
refteroient dans cette raaifon jufqu’au thoflïent de
leur mariage, époque où leur travail leur auroit
procuré une petite dot ;ou jufqu’au moment où leurs
parents fe retireroient du fervice. Les garçons, fous
le commandement d’un vieux militaire, auffi fage
qu’intègre, fous la conduite de quelques anciens
bas-officiers intelligents & de quelques bons arti-
fans , apprendroient auffi, dîmes-nous , à lire, à
écrire ; on leur enfeigneroit encore quelque métier
eflentiellement utile à l’état militaire ; tels font celui
de l’armurier, du tailleur , du cordonnier, du bottier
, du fellier, &c. les jours de dimanches & de
fêtes feroient deftinés aux exercices militaires ; à
l’âge de feize ans, les enfants feroient envoyés
dans le régiment où leurs pères auroient fervi, &
où ils feroient obligés de remplir un engagement.
Après avoir ainfi réglé en gros l’établifl'ement de .
nos hôpitaux, que nous appeilâmes maifons d’éducation
( parce que j’obfervai que le mot hôpital
bleflfoit l’oreille des François ) , nous entrâmes
dans les détails relatifs à la nourriture , à l’habillement
& à l’éducation des enfants des foldats ; nous
cherchâmes fur-tout quel étoit le moyen de rendre
notre établiflement peu difpendieux pour l’état, &
nous vîmes qu’avec le temps , s’il étoit bien admi-
niftré , & fi on faifoit de chacun d’eux une manufacture
militaire, ils feroient plutôt une fource de
revenus, qu’une occafion de dépenfe. J’omets ici
touts ces détails, tant parce que l’ouvrage dans lequel
ce morceau doit être infcrit, ne les fupporte
pas, que parce qu’il eft infiniment aifé de les
fuppléer. ( C. ).
É C U. Efpèce de bouclier. Voye% A rmes.
É CU YER. Gentilhomme fervant un chevalier.
11 y avoit deux fortes d’écuyers; les uns porto’ient
ce nom à caufe de la qualité de leur fief ; & il y
en avoit plufieurs de cette efpèce , fur-tout dans
les états des rois d’Angleterre. Ecuageeû appellé,
en latin fcutagium, c’eft à fçavoir fervitium fcuti.
« Et tiel tenant que tient fa terre par êcuage, tient
par fervice de chevalier.». Les autres étoient généralement
touts les gentilshommes qui faifoient
le fervice à la fuite des chevaliers , avant que de
parvenir à la dignité de chevalier. On les appelloit
en latin fcutarii, fcutiferi , armïgeri.
Leurs fondions étoient d’être affidus auprès des i
chevaliers , & de leur rendre certains fervices, fur- j
tout à l’armée & dans les tournois.
Armigerique fuis Dominis qui deefte nequibant,
dit Guillaume le Breton dans fon hiftoire en vers
de Philippe-Augufte.
Ils tenoient le cheval de bataille du chevalier ,
jufqu’à ce qu’il voulût le monter pour combattre.
Ces chevaliers alor otez venir,
C e s blancs haubers endofler & vêtir ,
Les écuyers c es bons chevaux tenir.
Ils gardoierit & lioient les prifonnîers que les
chevaliers faifoient dans le combat.
Arripiunt fternuntqne viros t
raduntque ligandos
Armigeris.
Ils portoient les armes du chevalier jufqu’à ce
qu il voulut s en fervir, c’eft-à-dire fa lance & fon
bouclier , & c eft pour cette raifon qu’on les appelloit
armïgeri. Lorfque Guillaume des Barres , un
des plus fameux chevaliers de l’armée de Philippe-
Augufte , fe mit-en marche pour aller efcarmou-
cher auprès de Mantes, contre Richard, depuis roi
d Angleterre, il prit, dit Guillaume le Breton, fa
lance & fon bouclier, qu’un écuyer portoit.
Armïgeri fp&liat clypeojatus , & rapit hafiam.
Les écuyers étoient à pied ou à cheval, félon
que les chevaliers alloient eux-mêmes ; car, dans
la fuite , ainfi que je le dirai, la mode vint que les
chevaliers combatilfent à pied.
Les écuyers n’àvoient pas le droit de fe vêtir
auffi magnifiquement que les chevaliers , & il ne
leur étoit pas permis d’avoir de l’or fur leurs habits ;
c’eft ce qui paroît exprimé dans la relation de la
fete ou Louis & Charles d’Anjou furent^faits chevaliers
du temps de Charles V I , dont j’ai parlé.
Il y eft dit qu’ils partirent de Paris à cheval, pour
aller a Saint-Denis, & que pour obfervér les loix
de la chevalerie, prefcrites aux écuyers, ils avoient
un long habit gris brun, & qu’il n’y avoit point
d’or du tout, ni fur leur habit, ni furie fiarnois
de leurs chevaux ; qu’ils avoient quelque bagage
de même étoffe lié fur la croupe de leurs chevaux,
pour repréfenter l’équipage avec lequel les écuyers -
avantureux alloient chercher, hors de leur pays,
quelqu’occafion de fe fignaler; qu’enfin, après les •
cérémonies ordinaires, on leur donna l’habit de
chevalier.
De quelque haute naiffance qu’ils fuffent, quand
ils fe trouvoient avec les chevaliers en compagnie,
ils avoient des fièges plus bas qu’eu x , & un peu'
écartés en arrière. Un de nos anciens poètes, dans
un poème intitulé le Roman dudit du Chevalier,
fait ainfi parler un écuyer à une dame :
L i dit.dame , faites un fage.
Pourquoi c’ eft que li écuyers '
Ne s’ofent pas cointrier
D e droit que li chevaliers fo n t,
E t le caule pourquoi ils font
Mis arrière & plus bas aflis,
Jaçoit-il que de moult haut prix
Soit aucuns en leur état.
La dame n’y mit pas débat ;
A ins d it , je vous répondrai
Tout chou que j’ en efpoire & fçai.
Ils "font bas & arrière mis ,
Et trop plus l’étoient jadis ,
Pour eux donner plus grand defir
De toft cnevaliers devenir.
Ils ne s’affeyoient pas même à table avec les chevaliers,
fuffent-ils comtes ou ducs. Nous en avons
un exemple dans le continuateur de Nangis. Cet
hiftorien, dans la narration de la réception que
Charles V , roi de France , îit à l’empereur
Charles I V , parle ainfi du feftin de cérémonie où
le roi régala ce prince, & fut l’affiette telle qui
s’en fuit ; l’évêque de Paris premier, le ro i, le roi
des Romains, le duc de B e r ry , le duc de Brabant,
le duc de Bourgogne, le duc de Bar ; & pour ce
que deux autres ducs n’étoient pas chevaliers, ils
mangèrent à une autre table.
Un écuyer qui auroit frappé un chevalier, fi ce
n’étoit en fe défendant, étoit condamné à avoir
le poing coupé : manus detruncatïone puniri eadem
potna valetto imminente qui militem nobiliorïs gradûs
verberaverit.
Les écuyers, non-feulement dans les tournois,
mais encore dans les combats , n’avoient pas le
droit de porter les mêmes armes défenfives que
les chevaliers, ainfi que je le dirai, lorfque je
traiterai des armes : mais rien ne marque plus la
prééminence des chevaliers , que les qualités dont
les écuyers fe faifoient honneur, par rapport à eux,
comme de celle de famuli, de ferviteurs ; de va-
leti , de varlets. a En ce temps-là , dit une chronique
, il n’y avoit point de titre parmi la nobleffe
plus considérable que celui de braves varlets,
firenui famuli, comme on le peut prouver par les
Chartres, & celui de chevalier ».
Il eft parlé plufieurs fois de ces famuli dans
l’hiftoire en vers de Philippe-Augufte, compofée
par Guillaume le Breton.
A t famuli quorum eft gladio pugnare vel haftis,
Et famulos inequis tria millia, Sec.
Le nom de valet oü~ varlet, valetus ou vafletus,
pourroit,bien être un diminutif de vaffallus , pour
lignifier un jeune vaflal ; comme on appelloit
quelquefois domicellus , damoifeau , celui dont le
père s’appelloit dominas, feigneur ; titre que Ton
donnoit aux chevaliers. Celui de damoifeau fe
trouve en ce fens dans Amadis , dans quelques
vieux romans , & dans d’anciennes hiftoires : mais
il ne fe donnoit pas à touts les fils de chevaliers.
C ’étoit un titre particulier attaché à de certaines
feigneuries : il y a encore aujourd’hui le damoifeau
de Commercy. Ce titre eft , ou du moins étoit
autrefois , fort commun dans les pays de Touloufe,
du Rouergue & du Quercy. Il y en a quantité de
marqués dans le rôle de l’arrière-ban de 12 7 1,
fous Philippe-le-Hardi, pour l’expédition contre
le comte de Foix. Il y eft dit que Hugues d’Ar-
pajon alla à l’armée à deux chevaliers & onze
damoifeaux.
« M. Hugues de Balanguière à un chevalier &
cinq damoiliaux.
» Deodat de Cabus, fils de M. Bernartde Clargi,
a avec foi fix damoifiaux.
« M. Emery de Narbonne à douze chevaliers en
armes & en chevaux , & trente & un damoifiaux
en armes & en chevaux, &c. ».
M. Pithon 5 fur les coutumes de T ro y e s , Ôt
M. Ducange, dans fes notes fur Ville-Hardouin,
croyent que le nom de valet n’étoit pas donné à
touts les écuyers, comme celui de famulus, &.
qu’on ne le donnoit communément qu’aux fils des
plus grands feigneurs. Celui-ci, pour confirmer fa
penfée , remarque que Ville-Hardouin donne le
nom de valet au fils de l’empereur de Conftanti-
nople, & cite plufieurs endroits de nos anciens
romans françois fur ce fujet ; entr’autres le roman
de R o u , manuferit, o ù , en parlant de Guilîaume-
le-Conquérant, il dit :
Guillaume fut varlet petit
A Falaife pofé ôc norrit.
Et dans un autre endroit:
l£t me fit avoir en otage
Deux varlets de noble lignage
N ’ert mi chevalier, encore ert valleton..
Et en parlant de Henri I I , roi d’Angleterre :
; Cinquante-trois ans plus fa terre juftifa
Emprès la mort fon père qui varlet le laifla.
Mais en ces fortes de matières, qui regardent
les anciens ufages, il éft dangereux de faire des
propofitions trop générales ; car quoique par tout
ce que je viens de dire, il paroilfe confiant que le'
nom de varlet & àéécuyer ne fe donnoit qu’aux
jeunes gentilshommes ou feigneurs, qui n’étoient
point encore chevaliers ; cependant je trouve un
exemple contraire, où le titre de chevalier eft
joint à celui de varlet : c’eft dans l’inventaire des
chartr.es , où Guillaume de Marcil eft dit chevalier,
v ale t, feigneur dudit lieu. Je laifle aux fçavants ,
en cette matière, à réfoudre cette difficulté.
Quoi qu’il en foit, après toutes ces réflexions 3
on ne doit pas s’étonner fi le nom de varlet a
été fi longtemps , dans la maifon de nos rois, attaché
à des offices qui étoient exercés par des
perfonnes de qualité. Dans un état des officiers de
la maifon du roi Charles V I I I , pour l ’année 1490,
on en v o it , parmi les officiers de l’échanfonnerie,
qui portoient le titre de varlets tranchants. En
voici l’extrait :
« Varlets tranchants, Louis d’A u x , écuyer, premier
varlet tranchant, quatre cents livres : Poncet
de Biron, Antoine deVefque, Charles du Mef-
nile, Jacques de Graflas , Jean d’Arpajon , Charles
de Harcourt, Jacques le Sénéchal,- Jacques de
V e fq , écuyers > chacun quatre cents livres ». Et encore
dans un compte de Florimond-le-Charron ,
du temps de François I , l’an 153$ , les feigneurs
de Clermont-Lodève , de Clermont-Dampierre 3
de Matignon, 'de Liancourt, & d’autres de ce
rang, exerçoient le même office , & portoient le
même titre.
Enfin, pour finir cet article, je remarquerai que
Charles V I I I , dans diverfes lettres qu’il écrivoit,
pour s’informer de la fanté de Charles Orland
dauphin, fon fils, qui ne vécut guè-res que trois