
•aux Hoîlandois au-delà des conventions de leur
traité de défenfe mutuelle , il eft d’une vérité constante
que le roi, en ramenant toutes fes armées vers
la France , auroit pu conquérir tout lé refte de la
Flandre & du Brabant, en fix Semaines de temps ,
fans craindre que l’empereur eût pu avoir celui de
le venir troubler dans fes conquêtes , ni lui faire
la guerre dans la fuite , en faveur de l’Efpagne.
Les états de cette monarchie, après la conquête
des Pays-bas catholiques, auroient été trop Séparés
de l’Allemagne & des pays héréditaires de la
maifon d’Autriche Allemande, pour craindre qu’elle
eût pu troubler le roi dans la poffeflion de ce nouveau
domaine , dont, il auroit accru fes états.
Ainfi donc, dans ce projet de guerre contre la
Hollande , on n a eu que des vues fort bornées ,
& qui n’ont pas été plus loin que fur ce qui regar-
doit la guerre à faire contre cette république , fans
penfer que fi les Efpagnols y prenoient part, il
falloitfe mettre en état d’en profiter, par la conquête
du refie des Pays-bas catholiques.
Lorfqu’en l’année 1688 , le roi déclara la guerre
à l’empereur, en lui enlevant Philisbourg , fi l'on
avoit rafé cette place après l’avoir prife , & qu’on
en eût remis l’habitation à M. l’Evêque de Spire,
a qm le fonds & le domaine appartenoient, &
que l’on n’eût pas voulu faire payer les frais de
ce fiège aux états de l’empire , fitués dans les
cercles de Suabe & de Franconie , ni ruiner le
Palatinat, & en chaffer M. l’éledeur Palatin, il
e fl certain que l’Empire n’auroit pas déclaré la
guerre au roi , par un décret de la D iè te , pour
époufer les intérêts perfonnels de l’empereur, dans,
un temps où ce prince étoit entièrement occupé à
la guerre contre les Turcs.
Si l’on avoit même eu dans ce temps-là plus de
troupes fur pied, & que l’on n’eût pas fait fuccéder
k s levées a la déclaration de la guerre, au lieu-
qu’en bonne politique, elles dévoient l’avoir précédée
, au moins autant qu’elles auroient pu être
faites fecrettement, il paroît encore vraifemblable
que l’Empire , dans la crainte d’être accablé avant
que d’avoir eu le temps d’armer, au lieu que le
temps qui fut employé pour les levées, lui donna
celui de faire les fiennes.
A in fi, la rupture avec l’empereur, par la prife
de Philisbourg, ne devoit être en bonne politique
qu’une fage précaution contre ce prince, qu’on
prévoyoit bien qui nous feroit la guerre quand il
feroit débarraffé de celle des Turcs , pour nous
obliger à rendre Strasbourg à l’Empire, & à abandonner
nos réunions.
Il n’étoit pas prudent d’irriter l’Empire par la
demande des contributions fans raifon. Il ne falloit
pas forcer tout l’Empire à faire fa querelle générale,
de la particulière que nous faifions à l’empereur^
feul offenfé dans là prife de Philisbourg. Si le roi
avoit irrité fes troupes après avoir rafé cette place,
il efl prefque certain que cette expédition, pour
s affurer dans la faite contre les vues de l’empereur , j
. n’auroit pas attiré la rupture de l’Empire avec la
i France.
J Après la paix de Rifwifch, en l’année 1697 *
J la politique vouloit que le roi fe tînt puiffamment
i armé & fe confervât le plus de troupes qu’il lui
| auroitete poflible d’en entretenir, par préférence à
; toute autre dépenfe.
Le dépériffement de la fanté des rois d’Efpagne
& d’Angleterre, que l’on voyoit approcher du terme,
j & dont la mort devoit apporter un grand chan-
| genient dans la conflitution générale des affaires de
1 Europe , le devoit porter à refier armé par préférence
à tout.
Cependant, malgré cette bonne raifon de politique
, on caffa à contre-temps un grand nombre
' troupes, dont la plus grande partie des vieux
foldats paflà en Allemagne , où iis ont péri ail
fervice de l’empereur &. des autres princes de
j l’empire, parce qu’au lieu de les licentier dans le
dedans du royaume , la réforme fe fit dans les
places frontières.
De la guerre entre puijfances égales.
Cette efpèce de guerre, à laquelle les voifins ne
| prennent point d’intérêt , tant que lès parties n’ont
; point de trop grands avantages les unes fur les
j autres, ne doit jamais être de longue durée , fi
Ion en veut tirer avantage.
- ~ fout toujours être prêt à écouter les proportions
d accommodement, pour peu qu’on y profite
, de crainte que quelque puiffant voifin ne
s en veuille mêler. Du refie on ne peut rien pref-
crire de jufle fur la conduite d’une pareille guerre ;
elle efl pour les règles conforme à toutes les aunes.
I peut feulement pofer pour maxime confiante ,
I “ ans ce cas , que le général le plus v if &. le
j plus pénétrant , l’emporte toujours à la longue
fur celui qui ne poffède pas ces qualités au même
degre ; parce qù’il multiplie tellement les petits
avantages par fon aélivité & fa pénétration , qu’à
1 ia ces ft*cfès légers lui en procurent un grand
& décifif.
On n’entrera donc dans aucun détail fur cette
efpece de guerre ; on obfervera feulement que fi
le general efl attentif à fe procurer la fupériorité
par de petits avantages , il arrivera toujours à fon
i "ut > ta ruine de l’armée ennemie ; auquel cas il
changera la nature de cette guerre, & en fera une
offenfive, ce qui doit être le grand objet de fon
prince.
De la guerre de fecours.
Un prince donne du fecours à fes, voifins à
caufe des alliances & des engagements qu’il a avec
eux , ou pour les empêcher de fuccomber fous
la puiffance d’un conquérant.
Si c’efl en vertu des traités précédents , il les
doit rëligieufement ©bferyer , en fourniffant le
nombre des troupes preferites, & même en offrant
de l’augmenter s’il en efl requis , ou en attaquant
lui-même l’ennemi commun s’il efl en état de le
faire. Si c’efl pour les empêcher de fuccomber fous
une puiffance q u i, après fa conquête , pourroit lui
donner de l’ombrage,il a en ce cas plufieurs mefures
à garder pour fes intérêts particuliers.
Les principales font à l’égard des voifins auxquels
il donne du fecours : il doit exiger d’eux quelques
places de fureté, de peur qu’ils ne faffent leur paix
à fon infçu ou à fon préjudice, fuppofé que fon
état foit contigu à celui qui efl attaqué.
Que fi, comme il arrive fort fou vent, la jaloufie
que l’on aura fujet de prendre d’un prince inquiet
& ambitieux , a formé les alliances dans lefquelles
on efl entré , & qu’on fe trouve hors de portée de
joindre fes troupes à celles de l’état attaqué, il
faut en ce cas-là le fecourir, ou par argent qu’on
lui fournira , foit pour faire des troupes, foit pour
acheter des munitions de guerre & de bouche , ou
en fourniffant même ces munitions en nature, ou
par des diverfions dans le pays de l’attaquant, qui
le forcent à divifer ces armées, & l’empêchent de
pouffer fes conquêtes avec trop de rapidité.
Voici la maxime générale dans cette efpèce de
pierre : ou votre allié attaqué efl plus puiffant que
vous , ou il l’efl moins.
S’il efl plus puiffant, il faut obfervér, dans les
traités que l’on fait avec lu i, une proportion dans le
nombre de troupes que l’on s’engage à lui fournir,
avec la fupériorité de fa puiffance fur la vôtre ,
& un engagement réciproque pour les fecours
mutuels ; par exemple, fi l’on s’engage à lui fournir
un certain nombre de troupes en cas qu’il foit
attaqué; il faut, en cas que vous le foyez vôus-
tnême , que le nombre de celles qu’il s’engagera de
vous fournir foit plus confidérable que celui'auquel
votre traité avec lui vous engage.
Que fi-, au contraire, votre allié étoit moins
puiffant que vous , il faut éviter, par les termes du
•traite., qu’a votre infeu , il ne facrifie à fon intérêt
particulier les troupes qu’on lui auroit envoyées. On
peut aufli, en ce cas., flipuler dans le traité des-
fecours d autre nature que ceux d’hommes, comme
d argent, -de vivres & de munitions de guerre.
Le général que le prince choifit pour le commandement
d’un cor.ps auxiliaire , doit êfre fage,
& prévoyant ; fage, pour maintenir la difcîpline
dansTon corps , & que le prince allié ne faffè point
de plaintes contre lui ; & prévoyant, pour que fes ■
troupes ne tombent point dans aucun befoin pour
•leur fubfiflan.ee ; qu’elles ne foientexpofées au péril,
& enfin, qufl ne fe pâffe rien à fon infçu'dans
le cabinet du prince allié, quipuiflè être préjudiciable
à fon maître.
De la guerre .civile.
La güèrfe civile efl toujours rfialheureiife pour le
prince qui la foutient. Elle pètft avoit differentes
j origines : la dureté du gouvernement, tant politique
qu’eccléfiaflique , les factions & l’ambition des
grands dans une minorité , ou fous un règne foible,
& les intelligences d’un ennemi attentif à fufeiter
des affaires au- dedans à un voifin qui veut attaquer,
ou contre lequel il efl en guerre.
Celle qui a pour origine la dureté du gouvernement
efl la plus, dangereufe , parce que tout le
corps de l’état efl également aliéné, 8c que l’émotion
efl fouvent générale.
Le prince , qui ne devroit en accufer que lui-
même , n’a de reflource, pour calmer les efprits
irrités, que d’abandonner ceux à qui il commet-
toit' le foin du détail des affaires.
Il doit fouffrir qu’ils foient accufés des fautesqu’il
aura peut-être ordonné de faire; il doit les éloigner
de les confeils , & les punir même févèrement s
de peur que les féditieux ne fe chargent de ce
foin , ce qu’il doit prévenir avec application &
diligence. Par-là il détourne la haine perfonnelle
(jue l’on pourroit avoir conçue contre lui, & donne
a ^ ceux qui lui font refies fidèles un moyen fur
d’agir par des difeours fur les efprits des révoltés,
& de faire tomber toute la haine fur -ceux qui
ne la. x’m^ritent peut-être que pour avoir obéi trop
régulièrement aux ordres de leur maître.
Celle qui a la religion pour origine efl plus
impétüeulè que la première , parce que les efprits
font dépravés , & la révolte foutenue par .une
efpèce de gens à qui iln’èn coûte que des difeours ;
mris aufli elle efl moins générale , parce que le
prince y peut toujours oppofer le parti contraire
pour les fentiments de religion ; en cas même
que ce remède ne pût être affez efficace, celui
d’accorder une liberté de confcience lui efl fur.
Il faut appaifer cette efpèce dé guerre avec .toute
1a douceur & la dextérité pofliblës, fans y .employer
les miniftres eccléfiaftiques du parti contraire
a celui des .révoltés, au moins tant que la
révolte dure.
11 ne faut fe fervir de la force & des fuppîices
l'extrémité , parce que le prince -s’affoibiit
lui-meme en fe privant du nombre de fes fujets^
& qu.en un mot , il lui eft plus politiquement
eflêntiel d’avoir des fujets fidèles, que des fujet«
■ oppofés fur des fentiments de religion, tant qu’ils
vivent paifihlement entre .eux* & fidèlement envers
lui.
Dans une minorité, ou fous un règne foible ^
il efl fort ordinaire que l’ambition & l’intérêt parti-
culier~.caufent des faélions parmi les Grands. Celles
qui naiffent dans une minorité , peuvent être prévues
par les fages difpofitions du prince prédé-
ceffeur , qui, fe fentant près de mourir, peut donner
une forme .de gouvernement qui fatistàffe au-
moins la plus grande partie de fon état, lequel, jen
ce cas-là, fe. trouvera exempt de troubles , pourvu
•que le choix qu’il aura fait des perfonnes qui devront
conipofer le confoil de fon fucceffeur mineur ,
j foit des gens équitables Ôc expérimentés au gouver