
ceu x -c i ont couru le long de la limite 9 ils font
une con v er fion , & pendant ce m ouvement même ,
lancent obliquement leurs javelots vers cette
lim ite , a v ec le plus de force & auffi loin <|u’il
leur eft poffible ; ceux qui fe font réfervé deux
tra its, prenant celui qu’ils tiennent fous le bouclier,
penchant un peu la tête 8c le côté droit comme
il c o n v ien t , 8t faifant la contre-marche fur l’arrière
, lancent leur javelot.
O n exécute auffi dans - cet exercice la courfe
cantabre, qui me paroît avo ir tiré ce nom des
Cantabres , peuple Ê fpagnol, duquel les Romains
l ’ont emprunté. L a tortue fe fo rm e , comme au
commencement, fur la gauche du terrein ; mais on
ne place point les deux cavaliers qui fervent de
but aux traits dans l’autre courfe. C eu x de la
droite commencent l’attaque , 8c tournent, comme
auparavant, fur leur droite. Tandis qu’ils courent,
il fe fait de la gauche une autre courfe oppofée
& circulaire. Les cavaliers n’y font point armés
de javelots lég ers ; mais de l’efpèce de halles,
nommées Xyotes. Elle eft fans fer , cependant fon
poids en rend le jeu difficile , & le coup n’en eft
pas fans danger pour celui qui le reçoit. Il eft
donc ordonné de ne la lancer , ni contre le cafque
des cavaliers qui pa ffen t, ni contre le ch eval;
mais de la lancer a vec la plus grande force contre
le b o u c lie r , avant que le cavalier tourne &
préfente le flâne ou le dos. L a perfeélion de cette
courfe eon fifte, en ce que celui qui eft le premier
dans- le cercle cantabre, s’approchant le plus près
qu’il eft poffible de ceux qui paffent , frappe
vers fon milieu le bouclier du p rem ier, de forte
que la hafte le faffe raifonner ou le perce ; que
le fécond atteigne de même le fé co n d ; que le
troifième frappe le troifième, & ainfi des autres
dans le même ordre. C e je t de haftes, ces coups
fucceffifs produifent un bruit terrible , en même
temps que la contre-marche des cavalièrs offre
un fpeélacle 1 agréable : & , tandis que les uns
s’étudient à lancer leurs traits avec force 8c avec
ju fte ffe , les autres , pour s’en garantir , employent
toute leur adreffe.
Ce tte courfe étant finie , un certain nombre de
cavaliers s’occupent à montrer leur habileté dans
le je t continu des traits. Ils ne paroiffent pas touts
dans ces exercices, parce que touts ne font pas
capables de la célérité qu’il demande. Les plus
habiles dans l’équitation , fe placent de manière
qu’ils ont à droite le haut du terrein. D e là , marchant
lentement le long du b o rd , ils lancent le
plus de ja v e lo t s , le plus continuement, & le
plus loin qu’ils p eu v en t , en différents fen s , &
en les. balançant avant le jet. Celui qui peut en
lancer quinze avant que fon cheval foit hors du
te r re in , paffe pour habile ; mais on applaudit
beaucoup p lus, & a vec ra ifo n , celui qui en lance
vingt. O n ne parvient point au -d elà , en obfer-
vant ce qui eft prefcrit : ce n’eft qu’en arrêtant
fouvent le cheval 8t faififfant ce moment pour
lancer deux 'ou trois ja v e lo t s , ou en dépaffant
le bord du terrein. Mais ce qui eft fait fuivant la
règle , me paroît plus digne de louange que ce
qu’une fubtilité trompeufe exécute pour exciter
l’admiration des fpeélateurs.
Enfuite les cavaliers s’arment, comme pour le
comb a t, de cuiraffes dé fer , de cafques , & de
boucliers plus pefants que ceux qu’ils ont« eus
jufqu’alors. D ’abord ils s’avancent formés en
t ro u p e s , & pouffent v ivement leurs chèvaux:
chaque cavalier ne porte qu’une lance avant de
s’être approché du b o rd , &. après avoir balancé
8c. fait raifonner, par une forte fecou ffe, la lance
contre le but planté à la gauche du terrein. Les
plus habiles répètent cette cou r fe , quelques-uns
l’exécutent une troifième fois ; non qu’ils y foient
o b lig é s , mais parce qu’ils ambitionnent, de pa-
roître dans cet exercice, & d’y mériter des
louanges. -
O n exécute une fécondé courfe a v ec deux
lan ce s , qu’ils font diriger contre le b u t, en y courant
auffi droit qu’il eft poffible ; lorfqu’elle a été
fournie à volonté , les principaux chefs ordonnent
l’appel de touts les cavaliers , en commençant par
le décurion, puis le dimoirite ou duplaire , puis
celui qui reçoit p a ye & demie ; enfuite les cavaliers
de la dé cu rie, chacun à fon rang. Ce lu i qui
eft appellé doit répondre à haute v o ix adfumy
j ’y fuis, 8c courir en même-temps en tenant trois
lances. Il jette la première du haut du terrein'vers
le but ; la fécondé , du bord même , en courant au
but en droiture ; alors , s’il doit fournir toutes les
courfes d’ufage 8c déterminé par l’empereur, lorfque
fon cheval tourne à dro ite, il lance la troifième
contre un autre bu t, planté à cet effet par
ordre du prince. C e dernier jet eft le plus difficile
de touts , parce qu’il doit être exécuté avant que
le cheval ait tourné entièrement, 8c pendant la
converfion même : on le nomme Xumena en
langue ce ltiqu e, & on en difpenfe , parce qu’il
n’eft facile qu’a vec des traits qui n’ont point de fer.
Si l’ambition de montrer leur dextérité engage
quelques cavaliers à jetter quatre lances en courant
directement au b u t , ou trois feulement, &
la quatrième en tournant, fuivant que le prince
l’a prefcrit ; c’ eft alors principalement qu’on distingue
les meilleurs & les plus foibles jaculateurs;
parce que cette courfe n’eft point exécutée fans
o rdre, 8c a v ec le tumulte d’une courfe précipitée.
Toutes celles qui peuvent rendre la plupart des
cavaliers habiles au je t de la lance, me paroiffent
mériter d’être préférés, comme plus capables de
les former à ce qu’ils doivent pratiquer dans les
combats.
O n exécute auffi différents jets de traits légers,
appellés p a l t e s , ou de flèches lancées, non pas
avec l’a r c , mais par les machines ; ou de pierres
je tté e s , tant avec la main qu’avec la fronde contre
un but placé au milieu des deux dont nous avons
fait mention. I c i le plein fuccès confifte à brifer
le but avec les pierres ; mais il n’eft pas facile d’y
réuffir.
C e t exercice n’eft pas le derhier qu’oft execute.
Les ca va liers, armés de l’efpèce de pique , nommée
contus, courent d’abord en la tenant droite
comme pour la charge , 8c puis comme pourfuivant
des ennemis qui fuyent. Ils tournent enfuite,
comme s’ils marchoient contre un autre enn emi,
8c dans la converfion du cheval ils élèvent leur-
bouclier au-deffus de la t ê t e , le portent en arr
iè r e , & faifant tourner la p iq u e , ils la lancent
comme fi l’ennemi venoit à eux. Ce tte manoeuvre
eft nommée tolutegon en langue celtique. Enfuite ils
tirent l’ép é e , & en portent des coups de différentes
manières ; mais fur-tout ils imitent l’aélion d’atteindre
l’ennemi qui fu it , ou de le tuer lorfqu’il
tom b e , ou de l’attaquer en gagnant obliquement
fon flanc.
T e ls font des exercices ordinaires 8c anciennement
ufités de la cavalerie romaine. L ’empereur
a voulu qu’elle apprît aufii les exercices des Barb
a re s , tels que ceux des archers à ch ev a l, foit
Parthes , foit Arméniens, ainfi7 que toutes les con-
v er fion s , que les contophores farmates ou celtes
exécutent par divifions , les différentes manières
utiles à la guerre dont ils lancent les traits pendant
ces mouvements, 8c les cris propres à chaque
nation , tels que ceux de la cavalerie celte , de
là gothique 8c de la rhétique. Les chevaux font
auffi dreffés à franchir des foffés 8c des retranchements.
Enfin il n’y a aucun exercice inftitué
par les anciens, que les Romains ne p ratiquaffent,
a vec ce que les empereurs ont jugé à propos d’y
ajouter pour la beauté du fpeéiacle, l’é c la t , la
célébrité , l ’utilité dans les combats ; de forte que
le temps préfent, qui eft la vingtième année du
règne d’Hadrien-, me paroît mieux exprimé que
celui de l’ancienne Lacédémone , par ces vers ;
Là brillent , dans tout leur éclat, les armes de la
jcunejje , les doux chants des mujes , la jujlice universelle
i fource des allions Sublimes.
Sous les empereurs fuivants la conftitution militaire
s’altéra de plus en plus , 8c changea pref-
qu’entièrement. Conftantin caffa les cohortes prétoriennes
, 8c inftitua un nouveau corps de milice,
qu’il divifa en deux claffes. La première fut compofée
de légions qu’il nomma comitatenSes , & d’au tf es lé-
gions nommées palatines. Celles-là accompagnoient
les comtes , & autres commandants envoyé s dans
les provinces : celles-ci formoient la garde du
prince. On y diftinguoit un corps d’élite nommé
protefleur , parce qu’il gardoit particulièrement
fa perfonne. La fécondé claffe comprenoit les
pSeudo-comitatenfes y dont le fervice avoit rapport
à celui des comitatenSes ; les riparienjes, deftinés à
garder les rivières, 6c les caflricians t qui fervoient
dans les camps établis pour la sûreté des frontières.
V e r s la.fin du fixième f iè c le , la cavalerie faifoit
la principale force des armées. A u temps de l’empereur
Maurice , les foldat§, pefamment armés,
Art militaire. Tome //,
étoient nommés fcutates ; le nom d 'oplites n’exif-
toit plus , 8c celui même de j j i c tM e s Pa^ a p eu” a-*
peu d’ufage. Il étoit à peine connu fous L é o n -le -
Philofophe , vu l’efpèce d’oubli où la taélique etoit
tombée fous ces deux règn e s , ôc entr’eux on ne
t ro u v e , pour ainfi dire , que des noms & des
ufages barbares. (D e J. C. 306. de J. C. 582.. 602.
Leon. taSl. § . 53. C. IV. de J. C. 889*)•
Il n’y avoit point de règle confiante pour la
formation de l’infanterie ; on ne la divifoit que
lorfque l’armée étoit affemblée ; le nombre des
divifions ou tagines étoit déterminée par les generau
x, fuivant l’oc cu ren ce, le befoin qu’on avoit
des troupes | & la quantité qu’on en pouvoir raf-
fembler. ( Ibid. § . 6 3 .) .
L ’empereur Léon fixe le nombre de la file a
fe iz e , 8c ordonne de proportionner l’étendue de
l’ordre de bataille au nombre des troupes qu’on a
tro u v é , îtçW to fc'epos t5 evçio-xo/asvis fçetlv- Mais
quelque fût le nombre des files & des tagmes9
on divifoit tout le front en mènes ou parties
égales ; f ç a v o ir , en mérie d ro ite , commandée
par le mérarque de la droite ou flratélate, qu’on
nommoit auffi turmarque ; en mérie gauche, commandée
par le turmarque de la gauche; 8c en
deux méries du centre , dans lefquelles étoit la
bande du Jlratége ou général. ( Ibid. § . 64*
& Seq.).
Lorfque le nombre des foldats étoit foible 8t
.non cimetrique, il étoit difficile de les former en
tagmes de 2.56 hommes , fans qu’il y eût beaucoup
de furnuméraires , qui , étant joints à d’antres
troupes, y fiiffent d e , trop inu tiles, 8c hors de
rang. ( Maurit. lafl. C. VIII. § . 8 .) .
L ’ordre de bataille étant formé , on compofoit,'
a v ec les furnuméraires ,- tant Scutates que pjiles ,
un corps de ré fe rv e , pour le p la c e r , foitT u r les,
ailes de la cavalerie , foit aux bagages, foit aux
autres lieux où leur fecours pouvoir être néçef-
faire. ( Léo. Ta fl. ibid. ).
Lorfqu’il y avoit dans l’armée moins de vingt-
quatre mille hommes d’infanterie, on ne divifoit
le front qu’en trois m é r ie s, 8c on plaçoit dans
celle du centre la bande du g én é ral, qui comman-
doit toutes les autres. ( Ibid. § . 68. ).
S’il y avoit vingt-quatre mille hommes, il étoit
ordonné d’en prendre la moitié pour pjiles, fçav
o i r , ceux qui fçavoient tirer de l’arc ou pou-
voient l’apprendre, 6c qui étoient jeunes , agiles ,
capables de franchir toutes fortes de terreins, S’il
y avoit moins de vingt-quajre millé hommes , on
n’en prenoit qu’un tiers pour pjiles , & on les for-
moit en files ou décar chies , auxquelles on pré-
pofoit des décarques capables de leurs fon dions,
8c un ch ef nommé architoxôte, La moitié ou les
deux tiers reliants, étoient divjfés en files de dix-
huit h ommes, defquels les deux plus foibles étoient
deftinés à la garde des bagages. Les feize autres
formoient la f ile , qui avoit fon ch ef ou locngiic ,
homme de courage 6c capable de fes fondions.