
il fit avancer en toute diligence quelques tambours.
Les prince* de Naflau,, ayant ouï la marche que
ces tambours battoierit, crurent que c’étoit déjà
Spinola , & ils abandonnèrent l’entreprife.
Des bruits qu'il faut faire courir fur V état de la
f l ace, afin que les ennemis fe trompent dans la
manière de l'attaquer.
Lorfque vous xonnoiffez, par les avis de vos
efpions , ou par l’ouverture de la tranchée , le
front de la place que les ennemis ont deffein d’attaquer
, fi ce côté eft le plus foible, témoignez
avoir de la joie de la détermination qu’ils ont
prife, en donnant à entendre que c’eft-là où font
les mines & en grand nombre, & où il vous fera
aifé de faire des coupures, & de mettre avanta-
geufement en ufage tout ce- qui peut fervir à la
meilleure défenfe. Si' au contraire les ennemis
attaquent la place par le côté le plus for t, pa-
roiffez-en affligé, en difant, comme en confidence
à plufieurs perfonnes , que vous fçavez que la
muraille de ce front a de grands défauts , quoiqu’ils
ne paroiffent pas. Cet artifice du gouverneur
lervira à tromper les foldats qui déferteront enfuite
Ôc les efpions que l’affiégeant aura dans la place ;
& peut-être, fur les avis des uns & des autres,
les ennemis s’opiniâtreront à attaquer le front, qui
eft le plus de défenfe. L’exemple de M e tz , que
j ’ai rapporté en traitant des fièges , eft une preuve
du bon effet que peut avoir ce que je propole.
Il eft rare qu’on attaque une place par le front
le plus foible : c’eft peut - être parce que ce qui
pafoît foible par le dehors eft fouvent le plus fort
par dedans. Les Vénitiens, qui affiégeoient Negre-
pont, en firent une fatale expérience.
Quelques autres fois cela peut provenir de ce
que l’ingénieur en chef fe fait un mérite de ne
pas fuivre l’opinion commune des autres ingénieurs
& des officiers de fon armée qui antérieurement
avoient dirigé l’attaque de la place ; & comme il
y a peu de places également fortes par touts les'
côtés , il doit «néceffairement arriver que fi le
premier attaque par le front le plus foible , le
fécond qui veut faire une attaque différente ,
attaquera par le côté qui eft plus de défenfe.
Dans les quatre derniers fièges de Barcelone ,
les attaques furent toujours différentes, quoique
les fortifications, fuffent les mêmes, & que les
ingénieurs des armées affligeantes fuffent très
habiles.
Cicéron , parlant de la difficulté qu’il trouvoit
à expliquer divers paffages de quelques ouvrages,
s’annonce ainfi : les premiers auteurs 3 d i t - i l , fe
font déjà fervi ■des meilleures expreffions ; de forte
qu’il n’y a plus de mérite à ufer des mêmes paro.les |
& f i je veux en chercher d'autres , je cours rifque de
m accoutumer à employer les moins bonnes.
Si la place a plus de vivres que de troupes &
flg miipitions, où fi vous ayez: befoin de plufieurs
I jours pour difpofer le fecours , aflemblez vos pré»
! paratifs ù la dérobée , & dans les bruits que vous
répandrez , diminuez le nombre de vos troupes ;
faites même en forte qu’on croye que vous avez
ordre de votre prince de ne pas tenter le fecours,
Ôc d’éviter abfolument le combat, afin que les
ennemis, qui ne craindront pas que la place foit
fëcoürue , ne fe preffent pas extraordinairement
pour avancer les travaux du fiège & donner les
a Hauts.
Si au contraire votre intention fecrète eft de
ne pas tenter de fecourir la place, ou f i , pour y
introduire du fecours, vous n’attendez pas d’autres
troupes que cèlles que vous avez dans votre
armée, ou fi enfin la place manque de vivres, &
a beaucoup de troupes & de provifions de guerre 3
dans touts ces cas, vous devez fouhaiter que les
ennemis fe hâtent d’avancer les travaux, & de
donner l’affaut au chemin couvert & aux ouvrages
extérieurs, afin qu’il leur en coûte cher, & qu’al-
foiblis & découragés par le monde qu’ils y auront
perdu, ils fe trouvent moins en état de réfifter ,
lorfque vous les attaquerez pour ouvrir un paffage
au fecours. Il eft donc à propos., dans ces circonf-
tances, de donner à entendre que vous avez des
ordres de votre fouverain de fecourir la place à
quelque prix que ce foit, dès que vous aurez
reçu un renfort de quelques régiments que vous
attendez, & que vous feindrez venir d’un autre
p ay s , fans faire paroître de l’inquiétude que fur
ce que les ennemis pourraient en attendant preffer
les travaux &. les attaques , & fe rendre maîtres
de la place.
Il faut adroitement femer le bruit que la gar-
nifon eft déjà beaucoup diminuée par les maladies
& les bleffùres ; que la méfintelligence règne parmi
les principaux officiers ; que la place manque d’une
partie des chofes qui pourroient contribuer à une
bonne défenfq ; qu’il n’y a que les magafins de
vivres qui font beaucoup mieux fournis qu’on ne
croit, &c. Quoiqu’il, paroiffe que le général affié-
geant doit être parfaitement inftruit de l’état de
la place, l’expérience nous a fouvent fait voir le
contraire, &. les exemples que j’ai rapportés dans
un autre endroit à ce fujet en font une preuve
convaincante,
Toutes les fois que le gouverneur voit que les
troupes ou les habitants commencent à perdre
courage, il doit les flatter d’une efpérance.certaine
d’un prompt fecours, tant que la place eft encore
en état-de fe défendre,
Le duc de Nemours , gouverneur de Paris pour
la ligue catholique, anima de cetté manière ceux
de fon parti. Sur cette efpérance , cette grande
ville continua à fe défendre jufqu’à ce qu’Alexandrç
Farnèfe arrivât à fon fecours.
Il eft important que le gouverneur cache à fa
garnifon les malheureux fuccès qu’auront éprouvé
votre prince & votre armée, &. qu’il publie les
heureux, s’il 3 lieu d’appréhender que les habitants,
• foit
ïbit pour n’être pas expofés. aux périls du fiège ,
foit pour éviter que les ennemis ne défolent leur
campagne , n’obligent la garnifon à fe rendre ; il
doit par avance faire défenfe à toutes perfonnes,
fous peine de confifcation de leurs biens, & d’être
traitées comme rebelles, qui, par prières, par
menaces ou par force, voudroit porter la garnifon
à rendre la place.
Du temps b delà manière dont il faut s pour fecourir
la place 3 livrer un combat général à l'armée de
l'ajjiégeant.
Nous avons dit précédemment comment on peut
a la dérobée jetter du fecours dans une place, &
obliger les ennemis à lever le fiège, en leur coupant
l’eau , les fourrages & les vivre s, ou en
inondant leurs tranchées & leur camp : nous
parlerons bientôt des diverfions militaires & politiques
, qui peuvent porter l’ennemi qui affiége
une place à en abandonner l’entreprife ; mais
comme pour les fecours il faut quelquefois de
force ouverte attaquer l’armée de l’affiégeant,
difons un mot fut cette matière.
Si vous prenez la détermination de livrer la
bataille à l’armée affiégeante, que ce foit au commencement
du fiège, d’abord qu’elle aura occupé
les avenues, ou après qu’elle aura perdu beaucoup
de monde devant la place. Dans le premier cas,
vous aurez l’avantage de ne pas trouver encore
la ligne des ennemis en bon état de défenfe ; on
n’aura pas même encore eu le temps d’ôter touts
les obftacles qu’oppofent à la libre communication
de leurs troupes les mares, les ravins , & les
murailles ou les haies des vignes & des jardins.
Dans le fécond cas , le nombre des afliégeants
fera beaucoup diminué par les bleffùres & par les
maladies qui fe mettent ordinairement dans une
armée qui campe longtemps dans un même endroit
; leur cavalerie , vers la fin d’un fiège qui
dure beaucoup , fera affoiblie & haraffee par la
difette du fourrage , ou par la fatigue de l’aller'
chercher bien loin, ou par les marches continuelles
pour efcorter les convois.
Les Efpagnols attaquèrent M. de Goesbriant,
général de l’armée Françoife, qui âffiégeoït Lec-
kenich, & l’obligèrent à lever le fiège, avant qu’il
eût mis fa circonvallation en état de défenfe. _
Le marquis de Leganes, commandant des
troupes.de Philippe I V , roi d’Efpagne , pour
jetter du fecours dans Lerida, que les François
& les Catalans, fous les ordres du comte d’Harcourt
, afîiégeoit, attendit que, par la durée du
fiège, l’armée de l’affiégeant eût été beaucoup
diminuée.
Sans vouloir former un nouveau projet fur la
manière d’attaquer la ligne d’une armée qui affiége
une place, je propoferai ici celui du chevalier de
la Vallière ; j’ajouterai feulement quelques réflexions
qui me paroiffent néceflaires. Le caraâère
Art militaire, Tome 11,
italique diftingüera les paroles de cet écrivain des-
obfervations que j’y ferai.
Lorfque la circonvallation efi faite3 & que vous
vouleç la forcer pour jetter du fecours dans la place
ajjiégée 3 vene%_ camper Le plus près que vous pourrez
delà ligne des affligeants , mais néanmoins au-delà
de la portée du canon ,* à l ’entrée de la nuit3 détà-
cheç de votr'e armée de petits partis , pour donner
l'alarme en divers endroits , & ne faire l ’effort qu’ett
un feu l, ou bien fépàres' votre armée en deux corps
confidérables <$» en plufieurs petits 9 pour faire deux
véritables attaques ; mais que ces deux gros corps
ne foient pas f i fort féparés que l ’un venant à être
rcpoujfé , foit enfoncé & rompu par les ennemis ^ qui
fortiront de la ligne avant que l ’autre puiffe accourir;
à fon fecours.
Je trouve que ce dernier avis de la Vallière
eft confirmé par l ’exemple de Denis Ier, tyran
de Syracufe, qui, ayant attaqué avec trois corps
différents l’armée Carthaginoife , commandée par
Himilcon , qui affiégèoit Gela , fut défait, parce
qu’il y avoit tant de diftancè d’un corps à l’autre,
que l’un des trois ayant été enveloppé par un
nombre fupérieur de Carthaginois -, ne -put pas recevoir
du fecours des deux autres.
Marches^ toujours de .nuit 3 afin que les ennemis
n ayent pas conrioi(fiance de votre mouvement & de
votre deffein.
Ce n’eft pas aflez de marcher de nuit'pour
éviter que les ennemis^ par des efpions, par des
déierteurs , ou de quelque autre manière , n’ayent
avis de votre marche, fur-tout fi elle eft longue*
Je l’ai fait voir ailleurs.
L ’heure la plus favorable pour attaquer efi un.
quart d’heure ou une demi-heure avant le jour 9
parce que les ennemis 3 ne difiinguànt point l ’endroit
de la véritable ou des fauffes attaques 3 ne fçauroient
à propos difiribuer leurs troupes ÿ .& lorfque votre première
attaqué vous aura donné quelque avantage fur
les ennemis 3 vous pourreç avec le jour vous reconnaître
& profiter de votre bonheur. Dans les Combats,
de nuit 3 une terreur panique faifit les troupes 3 & leur
fait prendre la fuite fans néceffité j c’efi pour cela que
je crois cette heure avantageufe pour les armées qui
en attaquent d’autres plus fortes , & qui veulent tout
donner à la fortune. On peut ajouter qu’en attaquant
de jour 3 il en coûte beaucoup pour approcher des
lignes y à caufe de l ’artillerie & de la moufqueterie
que les ennemis ont à couvert , tandis que vos foldats
font vus depuis la tête ju f qu’aux pieds ; & f i vous
ne forceç pas en un tnfiaht la ligne 3 vous y perdeç
tant d'hommes , que U refie s’intimide 3 recule & prend
la fuite ; au lieu que de nuit le feu des ennemis , qui
n a point de vifée 3 fait moins de ravage.
J’ai prouvé , en traitant des furprifes, qu’on
doit devancer l’heure de l’attaque , fi là coutume
de l’armée ennemie eft de monter les gardes
au point du jour, & qu’il ne faut jamais compte®
trop jufte le temps de la marche, parce qu’il vaut
H-h h h a