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encore que chacune des petites parties Taillantes qui
font à la circonférence de chacune d’elles, & qu’on
appelle dents, foient belles & bien faites, c’eft-à-dire,
qu’elles ayent leur véritable forme , afin que s’engrenant
avec précifion dans les ailes du pignon
qu’elles iont mouvoir, elles ne retardent ni ne
hâtent trop le mouvement général.
f IDe
Tutilité des exercices.
Les exercices militaires fortifient les gens de
guerre ; ils leur donnent de la grâce, de la foupieffe,
de l’agilité, de l'adrefle, & , ce qui eft plus que
tout cela, de la fanté ; ils leur infpirent une jufte
confiance en leurs forces ; ils les arrachent à l’oi-
fiveté & à l’apathie dans lefquelles ils vivent ; ils
rendent agréables les aliments qu’on leur fournit ;
ils les éloignent du libertinage 6c du vice ; ils les
façonnent à la fubordination, à la difcipline ; ils
leur donnent l’efprit militaire ; ils éveillent, entretiennent
leur courage; ils leur rendent les travaux
que la guerre impofe, moins pénibles & moins :
durs , & fur-tout plus faciles. Donnez-moi, difoit
avec raifon l’orateur Romain ; donnez-moi un foldat
d’une égale valeur que nos légionnaires, mais qui
ne foit pas exercé, il ne fera qu’une femme. Un
orateur Grec penfoit à-peu-près de la même manière
; il appelloit les exercices l’armure intérieure
du foldat. II faut, difoit-il en conféquence, il faut
armer le foldat au dedans de lui-même avant de
fonger à l’armure du dehors. Mais cçs autorités &
toutes les autres que nous pourrions accumuler, ne
prouveroient pas auffi bien Futilité des exercices ,
qu’un coup-d’oeil infiniment rapide jetté fur l’hif-
îoire ancienne & moderne.
Quelle fut la véritable fource des viéloires que
les Romains remportèrent fur des peuples aufii
braves, plus nombreux & plus forts qu’eux ? Ce
fut le grand foin qu’ils prirent d’exercer leurs fpldats.
( Voyeç les mémoires de Vacadémie des infcrlptions,
tome XXXVI 11, page 249.). Comment les petites
républiques de la Grèce, qui brillèrent avec tant
d’éclat, parvinrent-elles à Facquérir ? Ce fut en
exerçant fans celle léurs guerriers. Quelle fut la
caufe des fuccès nombreux que les François eurent
pendant les fié clés de la chevalerie ? Ce furent les
tournois qui n’étoient que de véritables exerciçes
militaires. ( V. les mémoires de Tacadéjnie des inscriptions
, tome X X , page 609.). Pourquoi le ban &
î’arrière-ban qui, fous Louis X I , formoient pn
excellent corps de troupes, ont-ils totalement dégénéré
fous le règne des fucceffeurs de ce prince r
C ’eft parce que Louis les affembloit très fouvent,
& les fai foit exercer avec foin. En defceHdant juf-
qu’à nos jours, on trouveroit de même que la
vi&oire s’êft toujours fixée du côté des foldats les
mieux exercés. Mais en quoi doivent confifter les
fxereices ?% /
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§ . 1 1 .
E n q u o i d o iv e n t c o n jijle r le s exercices, 6* d e la.
m a n iéré d e l e s f a i r e .
Si jamais on vouloit prouver , • non pas qu*H
eft inutile d’écrire fur l’art de la guerre, mais qu’il
Faut beaucoup de temps pour que les confeils des
écrivains foient mis en ufage ; fi l’on vouloit prouver
encore qu’on peut avoir de fuperbes loix & des
ufages ridicules, on trouveroit dans ce paragraphe
beaucoup de faits qui mettroient cette vérité en
évidence.
L’ordonnance du premier mars 1768 prefcrit de
faire chaque année, indépendamment des e x e r c ic e s
ordinaires de l’infanterie, des e x e r c ic e s fimulés ,
relatifs à l’attaque & à la défenfe des places ; elle
veut que ces e x e r c ic e s embraffent quelques-unes des
opérations auxquelles l’infanterie eft employée dans
les fièges, comme attaque 6c défenfe de chemins
couverts, conftruftion d’épaulement, de traverfes ,
de coupures, de logements, paffage de foffé, & c .
Elle veut qu’on employé toujours les compagnies
de grenadiers, & qu’il n’y ait jamais plus de quatre
bataillons exercés en même-temps , pour éviter
que la quantité de troupes fie nuife à l inftruéfion.
Cette même ordonnance prefcrit aux ingénieurs
de diriger les troupes chargées des différentes opérations
de défenfe & d’attaque, de faire connoître
aux unes la meilleure manière d’occuper les ouvrages
, ^’avantage & les moyens de fe procurer
des tirs horifontaux , croifés, direéfs ou de flanc ;
Aux autres, la direction la moins meurtrière à fuivre
pour arriver fur les ouvrages, la partie de ces
ouyrages la plus dégarnie de feu 6c la plus fufcep-
tible d’attaque, la forme & la conftruéfion du
logement, les précautions à prendre contre les
afliégés, &c. '^ '
Pour donner aux troupes une notion pratique
encore plus exafte du tracé du logement, des
traverfes & coupures, l’ordonnance veut qu’on
figure ces objets avec des bottes de paille ou des
fafcînes prifes dans les magafins du roi; elle veut ,
que ces e x e r c ic e s aient lieu une fois touts les quinze
jours pendant l’été ; que les premiers fe faffent
fans poudre, afin d’y enfeignér uniquement aux
troupes les emplacements qu’elles doivent occuper,
mais que les autres foient toujours faits avec de la
poudre.
Elle ordonne encore q ue , dans les places oii
il y aura des terreins propres à cet ufage, il foit
établi, pendant huit jours de l’année , une école
de conftru&ion pour touts les ouvrages de campagne
, à F ufage de l’infanterie , comme flèches,
redents, redoutes, &c. que ces ouvrages foient
dirigés par les ingénieurs ; que toute l’infanterie de
la garnifon y fournifle les travailleurs néceffaîres ;
que touts les officiers foient tenus de fe trouver, foir
& matin, fur le terrein de ces travaux, afin de
prendre
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prendre des notions pratiques fur le tracé, la di-
menfion, la conftruétion & l’ufage des différents
ouvrages de campagne. ’
Peut -on voir rien de plus précis, de plus utile
& de plus fage que cette ordonnance ? & cependant
je n’ai jamais vu qu’elle ait été mife à exécution.
Je me trompe : le lieutenant de roi de Breft voulant,
ri y a dix ans environ, donner un fpeéiacle agréable
a un miniftre de la marine , en fit exécuter une
feule fois une petite partie ; & , en 1780 , je fus
chargé à Metz de la conftruéüon d’une redoute
deftinée à donner aux cadets gentilshommes de
cette garnifon une idée de cette efpèce d’ouvrage ;
encore, pour obtenir la permiflion de leur faire
faire cet exercice, je fus obligé d’employer touts
les moyens dont j’aurois dû me fervir, fi j’avois
voulu introduire quelque innovation dangereufe.
Les ordonnances prefcrivent de faire faire aux
troupes des promenades militaires ; elles veulent
que ces promenades foient faites d’abord fans
armes ni bagages, puis avec les armes fans bagage,
enfîii avec armes & bagages. Cet article eft auflî
négligé que ceux que nous avons précédemment
rapportés. Depuis q.ue je fers, je n’ai vu faire à
1 infanterie que deux ou trois promenades militaires ;
& , fi la cavalerie en fait plus fréquemment, c’eft
moins pour FinftruéHon des hommes que pour la
fanté des chevaux.
Touts les écrivains qui ont étudié l’art militaire
chez les Romains, nous ont confeillé d’accoutumer
nos foldats à porter de lourds fardeaux ; ce qui
eft un véritable exercice ; & on fçait que jamais
nos troupes ne manoeuvrent avec leurs fa es ;
q u e , fi on les prend une fois ^ on permet au foldat
de le porter vuide. On va pius loin : quand un
régiment voyag e, on l’allège autant qu’on le peut,
en mettant dans des ballots, tranfportés à prix
d’argent, la plus grande partie des effets de chaque
homme.
Les troupes doivent porter pendant la guerre
leurs vivres pour quatre jours au moins , leurs
marmites, leurs bidons, 6c jamais, en temps de
paix, ils ne font l’effai de leurs forces.
Il faut que^ le foldat fçache à la guerre manier
la hache la pioche, la pelle ; beaucoup d’eux con-
noiffent à peine le nom de ces outils, 6c on ne
les exerce jamais à s’en fervir.
Le riz eft une nourriture faine. L’ufage en eft
prefcrit pendant la guerre, 6c le foldat n’en mange
jamais pendant la paix ; il ignore la manière de le
faire cuire. On eft obligé de diftribuer quelquefois
du bifeuit aux troupes, & on ne leur en donne
jamais pendant la paix. Manger du riz & du bifeuit,
eft un véritablé exercice.
On fçait que les Romains accoutumoient leurs
foldats a faire , dans un temps donné, un certain
nombre de milles ; on fçait que, pendant la guerre ,
on eft obligé de faire des marches forcées ; on
n’ignore pas que beaucoup d’entreprifes militaires
ont manqué, parce que les colonnes n-’arrivoient
Art militaire. Tome IL
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pas au moment prefcrit à l ’endroit qui leur étoit
ordonne , & on n’exerce jamais nos troupes à une
marche rapide & exa&e : jamais je n’ai vu non
plus effayer de faire courir les foldats en ordre,
ni même à la débandade.
Faire des reconnoiffances militaires, des découvertes
, des patrouilles, fon.t des opérations qui
demandent un certain art, & on n’en donne les
principes ni a nos foldats, ni à nos bas-officiers, ni
à nos officiers.
Touts les écrivains militaires reco mmandent d’en-
feigner au foldat a fauter des foliés, à gravir contre-
des montagnes efearpées, à grimper fur des arbres ,
a traverfer des rivières à la nage. Tout le monde
regarde ces exercices comme utiles, & perfonne
ne les fait faire. Le colonel ou le chef de corps
qui les ordonneroit, encourroit un grand ridicule.
Peut-on s’éloigner davantage des idées faines 6c
vraiment militaires l
Le foldat eft armé d’une bayonnette. Cette arme
eft celle dont il devroit faire un ufage fréquent ;
c’eft celle qui convient le mieux aux François, 6c
cependant les ordonnances militaires ont négligé de
lui enfeigner à . s’en fervir ; & les chefs de corps , à
qui les ordonnances permettent de fuppléer à ce
qu’elles ont omis, ne s’en occupent jamais.
On exerce bien le foldat à faire feu , mais jamais
à tirer. On croit avoir atteint la perfeâion , quand
on eft parvenu à faire tirer un bataillon affez en-
femble pour que touts les coups n’en faffent qu’un.
Cependant les ordonnances prefcrivent de tirer fila
fible, & elles en fourniffent les moyens. Tout
le monde fent~ dit & répète que le meilleur feu
à la gùerre eft le feu à volonté, & c’eft celui
qu’on fait le moins fouvent.
On exerce le foldat à charger avec promptitude
mais point avec foin ; a mettre en joue avec grâce,
mais pointa vifer ; fi on lui dit de vifer, on ne lui
enfeigne point quelle eft la hauteur vers laquelle
on doit diriger fes coups , quand l’objet qu’on veut
atteindre eft à cent pas , à deux cents pas, &c..
On veut que la cavalerie porte des cuiraffes
pendant la guerre , & jamais on ne les lui fait porter
pendant la paix. Les anciens s’exerçoient pendant
la paix avec des armes plus pefantes que celles
qu’ils dévoient porter à la guerre, &c nous nous
rendons pendant la paix nos armes plus légères
qu’elles ne doivent l’être pendant la guerre.
Plus les Romains s’exerçoient à rendre leurs
armes brillantes , plus, elles étoient dangereufes
pour l’ennemi : plus nous voulons que nos foldats
imitent les légionnaires, plus nous détériorons
notre armement : & cependant c’eft le feul objet
fur lequel nous imitions les anciens.
M. le maréchal de Puifégur nous a dit de ne
pas noüs occuper, dans nos exercices , de ce qui
eft fait pour donner de l’attention aux fpe&ateurs ,
mais apprendre aux foldats comment ils doivent fe
fervir de leurs armes un jour d’a&ion ; cependant
nous facrifions encore beaucoup à la parade ; nou§.