
accoutumés à prodiguer le fang humain, regardent
comme néceflaire de donner un confeil aux ac-
cufés y à plus forte raifon devons-nous le leur accorder
, nous en qui l’humanité n’ a rien perdu de
fes droits ; nous qui avons chaque jour à juger
des délits dont il eft fi difficile de connoître les
vrais auteurs.
« A v an t défaire aucune queftion à l ’a c cu fé , on
lui fait prêter ferment de dire la vérité. ».
Si je dis vrai , je perds la v ie ; fi je tais la v é rité
, je me parjure ; mais j’échapperai peut-être
au fupplice : quelle alternative ! Combien ne fau-
droit-il pas que la religion du ferment fut profondément
gravée dans l’ame d’un accufé , pour qu’il
n’osât fe parjurer? Penfez-vous qu’un homme allez
foible , ou allez pervers pour commettre un grand
crime contre les hommes ou contre la fo c ié té ,
héfitera à en commettre un dont la peine lui pa-
ro it éloignée , peut-être même incertaine ? car
l’idée d’un D ieu ne fe préfente guères aux méchans.
L e juge fuprême n’imputera-t-il pas à nos législateurs
touts les faux ferments que les acçufés ont
dû faire ?
« Auffi-tôt que l’accufé a prêté fermen t. on
procède à fon dernier interrogatoire; chaque juge
peut l’interroger à fon tour.
Quand i’accufé a lubi le dernier interrogatoire,
on le reconduit en prifon.
A u ffi-tôt que l’accufé eft fo r t i, le préfident
prend les v o ix pour le jugement de l’accufé.
L e dernier juge opine le premier, ainfi de fu ite,
en remontant jufqu’au préfident qui opine le dernier.
1
Le s officiers qui fervent dans l’efpèce de troupe
qui n’eft- pas celle où fervoit l’a c cu fé , opinent
les premiers.
Ce lu i qui opine ôte fon chapeau, & dit à haute
v o ix que trouvant l’accmfé convaincu , il le condamne
à telle peine ordonnée pour tel crime ; ou
que le jugeant innocent, il le ren vo y é abfous;~
ou fi le crime lui paroît douteux faute de p re u v e ,
il conclut à un plus amplement informé, l’accufé
reftant en prifon.
’ ’ A mefure que chaque juge donne fon a v is , il
l ’écrit au bas des conclufipns du ma jo r, & il le
figne. »,
L ’ordre qu’on fuit en donnant les opinions, eft
très fage fans doute ; mais pour prévenir toute
fé d u â io n , ne devroit-on pas difpenfer les juges
d e prononcer leurs a v is , & obliger fèulement
chacun d’eux à l’écrire fur un papier féparé. Auffi-tôt
que chaque juge auroit écrit & motivé fon a v is ,
le préfident leç recueilleroit & en feroit le&ure
a haute & intelligible v o ix : après cette leélure
il demanderoit à chaque juge , fi malgré les avis
différents du fien , & les motifs que les autres juges
ont allégués , il perfifte dans fon opinion ?
C e tté forme demanderoit un temps un peu plus
lo n g , que celle qui eft aujourd’hui en u fa g e , mais
• lie feroit plus sure, *’** '
« L ’avis le plus doux prévaut dans les jugements ;
fi le plus levère ne l’emporte de deux v o ix ; l'avis
du prefident n’eft compté que pour une voix. ».
A v e c quel plaifir n’ai-je pas lu dans le commentaire
de Blackftone, fur le code criminel d’A n g
leterre, la reflexion fuivante I « L a v ie eft un
préfent que D ieu a lait à l’homme : on ne peut
donc la lui enlever que par l’ordre ou la permiffion
de cet etre fuprême. O r pour connoître cet ordre
ou cette permiffion, il ne faut rien moins qu’une
révélation, ou bien une démonftration claire &
indifpenfable que les loix de la nature & de la
fociete demandent la mort du coupable,
Lorfque fur fept juges il y en a deux qui croyent
qu un coupable ne mérite point une peine quelconqu
e, & lorfqu’ils appuyent leur opinion fur
des raifons folides, la démonftration eft-elle claire
& fans répliqué? N o n , fans doute ; quel eft celui
qui abandonneroit une partie de fon b ien , fi de
fept avocats qu’il auroit confultés, deux Taffuroient
qu’il peut efpérer de le conferver en entier ? Q u e l
eft celui qui fe réfoudroit à fouffrir une opération
C/r rUf^/"a 6 douloureufe, fi de fept médecins,
affembles, deux lui difoient qu’il peut recouvrer
la fante fans faire le facrifice d’un de fes membres ?
Les délits militaires font fi aifés à confta ter, qu’on
pourroit fans inconvénient exiger l’unanimité des
v o ix , au moins quand il s’agiroit de la v ie du
coupable-, ou d’une peine affliélive. C ’eft ainfi que
les loix A ngloife s, le modèle de la légiflation criminelle
, exigent l’unanimité des fuffrages pour
condamner un accufé.
« L a c cu fé étant ju g é , le major de la place fait
dreffer la fentence ; touts les juges font obligés
de la fign er, quoiqu’ils ayent été d’un avis différent
de celui qui a prévalu. »,
Combien n’e f t - il pas cruel d’obliger un juge
à figner l’arrêt de mort ou d’infamie d’pn homme
qu’il croit inçocent?
M O D È L E D E S E N T E N C E .
D e p a r l e R o i .
Vu -par le confeil de guerre affemblé à N. par
ordre de M, N., le procès extraordinairement instruit
au nommé N., accufé Savoir commis le crime de N,
l information dudit jour ; le rècoUement des témoins
du N. & les conclufions du fleur N. Le confeil de
guerre a déclaré la procédure bien & duement infi
truite, & en çonfequençe déclaré ledit N. fujjifamment
atteint & convaincu du crime de N., & pour réparation
d'icelui l’a condamné 6* condamne à N. fait
à N. ^ ■
L e jugement peut finir encore des deux manières
fuivantes :
Et en confèquence déclare qu’il n a pas trouvé
le nommé N atteint & convaincu du crime dont il
ejt accufé, pourquoi nous ordonnons quïl fait renvoyé
abfous 6* remis en liberté,
p u
O u bien i Et en confèquence déclare qu il: n a,
pas trouvé le nommé N. fujjifamment atteint & convaincu
du crime dont il eji accufé, pourquoi nous
ordonnons qu’il foit renvoyé à un plus amplement
-informé, pendant lequel il tiendra prifon. ^
a Le jugement dreffé & f ig n é , le préfident fe
lè v e & le confeil eft terminé. ».
Toutes les fois que le confeil de guerre inflige
une peine capitale pour tout autre crime que celui
de défertion, il eft obligé d’en vo y e r le procès &
la fentence au fecrétaire d’état de la guerre. M. de-
Saint-Germain, auteur de ce fage établiflement,
explique encore dans la lettre fuivante ce qu’on
doit entendre par peine capitale.
Lettre/de M. le comte de Saint-Germain, à M. le
marquis de Langer on, en date du ç août 7777. .
L e roi a dé cid é, Monfieur, par l’article 12 du
titre 7 de fon ordonnance d’adminiftration , dii 25
mars de l’année dernière, que tout folda t, cavalier
, dragon ou chaffeur, qui aura été jugé par un
confeil de guerre, & condamné à une peine capita
le , pour tout autre crime que celui de la défertion
, ne pourra fubir le jugement prononcé
contre lu i , qu’au préalable les informations & la
fentence motivée n’ayent été envoyé es au fecré- .
taire d’état de la guerre, pour en rendre compte à ;
fa majefté, qui s’eft réfervé le droit de ratifier ■
ladite fentence, de la mitiger, de l’infirmer, ou
enfin de faire g râce, fi elle le juge à propos. L ’expérience
a démontré en beaucoup d’occafions
futilité de cette difpofition. Mais fa majefté s’eft
apperçue que plusieurs corps & états-majors de
place , donnant aux termes de cet article une
explication trop littéra le, ne regardoient comme
peine capitale, que celle de mort. L a jurifpru-
dence civile admet comme peines capitales deux
autres genres de punition, parce qu’elles emportent
la mort civile ; fça v o ir , le banniffement perpétuel
qui n’a pas lieu dans les jugements des
confeils de gue rre, & les galères perpétuelles prononcées
par plufieurs articles de l’ordonnance du
premier juillet 172 7 , concernant les crimes &
délits militaires. Gomme les confeils de guerre doivent
fe conformer aux ordonnances criminelles,
enrégiftrées dans les tribunaux c iv ils , en tout ce
qui n’a pas été prévu par les ordonnances militaires
, ils doivent fans difficulté adopter la jurifi-
prudence de ces mêmes tribunaux fur la nature
des punitions qu’ils prononcent, & regarder*en
confèquence comme peine capitale , celle des
galères perpétuelles : l’intention de fa majefté eft
donc que les confeils de guerre fe conforment par
rapport aux jugements qui prononcent cette p e in e , 1
à l’article 12 du titre 7 de l’ordonnance d’adminiftration
que je viens de citer. Elle vous charge
d’ en donner connoiffance aux commandants des
places & à ceux des corps de la divifion que vous
commandez. V ou s voudrez bien auffi les prévenir
Art militaire, Tome, II,
que ces jugements ne d e van t, non plus .que ceux
portant peine de m o r t , avoir ni exécution , ni
commèncement d’exécution, ju fqu ’à ce qu’ils ay ent
été revêtus de l’approbation de fa m aje fté , iis ne
doivent jufqu’à ce moment être lu s , ni à la garde
montante, ni au criminel. J’ai l’honneur d ’ê t r e ,
'figné S a’in t -G e rm a in .
Lorfque l’accufé eft abfent, le confeil de guerre
fe tient comme lorfqu’il eft préfent, la feule différence
confifte dans l’interrogatoire qui ne peut
avoir lieu.
Un confeil de guerre peut encore être affemblé
• pour entériner des lettres de grâce.
Lorfque fa majefté accorde des lettres de grâce ,
il eft néceflaire, pour qu’elles puiflent avoir leur
e f fe t, qu’elles foient entérinées. ».
Ce lu i qui veu t faire entérinér des lettres de
grâce fe conftitue prifonnier, fe fait écrouer pour lé
crime énoncé dans les lettres ; il adreffe au commandant'
de la place une requête conçue de la
manière fuivante,
Modèle de requête pour des lettres de grâce.
N. accufé & condamné à la peine de N. par jugement
du confeil de guerre, tenu à N. le N., &
actuellement détenu dans les prifons de cette ville,
vous fupplie de faire ajfembler le confeil de guerre
pour Ventérinement de fes lettres de grâce, afin de
jouir de l’effet y contenu. Fait à N.
L e commandant de la place figne la requête
& l’apoftille de la manière fuivante : foit communiqué
au procureur du roi ; c’eft-à -dire, au major de
la place.
L e confeil de guerre affemblé, on lit le procès
fait à celui qui a obtenu des lettres de grâce : le
major de la place donne fes conclufions; elles
font conçues comme il fuit.
Modèle de conclufions pour des lettres de grâce.
Nous N., major de la place de N., après avoir vu
la requête préfentée à M. Ni, pour le nommé N., &
les pièces de fon procès que nous trouvons conformes à
l’expofé de fa grâce , nous n empêchons pour le roi
que le brevet de grâce accordé par fa majeflé audit N.
foit entériné par le confeil de guerre, pour le fuppliant
jouir de l’ejfet y contenu. Fait à N., le N.
Après que le major a lu fes conclufions , le
préfident recueille les opinions, ou dreffe la fentence
du confeil de gu e r re , ou l’écrit au dos du
b revet ; touts les juges la fignent.
Modèle de fentence pour dès lettres de grâce.
Vu par le confeil de guerre extraordinairement
affemblé à N. , par ordre de M. N. , le brevet de
grâce de l’autre part, accordé par fa majeflé au nommé'
N. , prifonnier accufé de N. , & condamné à N. le
N. , les informations & autres pièces du procès ,