il eft allez bien prouvé qu’il eft avantageux au
r o i , au militaire & aux provinces, de donner
aux troupes des établiffements permanents dans
le royaume , parce qu’alors, fi un régiment marche
pour caufe de guerre , il n’emmene jamais que ce
qui eft en état de la faire, il ne déplace point |e§
magasins , fon quartier eft toujours fon dépôt, il
y renvoie ce qui lui eft à charge , & en fait venir
ce qui lui eft utile : purgé de tout ce qu’il y a
d’infirmes & d’écloppés , il femera moins de malades
dans les hôpitaux , & occafionnera moins de
charges aux provinces pour les corvées de voitures
& de chevaux. »
Entre le fyftême de faire voyager les troupes
chaque année & celui de rendre les garnifons invariables;
il en e ft, ce me femble , un qui les modifiant
touts deux , n’a les inconvénients ni de l’un
ni de l’autre ; on ne peut- nier qu’il n’y ait en
France des garnifons meilleures les unes que les
autres ; que Metz , par exemple, ne foit préférable
à Briançon, que Strasbourg ne vaille mieux que
le Fort Louis du Rhin, Lille que Bergues; fi les
garnifons étoient permanentes , les régiments qui ;
feroient fixés au Mont-Dauphin , à Gravelines , j
auroient raifon de traiter d’injufte le fort qui les j
auroit placés dans ces garnifons ,• ces régiments ne
voyant point d’autres troupes, perdroient peu à
peu l’efprit militaire & leur inftruéfion finiroit par
dégénérer ; pour éviter ces injuftices & prévenir
ces maux, on pourroit borner à dix ans le féjour
d’un régiment dans la même province, & à cinq
ans dans la même ville ; on pourroit qncore pour
éviter les longues routes , toujours funeftes à la
fanté du foldat, fixer un ordre de changement de
proche en proche : établir , par exemple, que les j
changements fe feroient de province à province ;
que le Dauphiné verferoit dans la Franche-Comté,
la Franche-Comté dans l’Alface ; l’Alface dans la
Lorraine & les Evêchés ; les Evêchés dans la
Flandres & l’Artois ; l’Artois dans la Picardie &
la Normandie; la Picardie & la Normandie .dans
la Bretagne; la Bretagne dans le Pays d’Aunis;
celui - ci dans la Guienne , la Gafcogne & le
Rouflillon ; le Rouffillon dans le Languedoc &
la Provence ; & enfin la Provence dans le Dauphiné.
Les provinces de l’intérieur, telles que la
Champagne , la Bourgogne, &c. reffortiroient des
provinces militaires limitrophes, & recevroient
l ’excédent de ces grandes provinces ; pour éviter
les engorgements on fe garderoit de faire faire touts
les mouvements la même année ; on diftribueroit
l’armée en cinq parties dont une changeroit de
garnifon chaque année ; toutes les troupes de la
même province qui changeroient de garnifon ,
pourroient fe raffembler pendant un mois fous les
murs de la principale ville militaire de la province ,
& être là exercés à de grandes manoeuvres avec j
les garnifons de ces villes. Les troupes du Dauphiné I
& du Vivarais à Grenoble; celles de la Franche-
ÇoHité à Briapcçn ; de l’Alfa ce à Strasbourg ; de !
la Lorraine & des Evêchés a Metz ; de la Flandres
& de l’Artois à Lille ; de la Picardie & Normandie
à Caen ; de la Bretagne à Rennes ; du Pays
d’Aunis à Saintes ; de la Guienne & du Rouflillon
à Aufch ou à Bayonne , ou même dans les landes
de Bordeaux ; du Languedoc St de la Provence à
Montpellier ou à Nîmes. On ne conduiroit à ces
cantonnements que des hommes en état par leur
inftruéfion St leur force de manoeuvrer en grand ;
les enfants , les recrues , les femmes, les vieillards,
pourroient avec les gros bagages aller direéiement
à leur nouvelle garnifon ; ainfi on formeroit chaque
année dix petits cantonnements qui coûteroient
infiniment peu au r o i , fur-tout fi on en banniffoit le
luxe St les fuperfluités. Voyeç Luxe ; les troupes
qui ne feroient que paffer pourroient être logées
dans les villes fous lefquelles elles s’aflembleroient,
ou dans les villages circonvoifins : on en excep-
teroit Metz, Strasbourg & Lille , où on pourroit
former des camps de paix. Les tentes renfermées
dans les magafins de ces places & les uftenfiles de
campement qu’on y conferve feroient employés à
cetufage; une légère augmentation de pain & une
foible diftribution de viande , feroient les feules
dépenfes que les foldats occafionneroient au roi.
Quant aux officiers fubalternes , on fe contenteroit
de leur donner alors la paye de guerre. Les officiers
généraux employés dans chaque province
en qualité de gouverneurs généraux ou particuliers,
de commandants , d’infpecteurs , de lieutenants de
r o i, lieutenants généraux , pourroient être tenus
de fe trouver à ces camps ; il n’en eft aucun qui ne
facrifiât avec plaifir à l’inftruétion des troupes &
à la fienne propre, les légères dépenfes que les
camps leur occafionneroient. Voyeç L u x e &
E x e r c i .c e s.
§ . I V .
Quelle ejl la proportion qui doit exciter entre Vétendue
d'une place & fa garnifon.
Comme il eft prefque impoffible de déterminer
la proportion qui doit exifter , tant pendant la paix
que pendant la guerre , entre une place &. fa garnifon
; nous nous contenterons de faire connoître
les motifs qui doivent influer fur la manière de
fixer cette proportion.
Si une ville eft riche & commerçante , fi la
population y eft confidérable , fi le pays qui l’entoure
ne fournit point une fur abondance de denrées
, fi les bras ne manquent point dans les environs
, fi les habitants font policés, lés établifle-
me-nts militaires peu nombreux, la frontière éloignée
& la paix allurée, il eft prefque inutile de
placer une garnifon dans cette ville ; fi au contraire
la ville eft peu riche une garnifon la vivifiera ; peu
commerçante, le foldat lui donnera de l’induftrie ;
peu peuplée, quelques militaires s’y établiront. ; fi
eüç a des denrée*furabo*dantes, les gens de guerre
les y cbnfomtneront ; fi elle manque de bras , les
troupes lui en fourniront ; fi les habitants font dans
l ’anarchie , la force militaire les contiendra ; fi les
magafins du roi font confidérables, la garnifon les
gardera ; s’il y a des cafernes pour l’officier & le
foldat, ils les occuperont & foulageront une ville
qui-en fera dépourvue ; quoique la frontière foit
voifine & que la paix vienne à lé rompre, l’ennemi
n’ofera rien entreprendre ; telles font les raifons
qui doivent déterminer pendant la paix à donner
une garnifon à une ville.
Quant à la force de cette garnifon , elle doit
être proportionnée au plus grand nombre des raifons
que nous venons d’énumérer ; pour fçavoir
fi vous devez placer de la cavalerie ou de l’infanterie
dans une ville, examinez fi le pays eft
abondant en paille, en foin & en avoine, ou fi
l’on eft obligé de tirer les fourrages de loin, &
fi le pays a plus ou moins befoin d’engrais.
Avez - vous à placer des régiments d’infanterie
étrangère & des régiments d’infanterie Françoife ?
Mettez lès premiers dans les villes fortes & voi-
fines des frontières, & les autres dans l’intérieur
du royaume & les villes ouvertes. Je dis de mettre
les premiers dans les villes fermées, parce que leur
compofition l’exige ; je dis dans les villes frontières,
parce que fes régiments pourront plus 'aifément
trouver à fe recruter.
Avez - vous de la cavalerie de ligne & des
troupes légères à loger ? Mettez les premières dans
des pays gras, & les fécondés dans des pays montagneux
; en un m o t, cherchez toujours à faire
accorder ,la nature du .pays & fes befoins, avec
la nature de la difcipline & la conftitution des
troqpes ; c’eft de cet accord que naîtra l’harmonie.
Ce que nous difons des garnifons pourroit paroître
inutile s’il ne devoit pas aufli influer fur le choix
des quartiers d’hiver.
Cependant la guerre fe déclare, vous êtes fur
la défenfive , & une armée, ne couvre point la
ligné de vos places ; quelle doit être dans ces cir-
Conftances la force de vos garnifons?
M. de Vauban, cet homme que fes travaux &
fes talents ont rendu immortel; que les fcciétés
fçavantes s’emprefîent de couronner , & dont les
opinions méritent toute notre confiance, prétend
que dans une place fortifiée fuivant les règles de
1 art, il faut 5 à 600 hommes d’infanterie par baf-
tion , & que la cavalerie doit être avec l’infanterie
dans le rapport de un à dix. Cette fixation
étant faite pour une place qui va foutenir un fiège ,
on pourra, dans les autres circonftances, diminuer
la quantité de troupes d’après un certain nombre
de données que nous allons indiquer. La proximité
plus ou moins grande d’une armée amie ; la force
& la compofition de cette armée ; la proximité
plus ou moins grande de celle de l’ennemi & fa
compofition ; les plans & les projets de l’ennemi
qu on aura pu deviner par fes opérations antérieures
, ou en faifant pénétrer des traitres jufques
Art militaire. Tome 11,
C E >B 5 3 7
dans les cabinets des miniftres & la tente des generaux;
le plus ou moins grand intérêt que l’ennemi
aura à s’emparer de cette place ; celui que
vous aurez à la conferver ; le plus ou moins grand
befoin que vous avez de vos propres troupes pour
garnir des places plus importantes , ou pour groffir
un corps que vous deftinez à quelque expédition ;
la facilité ou la difficulté de jetter en tout temps
des troupes dans cette place ; la manière dont elle
eft approvifionnée en vivres ; les difpofifions 6c
le cara&ère des habitants ; & enfin , la plus ou
moins grande quantité de points d’attaque.
§• v .
Quelle doit être la conduite d'une troupe qui va
entrer dans la garnifon.
Une troupe qui va entrer , en temps de paix >
dans la garnifon qu’elle doit occuper, s’arrête proche
de la porte , rajufte fon armement, fon équipement
& fon habillement ; fe met en bataille, les
rangs ouverts, pour laifler aux employés des fermes
la liberté de faire leur vifite. F". C o n t r e b a n d e .
Quand la vifite eft faite & q u e le lieutenant de
roi a envoyé un aide-major pour conduire "la
troupe, elle entre dans la ville , va fe mettre en
bataille fur la place d’armes, paffe 'la revue du
commiflaire des guerres. Voye% R evue ; écoute la
publication des bans militaires. Voye£ B a n s ; &
fe rend enluite dans le corps des cafernes ou dans
les logements qu’elle doit occuper. V. l'ordonnance,
du ier mars 1768 , titres 1119 I V , V & VI,
§ . V I.
Quelle conduite doit tenir une troupe dans fa
garnifon.
La troupe qui fuit les loix militaires à la lettre X
fe conduit dans fa garnifon comme elle le doit ;
ces loix font confignées dans l’ordonnance pour
régler le fervice dans les places &. dans les quartiers
, donnée le i er mars 17 6 8 , & notamment
dans les titres X IX , X X & XXI.
§ . V I I .
Quelle conduite doit tenir une troupe qui chdtige de
garnifon.
C ’eft aufli dans l’ordonnance pour régler les
fervices dans les places & dans les quartiers, que
font confignés les détails relatifs à la conduite que
doit tenir une troupe qui va partir de l’endroit
où elle étoit en garnifon. Voye% dans cette ordonnance
le titre X X X I I , compofé de 32 articles. (C.).
GEBEg Y S . Les gèbegys font des armuriers au
nombre de 630, fous un capitaine appellé gebegy
bafcy, qui eft préfent à leur travail.
Ils font divifés en 60 odas, & demeurent à
Conftantinople, près de Sainte-Sophie. Chaque
chambre a fon oda-bafcy , qui eft plutôt un
quartier-maître qu’un capitaine.
Y y y