
La compagnie. ayant rempli cet engagement,
hauiTa Ton dividende à fept* & enfuite à huit,
lorfqu'elle eut éteint la moitié de fa dette, connue
fous le titre de billets d'engagement, Se qui
était de 67,500,600 liv.
Depuis l'origine de la compagnie , les intéref-
fés avoient toujours choifi chaque année vingt-
quatre d’entre eu x , pour conduire leurs affaires.
Quoique- ces agens puflent être réélus jufqu’à
trois fois de fuite , & que les plus accrédités
réuflifTent aïTez fouvent à fe procurer cet avantage
, ils étoient dans une trop grande dépendance
de leurs çommettans pour former des plans bien
fuivis, & avoir une conduite courageufe. Le parlement
ordonna que dans la fuite tout direéleur le
1er oit quatre ans, Se que le quart d e là direc-,
tion feroit renouvellé chaque année. -
La çonfulîon qui végnoit dans les délibérations,
donna l'idée d’un autre réglement. Jufqu'alors
les affemblées publiques avoient été tumultueufes,
parce que le droit d'opiner appartenoit à tout pof-
fefleur de 11,250 liv. On arrêta que dans la fuite
le fuffrage ne feroit accordé qu’ àçeüx qui auroient
ledoùble de cette fomvftê. Ils furent même ailreints
à affirmer, fous ferment, qu’ ils étoient véritable
:ment propriétaires de ce capital, Se qu’ils
l’étoient depuis un an entier.
Indépendamment des changemens ordonnés par
le parlement, la compagnie fit elle-même un arrangement
d’une utilité | fenfible.
C e grand corps conçut dès fon origine l’ambition,
d'avoir une marine. Elle n’exiftoit plus lorf-
qu’il reprit fon commerce au temps du protectorat.
Prefle alors de jouir, il fe détermina â fe
fervir des bâtimens particuliers 5, & ce qu'il avoit
fait par nécefïité, il le continua depuis par économie.
Des négocians lui frétoient des vaifleaux
tout équipés, tout avitaillés, pour porter dans
l’Inde , & pour en rapporter le nombre de tonneaux
dont on étoit convenu. Le temps qu’ils dévoient
s’arrêter dans le lieu de leur deflination
étoit toujours fixé. Ceux auxquels on n'y pou-
voit pas donner de cargaifon, étoient communément
occupés par quelque marchand libre, qui
'fe chargeoit volontiers du dédommagement dû
à l’armateur. Ils dévoient être expédiés les premiers
l’année fuivante, afin que leurs agrès ne
s’ u fa fient pas trop. Dans un cas de nécefïité,
la. compagnie leur en fournifToit de fes magafïns.
mais elle fe les faifoit payer au prix ftipulé de
cinquante pour cent de bénéfice.
Les bâtimens employés à cette navigation, portaient
depuis fîx cents jufqu’ à huit cents tonneaux.
La compagnie n'y prenoit, à leur départ, que
la place dont elle avoit befoin pour fon fer , fon
plomb, fon cuivre, fes étoffes de daine, & des
Vins de Madere*, les feules marchandifes qu’elle
envoyât aux Indes- Les' propriétaires pouvoient
remplir ce qui reftoit d’ efpace dans le navire,
des vivres néceffaires pour un fi grand voyage,
& de tous les objets dont le corps qu’ils fervoierit
ne faifoit pas commerce. Au retour , ils avoient
aufii le droit de difpofer de l'elpace de trente
tonneaux, que par leur contrat ils n’avoient pas
cédé. Ils étoient même autorifés à y placer les
mêmes chofes que recevoit la compagnie, mais
avec l’obligation de lui payer trente pour cent
de la valeur de ces marchandifes.
C e droit, en 17 7 3 , ^ut Induit à la moitié,
dans Pefpérance que cette faveur engageroit les
armateurs Se leurs agens à mieux remplir leurs
obligations, de qu’elle feroit cefler les importations
frauduleufes. Le nouvel arrangement n'ayant
pas produit l'effet qu'on en attendoit, la compagnie
a pris enfin le parti de s'approprier toute
la capacité des bâtimens. Depuis cette réfplution s
elle importe la même quantité des marchandifes
fur un plus petit nombre de vailfeaux, Se fait
annuellement une économie de 2,2505000 liv. En
1777 , elle n'a expédié que quarante-cinq navires,
formant trente-trois mille' cent foixante Se um
tonneaux , Se montés par quatre mille cinq cents
hommes d’équipage.
- Le chirurgien de chaque bâtiment arrivé des
Indes, reçoit , outre fes appointemens, vingt-
quatre livres de gratification pour chacun des individus
qu’il ramène en Europe. On a .penfé avec
raifon que ce chirurgien, mieux réçom^|nfé „ pren-
-droit plus de foin de ceux qu'on lui confioit.
Se que la vie d'un matelot valoit mieux qu'une
guiriée. Si le même ufage ne s’efl pas établi ailleurs,,
(Alt qu'on y eftime phi,s le chirurgien , ou qu'on
y fait moins de cas de l’homme.
La réforme introduite en Europe dans le régime de
la compagnie . étoit fage & nécefiaire : mais c'étoit
fur-tout aux Indes que l’humanité ,-que la juftice
que la politique, étoient outragées. Ces terribles
vérités n’échappèrent pas au gouvernement, Sc
l’on va voir quels moyens il imagina pour rétablir
l’ordre. h . ,,, -
Les membres les plus hardis ou les plus ambitieux
de l’adminiftiation penfqient qu’il falloit
engager le. corps légiflatif à décider que les ac*-
quifitions territoriales faites en Afie n’apparte-
noient pas à la compagnie, mais à la nation , qui
s’ en mettroit en ppffeffion fans retardement. C e
fÿftême, de quelque1 raifonnement qu’on l’eût
etayé, auroit été sûrement rejeté. Les citoyens
les moins éclairés auroient vu que cet ordre de
chofes devoit donner trop d’influence à la couronne
} Il auroit alarmé jufqu’à ces âmes vénales,
qui jufqu’ alors avoient été les plus favorables à
l’autorité royale.
Le parlement crut devoir fe borner à établir
pour le Bengale un cbnfeil fuprême compofé de
cinq membres , dont les places, à mefure qu’ elles
deviendraient vacantes , feraient remplies par la
compagnie, mais avec l’approbation du monarque.
L’adminiftration abfolue de toutes les provinces
conquifes dans cette région, fut déférée à ce
confeil. Sa jurifdiétion s'étendoit même fur toutes-
les autres contrées de l ’Inde oii les anglois ont
des pofleflions. Ceux qui exerçôient l’autorité ne'
pouvoient faire , fans fon aveu , ni la guerre, ni la
.paix, ni 'aucun traité avec lés princes du pays.
Il devoit obéir aux ordres qui lui venoient dé lai
direction, qui de fon côté étoit obligée de remet- ;
tre au miniltère toutes les informations qu’ elle
recevoit. Quoique les opérations du commerce ne.
fuflent pas aflujeties à fon infpeétion, il en étoit
réellement l’arbitre, parce qu’ayant feul la dif-
pofition des revenus publics, il pouvoit à fon gré
accorder ou refufer des avances.
Après avoir mis les rives du Gange fous une
forme de gouvernement plus fupportable, il fallut
s'occuper du foin de punir ou même de prévenir
les atrocités qui. fouilloient de plus en plus
cette riche partie de l’Afie. On permit que dans
les autres établiflemens. la juftice civile & criminelle’
continuât à être rendue par les. principaux
■ agens de la compagnie ; mais il fut créé par
le parlement , pour le Bengale, un tribunal
compofé de quatre magiftrats , dont la nomination
appartient au trône, Se dont les arrêts ne
peuvent être caflfés par le roi en fon confeil prive.
Tout Commerce elt interdit à fes juges, ainfi
qu'aux membres du confeil fuprême. Pour les con-4;
foler de cette privation , on leur a afligné des honoraires
, trop confidérables au gré des aétion-
naïres, obligés de les payer fans les avoir ni réglés
ni accordés.
Un abus & un grand abus s'étoit introduit aux
Indes. On y élevoit de tous côtés des fortifications
fans néceflitéi quelquefois même fans une
utilité apparente. C ’étoit la cupidité feule des
agens de la compagnie qui décidoit de ces conf-
truéiions. Elles avoient coûté plus de cent millions
en très-peu d’ années. La direction arrêta ce détordre
affreux , en réglant fagement la tomme
qu’on pourroit employer dans la fuite à ce genre
de dépenfe.
: L'efprit d’ordre s’étendit au recouvrement^des
revenus publics , à la tolde des troupes , à la
marine militaire, aux opérations du commerce,
à tous les objets d'adminiftration.
LeGrand-Mogol s'etoit réfugié dans le Bengale.
On lui avoit afligné une penfîon de 6,240,000 liv.
pour fa' fubfiftance. Il fut replacé fur le trône
par les Marattes , les Anglois fe virent déchargés
d’une efpèce de tribut qu’ils ne fuppor-
toient pas fans impatience , depuis qu’ils n’avoient
plus befoin de ce foible appui. Le hafard ne les
fervit pas fi heureufement pour dépouiller le Souba
de cette contrée j & cependant ils réduifirent à
7,680,000 liv. le revenu de 12,720,060 liv ., que
par le traité de 1765 . ils s’étoient obligés de lui
faire. Son fuccefleur fut même borné en 17 7 1 ,
à 3,840,000 liv. , tous prétexte qu’ il étoit mineur.
Il a effuyé depuis une nouvelle diminution^
parce qu’on n’emploie plus ton nom,
dont jufqu’en 1772 on: avoit cru devoir fe fervir
dans tous les aCtes de touveraineté.
Il étoit impofïible que toutes ces réformes ne
comblaflent le précipice que.la prétomption, la
négligence, les faCtions, le brigandage, les délires
de tous les genres avoient creufé à la compagnie.
On jugera à quel point fa fituation s’efl:
améliorée.
Au 31 Janvier 17 7 4 , ce corps, dont les prof-
pérités apparentes étonnoient l’univers entier,
n’avoit que 255,240,742 livres 10 fols. Il devoit
250,847,842 liv. 10 f. La balance n'étoit donc
en fa faveur que de 4,392,900 liv.
Son capital, au 31 janvier 17 7 6 , étoit de
256,518,067 liv. & fa dette de 195,248,65 5 liv.
Sa richefle étoit pâr conféquent augmentée en
deux ans de 46,8765512 livres 10 fols.
Il a depuis remboufé 11,506,680 liv. Il a retiré
pour 11,250,000 liv. de fes billets d’engagement.
Il a éteint plufieurs dettes anciennement
contractées aux Indes 3 de forte qu’au 3 r janvier
1778 , la compagnie avoit la difpofition entièrement
libre de 102,708,112 liv. 10 f. fans compter
fes magafîns , fes navires, fes fortifications ,
tout ^ce qui fervoit à l’exploitation de fes divers
établiflemens.
Cette prospérité augmentera à mefure que I'im-
menfe territoire acquis par les anglois aux Indes
fera mieux régi. En 1773 > ces pofleflions ren--
doient 113,791,252 liv. 10 fols : mais les frais de
perception en abforboient 81,1 53,652 liv- 10 fols.
A cette époque, le produit net fe réduifoit à
32,660, rôo liv. Il s'eft accru graduellement, parce
que quelques défordres ont été attaqués avec fuo*
cès; il augmentera encore, parce qu’il refte beaucoup
de défordres à détruire.
L’extenfion qu’a pris le commerce fera une nouvelle
tource de fortune. La vente de 1772 fut,
de 79,214,872 liv. 10 fols. Celle de 1773, de
7 1, 992,5 52 liv. 10 fols. Celle de 1774 , de
82,665,405 liv. Celle de 17 75 , de 78^27,712 liv.
10 fols. Celle de 1776 , de 74,400,457 liv. 10 f.
Nous indiquerons à la fin delà feétion fécondé ,
l’aétif & le pafîîf de la compagnie, telle qu’on
l’a énoncé au parlement dans les derniers débats
fur cet objet : le IeCteur fènt qu’il ne doit pas
compter ici fur une exactitude bien rigoureufe,
■ & que l'efprit de parti,. le minifière ou les vues
politiques de l’adminirtration altèrent fouvent la
vérité.
Ajoutez à ces grandes opérations de la compagnie,
la tomme de 11,250,000.liv'. à laquelle
on évalue les marchandifes qui arrivent tous les ans
clandellinement des Indes. Ajoutez-y 4,500,000 1.
pour les diamans. Ajoutez-y les fonds plus ou
moins étendus , mais toujours très-confidérables,
dont les anglois répandus dans les diiférens comptoirs
d'Afie ont fourni la valeur aux nations étran- j gères- Ajoutéz-y les richeflfes que ces négocians
emportent eux-mêmes à la fin de leur carrière,,
A a i