
cher, les étrangers introduifent en abondance des
marchandifes de contrebande dans plufieurs places
défertes des Indes , où les acheteurs fe rendent,
lùr le premier avis , à caufe de la différence du
prix, bien 'aflùrés que les gouverneurs des places
voifines feront femblant de ne rien vo ir , en leur
.faifant paffer devant les yeux une bourfe de pif-
toles. Le remède feroit de punir févèrement ces
gouverneurs ; de tenir fur ces mers des navires
gardes-côtes ; d’accorder à leurs équipages le tiers
de toutes les prifes qu’ils feroient fur les pirates
& les contrebandiers , & de donner la même
prérogative aux gouverneurs des places ou des
provinces, lorfque , dans l’étendue de leur département
, les troupes ou les miniftres de juftice,
«ni font fous leurs ordres auroient fai fi. fur terre
des marchandifes de contrebande. Je dirai ailleurs
par quelles voies on pourroit établir les fabriques
néceffaires en Efpagne.
Comme mes réflexions roulent ici fur cette
Compagnie des îles de l ’Amérique & du. Canada 3
dont parle le père Daniel, il femble que je de-
vrois traiter d’une compagnie de commerce de
nos Indes ; mais j’ai déjà dit que , dans cette pro-
felfion étrangère à la mienne , je ne pouvois entrer
dans les détails que relativement aux avis-des
hommes de commerce. J’ai vu fur cette matière
deux très beaux écrits ; l’un eft de don Pierre
Perez Moreno , Efpagnol, réfident à Gènes. Ce
n’eft encore qu’une ébauche, ou des remarqués
détachées pour un projet d’une compagnie Espagnole
de commerce des Indes ; & , félon mon peu
de difeernement, il m’a paru fi utile pour la nation
& pour le r o i, que je ne celle de lui faire, des
inftances pour le porter à l’achever ÔL à le remettre
à fa majefté, comme j’elpère qu’il le fera.
L’autre écrit eft de cet ami dont j’ai parlé par
rapport au commerce des Mofcovites : fon plan
eft perfectionné ; il traite d’une compagnie des
Philippines avec beaucoup d’efprit & de lolidité.
Entre autres chofes , il dit que" ces îles , heureu-
fèment fituéès pour commercer avec l’Inde Efpa-
gnole, & en même temps avec la Chine, le Japon
& les autres royaumes Orientaux,-peuvent fournir
aux vaiffeaux qui y viennent charger, l’or de mine'
& l’or de fable ,_qai fe*trouve dans les rivières;
les perles, l’ambre gris, la pierre de Bezoar, la
civette ou le mufe f divers baumes & contre-
poifons, le gingembre , la caffe, la falfe-pareille ?
le cacao , la canëlié, meilleure que celle des autres
endroits ; le fucre , le tabac, l’indigo, le fang-de-
dragon, la cire, le coton, le bois appellé Tiga 3
pour la conflr'uction des vaiffeaux ; l'ébène &. le
bois du Japon.
Il dit ëncore que ies Philippines abondent en
excellents chevaux, & q.u’en établuTant le commerce
à Manille, les nations, voifines viëndroient
y vendre aux Efpagnols les diamants, les-clous de
girofle, les noix mufeades, les tapis de Perfes &.
que l’on ve-iidroit bien aux Philippines le fer ,
Peaü-de-vie, le v in , l’huile, les armes, quelques
draps de diveçfes marchandifes dè merceries, que
l’on y porteroit d’Efpagne , aulîi bien que la cochenille
, qu’on tireroit de nos Indes. m
Ce même gentilhomme, mon ami, remarque que
l’empereur, qui n’a ni armée navale, ni un pied
de jerre en Orient, a trouvé aujourd’hui des fonds
oc des vaifleaux pour la compagnie d’Oftende ;
d’où il tire cette conféquence fan$ réplique, que
le roi mon maître trouveroit aufli tout ce qui eft
neçeffaire pour une compagnie des Philippines,
fans, rien débourfer de fans rien rifquer.
Art. V . On nettoya les ports , on en fortifia quelques
uns 3 & l ’on y fit des magafins.
Nos ports de pajfages en Bifcaye, de Ferrol en
Galice, de Puntales dans l’île de Cadix, & de
Carthagène dans la Méditerranée, ne font-ils pas
propres d’eux-mêmes , & très faciles à rendre
imprenables, fans compter une infinité d’autres
plus petits, daps l’une 6c Pautre mers, qu’il feroit
ailé de nettoyer de de fortifier ?
On peut, dans touts les pays du monde, construire
des magafins. Don Patigno , par ordre de
Philippe V mon maître, en a déjà fait faire plufieurs
très bons dans l’île de Cadix. Au refte, je
fuppofe que chaque vaiffeau a fon magafin de tout
l’attirail néceffaire & proportionné à fon port ;
qu’il y a aufli des magafins de réferve dans touts
les ports, pour le beloin que peuvent en avoir
les navires qui y arrivent, de que , pour ces
magafins , l’on choifit ces lieux qui foient hors
d’infulte:
Art. V I . Défenfes furent faites à touts pilotes 9
calfateurs 3 canonniers 3 charpentiers 3 matelots, pc~
chcurs 3 & à touts autres fervants à la confiruBion
des navires , confcElion des cordages 3 &c. d'aller
fervir hors du royaume che{ les princes étrangers.
Cette défenfe eft peu néceffaire en Efpagne, à
l’exception tout au plus des mariniers ; car les
autres Efpagnols ne vont pas fervir les princes
étrangers, à moins que la crainte du châtiment,
pour quelque crime énorme, ne les oblige d’abandonner
leur patrie.
Il eft certain qu’il y a aujourd’hui peu d’hommes
de toutes ces fortes de profeffions ; mais le nombre
de ces ouvriers augmenteroit à mefure que les
fabriques s’étendroient davantage. On ne man-
queroit pas de matelots, f i, en recevant ceux des
autres pays, après leur avoir fait prêter ferment
de fidélité de d’engagement de s’établir en Efpagne,
on leur permettoit de jouir de touts les privilèges
des nationaux , de de faire le voyage.des Indes fur
les vaiffeaux qui auroient pavillon de paffeport du
ro i, en ne mettant néanmoins fur chaque vaiffeau
qu’un tiers- de ces étrangers nouvellement natura-
lifés, qui ne feroient pas mariés , ou qui n’auroient
pas leurs familles en Efpagne : s’ils y avoient leurs
familles, je penfe que les fils de les pères devroient
jouir entièrement de touts. les privilèges de la nation
ƒ de être exempts de tout tribut pendant une
ou
bu deux races ; alors certainement flous Verrions
les matelots des autres royaumes venir à l’enyi
s’établir parmi nous.
A l’égard des Efpagnols naturels, je crois qu’ils
fervir.oient plus volontiers dans la marine, fi l’on
leur permettoit touts les ans (excepté dans quelque
preffant befoin) d’aller paffer l’hiver dans leurs mai-
fons ; en quoi je ne trouverois pas tant de difficulté,
fi l’on divifoit* l’armée navale d’Efpagne en cinq
efeadres, fçavoir : de Bifcaye, de Galice, d’Anda-
loufie, de Valence & de Catalogne, en compofant
la première, des hommes de Bifcaye de des deux
Afturies ; la fecotide , de ceux de Galice ; la
troifième, de ceux d’Andaloufie ; la quatrième1,
de ceux de Valence & de Murcie, & la cinquième
, de ceux de Catalogne. Si l’on trouve
qu’il y auroit de l’inconvénient à ne pas mêler
ènfemble ces différentes nations, du moins il ne
paroitra pas qu’il y ait de la difficulté qu’après la
campagne finie , les matelots paffent d’un vaiffeau
a 1 autre, pour fe retirer dans leurs pays fur les
navires de leur efeadre refpe&ivè, fans les obliger
a la fatigue de à la dépenfe de s’y rendre par terre ;
par exemple , le marinier d’Andaloufie, depuis la
Bifcaye, de celui de Galice depuis l’Andaloufie.
Quand même on ne jugeroit pas à propos que
ces efeadres fuffent ainfi féparées les unes des
autres pendant l’h iver, on peut, à là fin de la
campagne , deftiner trois ou quatre vaiffeaux pour
porter les matelots dans leurs p r o v in c e s& un
pareil nombre pour les aller reprendre au commencement
de la campagne. Cependant fi une
efeadre paffoit l’hiver aux Pajfages, l’autre au
Ferrol3 l’autre à Cadix s l’autre à Carthagène, &
l’autre a Barcelonne, à Salo 3 aux Alfaqs , à Rofes,
ou dans quelqu’autre port de Catalogne , parce
qu’il n’y en a aucun de bon, je crois qu’on y
trouveroit plufieurs avantages.
i° . Toute une armée navale, raffemblée dans
)e pays le plus abondant en vivres, y met fi fort
la cherte, que la folde des officiers ne leur fiiffit
plus pour y vivre honnêtement ; Si quoique l’Andaloufie
foit la plus fertile province de l’Efpagne,
nous voyons que tout y eft plus cher, à caufe de
la confommation qui s’y fait, par le grand nombre
des batiments qui arrivent à Cadix.
. feparant les efeadres de la manière que
je viens de dire, toutes les provinces jouiroient de
,1 avantage de pouvoir bien vendre leurs denrées 1
& chacune de ces efeadres allant à fon pays, ou
retournant au port du rendez-vous, peut porter
les grains , les munitions &. les autres provifions
que le prince jugeroit à propos de changer d’un
fieu a un autre.
-, 3 • S i , pour mieux cacher les préparatifs que
Ion fait pour une expédition, ou pour épargner •
davantage dans l’achat, le prince raffemble les
troupes , les vivres & les autres chofes néceffaires
dans differentes provinces, les ennemis ne pour-
rom pas fi facilement conjeéhrer contre quel pays
Art militaire. Tome 12,
Çât armement fe fait, ni s’appercëvoir fitôt de
ies préparatifs, parce que chaque partie qui s’en
fart féparément, en différents endroits , n’eft pas
ü conûdérable qu’elle puiffe réveiller le foupçon
des ennemis ; & comme vos efeadres feront à
portée d’embarquer les troupes & les provifions,
pour les conduire au port d’affemblée délignée j
vous vous trouverez en état dë■ faire voile pour
l’expédition avant que les*ennemis en ayent eu
connoiifaiïce.
4 * Comme dans chaque efeadre on peut, con-
ferver un vaiffeau armé pendant tout l’hiver, en
ne donnant que la demi-paye aux autres mariniers
du même port où eft l’efcadre, & des autres'lieux
voifins, il n’y aura point de côté du royaume qui
ne foit hors d’infulte des corfaires ; au lieu que
ses corfaires, fçaehant que touts les vaiffeaux de
guerre font dans un feui port, iront fans danger
ravager les côtes. Au refte , quand je dis que les
efeadres devroiènt être féparées dans divers ports
pendant l’hiver, j’excepte lorfqu’il y auroit danger
que la flotte ennemie, qui pourroit tenir la première
la mer la campagne prochaine , n’en empêchât
lajonélion.
Art. VII. On établit des écoles d'kydographte.
II y en a déjà une fort bonne établie a Cadix
par Philippe V ; mais en fuppofant que les efeadres
feroient féparées pendant l’hiver, il feroit nécef-
faire qu’il y eût une école de navigation dans
chacim des cinq ports dont j’ai parlé ; ce qui feroit
naître l’inclination & l’émulation parmi la jeùneffe
de diverfes^ provinces, par la commodité qu’elle
trouveroit à avoir un maître voifin & payé par le
foi. Comme if eft naturel que les hommes veuillent
mettre à profit ce qu’ils fçavent, plufieurs de ceux
qui n’avoiënt d’abord commencé à étudier que par
curiofité, entreroient enfuite dans le fervice. J’ai
toujours remarqué qu’il y a beaucoup d’étudiants
dans touts les lieux voifins des univerfités , & nus
dans le pays voifin des armées, la plupart des
jeunes gens prennent parti dans les troupes.
Mes réflexions jnfqv ici ont roulé fur les difpo-
filions de Louis X I I I pour former fon armée
navale ; les fuivantes feront fur celles que le père
Daniel rapporte que Louis X IV avoit prifes pour
la meme fini • ■ r .
Art. VIII. Ou achetait des Hollandais tout ce qui
etoit néceffaire pour la conftruflion des vaiffeaux qui
fe bâtffoicnt en France, jufqu’à ce que M. Colbert
eut établi dans le royaume dés fabriques.
J’ai déjà fait voir que cela fe peut faire plus
aifément en Efpagne que dans aucun autre pays.
Art. IX. On. fit un enrôlement général de touts les
matelots de France, que l ’on iivifa en trois claffes,
a l'exception de ceux de Bretagne, que l'on divifa.
en cinq; chaque claJJ'e fen/oit feulement une annéei,
6> ainfi alternativement. Lés villes répondoient de U
ponBualité de ceux qui devaient fervir, & le roi le/r
affgnoit la folde dont ils ' devaient jouir.
On pourrait prendre le-même expédient tir- éo
S f f f .