
'a Nouvelle-Angleterre, fans ceffer de faire un
tout bien organifé.
Quoique placée au milieu de la zone tempérée ,
la colonie ne jouiflctt pas d’un climat aufli doux
■ que celui des provirv.es de l’Europe qui font fous
les mêmes parallèles. Elle a des hivers plus longs
&plus froids, des étés plus courts 8c plus chauds.
Le ciel y eft communément ferein , 8c les pluies
y font plus abondantes que durable^. L ’air y eft
devenu plus pur'* à mefure qu’on a facilité fa circulation
en abattant les bois. Pefonne ne fe plaint
plus de ces vapeurs malignes qui, dans les premiers
temps , emportèrent quelques habitans.
Le pays étoit partagé en quatre provinces qui ,
dans l’origine , n’avoient prefque rien de commun.
La néceflité d’être en armes contre les fauvages ,
les décida à former en 164$ une confédération,
où elles prirent le nom de colonies unies. En vertu
de cette union , deux députés de chaque établif-
fement dévoient fe trouver dans un lieu marqué ,
pour y décider les affaires de la Nouvelle Angleterre,
fuivant les inftruétions de l’ affemblée particulière
qu’ ils repréfentoient. Cette affociation ne
ôleffoit en rien’ le droit qu’avoit chacun de fes
membres de fe conduire en tout à fa volonté.
Leur indépendance de la métropole n’étoit guè-
res moins entière. En confentant à ces érablifîe-
mens , on avoit réglé que leur code ne contra-
rieroit en rien la légiflation de la mère patrie 3
que le jugement de tous les grands crimes commis
fur leur territoire, lui feroit réfervé 3 que
leur commerce viendroit tout entier aboutir à fes
rades. Aucun de ces devoirs ne fut rempli. D ’autres
obligations moins importantes étoient également
négligées. L’efprit républicain avoit déjà fait
de trop grands progrès 3 pour qu’on fe tînt lié
par ces arrangemens. La foumiffion des colons fe
bornoît à reconnoître vaguement le roi d’Angleterre
pour leur fouverain.
Majfachufett, la plus floriffante des quatre provinces
, fe permettoit éncore plus de chofes que
les autres , & fe les permettoit plus ouvertement.
Une conduite fi fière attira fur elfe le reffenti-
ment de Charles II. C e prince annulla, en 1684,
la charte que fon père avoit accordée 5 il établit
une adminiftration prefqu’arbitraire, & ne craignit
pas de faire lever des impôts pour fon propre
ufage. Le defpotifrt.e nê diminua pas fous fon fuc-
ceffeur. Aufli, à la première nouvelle de fa defti-
tution, fon lieutenant fut-il arrêté 3 mis aux fers 3
& renvoyé en Europe.
Guillaume I I I , quoique très fatisfaît de ce zèle
ardent 3 ne rétablit pas Majfachufett dans fes anciennes
prérogatives , comme elle le defiroit ,
comine elle l’avôit efpéré peut-être. Il lui rendit,
à la vérité, un titre, mais un titre qui n’avoit
prefquç rien de commun avec le premier.
Par la.couvelle charte, le gouverneur nommé
par la coût, devoit avoir lé droit exclufif de convoquer,
de proroger, de diffoudre Pafifembléç
nationale. Seul , il pouvoit donner la fanchon
aux loix portées, aux impôts décidés par ce corps.
La nomination de tous les emplois militaires ap-
partenoit à ce commandant. Avec le confeil, il
avoit le choix des magiftrats. Les-deux chambres
n’ avoient la difpofition des autres places moins
importantes que de fon aveu. Le tréfor public ne
s’ouvroit que par fon ordre, appuyé du fuffrage
de fon confeil. Son autorité portoit encore fur
quelques points qui gênoient beaucoup la liberté.
Connedticut & Rhode-Ifland, qui avoient à propos
conjuré l’orage par leur foumiffion, reftoient
en poffeffion de leur contrat primitif. Pour le
Nouvel-Hampshire, il avoit toujours été conduit
fur des principes affez femblables à ceux
qu’on adoptoit à Maffachufett. Un même chef
régiffoit les quatre provinces, mais avec les maximes
qui convenoient à la conftitution de chaque
colonie.
A l’époque de la révolution , on comptait
plus de huit cents mille âmes dans les quatre
provinces de la Nouvelle-Angleterre.
Une fi*grande multiplication d’hommes fem-
bleroit annoncer un fol excellent. Il n’en eft pas
airiïî. A l’exception de quelques cantons du
Connedticut, les autres terres étoient originai-
rhent couvertes de pins, 8c par conféquent
ftériles tout à-fait ou tr,ès-peu fertiles. On dit
qu’aucun des grains d’Europe n’y profpère, &
que jamais leur produit n’a pu fuffire à la nourriture
de fes habitans 3 qu’on les a toujours vu
réduits à vivre.de maïs, ou à tirer d’ailleurs
une portion de leur fubfiftance. Ces détails
font très - exagérés > mais quoique le pays
foit affez généralement propre aux fruits, aux
légumes, aux troupeaux, les campagnes ne
font pas la partie fa plus intéreffante de ces
contrées. C ’ eft fur des côtes hériffées de rochers,
mais favorables à la pêche, que s’eft
portée la population, que l’adlivité s’eft accrue,
que l’aifance eft devenue commune.
L ’infuffifance des récoltes dut excéder plu-s
tôt & plus vivement l’induftrie dans la N o u velle
Angleterre > que fur le refte de ce continent.
On y conftruifît même pour lesmavigateurs
étrangers beaucoup de navires, dont les matériaux
, aujourd’hui chers 8c rares, furent longtemps
communs 8c à bon marché. La faciliré de
fe procurer du poil de caftor, donna naiffance
à une f%|brique de chapeaux fort confldérable.
Des toiles de lin 8c de chanvre fortirent des
atteliers. Avec la toifon de fes moutons, la
colonie fabriqua des étoffes d’un tiffu groffier,
mais ferré.
A ces manufactures, qu’on pourroit appeller
nationales, s’en joignit une autre , alimentée
par des matières étrangères. Le fucre donne un
réfîdu, connu fous le nom d^firop ou de melajfe.
Les nouveaux anglois l’allèrent chercher aux
Indes occidentales, & le firent d’abord fervir en
nature à divers ufages. L ’idée leur vint de le
diftiller. Ils vendirent une quantité prodigieufe
de cette eau-de-vie aux fauvages voifins, aux
pêcheurs de morue, à toutes les provinces fep-
tentrionales 5 ils la portèrent meme au* côtes
d’Afrique, où ils la livrèrent, avec un avantage
marqué, aux anglois occupés de l ’achat des
efclaves.
Cette branche de commerce & d’autres cir-
conftances, mirent-les nouveaux anglois à portée
de s’approprier une partie des denrées de l’A mérique,
foit méridionale, foit feptentrionale.
Le s échanges de ces deux régions fi néceffaires
l’une à l’autre, pafsèrent par leurs mains. Ils
devinrent comme les courtiers, comme les hol-
landois du Nouveau-Monde.
Cependant la plus grande reffourcé de
qb'e lorfqu*îls y étoient importés par fes propres
navires.
A cet impôt, déjà trop onéreux, on en ajouta
un autre en 1699, de y fols 7 deniers par livre
pefant de fanons » qui portoit également fur l’A mérique
Majfachufett [ fut toujours la pêche. Sur fes
côtes même, elle eft très-confldérable. Il n’y a 1
point de rivière, de baie, de p or t, où l’on
ne voie un nombre prodigieux de bateaux occupés
à prendre le faurnon, l’efturgeon, la morue,
& d’autres poiffons, qui trouvent tous un dé- 1
bouché' avantageux.
La pêche du maquereau, faite principalement
à l’ embouchure du Pentagoèt, qui fe perd dans
la baie de Fundi ou Françôifc , à l’extrémité de
la colonie, occupoit, durant le printemps 8c durant
l’automne, quatorze ou quinze cents bateaux
& deux mille cinq cents hommes.
La pêche de la morue étoit encore plus utile à
la Nouvelle-Angleterre. De fes ports nombreux,
fortoient tous les ans pour différens parages plus
ou moins voifins, cinq cents bâtimens de cinquante
tonneaux, avec quatre milte hommes
d’équipage. Us pêchoient au moins deux cents cinquante
mille quintaux de morue.
La baleine occupoit aufli ces colonies. Avant
1763, la Nouvelle-Angleterre faifoit cette pêche
en mars, avril & m’a i, dans le golfe de la Floride
5 & en juin , juillet, août, à l’eft du grand
banc de Terre-Neuve. On n’y envoyoit alors que
cent vingt chaloupes, de foîxante-dix tonneaux
chacune, 8c montées par feize cents hommes. En
176 7, cette pêche occupa 7,290 matelots. Il faut
dire les raifons d’une augmentation fi confidé-
rable. -
. Le defir de partager la pêche de la baleine avec
les hollandois, agita long-temps la Grande-Bretagne..
Pour y réuflir, on déchargea vers la fin du
régné du Charles I I , de tous les droits-de douane,
le produit que les habitans du royaume obtien-
dr,oient à cette pêche dans les mers du N ord : maïs
cette faveur ne s’étendit pas aux colonies, dont
l ’huile & les fanons de baleine dévoient un droit
de 56 liv. 5; fols par tonneau à leur entrée dans la
métropole 3 droit qui n’étoit réduit à la moitié 1
8c fur l’Europe. Cette nouvelle taxe eut
des fuites fi funeftes, qu’il fallut la fupprimer en
1723 : mais elle ne fut éteinte que pour les baleines
prifes dans le Groenland, au détroit dé Davis ou
dans les mers voifines. La pêche du continent fep-
tentrional refta toujours affervie au droit nouveau
comme au droit ancien.
Le miniftere s’appercevant que l’exemption
d’impôt n’étoit pas fuffifante pour réveiller l’émulation
angloife , eut recours aux encouragemens.
On accorda, en 1732, une gratification de 22 1.
10 fols, 8c feize ans après une de 4 y liv. pour
chaque tonneau des vaifleaux employés à une pêche
fi intéreffante. Cette générofité du gouvernement
produifit une partie du bien qu’on en atten-
doit. Cependant , loin de pouvoir entrer eh
concurrence dans les marchés étrangers avec fes
rivaux, la Grande-Bretagne fe vit encore obligée
d’acheter d’eux tous les ans, pour trois à quatre
cents mille livres d’huile ou de fanons de baleine.
T e l étoit l’état des chofes, lorfque les mgrs
françoifes de l'Amérique feptentrionale devinrent
à la paix dernière une poffeflion britannique. Aufli-
tôt les nouveaux anglois y naviguèrent en foule
pour prendre la baleine qui y eft très-commune.
Le parlement les déchargea des tributs fous lesquels
ils avoient gémi, & leur activité redoubla
encore. Il eft vraifemblable que les Provinces-Unies
perdrons avec le temps cette importante branche
de leur commerce.
La pêche de la baleine fe fait dans le golfe St.
Laurent 8c dans les parages qui le joignent, fur
des mers moins orageufes, moins embarraflees de
glaces que le Groenland. Dès-lors elle commence
plus tôt 8c finit plus tard. On y éprouve moins
d’ accidens fâcheux. Les navires qui y font employés
font moins-grands, moins chargés d’équipages.
Ces raifons doivent donner au continent
américain des avantages que l’économie hollan-
doife ne parviendra jamais à balancer. Les anglois
d’Europe eux-mêmes fe flattoient de partager avec
leurs colons cette ftipériorité, parce qu’ils cpmp-
toient joindre au bénéfice de la pêche celui qu'ils
dévoient faire fur la vente de leurs cargaifons ;
reffource refufée aux navigateurs qui fréquentent
le détroit de Davis ou les mers du Groenland.
Les productions vénales de la. Nouvelle-Angleterre
font la morue, l’huile de poiffon, la baleine ,
le fuif, le cidre, les viandes falées , le maïs, les
porcs & les boeufs, lapotaffe, les légumes , les
mâtures pour les navires marchands, pour les
vaifleaux de guerre, 8c des bois de toutes les çf-
pèces. Les Açores, Madère, les Canaries , le
Portugal, l’Efpagne, l ’Italie , Ta Grande-.Brera -
gne, 8c principalement les. Indes Occidentales