
toient guère moins dangereux pour les citoyens :
ce n’étoit donc pas allez de circonfcrire l’ auto-
rité ftathoudérienne dans de juftes bornes , il fal-
loic encore circonfcrire & régler celle des ariftocrates,
tyrans de leurs concitoyens. Les patriotes
y travaillèrent de leur mieux , dès qu'ils s’apper-
çurent que le; grand nombre des régens qui
les avoient excités & encouragés à s’armer contre le ftathouder , n’avoient pris le mafque du pa*
tr*°c*fme le plus épuré , que pour abattre l’autorité
ftathoudérienne, & s’en faifir. Dès que les
ariftocrates penfèrent avoir dompté le ftathouder, i
ils laiffè rcnt tomber le mafque : on les connut I
alors tels qu’ils étoient : on les apprécia à leur
jufte valeur, & les patriotes s’apprêtèrent à réprimer
leur audace 3 & à leur diiputer le terrein
pied à pied j ils demandèrent à jouir de leurs
droits & privilèges : attachés au petit nombre
de régens dont les intentions étoient pures 3 &
à ceux qui n’avoient pas jugé à propos de fe
demafquer encore,, les patriotes purgèrent dans
la province de Hollande, la plupart des régences
-de tous les membres ftathoudériens ou ariftocra-
tes connus pour tels. La bourgeoise d’Utrecht i
avoir donné l’exemple à celle de Hollande. Ce- |
pendant £j quelque précaution que l’on prît', il
refta toujours beaucoup de mauvaifes plantes
parmi le bon grain. C e font ces régens -, foi-difant
patriotes , qui ont fait le plus de tort à la caufe
patriotique^ : ce font eux qui ont réellement
plongé la.république dans l’efclavage honteux où
elle eft dans ce moment. C e font eux qui ont
empêché de tout leur pouvoir le triomphe des
patriotes , en le retardant par des réfolutions
tout-à-fait oppofées au bien de l’état, en fe fer-
vant de prétextes & de détours pour éluder les
juftes demandes des patriotes, en remettant à
des temps indéfinis des réfolutions vigoureufes
qui auroient dû être prifes fur le champ, &'en
croifant même fous main des démarches qui
étoient décifives pour le triomphe de la liberté
civile. Enfin ce font les ariftocrates, déclarés &
cachés,- qui font devenus à la fin les plus grands
ennemis des défenfeurs de la liberté.
Le ftathouder des Provinces- Unies eft fouverain
dans plufieurs parties de l'Allemagne, & il a en
cette qualité plufieurs voix à la diète de l’Empire.
Nous avons parlé à l’ article N assau de
ces divèrfes poifeffions qui achèvent de le ‘rendre
un grand perfonnage ,’ & qui lui donnent de nouvelles
facilités pour affervir les Provinces-Unies.
Voye% l’article. N assau.
Des derniers troubles des Provinces-Uni es & de la
révolution opérée par les foldats du roi de
Prujfe.
Nous traitons avec beaucoup d’étendue ce qui
rapport à la dernière révolution des Provinces-
Units ; c’eft une fi grande leçon pour les peupies
libres ! & il ne s’agit pas moins qtie de, la
décadence & de l’anéantiffement d’une nation qui
faifoic 1 admiration de l’unrvérs.
Nous n effayerons pas de tracer en détail l’hîf-
tonqu“ des Provinces - Unies. Les réfolutions des
états des diverfes provinces ont-été fi multipliées
■ " î-*2-J/tra^ t0*res * eHes ont embraffé tant d’ob-
£ tS ,, r : ^es opérations des Etats-Généraux
& celles du ftathouder ont été de même fi variées
&-fi nombreufes, qu’il faut biffer ce foin
a un hollandais qui aura fuivi les progrès de la
gueire civile, & q u im a lg r é fes connoiffances
locales, aura encore beaucoup de peine à débrouiller
ce cahos. Nous n’indiquerons ici que les
points principaux.
Le cabinet de Saint-James ayant réclamé dans
la dernmre guerre le fecours des Provinces-Unies 3
dont il etoit allié 3 la province de Hollande entraîna
les Etats-Généraux qui ferefufèrent à cette
prétention mal fondée. L ’Angleterre déclara la
guerre aux hollandois; Le cabinet de Verfailles
ht avec^ les hollandois un traité d’alliance, qui
leur a ete bien utile , puifqu’il a fauve leurs éta-
blmemens du cap de Bonne Efpérance & de
, y an , &_que leur commerce & leur marine
n ont pas efiuye en Europe les pertes qu’ils au-
roient eliuyees fans cette alliance. Tout le monde
fait avec quelle foiblefle les Provinces-U niés ont
fait la guerre aux anglois chacun l’attribuoit à
la mauvaife volonté du ftathouder que des liens
de parente & d autres motifs attaohoient à la
Grande-Bretagne.
La province de Hollande, plus riche que les
autres, fentit davantage cette humiliation , &
montra plus de reffentimenr.
^-e Pr!nce d Orange s’étoit rendu odieux aux
états de Hollande & aux provinces qui forment
le parti patriotique3 par le refus qu’ il fit de doh-
ner ordre à la flotte holbndoife d’aller joindre
celle de France à Breft. Le comte de B ybn-fut
prive de fon rang & de fon commandement militaire
, pour n’avoir point formé cette joiiâion
félon les ordres des Etats - Généraux. Le duc
de Brunfwick fut enfuit© forcé de donner
la demiffion de tous fes emplois au fervice de la '
république, pour avoir empêché l’amiral Bylan
d’effe&uer cette jonCtion. La dépofition de l’amiral
& le renvoi du prince irritèrent lé ftathouder
: la méfintelligence ne fit que s’accroître, &
la gueïre civile commença. -
La plupart des provinces étoient révoltées de
la maniéré dont on avoit fait la guerre ; les ariftocrates
& le peuple fe pbignoient d’ailleurs ‘des
ufurpations du ftathouder, & ils alléguoient contre
lui mille griefs. Ces griefs n’étoient que trop
fondes. On peut en juger.
Le ferment que le ftathouder prête à fon avènement
a cette place, eft conçu en ces termes :
« Je jure & promets aux états confédérés des
Pays B a s , nommément à la haute &■ moyenne |
nobleffe , & aux magiftrats des villes de Hollande
& de Weft-Frife qui repréfentent les états de ces
provinces , de leur garder obéiftance & fidélité j
comme aufli de tenir la main à ce que les officiers
de l’armée, qui font fous mes-ordres, ôbeif-
ïent aux loix & aux ordonnances établies par les
états confédérés, & particuliérement par ceux de
Hollande ». •
Les . foldats prêtent un ferment à-peu-près
femblable aux états, & ne doivent obéir au
ftathouder que dans ce qui a rapport à la guerre j
le ftathouder , d’un autre côté, n’a point le pouvoir
de lever ni de licencier les troupes : ce privilège
appartient exclufivement aux Etats-Généraux
, qui eonfultent le capitaine • général, mais
ne font pas obligés de fuivre fon avis ..5,. il n’a non
plus aucun pouvoir concernant la folde 3 les ré-
compenfes, &c. Les..états fe réferyent’ auffi le
droit de nommer les gouverneurs des villes frontières
5 le ftathouder choifit les autres officiers d’après
une double nomination des feigneurs-états j
mais, pendant le cours d’une campagne, il nomme
aux portes qui; viennent à vaquer. 11 ne peut entrer
en campagne , affeoir un camp , affiéger une
ville , faire, une incurfion fur le pays ennemi j en
un mot » rien entreprendre d’important fans le
confentëment & les ordres exprès des Etats-Généraux.
Quand il a quelques deffeins que la publicité
rendroit impraticables, en ce cas , il dit
feulement aux états qu’il eft occupé d’un projet
pour le bien du pays ; mais il eft obligé de démontrer
quelques-uns des.avantages .qui en peuvent
réfulter , Se d.* fixer, en gros la dépende, qu’il
pourra exiger, demandant en. même-temps à l’af-
fembiée des états, qu’ il fq.it nommé.deux,ou trois
de T s membres,, avec : leTquels il puifle s’ouvrir
fur les particularités de fo.n elitreprife j ces
députés nommés, il leur fait.part.de fes intentions,
ils .en inftruifent les états , fans entrer dans
aucun détails quand les .états ont donné, leur
confentement, le général fe prépare: ^ partir , &
leur lailîe le foin de pourvoir a tout ce qu’exige
l ’qntrepfife. Lorfqu’il prepd çongé , on lui afiigne
trois ou quatre députés, pour,repréfenter les états,
& être fon confeil à l ’armée».
Le ftathouder n’ayant point commandé la manne
dans la dernière guerre , il. n’avoit pas m’ême
de prétexte pour la défeiafe;4es droits qu’il ufiirpoit.
L’aé^e. de l’pnion d’.Utrecht mal interprétée des
ufuvpationsf qui femblqient confitmee^par J’.ufage j
la négligence inconcevable avec laquelle tous- les
aétes relatifs .au-ftathouder fe. trouvoient rédigés, j
les privilèges qu’d réclamoit en -qualité de fou-
verain d’ une multitude de cantons des Provinces-
Unies , & en vertu de beaucoup d’autres titres.
équivoques j l’influence du ftàthoudérat qui depuis
1747 s'exerçoit avec fuccès 3 la populace des villes
& des provinces -mécontente, ddi ariftocrates ,
& toujours difpofée.à favorifej; les vues d’UP
feul maître | refpoir des charges & de l’avance“
ment qu’efpéroient les nobles & les bourgeois S
la méprife de quelques ariftocrates qui fe croyoient
intérefïes perfonneljement à faire caufe commune
avec le ftathouder contre le peuple} l ’appareil de fous
veraineté qui l’environne.j les feryiees de la mai-
fon, d’O range} le mariage de Guillaume V avec
une *pr.incefle de Pruffe, qui en impofoit à tout
le monde j une foule d’autres caufes fecrètes donnèrent
des parti fans aux llathouders, & la divi-
fion ne tarda pas à s’introduire parmi les provinces
qui fembloient'difpofées d’abord à lbutenir la province
de Hollande. ' : . ; ' ■
Celle-ci croyant entraîner la pluralité, des; fix
autres , ou perfuadée que, par fa puiffance & fa
richefife , elle dideroit elfe ^eule la loi aux états
confédérés dans une cau/e fi jufte ,.;iiq ménagea
rien : elle ôta au ftathouder le commandement
d© ,1k gàrnifon de la Haye : ( -nous ’ avons dit plus
haut que le commandeypent de la Haye n’avoit
jamais été attaché irrévocablement à la charge
de capitaine général ) : elle le fnfpendit bientôt
de fes charges. Le prince, qui ne pouvoit décemment
relier à la H a y e , quitta la province de
Hollande , & il mit en ufage tous les moyens
qui dépendoient de lui pour fortir triomphant
d’ une querelle aufiî vive. L ’ affaire des deux villes
de l;a Gueldre, Hâttem & Elhourg , qui fermèrent
leurs portes & s’armèrent courageufement contre
les ufurpations des nobles de cette province,
commença; les hoftilités. Nous avons expliqué à
l ’article G ueldre comment les villes & le plat
pays ne jouent aucun rôle dans les états de cette
province , & Comment les nobles, dévoués au
. ftathouder, dominent à l’ alfemblée fouve fai ne de
cétle république.
Lç 31 août 1786 les états de la Gueldre ,
c’eft-à-dire les nobles de cette province , rélolu-
rent de charger .immédiatement S. A.. S . , comme
capitaine général, d’y envoyer un nombre fuffi-
fant fte ‘.troupes , fous le commandement d’un"
officier expérimenté, avec injonction d’y relier
jù'fqu’à nouvel ordre 5 que fi les habitans faifoient
réfiftahCé, il fût enjoint au fufdit officier comr
mandahf'd’éuiblir garnifon dans les deux villes, :
malgré tous les obftaçles, & d’ ufer de violence
& de ‘fôirce pour le maintien de l’autorité fou*
veraine.
On apprit bientôt l’évacuation des deux villes
d’Elbourg & dé.Hattem, qui furent abandonnées
par les garnifons bourgeoifes qui s’y étoient jet-
tées , & p,ar la plupart des habitans. La première
de ces villes,, qui n’ a que quelques fortifications,
n’étoit capable de réfifter qu’à l’artillerie d’uu
petit calibrey .elle, ne pouvoit foutenir, même
durant;.peu de temps, la greffe artillerie. Hattem
étoit abfblument hors d’état de fe défendre avec
le moindre^ efpoir de fuccès, & les régens eurent
raifon d’etig-ager les milices bourgeoifes Se les h^r
bilans à ne pas fe facfifier inutilemenî.