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^tre gouverneur 4e Ton f i t y fut revêçu du com- l
mandement général des troupes. L'hittoire de la J
minorité & de l’éducation dé .Guillaume V forme
un tableau particulier de calamité pour la nation^
que je n'entreprendrai même pas d'ébaucher. Je
me contenterai de dire que ,1a princeffe angloi- 3. plus attachée à fon ancienne patrie qu'à la république,
gouverna avec une hauteur 8ç une du-
tete qui àiirqîent mieux convenu à une nnpéra-
trice üiîatiqiie, qu'à une fujette d'une république
libre. Quant au duc'de Brurif\vick, ïl fuffit
de dire qu’il négligea abfôlument l’ éducation de
ion pupille , ou que le peu de foin qu'il fe donna
pour l'élever, tendit à lui infpiref les- fenti-
mens qu’il a manifeilés envers la république de-
P“ ls, iySi. Ce prince ne les a pas manifeilés
plutôt, & avant là guerre américaine , Guillaume
V et dit l'idole de la nation j on l’aimoit,
on le refpeéloit.
L ’inllitution héréditaire des trois grandes
charges^ de l'éta t, porta le coup mortel à la
fouyeraineté & à l'indépendance de la république
elle coupa toutes les foutees d e là prof-
périte & de fa gloire t enfin , elle eufeveîit
dans le plus profond'abîme la liberté civile des
hollandois. La gouvernante, par fon dévouement
à l'Angleterre, ruina le commerce de la république
pendant la guerre de I 7 f é , pour fe venger
de ce .que les états des trois provinces maritimes ,
& fur-tout ceux de Frife, avoient îiefufé le fe-
cours dé fix mille hqmmes que les anglois follici-
toîent contre la France. Il ell vrai qu’un mémoire
préfenté par l’ am.bafladeur de cette dernière puif-
fance , intimida tellement les Etats - Généraux,
que quoique la majorité des quatr,e provinces ter-
ntoriales penchât pour la gouvernante & pour
l?s anglois, les Etats-Généraux n'ofèrent paffer
outre.
L ’obilination de la princeffe à ne pas vouloir
accorder de proteélion arinee au commerce de
la république, coûta vingt millions de florins à ce commerce. Les. anglois le ruinèrent fans aucun
empêchement, & firent des prifes très-riches
£ur les hollandois, fans être en guerre avec eux.
Guillaume V , élevé dans les principes de fa
mère, s’elt comporté comme elle dans la dernière
guerre, avant la déclaration que l’Angleterre
en fit à la république. II eft à remarquer
qp'outre fes motifs d’attachement pour l’Angleterre
, 1 e ftathouder aétuel a voulu fe venger contre
fa propre patrie, du refus fait par les Etats-
Généraux , de rendre à l’Angleterre la brigade
écoffoife qui étoit à la folde de la république.
L ’Angleterre vouloit employer ces troupes contre
les américains qui travailloient à fecouer Je.
joug de la Grande-Bretagne. Le chevalier Ÿ orck ,
envôyé-éxtraordiaaire du roi d’Angleterre à la
H ay e , avoitdemandé , fous la gouvernante, les
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lîx mille hommes , 8c fous le flalhoûdet ,a â u d ,
les reginiens écoflois5 le duc de Bmnfwick, <sn-
nemi de la France , & le plus.puiffant patron des
anglois en hollande , avoir également appuyé .de
tout for» crédit les deux demandes du chevalier
Yorck j il n’eft donc pas fur,prenant que ces
deux perfonnages euiiênt mis Giyüaume V dans
leurs intérêt?, eux qui le gouvernoient comme ils
voulojent.
Le duc de Brunfwick avoit préparé de loin la
révolution qu’il méditoit contre la liberté civile:.
Peyenn repréfentant du capitaine général pendant
la tutelle & la minorité de Guillaume V , i|
remplit- 1 armée d,e Tétât d’une multitude d’étrangers,
& fur-tout d’allemands 5 il fit des pafïe-
droifs aux officiers nationaux : quelques injuftes
qu’ils fuffent , 011 eut la lâcheté de les fouffrir.
Il introduifit dans le fervice des maximes nouvelles
& dang$reufes, des ufàges induis, & des
abus crians ; il etend.it de beaucoup l’autorité du
haut confeil de guerre que Guillaume IV avoit
établi a la Haye : e,n un mot , il mit l’année de
1 état dans .1 impoffibilite de fervir avec fruit
pour les vrais intérêts de la patrie. Le duc, pendant
la minorité, & pendant la majorité jufqu’à
fou expulfion de-la republique, régna en fou-
verain, parce q ue, étant le feuLdiftributeur des
grâces , il récompenfoit, aux dépens de l’état
ceux^qui le fervpient $ & qu’étant auffi l’arbitre
fuprême des officiers de l’armée, il puniffoit avec
la dernieye rigueur ceux qui avoient le malheur
de lui déplaire. L ’autorité ufurpée de ce Mentor
du prince s’étendit même dans le civil j & après
la majorité, il trouva le moyen de comppfer les
régences des ville? de lâches adulateurs qui
n’eurent jamais d’autre volonté que celle du
ftathouder dans les affaires de l’adminiftration
générale , & que la leur propre dans les affaires
municipales.
Finitions par un expofé fuccint des derniers
abus d’autorité de Guillaume V , depuis la guerre
avec l'Angleterre jufqu’au moment même ou j’écris.
Ces abus font enracinés fur ceux que je
vous ai détaillés fur les ftathoudérats précédens.
Ils en découlent comme une fource féconde, &
qui s’eft groffie pendant deux cents années.
Les anglois, pour accélérer la détermination
des Etats-Généraux à leur céder les régimensiécof-
fois, commencèrent par s’emparer, fous divers
prétextes de plus de cinq cents navires marchands
hollandois , qui naviguoient fur la foi des
-traités: ils firent plus, ils infultèrent le pavillon
de la république, jufqu’à forcer, du moins en
apparence , le fameux contre-amiral Byland de
le bailler devant leur flotte & d’amener à Porft-
mouth cinq vaiffeaux de la république, qui fer-
voient d’efeorte à un grand convoi hollandois fort!
du Texel pour différentes deftinations. Le chevalier
Yorck étoit encore à la Haye, lorfque les anglois
commirent cet attentat envers la républif
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que 5 attentat qui leur a toujours été familier,
même envers,les autres nations. Ils avoient., quelque
temps auparavant 3/ attaqué à différentes fois
trois' -vaiffeaux de la république , dont deux ne
leur avoient échappé : que par la , bravoure des
capitaines qui les montoient, •& le troifième avoit
été contraint ; d’ aller mouiller aux Dunes. G,es
vaiffeaux furent relâchés j mais les .quatorze navires
du convoi dont ils s’étotent emparé furent
déclarés de bonne prife par l’amirauté d’Angleterre.
C e coup hardi n’ayant pas réufli au gré
des anglois, ils ife déterminèrent quelque temps
après à déclarer la guerre à la république au moment
011 elle allait entrer dans là neutralité, pro-,
pofée par la Ruffie. Il eft vrai que les Etats-Généraux
auroient pu , avant cette époque, entrer
! dans cette neutralité, mais l’ influence ftadhoodé-
rienne, par le moyen de la cabale angloife, conduite
par le duc de Brunfwick, & par le chevalier
Yorck , avoit empêché la république de prendre
ce fage parti, le feul qui lui convînt alors,
vu fa polition , & le délabrement tant de fa marine
que de fes finances. Il n’y avoit cependant
plus moyen de recaler, & il falloit fe. préparer
tout de bon à la guerre contre un voifin puiflant
& un injufte aggreffeur; après bien des difficulté
s , des lenteurs affrétées & des obftacles préparés
par le parti-anglomane, on parvint à armer
une efeadre j elle fortit du Texel fous les ordres
du contre-amiral Zoutman; elle rencontra l’efca-
dre angloife fous les ordres de fir Pàrlcer j elle
le battit % ou du moins elle ne fut pas battue,
puifqu’elle conferva le champ de bataille, & que
l’efcadre angloife, fort maltraitée, fut obligée
de fe retirer dans fes ports. Les hollandois firent
en cette occasion preuve de leur v.ileur : cette
vi&oire dü 5 août fit voir à toute l’Europe que
les marins bataves confervoient encore ce cou
tage réftéohi quia illuftré les Ruiter, les Tromp,
& tant d’autres capitaines de la marine hollan-
doife. Il n’étoit donc queftion que de donner l’ ef-
for à la bravoure des hollandois, & de leur fournir
des vaiffeaux en état de combattre les anglois j
c ’eft: ce qu'on ne fit pas , & M. l ’amiral général
, de con'cett avec les membres des amirautés,
voués à fes defirs, trouva le moyen de ne faire
armer qu’avec lenteur, de laiffer le champ libre
aux angloisî en un mot, de ne plus faire trom
ver en préfence les efeadres anglaifes & hollan-
doifes. Le ftathouder, qui ne s’attendoit pas à
la rencontré du Dogersbanck , ne put s’empêcher
de montrer une furprife mêlée de chagrin,
à l’officier qui lui en rapporta la nouvelle j il fui
échappa même de dire : du moins, monjieur,, les
anglois ne font pas battus ?
La mauvaife intention de l’amiral-général & de
fa cabale | fe*manifefta toute entière dans la non-
expédition de Breft. Les états de Hollande &
ceux de Frife fur-tout, voulurent abfolument approfondit
cette affaire, & parvinrent après bien
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dés délais à faire nommer une ccmmifiion par les
Etats-Généraux, pour préparer l’enquête criminelle
à faire contre les délinquans. La commi'fiion
n’agit que mollement, & ne fiqit. fon travail
qu’après des lenteurs & des obftacles qui fe mul-
tipli.oient.de jour en jour. ^
Alors la nation qui déjà commençoit à s’ap-
percevoir qu’elle étoit le jouet des caprices du
ftathouder & de fa cabale, voulut voir clair datas
fes intérêts y des écrivains périodiques & autres
lui .rappelèrent fes droits, les débrouillèrent &
les lui firent enfin aimer. Bientôt les Bourgeon
fies , véritablement éclairées fur les droits d e là
fouveraineté de la république , s’apprêtèrent à la
venger, & à la faire refpeéfer par |e. premier
miniftre de l’ é ta t, qui paroiffoit effeélivement
n’en tenir aucun compte 5 Jes régens eux-mêmes
alarmés à leur tour de l’exercice abufif que le
ftathouder faifoit d e j ’autorité qui lui avoit eue
confiée", for-tout en Hollande ,. femblèrent de venir
plus populaires ; iis engagèrent les citoyens à
foutenir l ’autorité des magiftratures , & par coii-
Céquent celle des états ; ces régens cependant, du
moins pour la plupart,, ne fongeoient qu’à leur
propre intérêt, en cherchant à reftreindre l’autorité
ftithoudériepne 5 fa nation ne s’en apperçut
pas d’abord , 8e les premières affo.ciations patriotiques
déclarèrent que leur unique motif étoit de
défondre les bons régens contre les entreprifes
du ftathouder. Le peuple n’obfervoit pas encore
tout ce. qu’il avoit g redouter de l ’ariftocratie elle-»
même î mais cet aveuglement' ne dura pas longtemps.
C e furent donc les régens qui mirent véritablement
les armes à la main des patriotes , pour
. s’en faire un rempart contre le defpotifme ftathou-
dérien. Le parti Qrange méprifa d’abord ces petits
corps armés j il ne crut jamais les voir fe multiplier
8c fe perfoélionner au point ou ils le fti^-.
rent ; mais lorfqu’ il vit de toutes parts l’élite des
, citoyens s’exercer au manîment dés armes, &
■ les corps-francs prendre une confiftançe impo.-
fante , ce. parti comprit qu’il étoit temps de mettre
en oeuvre tous fes moyens pour abattre cet
ençhoufiafme de liberté. Des écrivains furent ga-
; gés pour répandre dans le ,public des horreurs
, contre le patriotifme. Des prédicans fe mirent
. fie la partie, & iaffeéfant de: dire dans la chaire
de vérité:,- que la religion étoit en danger , ils
: échauffèrent le zèle des fanatiques. La canaille
foudoyée, excitée fous main par des libelles dif-
tribués gratis & écrits pour elle , fe montra bientôt
difpofée à la (édition, il ne, s’agiffoi-t plus
que de la mettre en aétion j & les occafions fe
préfentèrenr bientôt.
Le patriotifuie réveillé par les féditions de la
canaille, comprit que le ftathouder n’ en refteroit
pas-là : effe&ivement quelques émeutes s’élevèrent
de loin en loin, mais on parvint à les étouffer.
Quelques régimens donnèrent eux-mêmes
des Agnes de fédition , entr1 autres celui des gar