
le jour que l’armée doit fourrager, ni le lieu oh elle
doit aller, lorfqu*on prend la précaution de ne le
point déclarer.
Quand il feroit inftruit du jour du fourrage , à
moins qu’il ne le foit auffi à-peu-près du lieu oh il
doit le faire, il ne fera pas à portée de venir le troubler.
S’il a plufieurs partis ou détachements en campagne
pour le découvrir, il faut que ces détachements
non feulement rencontrent les fourrageurs , mais
qu’ils puiflent les fuivre pour s’affurer exa&ement
du lieu que l’on va fourrager ; ce qui demande trop
de temps pour que l’ennemi en foit informé allez
tôt pour venir tomber en force fur les fourrageurs
pendant l’opération du fourrage»
S’il fe contente d’y envoyer des troupes légères ,
l’efcorte des fourrageurs fera en état de leur réfifter.
Ainfi en obfervant le fecret fur le jour & le lieu du
fourrage, on empêche ordinairement que l’ennemi
ne prenne des mefures pour le troubler.
.2°. On fak enforte de fçavoir le jour que l’ennemi
doit aller lui-même au fourrage ; fi l’on en eft inf-
truit, on peut s’aflurer qu’il s’occupera du lien , &
qu’il ne cherchera pas à troubler le vôtre. Mais il
faut bien prendre garde que ce lie foit une rufe de
fa part pour vous engager d’envoyer vos troupes
au fourrage , & tomber fur vous avec les fiennes :
c’eft ce qui demande bien de l’attention , lorfque
les armées ne font qu’à très-peu de diftance l’une
de l’autre.
3°. Comme le général a toujours des elpions
dans le camp de l’ennemi, il faut qu’ils ayent foin
d’obferver les différents détachements qui en for-
ten t , & de lui eu donner avis auffi-tôt, en lui
marquant le chemin que ces détachements leur ont
paru prendre. Par cette précaution , le général
lorfque fes efpiôns le fervent bien, c’eft-à-dire lorf-
qu’il les choifit intelligents & qu’il les paye bien ,
peut juger de l’objet de l’ennemi ; s’il croit qu'il
ait deffein de tomber fur les fourrageurs, il leur
envoyé des ordres pour les faire retirer promptement.
. 40. Si legénéral apprend que l’ennemi marche en
force pour troubler le fourrage, & que cette nouvelle
arrive avant que les fourrageurs puiflent être
parvenus au lieu di[fourrage, il envoie auffi-tôt au-
devant d’eux pour les arrêter ; & ft l’on préfume
qu’ils y foient arrivés, on leur fait les fignaux convenus,
pour les rappeller ou les faire retirer. Ces
fignaux fe font ordinairement par un certain
nombre de décharges de pièces de canon-.
Si c’eft le commandant du fourrage qui foit informé
par fes partis, que l’ennemi s’avance en bon
ordre pour l’attaquer avec un nombre de troupes
fupérieures aux tiennes, il fait retirer promptement
les fourrageas, & il envoyé au camp pour en inf-
truire le général, & lui demander du fecours, pour
aflurer & protéger fa retraite ; en attendant il raf-
femble toutes les efcortes , &. il leur fait prendre le
chemin du camp dans le meilleur ordre qui lui fcff
poffible.
Lorfque les ennemis, qui marchent contre osa
fourrage., font en grand nombre , il eft rare que le
pays leur permette de marcher fur un allez grand
front pour arriver enfemble. Si le terréin leur eft
favorable pour cela , il. eft au moins difficile de
marcher alors avec ordre &. vite fie. Les différent»
corps de l’armée ou du détachement de l’ennemi ,
fe trouvent dans .l’obligation de s’attendre les ur.s
& les autres : pendant ce temps , le commandant
du fourrage, dont la marche eft plus légère, fait
fa retraite , ou fe met à portée du fecours que le
général lui envoie.
Si l’ennemi détaché quelques troupes en avant
pour commencer l’attaque ôt retarder la marche
des fourrageurs ; pendant qu’il s’avance plus lenter
ment avec le gros de fon détachement, le commandant
du fourrage doit faire enforte que la
retraite ne foit point interrompue ; &. pour fe dé-
barraffer des ennemis qui le harcèlent, réunir à la
queue des fourrageurs un nombre de troupes de
l’elcorte , fupérieur aux détachements ou aux
partis de l’ennemi; & lorfque ces partis fe trouvent
à portée d’être attaqués , on les fait charger v ;go -
reufement, en recommandant expreffément aux
troupes de l’efcorte de ne pas s’abandonner à leur
pourfuite, mais de rejoindre la queue des fourrageurs
auffi-tôt qu’elles auront rompu celles de
l’ennemi, de manière qu’elles ne puiflent pas fe
rallier aifément. On en ufe ainfi, afin que les
troupes de l’efcorte ne ceflent point de couvrir
la retraite des fourrageurs , & qu’elles foient toujours
en état des’oppofer aux nouvelles entreprifes«
que l’ennemi, pourroit faire contr’eux.
5°. Lorfque l’énnemi fe trouve obligé pour interrompre
ou troubler un fourrage-, de s’éloigner de
fon camp d’une diftance trop confidérable pour en
être aifément fecouru dans le befoin, il arrive
rarement qu’il ofe le tenter; parce .qu’il ne peut
guère le faire fans s’expofer à être battu : car
comme il eft difficile qu’il 'oit exaâement informe
de la force des troupes qui compofent l’efcorte , il
peut arriver qu’elles foient fupérieures aux fiennes ,
& qu’elles le laiffent s’engager dans le pays pour
lui fermer la retraite & le défaire entièrement.
Un général prudent ne s’expofe pas à cet inconvénient
; c’eft pourquoi il ne cherche guère à
troubler les. fourrages qui fe font loin de fon camp ?
au moins avec de gros corps de troupes; il fe
contente d’y envoyer quelquefois des troupes
légères, & alors les efcortes bien placées &. bien-
commandées , lont fuffifantes pour la fureté des
fourrageurs.
6°. Lorfque le général eft plus fort en cavalerie
que fon ennemi, & qu’il ne craint point de s’engager
à combattre, il peut fe hafarder davantage
dans les fourrages qu’on ne l’-a fuppofé ici.
Il peut mener fa cavalerie du côté de l’ennemi y
& s’il ne voit point de mouvement dans fon camp .,
foire mettre pied à terre à une partie de fort monde
pour fourrager, pendant que 1 autre qui eft fous les
armes, tient l’ennemi en refpeél. S’il fe met en
devoir d’attaquer les troupes qui couvrent les
fourrageurs, ceux-ci laiffent là auffi-tôt le fourrage ,
fe mettent en felle , &. fe préfentent avec les
autres pour combattre.
Mais fi le général a des raifons particulières pour
ne point engager une adion , il prend de bonne-
heure les précautions convenables pour n’être
point entamé dans la retraite.
Pour cet effet il envoie de gros détachements
d’infanterie dans les bois, les villages , &. les différents
défilés, par oh il doit fe retirer. Il eft à
propos que ces détachements ayent avec eux plufieurs
pièces de canon : on en impofe alors davantage
à l’ennemi, & l’on rallehtit l’aélivité de
fa pourfuite. • On doit auffi y joindre quelques “
troupes de cavalerie pour foutenir la retraite de
ces détachements.
Lorfqu’en fe retirant d’un endroit qu’on a fourragé
on craint que l’ennemi ne tombe fur la queue
des fourrageurs , la meilleure partie de l’efcorte
doit être à l’arrière-garde ; mais s’il peut tomber fur
le flanc de la marche , il faut qu’il y ait différents
corps de troupes légères qui rodent continuellement
fur ce flanc , pour découvrir de bonne heure les
mouvements de l’ènnemi, & pour en avertir le
commandant du fourrage. Il fait auffi-tôt les difpo-
fitions néceflaires pour s’oppofer aux deflfeins de
l'ennemi, & faire enforte que la retraite des four-
rageurs ne foit point interrompue. (Q .) .
Le général fe campera toujours de manière que
l’ennemi ne puille ni lui ôter les fourrages, ni les
lui rendre trop difficiles.
Il n’en laiflera point manquer à fes troupes ;
cependant il n’en laiflera point faire de dégât, principalement
lorfqu’il prévoira qu’il doit fàire un
féjonr confidérable dans l’on camp. La contamination
des fourrages en verd eft beaucoup plus grande
que celle du fec ; màis auffi la quantité en eft plus
abondante fur la terre, né pouvant être diminué
par l’ennemi, au lieu que le fec peut être écarté ,
emporté & mis dans les places, ou même brûlé.
Les fourrages s’ordonnent & fe font de différentes
manières, tant en verd qu’en fec. Lorfque nous
avons parlé des campements , nous avons dit que
rofficier-général de jour qui fait le camp , doit
toujours, autant qu’il lui eft poffible, difpofer fes
gardes de maniéré que Farniee , au moins pour
le premier jour, trouve du fourrage, du bois, de
la paille ÔC de l’eau entre les gardes & le camp ;
ainfi je ne parle ici que des fourrages qui fe font
les jours fuivants.
Les fourrages fe font ou en avant ou derrière
l'armée, ou lur les ailes ; ils fè font en verd ou en
fec , ou généraux ou particuliers. De quelque nature
qu’ils foient, ils doivent avoir été précédemment
reconnus , tant pour la difpofition des efcortes générales
pour l’étendue du pays qu’on croit devoir
embrafler, que pour avoir allez de fourrages clans
l’enceinte, & pour la fureté de la marche des
fourrageurs.
Après que le pays que l’on veut faire fourrager à
l’armée , aura été reconnu par les foins du général ,
ou par l’officier-général qui doit faire le fourrage ,
on formera l’elcorte dudit fourrage pour la qualité
des troupes, fuivant qu’il fera convenable , tant
par rapport au pays que l’on veut fourrager, qu’aux
inconvénients à éviter dans ledit fourrage.
Ces efcortes feront aflemblées en lieux convenables,
& reçues par les officiers deftinés à faire
ledit fourrage , qui les feront marcher en corps ou
en détail, félon qu’ils jugeront le pouvoir faire avec
fureté, jufqu’au lieu oh elles doivent être poftéôs
pour la fureté du fourrage.
Il eft bon de faire partir avant ces efcortes des
partis , foit de cavalerie, foit d’infanterie, fuivant
le pays. Ces partis s’avanceront loin au-delà des
lieux oh,les efcortes doivent être placées pour découvrir
fi l’ennemi, qui pourroit être averti du
fourrage , ne. viendroit pas s’embufquer à portée
d’enlever'les fourrageurs ou de battre leur elcorte.
'Les officiers feuls commandants lefdits partis ,
doivent être inftruits des raifons pour lefquelles
on les fait fortir des lieux oh ils pourront fe retirer
fous la prote&ion des efcortes , en cas qu’ils foient
pouffes , & de l’endroit ou ils pourront donner
de leurs nouvelles à l’officier général commandant
le fourrage.
Les fourrageurs doivent être aflemblés à la tête
de leurs brigades , avoir des efcortes particulières
de leurs corps, & au moins un officier par com-
pagnie commandé ; ils ne partiront du camp que
lorfque l’officier-général enverra dire qu’il eft pofté,
&. qu’on peut faire avancer les fourrageurs ; ils ne
viendront qu’au pas, en bon ordre, & conduits
fur le lieu oh ils doivent fourrager, par celui quî
aura été commandé pour les amener , lequel empêchera
, autant qu’il le pourra, que les fourrageurs
ne fe débandent, & les fera affeoir fur le lieu du
fourrage, fans quoi la rage du fourrageur, qui n’eft
jamais content du fourrage qu’il voit devant lui
en gâte plus qu’il n’en enlève, force fouvent l’enceinte
, & s’expofe à être pris par des partis ennemis
embufques au dehors, & au-delà du pays que l’on
aura fait vifiter & fouiller pour la fureté du fourrage,
Les fourrages en avant font ceux qui fe font
entre l’armée & celle de l’ennemi ou fes groffes
places. Si le pays eft ouvert, il faut que l’efcorte
foit forte en cavalerie ; que l’enceinte du fourrage
| foit bien fermée par les efcortes particulières & par
une chaîne de vedettes , afin que l’enceinte ne fort
pas forcée par les fourrageurs libertins qui veulent
toujours courir au-delà du lieu qu’ils fourragent ;
que la plus groffe partie de l’efcorte foit enfemble
qu’elle ait plufieurs partis loin devant e lle , pour
.être informés de ce qui viendroit du côté des ennemis
, affez tôt pour avoir le temps d’aflembler toutes