
ne font point affiirées. contre Je feu, T e rifque
de la mer alarme plus de monde , & la proppr-
tion dès vaifleaux ^flurés à'ceux qui ne le font
pas , eft beaucoup plus confîdérable. On en voit
pourtant grand nombre fe mettre en mer dans
toutes les faifons, & même en temps de guerre,
fans être aflîirés. Peut-être n'y a-t-il quelquefois
aucune imprudence à le faire. Lorfqu’une compagnie
ou un gros négociant a vingt ou trente
vaifleaux en mer, ils s’aflufent , pour ainfi dire y
l'un l'autre. Là prime épargnée fur tous , peut
être plus que fuffifante pour indemnifer des pertes
que doit amener le cours ordinaire des chances.
Mais la plupart de ceux qui négligent de
faire affurer les vaifleaux comme les maifons, ne
font pas un calcul fl délié} leur négligence eft
la fuite de la fécurité que donne le mépris téméraire
& préfomptueux du rifqùe à courir.
Le mépris du rifque & l’efpérance préfomp-
tueufe du fuccès ne font jamais plus aélifs que
dans ce période de la vie * où lès jeunes gens font
choix de leurs -profeflions. Que la crainte du
malheur foit bien foible à cet âge , en comparai-
fon de l’efpoir du bonheur, c’eft ce qu'on voit
fur-tout dans la facilité avec laquellede bas peuple
s'enrôle pour être foldat > ou aller fur mer.
Oiv fent allez ce que peut perdre un Ample
foldat. Sans avoir aucun égard au danger , les
jeunes volontaires ne s'enrôlent jamais fl gaiement
qu'au commencement d'une nouvelle guerre ; &
quoiqu'ils n'aient pas la moindre probabilité de
s'avancer , leur imagination vive fe repaît de mille
occaflons d'acquérir de l'honneur & ae la diftinc-
tion , qui-ne fe préfentent jamais. Ces illuflons
romanefques font tout le prix de leur fang. Leur
paie eft moindre que celle des bas ouvriers, & la
fatigue de leur fervice beaucoup plus grande.
La loterie de la mer n'eft pas tout-à-fait A
défavantageufe que celle de l'armée. Le Aïs d'un
honnête artifan peut s’embarquer avec le confen-
tement de fon pere 5 il ne l’ aura pas pour fe faire
foldat. Les autres voient quelqu'apparence qu'il
ne perdra pas fon tems dans le ferviee de mer 3
& il eft le feul qui en voie à réuflir danis celui de
terre. Par les règles de la préféance, un capitaine
de vaifleau a le rang d'un colonel ; mais il
ne l'a pas dans l'opinion publique. Moins il y à
de lots confidéràbles dans une loterie,^ plus il y
en a de petits. Quoique la fcience & Padrefle de
ceux qui s'adonnent à la marine , foient fort fu-
périeures à celles de prefque tous lès artifans, &
quoique leur vie foit une fuite continuelle de
fatigues & de dangers, cependant, tant qu’ils
relient dans la condition de Amples matelots, ils
reçoivent à peine d'autre récompenfe que celle
d'endurer les unes & de furmonter les autres.
Ils ne gagnent pas plus que les manoeuvres au
p ort, où le falaire de ceux-ci règle le leur. Comme
ils vont continuellement *d'un port a 1 autre ,
çq qu’on paye par mois à ceux qui font YQÎlp de
tous les différens ports de la Grande-Bretagne J
eft plus uniforme que ce qu'on paye à toute autre
clane d'ouvriers en des lieux différens ; & le tau*
du port d’où s'embarquent & auquel abordent le
plus grand nombre, c'eft-à-dire, le'taux du port
de Londres, eft celui qui règle tout le refte. A
Londres; le falaire de la plus grande partie des
diverfes ciafles d'ouvriers , eft d'environ le double
de ce- qu'il eft pour les mêmes ciafles à Edim-
bourg. Mais les marins qui font voile du port
de Londres , gagnent rarement par mois trois ou
quatre fchelings de plus que ceux qui font voile
du port de Lèith, & fouvent la différence de leur
falaire ne va pas jufques-là. Dans les temps do
paix & dans le fervice de la marine marchande,
le prix de Londres eft depuis une guinée Jufqu à
environ vingt-fept fchelings par mois, tandis qu'un
Ample manoeuvre peut y gagner de quarante a
quarante-cinq fchelings , fur le pied de neuf ou
dix fchelings par femaine. Il eft vrai que le marin
eft fourni ..de vivres outre fa paie ; mais la valeur
de fa nourriture n’excède peut-être pas cette différence
de fa paie à celle du manoeuvre; & quand
elle le feroit quelquefois , cet excédant ne feroit
pas un gain clair pour lu i , parce qu'il ne peut
le partager avec fa femme & fa famille qu'il eft
obligé de faire vivre de fa paye.
Il femble que les périls & les hafards d’une vie
aventurière, bien loin de décourager la jeunefle,
ne fervent fouvent qu’ à lui donner de l'atdeur
pour une profelAon. Une tendre mère craint d'envoyer
fon Als à l'école dans une ville où il y a
un port. Elle craint que la vue des vaifleaux &
le récit des aventures des gens de mer , ne le fé-
duifent. La perfpe&ive éloignée des hafards, dont
on peut fe tirer par le courage & l ’adrefle, n'eft
point défagréable pour nous : elle ne fait point
haufler le falaire dans aucun genre de travail. Il
n'en eft pas de même de ceux où le courage &
l'adrefîe ne peuvent être d’aucun fecours. Dans
les métiers connus pour être mal fains, le falaire
du travail eft toujours fort. Leur mauvaife influence
fur la fanté eft une efpèce de défagrément,
& leurs effets à cet égard doivent être rangés fous
ce chef.
Dans tous les emplois des capitaux, le faux
ordinaire du proflt varie plus ou moins > fujvant
Ig certitude ou l'incertitude des retours. Ils font
en général moins incertains dans iecommerce intérieur
que dans le commerce étranger, & moins
dans certaines branches de celui-ci que dans d'autres
; par exemple , moins pour lés anglois dans
le commerce avec l'Amérique feptentrionale, que
dans celui qui fe fait à la Jamaïque. Le taux ordinaire
du proflt s'élève toujours plus ou moins
avec le rifque. 11 ne paroît pourtant pas s'élever
en proportion fuffifante, pour que l'un compenfe
Pautre. Les commerces les plus hafardeux font
ceux où les banqueroutes font les plus fréquentes.
I l n’en eft peint du l’on court tant dé rifques que
dans
dans celui qui fe fait par fraude ; & quoiqu'il n'y
en ait pas de plus lucratif, quand on a le bonheur
d’y échapper, il conduit infailliblement à la
banqueroute. La confiance dans le fuccès femble
encore foutenir çe métier-là. Elle y attire tant
d'aventuriers, que leur concurrence réduit le profit
au-deflous de çe qu'il faut pour compenfer le
rifque. Pour que cette compenfation fût comp
le x e , les profits ordinaires des capitaux, les
retours devroient donner non-feulement l'indemnité
de toutes les pertes accidentelles, mais encore
un furplus de bénéfice, de la même nature que
celui des affûteurs. Or , fi les retours ordinaires
dans le commerce par fraude remplifloient tous
ces o b je t s le s banqueroutes n'y feroient pas plus
fréquentes que dans les autres commerces. .
De cmq chofes qui affeétent le prix du travail,
il n'y en.a que deux qui affrètent les bénéfices des
c a p ita u x favoir, l'agrément ou le défagrément
du métier, & le rifque ou la fûreté qui l'accompagnent.
L'agrément ou le défagrément ne mettent
que peu ou point de différence dans l'emploi
de la plupart des capitaux; mais ils en mettent
beaucoup dans ceux du travail ; & quoique le
profit ordinaire augmente avec le rifque, il ne
paroît pas toujours augmenter en proportion. Il
doit réfulter déjà q u e , dans fa même fociété ou
le même arrondiflement, les j taux ordinaires &
communs du profit dans les divers emplois des
capitaux, feront plus près du niveau que les taux
du falaire en argent dans les différentes fortes dé
travail. Ils le font en effet. La différence du falaire
d'un (Impie ouvrier, & celui d'un médecin
ou d'un homme de loi employés, eft beaucoup
plus- grande que celle qui fe trouve entre les profits
ordinaires de deux branches de commerce
quelconque. Ajoutez que la différence apparente,
dans les profits de différens commerces,, eft généralement
une illufion provenant de ce que nous
ne diftinguons pas toujours ce qui doit être con-
Adéré comme falaire, & ce qui doit être considéré
comme profit.
Les mémoires d'apothicaire font pafles en proverbe
, pour défîgner un profit énorme. Mais ce
grand profit apparent des apothicaires n'eft fouvent
que le raisonnable falaire de leur travail. La
fcience qu'exige leur profeffion, eft d'un, genre
beaucoup plus fin & plus délicat que celle de
tous les artifans, & la confiance qu’on leur donne
eft beaucoup plus importante. Un apothicaire eft
le médecin des pauvres dans tous les cas, & des
rich.es quand le mal ou le danger n'effrayent point.
Sa récompenfe doit donc être proportionnée à
fes .talens & à la confiance qu'on lui donne. Cette
récompenfe vient en général du prix auquel il
ven.dfes drogues.Mais toutes les drogues qu'un apo-~
thiçaire; le plus en vogue vendra en un an dans
une grande ville , ne lui coûtent peut-être pas au-
delà de cent livres fterlings. S'il les vend à trois
. ou .quatre cents ou à mille pour cent de profit > il
(B.con. polit. £r diplomatique. Tome IIU
peut fe faire que ce bénéfice n'excède point ce
qu'il doit raisonnablement gagner par fon travail
.D
ans un p o r t, un petit épicier gagnera quarante
ou cinquante pour cent fur un capital de
cent livres fterlings, tandis qu'un marchand en
gros y. gagnera* à peine huit ou dix pour cent
fur un capital de dix. mille liv. fterlings. Le commerce
de l’épicier peut être néceflaire à la commodité
des habitais,. & il eft pofiîble que les
bornes étroites du marché ne comportent pas
l'emploi d’un capital plus confîdérable en ce genre.1
Il faut cependant qu'un homme.vive de fon commerce
, & qu'il en vive proportionnellement aux
qualités qui l'y rendent propre. Outre la poffef-
fion d'un petit capital, il. eft néceflaire que ce
petit épicier fâche lire,. écrire & compter ; qu'il
juge aufli peut-être d’une cinquantaine ou d'une
foixantaine de différentes fortes de marchandifes,
de leurs prix, de leurs qualités, & des marchés
où il peut les avoir à meilleur compte. Il fau t,
en un mot, qu'il ait toutes les connoiflances d'un
gros marchand tel qu'il le deviendroit, s'il jouif-
foit d'un capital fuffifant. Trente ou quarante liv.
fterlings par an ne peuvent être regardées comme
une récompenfe .trop confîdérable pour un
homme de ce mérite., Otez cela des profits de
fon capital qui vous paroiflent énormes , & il ne
reftera guères que les profits ordinaires des capitaux.
La différence entre le profit apparent du commerce
en détail & celui du commerce en gros ,
eft beaucoup moindre dans la capitale, que dans
les petites villes &r les villages. Là où dix mille
livres fterlings peuvent être employées dans le
commerce de l'épicerie, ce que l'épicier retire
de fon travail, n'eft qu'une légère addition aux
profits d'un fonds fi confîdérable. Les profits du
riche détailleur s'y mettent donc plus de niveau
avec ceux. du marchand en gros. C'eft par cette
raifon qu'on a lés marchandifes en détail à aufli
bon & fouvent à meilleur marché dans, la capitale
que dans les petites villes & les villages. Les
épiceries par exemple , y font en général beaucoup
moins chères , & fouvent le pain & la
viande ne le font pas davantage. Il n'en coûte
pas plus pour amener les épiceries dans une grande
ville, que pour les amener dans un village; mais
il en coûte beaucoup, plus pour y amener du bled
& des beftiaux, parce que la plus grande partie
de ces denrées vient de plus loin. Le premier
prix des épiceries étant donc le même dans une
grande ville & dans un village, elles font à meilleur
compte où on fait un moindre profit fur
elles. Le premier prix du pain & de la viande
de boucherie, eft plus grand dans T une que dan»
l'autre ; & conféquemment, quoique le profit foit
moindre, ils n'y font pas toujours à meilleur
marché , & ils s'y vendent fouvent au même prix.
, Dans des articles tels que le pain & la viande