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de France, attiré par Louis S fo rce , duc de Milan
, les prétentions des angevins & des arrago-
nois, la part qu'y prirent Louis X I I & François
premier, les empereurs Maximilien & Charles-
Quint , & celle qu'y eurent les princes du pays,
ramenèrent les troubles & les ravages de la
guerre. La maifon de France & celle d'Autriche
parurent fe difputer le droit de l'attaquer ou de
la défendre. La querelle de ces deux maifons a
encore embrafé l'Italie de nos jours. Si une paix
prompte éteignit l'incendie, la mort de l'empereur
Charles V I y ranima le feu de la guerre.
Si les-vues particulières pouvoient céder à l’intérêt
général, rien ne feroit fi aifé que d'établir
le repos de Y Italie fur des fondemens folides. Les
princes qui en partagent la domination, n'auroient
qu'à s'unir intimement & former une ligue dé-
fenfîve, à la .tête de laquelle feroit le pape * en
confervant à chaque prince fa fouveraineté, &
remettant toute alliance étrangère j mais ce projet
fi fimple ne fera jamais exécuté.
Le nombre des fouverainetés de l'Italie, iesdi-
verfes formes de gouvernement qui y font reçues,
les divers événemens dont cette belle partie de
l'Europe a été le théâtre, & fur-tout le féjour
de la cour de Rome, qui é to it, il n'y a pas longtemps
, le centre des négociations des princes
catholiques, ont éclairé les italiens.fur leurs intérêts.
Mais chaque prince, peu touché de l'intérêt
général du pays , ne s'occupe que du foin
de faire réuflir fes defieins particuliers 5 & quel
eft le prince qui n'en a point ? Le roi d’Efpagne
& le roi de France veulent maintenir l'état de
l'infant, duc de Parme j le roi de Naples veut
augmenter le fîen ; le roi de Sardaigne ne fe croit
point en fureté ^ s'il n'augmente fa puiffance j fon
ambition & les reffources qu'il tire de fon économie
, lui infpirent des projets d'agrandilfement
qu'il fuit avec fuccès, ainlï qu’on le verra dans
l'article Piémont 5 il y a mille fujets de différends
entre les princes d'Italie j & les feules difficultés
du cérémonial empêcheroient qu'on ne
prît des mefures utiles à cette contrée ,* fi des
motifs fupérieurs n'y mettoient ohftacle. Chaque
état fe livre à des efpérances frivoles : une défiance
mutuelle les défunit tous j & à force de
fubtilifer & de raffiner fur leurs intérêts, ils s'éloignent
du point auquel ils devroient tous s'attacher.
Rien n'eft plus difficile que d'apprendre
aux hommes à négliger des fortunes ruineufes ,
à perdre à propos , dans certaines conjonctures
, pour acquérir plus fûrement dans d’autres.
Une vérité démontrée & une illufion vraifembla-
ble opèrent les mêmes effets fur les gouverne-
mens,
Au milieu de cette divifîon de leurs intérêts,
& tant qù'on fuivra le fyftême aéluel, il eft de
l'intérêt de tous les princes d‘Italie d'empêcher
4e Ja puiÆançç d.u pape, 4e Pelle
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du roi .des Deux-Siciles, & de celle du roi de
Sardaigne.
Lorfque les rois d'Efpagne de la maifon d'Autriche
avôient un établiffement en Italie, c'étoit
un axiome reçu que tout agrandiffement de la
puiffance des efpagnols affoibhffoit les forces de
Yltalie. C e que les italiens difoient alors du roi
d’Efpagne, ils ont dû le dire depuis la paix d'U-
trecht, de l'empereur d'Allemagne. L'empereur
Charles-Quint avoit réuni à fes états d'Allemagne
ceux que le roi Charles II poffédoit en Italie
, à l'exception du royaume de Sardaigne } &
la puiffance de cet empereur en Italie n'auroit pu
augmenter, fans qu'il fût en état de foumettre
toute Yltalie. Elle n'étoit déjà que trop grande ;
& fans la confidération delà France, ce prince
eût été le maître abfolu du fort des italiens. Tout
a changé de face depuis la mort de Charles VI j
une partie du Milanez a été démembrée en faveur
du roi de Sardaigne, dont la force eft devenue
plus confidérable , & les duchés de Par1-
me, de Pfaifance & de Guaftalla font paffés fous
la domination d'un infant d'Efpagne.^
Les forces temporelles du pape n'ont rien de
redoutable, au moins pour Yltalie confideree en
général, & fes armes fpirituelles font beaucoup
moins puiffantes qu'elles ne l'étoient jadis : mais on
doit toujours le furveiller, afin que celles-ci ne
reprennent point l'efficacité qu'elles ont perdue.
Les autres princes d’ Italie doivent craindre fans
ceffe que l'influence qu'a encore le pape dans
quelques cours, & fur-todt en Italie 3 n'augmente.
On ne doutera point de cette vérité ^ fi l'on fait
attention aux excès auxquels la religion mal-entendue
a porté les peuples & à l'ufage que divers
papes ont fait de leur autorité.
L'attention doit fe porter auffi fur le roi des
Deux-Siciles & celui de Sardaigne. Les fujets de
crainte que les petits princes d ’Italie avoient de
la puiffance de la maifon d'Autriche, n'ont fait
que changer d’objet ; c’eft la puiffance du roi des
Deux-Siciles , c’eft celle de l'infant d'Efpagne ,
c’eft celle du roi de Sardaigne qu'ils doivent aujourd'hui
appréhender. Les petits princes font environnés
de dangers $ & ce qu’ils gagnent d'unç
part pour leur fûreté, ils le perdent de l'autre.
Leur indépendance n'eft jamais fûre.
Les princes d’Italie doivent donc fe fervir alternativement
du pape, du roi des Deux-Siciles,
du duc de Parme, du roi de Sardaigne, pour
éviter qu'aucune de ces puiffances ne les accable.
Ils doivent auffi fe ménager l'alliance du roi très-
chrétien , pour les oecafions où ce monarque
aura quelque intérêt à les protéger. La France ne
formera déformais aucune prétention fur Y Italie;
elle n'y a aucun établiffement j mais le voifinagè
dé Tes états lui donne des moyens faciles d’aller
au fecours des princes opprimes.
Les fecours de cette puiffancé peuvent être
Hpiles aqxprinççs d’ Italie $ mais çes princes 4Qi~
Vent craindre que ces fecours ne foient dangereux.
S'ils ont un intérêt capital de fe.ménager une ref-
fource du côté de la France, ils en ont un plus
grand d'écarter les oecafions d'en avoir befoin.
Ils ne fauroient jamais prendre part aux querelles
-des maifons de France & de Savoie, fans partager
avec ces maifons les dépehfes & les périls
d'une guerre, dont ils ne peuvent tirer aucun
avantage.
C'eifc principalement de la bonne intelligence
entre les papes & la république de Venife , dont
les états font limitrophes par mer & par terre ,
que dépend le repos de Yltalie. Une crainte commune
doit unir ces deux puiffances. La cour de
Rome a eu fouvenc à fe plaindre des vénitiens ;
la république s'eft élevée la première avec fuc-
ces contre les prétentions des fouverains pontifes.
Elle a toujours fubordonné les prétentions des
papes à la raifon d'état 5 & nous ne citerons pour
exemple que la querelle de l’interdit, où faint
Pierre fut contraint de céder à S. Marc ; l'affaire
de la Sala regia j le différend avec Urbain au fu-
jet de l'évêché de Padoué, auquel le fénat ne
voulut jamais admettre le cardinal Cornaro, parce
que fon père étoit doge lorfque le pape lui conféra
cet évêché j la réfiftance que le fénat fit
toujours au nonce Altoviti, qui ne vouloit aller
à l’audience fans la mantelletta : enfin le différend
que les vénitiens ont eu avec le pape , au fujet
du patriarchat d'Aquilée. Et ce qui paroîtra bien
extraordinaire, la cour de Rome n'a pas de meilleurs
amis que les vénitiens.
En effet, la république de Venife a pris ordinairement
l'intérêt général de Yltalie pour la règle
de fon intérêt particulier. Je dis ordinairement
5 car elle a eu quelquefois l'ambition des
conquêtes, dont les républiques ne font pas agitées
avec moins de violence que les monarchies.
Les vénitiens ont quelquefois fubftitué à la ré-
folution de veiller pour la liberté de Yltalie 3 celle
de l'affujettir} car la guerre de Ferrare en eft une
preuve.
De ce que l’union de la cour de Rome & de
la république de Venife peut être utile à la liberté
de Yltalie 3 les autres princes doivent defirer cette
union. Ils doivent s'attacher 3 félon les oecafions,
à la maifon de France ou à la maifon de Savoie 3
aux intérêts du roi de Sardaigne, ou à ceux du
roi des Deux-Siciles & de l’infant, & effayer de
mettre entre les dominateurs de Yltalie 3 l'éqyi-
libre que l’Angleterre & la Hollande tâchent depuis
fi long - temps d'établir en Europe entre la
maifon de France & celle d’Autriche j celui que
les princes du nord doivent s'efforcer d'établir
c.hez eux , & celui qu'il feroit convenable d'amener
entre les puiffances maritimes.
JUD1C A T U R E , JUGES. Nous établiffons
ailleurs les principes fur la puiffance judiciaire.
Voyei les articles D é m o c r a t i e , A r i s t o c r a t
i e , M o n a r c h ie & P u is s a n c e j u d i c i a i r e :
nous voulons examiner ici quelle eft l'adminiftra-
tion de la juftice aux diverfes époques de la fo-
ciété : pourquoi elle commence d'abord par former
l'un des revenus du fouverain, & comment
elle devient enfuite une dépenfe : nous parlerons
de.quelques abus de chacune de ces combinaifons ,
& nous ne manquerons pas d'indiquer les principes
qui pourroient fervir de remèdes.
C e qui regarde la vénalité des charges de ju -
àicature, fera traité dans un autre endroit. Voye%
l'article V énalité.
Si l'on fuit lesfociétésdans leurs développemens
& leurs progrès , on voit qu'à la première époque
de la vie paftorale, au moment où il s'établit
un chef parmi les bergers , ceux-ci forment
une efpèce de petite nobleffe , intéreffée à défendre
la propriété & à maintenir l'autorité de
leur petit fouverain, afin qu'il foit en état de
défendre & de maintenir les leurs.
L'autorité judiciaire d’un pareil fouverain, loin
d'être pour lui une occafion de dépenfe , a été
long-temps une fource de revenu. Les perfonnes
qui s'adreffoient à lui pour demander juftice ,
étoient toujours difpofées à la payer, & un pré-
fent ne manquoit jamais d'accompagner leur requête.
Lorfque l'autorité du fouverain eut jette
de profondes racines, Je Coupable étoit obligé
de lui payer une amende pécuniaire, indépendamment
de la fatisfaérion qu'il faifoit à l'offenfé. Il
avoit embarraffé , troublé , rompu la paix du roi
fon feigneur, & l'o n croyoit que pour cela il de-
voit payer une amende pécuniaire. Dans les gou-
vernemens tartares de l ’A f ie , dans les gouverne-
mens d’Europe fondés par les feythes & les germains
fur les ruines de l’Empire romain , l’admi-
niftration de la juftice étoit d'un grand rapport ,
tant pour le fouverain que pour les chefs inférieurs
ou barons, qui exerçoient fous lui line ju-
rifdiétion fur une certaine horde ou tribu , ou fur
un territoire ou canton particulier. Le fouverain
& ces chefs inférieurs commencèrent par exercer
cette jurifdiétion en perfonne. Ils trouvèrent en-
fuite plus commode pour eux de la déléguer à un
fubftitut, bailli ou juge. C e fubftitut étoit cependant
obligé de rendre compte au fouverain
conftitüant, des profits de la jurifdiétion. Quiconque
lit les inftruétions données aux juges an-
glois de tournée fous le règne d'Henri I I 3 verra
que les juges étoient une efpèce de faéteurs am-
bulans prépofés pour aller dans le pays lever certaines
branches du revenu du roi. Non-feulement
l’adminiftration de la juftice rapportoit alors un
revenu au fouverain , mais il femble que ce
revenu étoit un des principaux avantages qu'on
fe propofoit dans l’adminiftration de la juftice.
Cette intention de faire fervir la juftice à des
vues fifcales , ne pouvoit guère manquer de produire
des abus crians. La perfonne qui venoit demander
juftice avec un préfent confidérable, devoir
naturellement obtenir quelque chofe de plus