
Louis X I V , qui pour donner du relief à cet
emploi , leur accorda cette prérogative. Néanmoins
ce confeil ne fe tient. point fans ordre du
roi & du colonel.
La fécondé eft , que depuis le règne du roi
Louis X V , il s’eft- établi une efpèce de chambre
de juftice, compofée de douze fergents reconnus
pour gens de mérite, de valeur & de probité ,
dont l’emploi eft d’examiner la vie & moeurs des
fujets que l’on propofe pour les hallebardes, &
cela fe fait ainfi. Lorfqu’il y a une place de fer-
gent vacante dans une compagnie , le capitaine
propofe un oulfcleux caporaux , anfpeffades ou
loldats au colonel, qui commence par agréer celui
qu’il veut : mais avant qu’il foit reçu, il l’envoie
au confeil des douze pour être examiné , & pour
fçavoir s’il n’a point de mauvais commerce ; s’il a
la valeur, l’expérience & l’intelligence néceffaire;
& fur leur rapport il eft reçu ou refufé. Cet éta-
bliffement , à la vérité, n’eft pas de l’ordre du
roi : ce font MM. le colonel & le major qui l’ont
fa it , pour que ce corps fût compofé de gens de
mérite & de diftincHon.
J’ajoute encore que pour ne point avilir l’emploi
de fergent, il eft défendu à touts de travailler de
quelque vacation qu’ils puiffent être , quoique cela
foit permis aux foldats des Gardes. Il faut que le
fergent vive de fa paye*
Lorfqu’on prend une placé , & que les Gardes-
Françoifes font au fiège, ce font elles qui entrent
toujours les premières dans la place : cet ufage eft
très ancien. Le fieur de Puyfégur raconte dans fes
mémoires un différend qu’il y eut fur ce fujet
au liège de Gravelines en 1644 , entre MM.
de Gaffion & de la Meilleraye. Quand les ennemis
, dit-il, eurent rendu la place,. & qu’il fut
queftion d’y faire entrer des troupes , (, c’eft toujours
au premier régiment de l’armée à y entrer ,).,
on y fit entrer les Gardes. M. de la Meilleraye
y entra, & M. de Lambert avec lui. Comme les
Gardes vinrent à fe mettre fur la breche du côté
de l’attaque de M. de Gaffion, lui qui étoit dans
la tranchée avec le régiment de Navarre, voulut
faire entrer ledit régiment. M. de la Meilleraye
fe mit en devoir de l’en empêcher , & M. de
Gaffion s’obftina , dans la réfolution qu’il avoit
prife d’y vouloir entrer. Ils mirent touts deux la
main à l’épée , M. de Gaffion appellant Navarre
à m o i, & M. de la Meilleraye , de fon côté ,
appelloit les Gardes à lui. les uns montoient par
la breche pour vouloir entrer , les autres venoient
au haut de la breche pour en défendre l’entrée ,
touts les deux partis ayant la mèche compaffée
fur le ferpentin. M. de Lambert arriva , qui pria
ces meilleurs de ne fe pas emporter , & qu’on en-
voyeroit à M. le duc d’Orléans, fçavoir comme .
il defiroit que la chofe fût. Ils. n’y voulurent en- !
tendre ni l’un ni l’autre. M. de Lambert dit au régi- j
ment des Gardes & à celui de Navarre, Meilleurs, j
y ous êtes des troupes quiètes au roi, iine faut pas que 1
la mauvaife intelligence de deux généraux vous falTe
couper la gorge ; c’eft pourquoi je vous commande
de la part du ro i, & de celle de M. le duc d’Orléans
, que vous ayez à retirer vos armes & qpe
vous n’obéiffiez plus ni à M. delà Meilleraye , ni
à M. de Gaffion; je m’en vais en donner avis, à
M. le duc d’Orléans , afin qu’il ordonne ce qui.
lui plaira. En attendant il dit à M. de la Meilleraye
, monfieur , je vous prie de vous retirer, &
en dit autant à M. de Gaffion , lefquels furent
contraints de le faire. On loua fort M. de Lambert
de cette aétion, & on blâma M. de Gaffion d’avoir
voulu entrer, puifqu’il n’y a que le premier régiment
qui doit entrer dans une place conquife
quand il eft affez fart pour la garder.
Le même auteur remarque que du temps de
Louis X I I I , les Gardes ne prenoient l’ordre que
du feul général d’armée ou du r o i, quand il com-
mandoit en perfonne, & jamais des lieutenants-,
généraux, quoiqu’ils fuffent maréchaux-de-France*.
L’uniforme pour les habits dans le régiment des
Gardes n’étoit point encore établi en 1661 ; car,;
dans l’état de la France de cettë année-la il eft dit s.
après la colonelle il y a entre autres compagnies
françoifes la compagnie de Meaupeou, dont les
foldats font habillés de gris & un panache mêlé
fur le chapeau ; la compagnie de Rubentel, dont:
les foldats. font habillés de gris & les chauffes»
bleues ; la compagnie de Caftelan.,..dont les fol-,
dats font revêtus, d’un juftaueorps ou cafaquia
rouge la compagnie de Hautefeuille *
dont les. foldats. ont des chauffes rouges & des
bonnets de ratine fourrés.
Peu de temps après Louis le Grand mit l’uni-^
forme dans les régiments. Celui des Gardes de fa
maifon fut de gris-blanc avec du galon d’argent
faux fur toutes les tailles des juftaueorps, & les
officiers étoient habillés d’écarlate brodée dlargent.
Aujourd’hui les officiers & les foldats font, habillés
de bleu , quh eft la couleur royale.
Les drapeaux du régiment des Gardes font
bleus x femés. de fleurs-de-lys d’or fans nombre „
avec une. croix blanche au milieu 9 chargée de
quatre couronnes d’ôr. Le drapeau colonel eft blanc,
orné de quatre couronne^ d’or „une a. chaque bout
des deux travers de la croix*
Par l’ordonnance du 17 juillet 17 7 7 , le régiment
des Gardes - Françoifes a continué d’être
compofé de fix bataillons ;• chaque bataillon eft
compofé de quatre compagnies de fufiliers & d’une-
compagnie de grenadiers ; celle-ci d’un capitaine-,
un capitaine en fécond un premier lieutenant ,,
un lieutenant en- fécond , un premier fous-lieutenant,
un fous - lieutenant en fécond ,,un fergent-
major , un premier fergent, quatre, fergents ,. un;
caporal fourrier-écrivain , huit caporaux, un chirurgien
„quatre-vingt-quatre grenadiers, & trois,
tambours ou inftruments, formant cent neuf hommes
, y compris les. officiers.
Chaque compagnie de fufiliers eft compofée
d’un capitaine, un premier lieutenant, un lieutenant
en fécond , un premier fous - lieutenant,
un fous - lieutenant en fécond , un enfeigne , un
fergent-major, un premier fergent, quatre fergents
de feftion, un caporal fourrier-écrivain , un caporal
porte-drapeau , un caporal canonnier, neuf
caporaux , trois canonniers, un chirurgien , cent
quarante - quatre fufiliers , & quatre tambours ou
inftruments, formant cent foixante-feize hommes ,
y compris les officiers.
La compagnie de grenadiers doit être en tout
temps portée au complet fixé par cette ordonnance
; mais celles des fufiliers ,, confervant en
paix comme en guerre le nombre d’officiers , bas-
officièrs , canonniers , chirurgiens , tambours ou
inftruments , n’eft. portée en temps de paix qu’à
.cent fufiliers.
GARDES-SUISSES. (Régiment des)
Je n’ai trouvé ni dans nos hiftôriens, ni dans les
mémoires qui m’ont été fournis fur les troupes
Suiffes 9) l’époque de l’inftitution du régiment des
Gardes-Suiffes expreffément marquée ; je crois pourtant
qu’on la peut fixer par les réflexions que je
.vais faire fur ce fujet.
Premièrement, dans la lifte qu*on a des colonels
de ce régiment, en commençant par M. de Rey-
nold, qui pofsède aujourd’hui cette charge, on
remonte jufqu’au colonel Galati, qui étoit à la tête
du régiment des Gardes-Suiffes , en 16 1 5 , & cette
lifte ne va pas plus loin que ce colonel.
Secondement, dans le compte de l'extraordinaire
des guerres de l’an 1590, qui fut la première
année du règne de Henri I V , le régiment de
Galati eft marqué comme un régiment Suiffe, mais
non .fous le titre de régiment des Gardes. Il fe
trouve fur la fin de 1589 , au combat d’Arques,
où Henri IV battit le duc de Mayenne, & on ne
lui donne point non plus dans les relations de ce
combat, où il fit des merveilles, le nom de régiment
des Gardes.
En 16 15 , félon le compte de cette année, le
régiment de Galati fut de dix compagnies. Et enfin,
dans le compte de 1616, Galati eft nommé pour
la première fois colonel des Gardes-Suiffes+
Ceci convient parfaitement avec ce que M. de
Baffompierre dit, dans fon journal, que le roi,
(Louis X I I I ) , au retour du voyage qu’il fit: en
Guyenne pour fon mariage , fe rél’olut, l’an 1616,
de faire à Tours un régiment complet de fes
Gardes-Suiffes, & qu’ils vinrent faire la première
garde devant fon logis le mardi douzième de; mars.
C ’eft donc à cette année qu’il' faut placer l’époque
de l’inftitution du régiment des Gardes-Suiffes,
jufqu’en 16 15 ,1e foi n’avoit eu pour fa garde-
Suiffe, non plus que Henri I V , que deux ou trois
compagnies. On en leva d’autres en 1615. Le régiment
ne fut complet qu’en 1 6 1 6 ,6c ne monta fa
première garde au logis du roi qu’au mois de mars
de la même année, comme vient de le dire le
paaré-chal de Baffompierre, qui étoit alors colonel
des Suiffes. Il me paroît que par cet expofé la
chofe eft parfaitement éclaircie : fçavoir que ce
régimen , en qualité de régiment des Gardes , commença
à fe former en 1615., & qu’il fut complet
& en fonélion en 1616.
Etat du régiment des Gardes-Suiffes en 1714 , & des
changements qui y font arrivés depuis fon injli-
_ tution.
Suivant le contrôle de 1714 , ce régiment
étoit alors compofé de douze compagnies, en y
comprenant la générale. A quelques-unes de ces
compagnies il y avoit deux capitaines qui en
commandoient chacun la moitié.
Il n’y avoit autrefois dans chaque compagnie
Suiffe que trois officiers , fçavoir un capitaine,
un lieutenant , & un- enfeigne ; mais le roi
Louis X IV trouvant que ce n’étoit point affez
pour le nombre des loldats, qui eft beaucoup
plus grand que dans les compagnies Françoifes,
il doubla le lieutenant & ajouta un fous-lieutenant
; de forte qu’il y a maintenant cinq officiers
principaux dans chaque compagnie , non-
feulement dans le régiment des gardes , mais
encore dans lès autres régiments. 11 y a deux
fous - lieutenants dans la générale. Outre ces
officiers , il y a dans chaque compagnie "huit
fergents, quatre trabans „ cinq tambours , un fifre ,
fix caporaux , & fix anfpeffades.
Il n’y a.voit point eu de lieutenant-colonel dans
le régiment des Gardes en titre d’office jufqu’en
1689. M. de Reynold a été le premier nommé à
cette charge. Il y a deux majors dans ce régiment,
qui ont une commiffion de capitaine aux Gardes
par l’ordonnance du roi du *2.9 de mai 1691. Il a
quatre bataillons.. C’ëft le feul régiment Suiffe qui
foit fur ce pied-là ; les autres n’ont que trois bataillons.
Le nombre des compagnies de ce régiment a
beaucoup varié.
Le régiment des Gardes-Suiffes , en cette qualité
de Gardes de la perfonne de fa majefté , tient le
premier rang parmi les régiments de cette nation
qui font au fervice de France. En traitant du
régiment des Gardes-Françoifes, j’ai parlé de la
préféance que ce régiment a fur le régiment-des
Gardes-Suiffes, dont néanmoins les capitaines ont
à-peu-près les mêmes prérogatives que ceux du
régiment des Gardes* Françoifes. pour le commandement.
Toutes les compagnies du régiment des Gardes-
Suiffes montent. la garde auprès de fa majefté,.
fuivant le rang des cantons d’où font les capitaines ;
mais les capitaines fe commandent lés uns les
autres, fuivant leur ancienneté:
Dans le régiment des Gardes, le roi n’admet
que des Suiffes ; mais pour les autres régiments de
cette nation , fuivant l’ordonnance du premier de
décembre 1696, non-feulement lesGrifons, mais-
encore les Allemands , les Polonois, les Suédois