
. Cet homme immortel que Fontenelle a dignement
loué , fur le tombeau duquel Voltaire a
répandu des fleurs , dont la vie a été inférée
parmi celles des hommes illuftres de France, &
dans le Plutarque François , à qui l’académie
de . Dijon & l’académie Françoife , ont décerné
les honneurs d’un éloge public ; dont le bufte fera
placé parmi ceux des grands hommes qui ont
honoré la France ; en un mot, Vauban a renfermé
dans 4 4 pages les devoirs des gouverneurs
des places» Celui d’entre eux qui aura médité
longtemps ces 4 4 pages , fera prefqu’affuré de s’im-
mortalifer par une défenfe longue & opiniâtre.
Q u’il life , qu’il relife fouvent le chapitre VIII ,
il eft intitulé de la punition que méritent ceux qui
défendent mal les places 3 & combien il ejl important
que les gouverneurs étudient de longue main tout ce
qui concerne la place qui leur ejl confiée pour fie
mettre en état de Ll défendre avec honneur. C e
chapitre quoique très court , décèle un grand
nombre d’abus qu’il importe au gouvernement de
réprimer , renferme touts les devoirs des gouverneurs
des places , &. leur dit , en un m o t , ce
qu’ils doivent être , ce qu’ils doivent fçavoir &. ce
qu’ils doivent faire.
Q u’ils lilént encore une lettre circulaire écrite
par Louis X I V aux commandants de toutes les
places ; qu’ils méditent principalement fur ces ex-
preffions qui la terminent. Leurs devoirs y font
tracés par la main d’un grand maître.
Les gouverneurs doivent encore lirç dans le
Parfait Ingénieur François tout ce qui eft compris ,
depuis la page 2.7*1 jufqu’à la fin de f ouvrage.
Q u’ils lifent aulu dans la Ciropédie , la page 19
du tome II ; dans l’ouvrage écrit par l’empereur
Léon-le-Philofophe, & publié par M. de Maizeroi,
les pages 9 , 27 , 5,1, 222, du tome I I , & la pag.
2 17 du tome Ier ; dans Montécuculli, commenté
par M. de Turpin , la page 253 du tome Ier, les
p a g e s 276 » 277 & 278 du tome II.
1 Après que les gouverneurs auront lu ces différents
ouvrages dida&iques & quelques autres , que nous
aurions pu leur indiquer fi nous l’avions cru né-
ceffaire , ils doivent méditer la défenfe de Calais,
en 1347 ; de Beauvais, en 1472 ; de Mézieres, par
le chevalier fans peur & fans reproche ; de P a vie,
par Antoine de Lève * en 1524; de Landrecy ,
en 1543. ; de Metz, par le duc de Guife, en 1 $5 2 ;
de Thérouanne, en 1553, par André de Monta-
lambert,, feigneur d’Effé ; de Sienne, par Montr
e ÿ en 155.4; de Saint-Quentin, par l’amiral de
Coligni ; de Rouen, par Villars , en 159 1; d’Of-
tend e, en 1601 ; de Breda, en 1625. ; de la
Rochelle, en *627 jd e Maftreicht, par Fargeaux,
en 167^“, & <te te fn®me ville > en tGrjG y par
l’intrépide Calvo ; de Grave , par M.de Chamilly ;
de Nemez, en 1688 ; de Mayenne, par le marquis
d’Ù xelles, en 1689 ; .de Namur , par le maréchal
de Boufflèrs, en 16 95; de Landau, en
,*702, par le brave Metec > de la même p la ce .
en 1703 > par M. de Laubanie ; de L ille , en 1708 i
par le maréchal de Boufflèrs ; de Prague , par le
maréchal de Belleifle & M. de Chevert; & enfin,
celle de Gibraltar , par le brave Eliot. Je nomme
ce dernier , quoique vivant. Qui pourront me
foupçonnor de flatterie lorfque je loue un ennemi».
C ’eft à fa vertu que je rends hommage»
Quand le gouverneur aura puifé dans ces fources
abondantes les différentes inftru&ions qu’elles offrent
, il pourra s’adonner à la leélure des fièges
moins célèbres. Toutes les fois que fhiftoire moderne
& l’hiftoire ancienne lui offriront quelques
faits intéreffants , il les eonfignera dans des tablettes
qu’il dreffera à cet effet, en lifant &. relifant
fouvent les extraits qu’i l aura faits , il remplira font
. efprit de toutes les maximes & de touts les préceptes
dont il peut avoir befoin, & fon coeur
familiarifé avec les héros , n’enfantera plus que
les fentiments dignes d’eux»
Les extraits hiftoriques confignés dans une de&.
feuilles du journal militaire , pourront tenir lietf
aux gouverneurs des places des extraits que nous
venons de leur confeiller de faire eux-mêmes. Si
le travail qu’on a entrepris „ à cet égard , eft continué
avec foin , nous ne doutons point qu’il ne
finHIe par être un des ouvrages les plus utiles aux
militaires.
Les gouverneurs Kront dans ces extraits touts les
mots qui ont pour titre gouverneur, & ceux qui
font intitulés défenfe des places. Les premiers s’a—
dreffent au coeur * les autres à l’efprit.
Les devoirs que le commandant d’une placée
doit remplir , ayant prefque toujours beaucoup
d’analogie avec ceux qui font impofés au chef
d’une armée, les gouverneurs doivent fe procurer
les connoiffances , & acquérir les qualités dont
nous avons donné une elquifle dans l’article gé^
néral. Voye{ GÉNÉRAL. ( C . )..
GRADE» Degré de fupériorité des emplois mi*-
litaires.
G R A T IF IC A T IO N . Récompenfe militaire *
confiftant en argent, denrées, ou effets. On donne
cette récompenfe à un homme de guerre, ou pou®
le dédommager d’une perte qu’il a faite , ou pou®
le payer d’une aâion utile ou glorieufe à laquelle
il a eu part.
Les gratifications font Amples , annuelles ou
perpétuelles.
Une gratification fimple eft celle qu’on ne reçoit
quune.fois, en vertu d’un ordre expédié pou®
cet objet.
Les gratifications annuelles font celles qu’on reçoit
chaque année , en vertu d’un, ordre général
qui contient cette claufe.
s Une gratification eft perpétuelle quand les deü—
cendans de celui qui L’a obtenue en doivent j,ouir,
après lui.
Les gratifications %onfiftent en .argent, en denrées
ou en effets.
Les gratifications en effets ou en denrées font
prefque toujours Amples.
Les gratifications en argent font fimples , annuelles
ou perpétuelles.
Les gratifications en argent font prefque toujours
données aux officiers, & les gratifications en effets
& en denrées aux foldats.
Si les principes généraux que nous avons établis
fur les récompenfes militaires font juftes. ( Voye^
R ecompense.) : il en réfulte qu’on ne devroit
donner pendant la paix, des gratifications aux officiers
que dans une feule circonftance ; qu’on ne
devroit leur en donner que rarement pendant la
guerre ; & qu’on devroit au contraire en donner
fréquemment aux foldats , tant pendant la paix
que pendant la guerre.
Pour prouver qu’on ne devroit prefque jamais
donner pendant la paix des gratifications aux officiers
, il nous fuffira de retracer les motifs pour
lefquels on les diftribue , de faire connoître les
individus à qui on les donne.
Les gratifications que l’on diftribue pendant la
paix font données ordinairement à un officier ,
qui, chargé de faire des recrues ou des remontes,
a rempli la commilïion avec zèle & avec fuccès ;
on fuppofe que les dépenfes qu’il a été obligé de
faire ont été plus confidérables que celles qu’il
auroit faites s’il n’eût point reçu cette million particulière.
Ces gratifications font juftes, elles font
«me dette facrée dont l’état fe libère.
On donne encore des gratifications aux officiers
appelés de fortune qui, chargés du foin de dreffer les
recrues, ont travaillé avec affiduité à cet objet
important. Ces gratifications ont moins néceffaires
que les premières ; & A elles ne tomboient pas lur
une claffe d’hommes qui ont été maltraités par la
fortune, elles feroient injuftes.
On donne auffi quelquefois des gratifications à
des officiers qui ont été nommés par le confeil
d adminiftration pour régir l’habillement du corps
dans lefquels ils fervent. Il eft bien difficile de juf-
tifier ces gratifications. Touts les membres d’une
fociété devant concourir aux travaux que l’affo-
ciation rend néceffaires ; nul ne doit être payé
pour avoir rempli fa tache. Ces gratifications ne
feroient plaufibles que dans le cas où le même
fujet auroit rempli plufieurs années de fuite les
memes fondions ; dans cette circonftance même,
l’etat ne devroit point fupporter les frais de ces
récompenfes.
J ai vu aufli donner des gratifications à des bas-
officiers qui, avoient été employés pendant longtemps
a l’école d’inftruélion ; quoique ce ne foit
pas le roi qui faffe les frais de ces gratifications,
& quelles foient tirées de la maffe de linge &
chauffure , elles ne font pas moins abufives.
Chaque bas officier doit paffer à fon tour par les
differents détails, & fi quelques-uns y reftent plus
longtemps que les autres, oa dqit les récompenfer,
ou en les avançant, ou en les dilpen-,
fant de quelqu’autre partie de fervice.
Des officiers fubalternes très pauvres obtiennent
quelquefois des gratifications ; ces gratifications
font-elles juftes ? L ’état feroit obligé , fans doute ,
de venir aux fecours de ceux de les membres qui
n ont pas allez de fortune pour tenir un état conforme
à leur nailfance ou à l’emploi qu’ils occu-
P®n t > ü les appointements de chaque grade
n^totent pas proportionnés aux dépenfes qu’il
néceiïïte ; ces gratifications font donc lùperflues ,
&. fi tes officiers qui les reçoivent étalent un luxe
inutile, mangent à une table trop fomptueufe ,
&c. ; ces gratifications font injuftes. Détruil’ons le
luxe militaire , & nous aurons moins fouvent
befoin de donner des gratifications.
De toutes les gratifications les moins utiles, je
dis plus encore, les plus inj uftes, ce font celles qu’on
diftribue au* colonels ; pourquoi, en effet, donner
a un officier fupérieur une gratification de mille
ecus, tandis qu’on en refûfe une de cent écus à
un officier fubalterne ? Qu’ont donc fait de fi beau les
colonels qui obtiennent ces récompenfes ? Us font
pauvres ; oui , relativement , car le relatif n’a
point de bornes ; mais abfolument parlant ils font
-riches. Des gratifications de cette efpèce font faites
Pro^uire te découragement dans les claffes
inferieures, pour exciter des cris, des clameurs,
& pour nuire à ceux qui les reçoivent. Que doit
penfer un capitaine qui voit fon colonel obtenir
trois ou quatre mille francs de gratification, &
qui ne peut, lu i, obtenir trois ou quatre cents
livres ; ah, doit-il dire a fon chef, fi vous aviez
mis a me fervir la même chaleur que vous avez employée
pour vous, certainement j’aurois obtenu
ce que je demandois & dont j’ai un befoin réel ;
mais vous m avez oublié pour ne fonger qu’à vous :
autrefois les grands fe faifoient un plaifir & un
devoir de foutenir la nobleffe indigente ; ils fe
chargeoient de l’éducation de fes enfants , ils
etoient le canal par lequel les: grâces du prince
arrivoient jufqu’à elle ; mais aujourd’hui, ils interceptent
tou t, honneurs , diftin&ions ; l’argent
même. Ah qu’ils penfoient, qu’ils agiffoient bien
différemment, ces grands quivivoient fous le règne
de Louis XIV ; fi le luxe de Paris continue à
augmenter, fi la haute nobleffe perfifte à fuir, fes
terres pour fuivre toute l’année la cour & réfider
dans la capitale , avant peu nous ferons les témoins
de quelque grande révolution.
. Les grands qui ont befoin d’un fecours pécuniaire
, ne doivent pas le demander à la caiffe
militaire ; ce ne font point les infpefteurs qui
doivent le folliciter ; c’eft de la munificence royale
qu’ils doivent le tenir ; elle ne doit point les con-
fiderer comme militaires, mais comme gentilshommes
pauvres.
. D e tout ce que nous venons de d ire, il ré-
, fuite , que les gratifications font un abus énorme
1 pendant la paix, à moins qu’elles ne foient mo-
G g g g M.