ne s’ëcarteroîent jamais
trop, crainte d’être pris ; à moins de quelque com-
miflion particulière : ils feroient répartis le long
des côtes, & à vue , entre les îles & la terre ferme,
a l’entrée des ports & des rivières , ou bien dan$:
les rades , toujours à même de faire voile au pre-,
mier lignai de la côte. Si l’on indiquait un cqrfaire,
les vaiffeaux de droite & de gauche du premier
fignal mettroient à la voile en croifantleur route ;
l’un d’eux rangeroit la cote , & l’autre prendrait le
large, afindemettre l’ennemi entreenx & lui co.uper
la fuite. Il femble que de cette façon il ne puiffe
échapper , au lieu qu’en failant çrbifer à la ma-
S