
v e r d , & les lambrequins de brocard incarnat &
argent. O n y v o it ces paroles brodées en lettres
arabes : la ïllah ilia allah, Mahamet rchel allah ,• ce
Îui lignifie , il n’y a point d’autre D ieu que le feul
l ie u , & Mahomet en v o y é de D ieu . O n lifoit
encore dans les rebords d’autres caraélères arabes
qui fignifioient : « plaife à D ieu nous affifter avec
un fecours puiffant ; c’eft lui qui a mis un repos
dans le coeur des fidèles , pour fortifier leur foi ».
L e bâton de l’étendard étoit furmonté d’une pomme
de cuivre d o ré , avec des houpes de foie verte.
Les étendards ou drapeaux des Janiffaires font
fort p e tits , & mi-partie de rouge & de ja un e , fur-
chargés d’une épée flamboyante, en forme d’un
éclat de foudre, v is -à-vis d’un croiffant. C e u x des
Spahis font rouges, & ceux des Séli&ars font jaunes,
lo u t s le s étendards des provinces font à la garde
d’un officier nommé Emir A lem , c’eft-à-dire , chef
des drapeaux ; il a auffi la garde de ceux du fultan,
qu’il précède immédiatement à l’armée , faifant
porter devant lui une cornette mi-partie de blanc
& de v e r d , pour marque de fa dignité.
Parmi les Tartares Mongouls ou orientaux,
chaque tribu a fon k i ou étendard , qui confifte
én un morceau d’étoffe appellé k ila ïk u , qui eft
d’une aune en ca r ré, attaché à une lance de douze
pieds de haut. C h e z les Tartares mahométans,
chaque k i a une fentence particulière , a v e c fon
nom écrit en arabe fur cette en feigne : mais chez les
Tartares id o lâ tre s ,te ls que les Ka lm ou cs , chaque
horde ou tribu a un chameau, un cheval ou quelque
autre animal, & encore quelque autre marque dif-
tinélive , pour reconnoître les familles d’une même
tribu. L es T artares européens ont auffi des drapeaux
& étendards chargés de figures & de fym b o le s ,
tels que celui d’un kan des Tartares de C r im é e ,
pris par les Mofcovites en 1738 ; il étoit v e r d ,
portant une main ouverte, deux cimeterres croifés,
un croiffant & quelques étoiles, & le bouton d’en
haut étoit garni de plumes. ( Guer. moeurs des Turcs,
tome 11 -, mémoire du chevalier dYArvieux , tome IV ;
Beneton, comm. fur les enfeignes.).
Les fauvages d’Amérique ont auffi des efpèces
$ enfeignes. C e fon t , dit le P. de C h a r le vo ix , dans
fon journal d’un v oyag e d’Amé riqu e, de petits morceaux
d’écorce coupée en ro n d , qu’ils mettent au
bout d’une p erche, & fur lefquels ils ont tracé la
marque de leur nation ou de leur v illage. Si le parti
eft n ombreux, chaque famille ou tribu a fon en-
feigne, a v e c fa marque d iftin éliv e, qui leur fert
à fe reconnoître & à fe rallier. (G . ) .
Des enfeignes Romaines.
Le s premières enfeignes de Romulus furent des
faifceaux de'foin ou de broffailles , portés au haut J
d’une perche. Ils avoient différentes form e s, afin I
qu’il fût plus facile à chaque foldat de fuivre fon I
c h e f , & comme les troupes étoient formées par I
divifions de cent hommes , il y avoit autant dyen- I
feignes que de manipules ou de centuries. ( Plu- |
tarch , Romul. 22. B. Aurel. ViEl, de Orig. Genf.
Rom. pag. 21. Amfiel. 1670. 8° Ovid. Faß. Liv•
111. v. 117.)«
Dans la luite on y fubftitua des figures d’animaux
dont la première , dit Pline , étoit l’aigle, &
il y en eut quatre autres ; les loups, les mino-
taures, les chevaux & les fangliers, précédoient
les différentes divifions. Il eft vraifemblable que
ces figures retraçoient d’anciennes origines. L’aigle
& le minotaure pouvoient rappeller la crête dont
les Romains avoient imité quelques inftitutions.
Le cheval, Neptune à T roy e ; le loup , Romulus ;
le langlier ou le p orc, étoient l’animal que l’on
facrifioità la guerre. (Plin. L. X.C. 5. Fefi. in porto•
I Alexand. ab Alex. Z . IV. C. 2. ).
Lorque l’on établit dans les troupes Romaines
de plus grandes divifions, elles eurent chacune
leur enfeigne ; ainfi quand on leva plufieurs légions
, l’aigle fut établi comme enfeigne de toute
la légion. Lorfqukm divifa la légion en dix cohortes,
cette nouvelle divifion eut une enfeigne particulière
, attachée à la première centurie de chaque
cohorte, & qui diftingua en même temps & la
cohorte & cette centurie , la cohorte ayant été
divifée en trois manipules. L'enfeigne de la première
centurie de chaque manipule reçut une marque
diftinélive propre au manipule & à cette centurie.
( Dionys. Z . XLp. 86. ).
Nous trouvons l’aigle & les enfeignes de la cohorte
, établies dès l’an de Rome 266 , fous les
confuls C. Aquilius & Sicius , auquel le fénat
commit la guerre contre les Volfques dans la déroute
des Romains. Le chef ou premier centurion
d’une des cohortes ayant été tué, un fimple foldat
nommé Sicius Dentalus fauva les enfeignes de la
cohorte & arrêta les ennemis. Dans un autre
combat livré peu de temps après , le même Sicius
enleva aux ennemis une aigle qu’ils avoient prife«
( Dionys. Halic.L. X.p. 6 6 2 , 6 6 3 .) .
Ce fut peut-être pour mieux diftinguer les enfeignes
& pour y inferire les noms ou les marques
particulières des divifions de leurs chefs, que l’on y
ajouta un morceau d’étoffe de forme quarrée porté
par une traverfe attachée au haut de la hampe. Cette
efpèce de voile fit donner aux enfeignes le nom de
vexille. Dans le combat de Manlius & de Décius
contre les Latins , chaque centurie avoit une
vexille. Et environ deux fiècles après nous retrouvons
encore ce même ufage. Polybe dit que
les centurions de chaque manipule .choififfent dans
leurs troupes les deux hommes lès plus forts & les
plus braves pour être porte - enfeignes. Végèce dit
que les anciens établirent un vexille dans chaque
centurie. Elles l’eurent encore après Marius : alors
le nom de manipule fut donné à la centurie : c’eft
pourquoi Varron dit que le manipule eft la moindre
partie de l’armée & fuit une feule enfeigne. ( Cicer.
Orator. C. 46. Liv. L. VII 1. C. 8. de R. 413. av. J.
340. Polyb. LV1. C. 22. Z. II. C. 13. Varro. de
Ling. Lat. Z. IV. ).
I l eft vrai que Polyb e donne au manipule le
nom de onp.eict.9Jignum ^ comme s’il n’avoit qu’une
feule enfeigne. Ce tte contradiction apparente de
l’auteur grec avec T ite -L iv e & a vec lui-même a
embarraiié les critiques , &L fait pencher Jufte-Lipfe
vers le fentiment que le manipule n’avoit qu’une
enfeigne , cependant il eft ébranlé par l’autre paf-
fage de P o lyb e ; & pour expliquer cet hiftorien ,.
qui donne décidément aux manipules deux porte-
enfeignes, il eft réduit à dire qu’ils étoient deftinés
a fe remplacer l’un l’autre en cas de fatigue ou de
maladie.
Si l’on fait attention que les noms des troupes
ne leur font donnés que relativement à l’ordre de
■ bataille , la difficulté qu’on s’eft faite ici s’évanouira,
& tout fera concilié. On ne donna point le nom
de fignum à la centurie , quoiqu’elle eût une en-
feigne, parce qu’elle n’étoit jamais feule , ou con-
fidérée comme feule dans l’ordre de bataille, mais
on le donna au manipule , parce qu’il étoit la plus
petite divifion qui eut une enfeigne propre & principale
, à laquelle celle de la centurie étoit fubor-
donnée. C e fut dans le même fens que les noms
de o'iïéiça. & de rcLyi/.et furent auffi donnés au
manipule , parce qu’il conftituoit une divifion dif-
tincle dans l ’ordonnance générale : & c’eft dans
ce même efprit que P o lyb e a négligé la centurie ,
& n’en parle pas. Il ne fait - que l’indiquer en
donnant aux manipules deux centurions & deux
porte-enfeignes. Si on obferve encore que les R o mains
en multipliant leurs enfeignes , n’ont pu avoir
d’autre objet que celui de faciliter le ralliement,
on concevra & on croira facilement qu’ils en ont
donné à toutes leurs divifions.
Une autre raifon non moins décifive , c’eft qu’on
ne peut expliquer autrement d’une manière fatis-
faifante la diftribution des cinq figures d’animaux
dans les divifions de la légion , & que l’admiffion
d’une enfeigne par centurie réfout a vec la plus
grande facilité ce problème qui a caufé tant d’embarras
à Jufte-Lipfe & aux autres critiques.
Q u oiqu ’il y eût trois manipules dans chaque
cohorte , & que le manipule en général fût divifé
en deux centuries , il n’y eut jamais effeélivement
que cinq centuries par coh or te , parce que le
manipule des triaires, n’étant jamais que de foixante
hommes, ne fe divifoit pas en deux partis. Auffi la
dénomination de manipule ou centuries des triaires
n’étoit point en ufage : on difoit plutôt -ordre ou
vexillum triarionum. Chaque cohorte n’étoit donc
que de cinq divifions, dont chacune avoit pour
enfeigne une des figures mentionnées par Pline &
Feftus.Dans la première cohorte l’aigleieule & fans
ornements , diftingüoit l’ordre ou divifion des
triaires. Les quatre autres figures étoient réparties
aux quatre centuries des princes & des haftats.
Dans les autres cohortes une aigle de cuivre &
d’un plus petit volume entourée de quelques ornements
étoit Yenfeigne des triaires : quelques-uns
de ces petits aigles le voient fur les monuments ,
& dans les cabinets d’antiquités. ( Le Beau. Mèm.
Vol. XXXII. p. 300. Col. trajan. Tab. 2 0 , 2 1 ,
4 2 , 4 4 , 66 , 7 1 , 7 6 , 7 7 , 8 6 , 9 0 ,9 4 » 1 17 - )•
Les autres figures diftinguoient les princes & les
haftats comme dans la première cohorte. L e fan-
glier étoit affeéfé à la dernière centurie , qui étoit
la fécondé des haftats : on ignore la répartition
des trois autres. Quelques ornements divers^pou-
voien t diftinguer les légions , les cohortes dans
chaque lé g io n , & les centuries dans chaque cohorte.
O n vo it encore fur la colonne trajane cinq
efpèces d’enfeignes portant chacune des marques
principales confiantes ; ce font l’aigle feule ; ( Tab.
9 , 24 , 42 , 4 8 , 5 1 , 6 9 , 91 , 84. ) ; la petite
aigle dans une couronne. ( Tab. 9 , 2 0 , 2 1 , 44 ,
6 6 , 7 1 , 7 6 , 7 7 , 9 0 , 9 1 , 1 1 7 . ) ; le v exille feul ;
( Tab. 9 , 3 7 , 4 4 , 7 1 , 8 9 , 9 2 , 9 4 , 9 5 » 1 0 4 »
109.) ; la main ; ( Tab. 6 , 4 2 , 7 5 , 2 0 . ) ; & le
fer à cheval. ( Tab. 2 4 , 7 7 . Recueil d’antiq. par
Caylus. Tom. 111. p. 244. pl. 65. Fefi. in porco. ) .
Une grande variété d’ornements différemment
combines , tels que les images impériales , les
difques , tores, tablettes, calottes fphériques ornées
de feuillages ou d’éca illes, temples, murs de v ille s ,
panaches, flammes , vexilles pleins ou figurés par
des cordons, diversifient toutes ces enfeignes , de
forte que d’environ quatre-vingt-dix qu’on v o it fur
ce monument , on n’en trouve que deux fem-
blables. ( Tab. 1 12 . App. Bell. civil. L. II. p•
488. C. ).
Quelquefois ces ornements , récompenfe de la
valeur, rappelloient des aélions éclatantes. L ’armée
de Cæfar redoutoit les éléphans de Juba. U n e
feule légion , c’étoit la cinquième , demanda d’ être
placée vis-à-vis d’eux dans l’ordre de b a ta i lle ,&
les combattit a vec l’intelligence &. le courage qui
affurent la v iâ o ir e . Cæfar fit mettre l’éléphant
dans les enfeignes de cette légion. Les murs de
ville & les couronnes que l’on vo it en quelques-
unes peuvent avoir été des récompenfes de ce
genre. O n vo it fur la colonne trajane une figure
de bélier portée feule ainfi que l’aigle , dit M .
L eb e au , celui que le fécial lâchoit fur les terres
de l’ennemi , lorfqu’il alloit déclarer la guerre.
(Mém. Tom. XXXV. p. 302. ).
L’aigle fut toujours Yenfeigne de la légion entière
; elle étoit d’or ou d’a rg en t , & portée au
bout d’une hampe , terminée par une bafe ou
petit piedeftal quarré. O n préféroit celle d’arg en t,
parce que la couleur de ce métal eft plus éclatante
Pour en diminuer le p o id s , on les faifoit
'c reu fe r à peu près de la groffeur d’un pigeon , &
la hampe n’avoit aucun ornement. ( Col. Traj.
Tabl. 10. Plin. L. XXXU13 C. 19. ).
L e nom de la légion , ou un fiene qui lui eft
p ro p r e , étoit gravé fur l’aigle ou fur une tablette
fixée au-deffous. Sterninius, légat de Germanicus ,
Retrouva en Germanie l’aigle d’une des légions
deVarus. Nous ignorons quelles étoient les marques
diftinélives des enfeignes de la cohorte du manipule