
de ce qui appartient à l’humanité , nous y verrons
un homme qui eut le fentiment de la vraie gloire.
I l reçut de la nature la force avec le courage ,
& les employa l’une &. l’autre à détruire les tyrans,
& les oppreffeurs. Thèbes fa patrie payoit un tribut
a Ergine, roi des Menyens, nommés depuis
Orchoméniens. Ceux qui venoient le demander
de fa part, ayant agi avec injuftice, Hercule les
chaffa de la ville couverts de hleffures , y fit abolir
l ’ufage barbare d’immoler les étrangers. Ergine
exigea de Créon , roi de Thèbes, que l’auteur de
1 attentat lui fut livré ; & ce prince foible alloit
obéir, quand le fils d’Alcmène excitant lajeuneffe
iThébaine à mettre en liberté leur patrie, courut
avec elle au temple faifir les armes confacrées aux
dieux, ( les Myniens avoient défarmé les habitants),
& marche contre Ergine qui s’avançoit à la tête
d une armée. Il l’attaque dans un défilé où l’on
ne pouvoit combattre que fur un front très étroit,
lë tue, metfes troupes en fuite, furprend Orcho-
mène, brûle le palais, & rafe les murs de la ville.
Il remplit les devoirs de l’hofpitalité à l’égard
du Centaure Pholus attaqué par quelques-uns de
fes compatriotes. Ceux-ci, dans le délire de l’y -
vreffe s’étant armés de bâtons , de pierres , de
flambeaux , de haches , attaquèrent Hercule , &
furent vaincus. Ce peuple Theffalien excelloit dans
l’art de l’équitation , ce qui fit dire aux poètes
qu’ils étoient moitié chevaux, moitié hommes , ;
& fils de Néphelé ou d’un nuage, pour exprimer
leur rapidité.
Hercule accompagna Jafon dans fon entreprife
fur la Colchide, vainquit les Amazones en plulieurs
combats à la tête d’une armée , paffa dans les
Gaules , y raffembla des troupes , y fit abolir
l.ufage barbare d’immoler les étrangers, parcourut
l ’Italie, défit les peuples de Cumes auxquels on
attribuoit une taille extraordinaire , & les Sica-
niens , anciens habitants de la Sicile 9 s’empara
de Troie au temps de Laomédon , auquel il ôta
la v i e , récompenfa Priam , fils de ce r o i , en le
méttant fur le trône , parce qu’il avoit confeillé
à fon père de ne pas refufer à Hercule le prix
de la délivrance d’Héfione. Revenu dans la G rèce,
il vainquit les Eléens & leur roi Augia t, qui le
rouloit priver du prix convenu entre eux , pour
avoir nettoyé , e n y faifant paffer le Pénée , les
parcs.de fes troupeaux, où les excréments amaffés
depuis un grand nombre d’années , avoient répandu
une infeâion pernicieufe. Aucun genre d’utilité
n’échappoit à cet homme extraordinaire.
Plufieurs bêtes féroces dévaftoient la Grèce ,
la Crète & la Lybie. Il les extermina. Le Thrace
Diomède & l’Egyptien Bufiris , plus cruels que
les lions, faifoient périr d’une mort cruelle touts
les étrangers qui venoient dans leurs terres : il
les fit périr du même genre de mort. Il fonda
Hécatompyle en Lybie , Aléfie dans les Gaules ,
deffécha la vallée de Tempé , qui jufqu’alors n’é-
toit qu’un marais nuifible ; enfin il établit les jeux
olympiques, qui entretinrent fi longtemps datls
la Grèce l’efprit militaire. Dans l’enthoufiafme
que l’éclat & l’utilité de fes aérions firent naître ,
les peuples crurent que les Dieux qui lui avoient
donné toutes les vertus lui deftinoient un fort fu-
périeur à celui des autres hommes. Il leur avoit
paru régner comme un Dieu fur la terre U ils l’ho-
norèrent après fa mort comme un Dieu.
Son exemple forma des héros & des appuis
contre l’oppreflion. De fon temps Jafon entreprit
la première expédition navale que la Grèce ait
exécutée. Hercule , Caftor & Pollux, Orphée ,
Telamon, & plufieurs autres guerriers allèrent enlever
avec lui les tréfors de la Colchide. ( An du
M. 2778. av.J. C. 1226.).
Eurifthée, dont la haine & la jaloufie avoit toujours
pourfuivi Hercule, craignoit les defcendans
& les compagnons de ce héros. Ils étoient chez
C é ix , roi de Trachine. Eurifthée lui fit dire de
les bannir ou de fe préparer à la guerre. Comme
ils étoient encore inférieurs en forces, ils fe retirèrent
volontairement, & allèrent demander afyle
à d’autres cités plus puiflantes. La feule Athènes
le leur accorda.
Devenus plus puiffants & plus fufpe&s à Eurifi-
thée , il raffembla de grandes forces & marcha
contre eux. Mais alors les Héraclides, foutenus
par la gloire de leur nom , fecourus par Athènes ,
conduits par fon roi Théfée , & par Hyllus fils
d’H ercule, défirent entièrement fon armée , Eurifthée
périt de la main d’H yllus, & tous fes fils
avec lui. Cette viéîoire leur ouvrit le Péloponèfe.
( An duM. 2800. av. J. C. 1204.). Atrée vint pour
le défendre, accompagnée des Tégéates & de
quelques autres alliés. Hyllus, digne fils d’Hercule,
propofa de décider par un combat fingulier à qui
appartiendroit le Péloponèfe. Echeme, roi des Tégéates
, fe préfenta : mais Hyllus n’avoit pas hérité
des forces d’Hercule avec fon courage. Il périt,
& les Héraclides fidèles au traité fe retirèrent.
Théfée fuivit de près les traces d’Hercule. Il
tua les brigands Sciro & Corynètes, le barbare
Sinès qui faifoit lier fes prifonniers à deux pins
courbés , qu’on lâchoit enfuite Cercyon, qui ,
doué d’une force extraordinaire, ôtoit la vie à touts
ceux de fes hôtes qu’il furpaffoit à la lutte ; Pro-
cuftes, qui mutiloit les étrangers arrivant dans fa
demeure. Il vengea fes hôtes les Lapithes qui l’a-
voient invités avec les centaures aux noces de
Pirithoüs & d’Hippodamie. Ceux-ci égarés par
l’ivreffe infuîtèrent les femmes lapithes. Quelques-
uns furent tués ; le refte chaffé de la ville. La
nation centaure ayant pris les armes , fut défaite ,
perdit toutes fes poffeflïons. Ceux que la mort
épargna fè retirèrent à Pholoé en Arcadie , & in-
feftèrent long-tems les terres des Grecs. C e fut
Théfée qui jetta dans Athènes les fondemens de
l’ariftocratie , en y attirant un peuple nombreux ,
le divifant en différents ordres, & ne fe réfervant
que le titre & l’autorité de général. Il extermina
fcuffi à l’exemple d’Hercule plufieurs bêtes féroces ,
& fon amour de l’humanité fut récompenfé pendant
fa vie par le relpeâ des peuples, après fa mort par
les honneurs divins.
Les deux fils du malheureux OEdipe fe difputèrent
la couronne de Thèbes. Polynice exclu par Etéocle
fe retira chez Adrafte, roi d’Argos, où T y d é e ,
fils d’Oënée , roi de Calydon en Etolie , vint aufli
chercher un afy le, après qu’il eut tué fes deux
oncles Lycbpée & Alcathoüs. Adrafte les reçut
avec bonté , & leur promit de les rétablir au trône
fie leurs pères. Polynice fut le premier qu’il voulut
fervir. Il députa Tydée vers Etéocle pour lui pro-
pofer un accommodement. Celui-ci fit cacher cinquante
hommes fur la route avec ordre de le tuer.
Tydé e punit touts ces affafiins en leur ôtant la vie.
Aufli-tôt Adrafte affemble fes troupes, fait alliance
avec Capanée , Parthénopée, Hippomedon, Am-
phiaraüs, & fe préfente devant Thèbes avec eux,
Tydé e & Polynice. Ils entourent aufli-tôt la v ille ,
marchent aux remparts , appliquent les échelles.
Repouffé par-tout avec une grande perte , Etéocle
Polynice fe tuent l’un l’autre , Capanée périt
en montant aux murailles, Adrafte eft le feul des
fept chefs qui échappe à la mort & revoit Argos.
Le devin Tiréfias, confulté fur l’événement, avoit
répondu que les Thébains feroient vainqueurs fi
Ménoecée s’immoloit à Mars. Dès que cette pré-
diéfton fut connue du jeune prince , il le donna la
mort à la vue des deux armées. Autant ce généreux
dévouement dût augmenter le courage dans fes
concitoyens , autant il dût l’ôter à leurs ennemis :
ce fut peut-être la religion qui fit le fuccès de cette
journée. ( An du M. 2783. av. J. C. 1221.).
Les fils des chefs morts dans le combat revinrent
devant Thèbes avec une armée , &. gagnèrent une
bataille. Les habitans épouvantés par ce revers &
par les confeils de Tiréfias abandonnèrent leur
v ille , & le retirèrent dans un petit canton de la
Boeotie nommé Tilphofée. Les vainqueurs ayant
pillé & rafé la ville , fe retirèrent chargés de butin ,
fans pourfuivre les vaincus. C ’eft ainfi qu’alors
on faifoit la guerre. Elle ne confiftoit qu’en petits
combats livrés entre peu de troupes, & dont l’obje
t, le plus fouvent, n’étoit que l ’enlèvement de
quelque bétail ou des produéftons de la terre. Celle
de Troie fait époque dans l’hiftoire , parce qu’elle
fut la première que fit la Grèce en corps de nation ,
contre une des plus célèbres villes de l’Afie. Priam
ï’avoit fortifiée, ornée, embellie d’édifices, de
tours, & d’aqueducs. Il entretenoit une grande
armée, s’étoit fournis les états voifins, & régnoit
fur prefque toute l Afie mineure. Son fils Paris ,
envoyé en Grèce auprès.de Télamon , mari d’Héfione
, foeur de Priam, fut reçu par Ménélas, roi
de Sparte. Ii viola les droits de l’hofpitalité en enlevant
Hélène femme de Ménélas , & ee fut
la fon crime. Alors la piraterie étoit générale ,
& n’avok rien de- honteux : on pourroit dire
qu’elle étoit la guerre même de ces temps barbares.
les enlèvements des femmes étoient fréquents :
nulle n’ofoit alors habiter les côtes. Les Phéniciens
avoient enlevé I o , les Grecs Europe &. Médée,
Tantale Ganymède , fils de Tros , fondateur de
T ro ie , & Théfée cette même Hélène dont Paris
devint amoureux. Mais ces violences étoient la
fuite des expéditions guerrières ; elles produifoient
tout au plus quelques repréfailles de même nature
, au lieu que celui d’Hélène fut une violation
des droits les pliis facrés parmi les hommes ; pour
le fils de Priam celle de l’hofpitalité , pour Hélène
celle de l’hymen , pour touts deux celle de la propriété
: ils enlevèrent une partie des tréfors de Ménélas.
Cette aérion regardée comme une efpèce de fa-
crilège fouleva la Grèce entière. Outre ce qu’elle
avoit de contraire aux lo ix , de bas & de lâche , la
puiffance ôc la grandeur des princes offenfés ajou-
toient encore à l’indignation publique. Les Grecs
prirent les armes ôc choifirent pour chef Agamem-
non , roi de Mycène, de Sicyone & de Corinthe. Il
eut bientôt à fes ordres environ cent mille hommes
& cent vaiffeaux. Il pouvoit en conduire un plus
grand nombre , mais il craignit de ne pas trouver
allez de fubfiftances. Arrivé dans la Troade , il
envoya fon frère Ménélas & Ulyffe demander aux
Troyens Hélene & les tréfors que Pâris avoit
enlevés, & là réparation de fon injure. Mais la
tempête avoit jetté ce lâche raviffeur aux bouches
du Nil. Il y avoit fur la côte un temple qui fer voit
d’afyie. Quelques-uns de la fuite d’Hélene s*y réfugièrent
, & accusèrent Pâris. Prcetus règnoit en
Egypte. Il fit amener le T ro y en , l’interrogea »
& voyant qu’il altéroit la vérité, fit expofer fon
attentat devant lui par les fuppliants. Après l’avoir
convaincu, il lui dit ces paroles remarquables z
u li je ne regardois comme un crime de répandre
le fang des malheureux étrangers que le vent pouffe
fur mes côtes, je te puniroispour ce que tu as outragé.
Scélérat, tu es admis dans fa maifon, à fa
table, & tu y commets le forfait le plus déteftable;
tu féduits fa femme, tu l’enlèves, tu ravis même
fes biens. Si je ne refpeâois le fang de l’étranger
! . . . . Mais je ne fouffrirai pas que tu emmènes
cette femme &. ces tréfors. Je les garde au grec qui
fut ton hôte. Pour toi, pars avec les tiens ; fi vous
n’étes dans trois jours hors de mes états, je vous
pourfuis comme ennemis. ».
Priam répondit donc aux envoyés cPAgatnem-
non, qu’Hélène & les tréfors de Ménélas n’étoient
point en fa puiffance. Les Grecs regardant cette
réponfe comme un refus, & un déni de jufrice,
commencèrent les hoftilités. Le roi Troy enavoit
raffemblé une -armée beaucoup plus nombreufe
que celle de fes ennemis. La Phrygie, la L y c ie , la
M y fie, la Thrace, l’A ffyrie & PEthyopie même
avoient contribué à la former. Quoique les Grecs
ne connu fient point encore l’art de conduire une
grande guerre, on pirt dès-lors entrevoir la fupé-
riorité qu’ils- acquirent fur. les peuples de EAfie,