
à quelque chofe de nouveau de notre part. Nous j
nous contenterons d’obierver que des militaires j
ne fçauroient avoir une connoiffance trop exa&e j
des pays qui font communément le théâtre de la j
guerre. La topographie la plus détaillée leur eft
néceffaire. Au refte , la -géographie s’apprend
aifément, & s’oublie de même. On emploie utilement
la méthode de rapporter aux différents lieux
les traits d’hiftoire qui peuvent les rendre remarquables.
On juge bien que les faits militaires font
toujours préférés aux autres , à moins qùe ceux-ci
ne foient d’une importance confidérable. Far ce
moyen on fixe davantage les idées ; & la mémoire,
quoique plus chargée , en devient plus ferme.
Hiftoire. L’hiftoire eft en même temps une des
plus agréables & des plus utiles connoiflances que
puiffe acquérir un homme du monde. Nous ignorons
par quelle bizarrerie fingulière on ne l’enfeigne
dans aucune de nos écoles. Les étrangers penfent
fur cela bien différemment de nous ; ils n’ont
aucune univerfité , aucune académie, où l’on
enfeigne publiquement l’hiftoire. Ils ont d’ailleurs
peu de profeffeurs qui ne commencent leurs cours
par des prolégomènes hiftoriques de lafeience
qu’ils profeffent ; & cela fuffit pour guider ceux
qui veulent approfondir davantage. S’il eft dangereux
d’entreprendre l’étude de l’hiftoire , fans
guide, comme cela n’eft pas douteux , il doit
paroître étonnant qu’on néglige fi fort d’en procurer
à la jeuneffe françoife ; fans nous arrêter à chercher
la fource du mal, tâchons d’y apporter le remède.
La vie d’un homme ne fuffit pas pour étudier
l’hiftoire en détail ; on doit donc fe borner à ce
qui peut être relatif à l’état qu’on a embraffé. Un
magiftrat s’attacha à y découvrir l’efprit & l’origine
des loix , dont il eft le difpenfateur : un eccléiiaf-
tique n’y cherchera que ce qui a rapport à la
religion & à la difcipline : un fçavant s’occupera
de difcuflions chronologiques , dans lefquelles un
militaire doit fe laffer , s’égarer , au lieu de s’inf-
truire ; il fe contentera d’y trouver des exemples
de v ertu, de courage , de prudence , de grandeur
d’ame 3 d’attachement au fouverain , indépendamment
des details militaires dont il peut tirer de
grands fecours. Il remarquera dans l’hiftoire ancienne
cette difcipline admirable , cette fubordi-
nation fans bornes, qui rendirent une poignée
d’hommes les maîtres de la terre. L’hiftoire de
fon pays, fi néceffaire & fi communément ignorée,
lui fera connoitre l’état préfent des affaires & leur
origine , les droits du prince qu’il for t, & les
intérêts des autres fouverains, ce qui fèroit d’autant
plus avantageux , qu’il eft affez ordinaire
aujourd’hui de voir choifir les négociateurs dans
le corps militaire. Ces connoiflances approche-
roient plus de la perfe&ion, fi l’on donnoit au
moins à ceux en qui on connoît plus de capacité ,
des principes un peu étendus du droit public.
Droit naturel. Mais fi l’on ne va pas jufques-là ,
le droit de la guerre au moins ne doit pas être
ignoré , cette connoiffance fera précédée d’une
teinture un peu forte du droit naturel, dont l’étude
très-négligée, eft beaucoup plus utile 'qu’on ne
penfe. On ne fera pas furpris que cette étude ait
été abandonnée, fi î’on confidère combien peu elle
flatte nos pallions ; fa morale , très-conforme a
celle de la religion, nous préfente des devons a
I remplir ; les préceptes auftères de la loi naturelle
j font propres à former l’honnête homme luivant le
I monde ; mais quoi qu’on en dile , c’eft un miroir
dans lequel on craint fouvent de, fe regarder. ( Cet
article eft fort fage , mais n’a jamais été obfervé. )
Morale. La morale étant du reffort de là religion,
cette partie eft plus particulièrement confiée aux
do&eurs chargés des inftru&ions fpirituelles ; mais
s’il leur eft rélervé d’en expliquer les principes , il
eft du devoir de tout le monde d’en donner des
exemples ; rien ne fait un fi grand effet pour les
moeurs. Il eft plus facile à des enfants de prendre
pour modèle les avions de ceux qu’ils croient fages,
que de fe convaincre par des raifonnements ; la
morale eft encore une de ces fciences où l’exemple
eft préférable aux préceptes , mais malheureufe-
ment il eft plus aifé de les donner que de les fuivre.
Ordonnances militaires. C’eft à toutes ces con-
noiffances préliminaires que doit fuccéder l’étude
attentive & réfléchie de toutes les ordonnances
militaires. Elles contiennent une théorie fçavante
à laquelle on aura foin de joindre la pratique autant
qu’on le pourra. Par exemple , l’ordonnance pour
le fervice des places , fera non-feulement l’objet
d’une inftrudion particulière faite par les officiers ;
elle fera encore pratiquée dans l’hôtel comme dans
une place de guerre. Le nombre des éleves, dans
rétabfiffement provifoire , ne' permettoit d’abord
d’en exécuter qu’une partie.
Il en fera de même de chaque ordonnance en
particulier. Il eft inutile de s’étendre beaucoup fur
l’importance de cet objet, tout le monde peut k
fentir. Le détail en feroit aufli trop étendu pour
que nous entreprenions d’y entrer ; nous dirons
feulement un mot de l’exercice & des évolutions.
Exercice , évolutions. Tous ceux qui connoiffent
l’état a&uel du fervice militaire, conviennent de
la néceffité d’avoir un grand nombre d’officiers
fuffifamment inftruits dans l’art d’exercer les troupes.
Il eft confiant qu’un ufage continuel eft un moyen
.efficace pour y parvenir. C ’eft d’après cette certitude
, fondée fur l’expérience, que les élèves de
Vécole royale militaire font exercés tous les jour? ,
foit au maniement des armes, foit aux différentes
évolutions qu’ils doivent un jour faire exécuter
eux-mêmes. Les jours de dimanches & fêtes font
pourtant plus particulièrement confacrés à cés
exercices. D ’après les foins qu’on y prit, & l’habileté
de ceux qu’on y employa dans le principe ,
il n’y eut pas lieu de douter que cette école ne
devînt une pépinière d’excellents officiers majors ;
on commençoit à en fentir tout le prix , ÔC on ne
pouyoit j’ea diffimuler la rareté,
TaÜiqucl
TaClique. C e n’eft qu’après ces principes néçef-
faires , qu’on peut paffer à la grande théorie de l’art
de la guerre. On conçoit aifément que les grandes
opérations de tactique ne font pratiquables qu’à un
certain point par un corps peu nombreux ; mais
cela n’empêche pas qu’on ne puiffe en enfeigner
la théorie , fauf à en borner les démonftrations aux
chofes poffibles. Après tout, on n-e prétend pas
qu’en fortant de l'école royale militaire, un élève
loit un officier accompli ; on le prépare feulement
a le devenir. Il eft certain au moins qu’il aura des
facilités que d’autres n’ont ni ne peuvent avoir.
La théorie de l’art de la guerre a été traitée par
de grands hommes , qui ont bien voulu nous com-.
mu niquer des lumières , fruits de leurs méditations
& de leur expérience. S’ils n’ont pas atteint la
perfeélion en tout, s’ils ont négligé quelques parties,
il nous femble qu’on doit tout attendre du zèle & de
1 émulation qui paroiffent aujourd’hui avoir pris la
place de l’ignorance &. de la frivolité. Cette manière
de^fe diftinguer mérite les plus grands éloges, &.
doit nous faire concevoir les plus flatteufes espérances
: s’il nous eft permis d’ajouter quelque chofe
a nos fouhaits, c’eft qu’elle devienne encore plus
commune.
Après avoir parcouru fuccintement touts les
objets qui ont un rapport direél à la culture de
l efprit, nous parlerons plus brièvement encore
des exercices propres à rendre les- corps robuftes,
vigoureux & adroits* ( L’étude de la taélique a eu
iieu pendant quelques années , & a procuré à plu- ,
fieurs régiments de bons officiers majors : on l’a
cnfuite fupprimée ).
Danfe. La danfe a particulièrement l’avantage-
de pof'er le corps dans l’état d’équilibre le plus
propre a la foupieffe & à la légèreté ;• l’expérience
nous a démontré que ceux qui s’y font appliqués
exécutent ’avec beaucoup plus de facilité .& de
promptitude touts les mouvements de l’exercice '
militaire,
Efcrime. L’efcrime ne doit pas non pliis être j
négligée ; outre quelle eft quelquefois màiheu- |
reufement néceffaire, il eft certain que fes mouvements
vifs & impétueux augmentent la vigueur
& l’égalité. C’ eft ce qui nous fait penfer qu’on ne
doit pas la borner à l’exercice de l’épée feule , mais
qu’on fera bien de l’étendre au maniement des
armes , même qui ne font plus en ufage , telles que
le fléau , Le bâton à deux bouts , l’épée à deux
mains, &c. Il ne faut regarder comme inutile
■ rien de ce qui peut entretenir le corps dans un
exercice violent , q u i, pris avec la modération
.convenable , peut être confidéré comme le père
de la fan té.
# Art de nager. Il eft furprenant que les occafions
oC les dangers n’aient pas fait de l’art de nager
une partie effentielle de l’éducation. Il eft au moins
hors de doute que c’eft une chofe fouvent utile ,
& quelquefois néceffaire anx militaires. On en lent
£iop les conféquences , pour négliger un avantage
Art militaire» Tome 11*
qu’il eft fi facile de fe procurer. ( Article inexécuté.
)
Manège. Il ndus refte à parler du manège & de
fes parties principales. Sans entrer dans un détail
fuperflu, nous nous contenterons d’obferver que
fi l’art de monter à-cheval eft utile à tout le monde,
il eft effentiel aux militaires, mais plus particulièrement
à ceux qui feroient deftinés au fervice.
de la cavalerie.
11 eft aifé de concevoir tout l’avantage qu’il y
auroit à avoir beaucoup d’officiers affez inftruits
dans ce genre pour former eux-mêmes leurs cavaliers.
Ce foin n’eft point du tout indigne d’un
homme de guerre. Ce n’eft que par une bizarrerie
fort fingulière que quelques perfonnes y ont attaché
une idée oppofée. Elle eft trop ridicule pour
mériter d’être réfutée ; le fentiment des autres
nations , fur cet article , eft bien différent. On en
viendra peut-être un jour à imiter ce qui fe pratique
chez plufieurs ; nous nous en. trouverions
furement mieux.
Nous ne parlerons point de l’utilité qu’il y a
d’avoir beaucoup de bons connoiffeurs en chevaux ;
cela n’eft ignoré de pèrfonne. Ce qu’il y a de
certain , .c’eft que le roi a fait choix de ce qu’on
connoît de plus habile pour former des écuyers
capables de remplir fes vues, en les attachant à
fon école militaire. On peut juger par-là que cette
partie de l’éducation a été traitée dans les grands
.principes , & qu’on a été fondé à en concevoir les
plus grandes elpérances.
Après avoir indiqué l’objet & la méthode des
études de l'école royale militaire, il ne nous refte
plus qu’à donner un petit détail dé ce qui compofe .
l’hôtel ; & c’eft ce que nous ferons en peu de mots.
Par une difpofition particulière de l’édit de
création , le fecrétaire d’état ayant le département
de la guerre, eft fur-intendant né de rétabfiffement ;
rien n’eft plus naturel ni plus avantageux à ‘touts
égards. Le roi n’a pas jugé à propos qu’il y eut de
gouverneur dans l’établilfement provifoire qui fub-
fifta d’abord ; fa Majefté fe réferva d’en nommer
un quand il feroit temps. Ce fut alors un lieutenant
de ro i, officier général, qui y commanda; les
autres officiers furent choifis avec la plus grande
attention. G’étoient‘touts des militaires , a\iffi distingués
par leurs moeurs , que par leurs fervices.
Les fergents, les caporaux & les. anfpeffades de
chaque compagnie , font choifis parmi les élèves
memes , & cette diftin&ion eft toujours le prix du
mérite &. de la fageffe.
Il y a touts les jours un certain nombre d’officiers
de piquet. Leur fon&ion commence au lever
des élèves; de ce moment jufqu’à ce qu’ils
foient couchés, ils ne fortent plus de deffous leurs
yeux. Ces officiers préfident à touts les exercices
& y maintiennent l’ordre , le filence , & la fubor-
dination. On doit convenir qu’il faut beaucoup de
patience & de zèle pour foutenir ce fardeau. On
i îuge aifément de ce que doivent être les fondions