
1 )3 L U C
les prdfoic de Te reconnoître les fujets, Albert,
fils,de Rodolphe I , parvenu à fon tour à la dignité
impériale j voulut forcer ces pays à fe fou-
mettre; les procédés tyranniques de fes officiers
révoltèrent les peuples rieu r union & l’expulfion
des baiilifs autrichiens commencèrent la ligue helt
vétique. La viétoire de Morgarten qui , en 15 1 5 ,
mit le fceau à la nouvelle confédération, nepou-
voit manquer d’augmenter la défiance des gouverneurs,
autrichiens fur le compte de leurs nouveaux
fujets dé Lucerne : il y a lieu de croire que
l'exemple 8c les premiers fuccès des confédérés
invitoient les peuples voifins à tourner leurs regards
fur les avantages d’une indépendance toujours
flattêufe. Las des hoflilités , auxquelles les
ejtpofoit la ruptare ouverte entre les pays ligués
8c le parti autrichien, ils conclurent avec les pre -
miers une trêve contre le gré de leurs maîtres.
Les autrichiens cherchèrent à prévenir les progrès
de cette révolte ; les mefures qu’ils prirent four-
dement, furent découvertes ; les citoyens, après
s’être faiiîs des polies , congédièrent le gouverneur
, chaffèrent les partifans des ducs, & entrèrent
dans la ligue perpétuelle des trois pays.
Depuis 1532 , époque de cette alliance , ils vécurent
en inimitié ouverte avec le parti autrichien,
quoique les droits des ducs euffent été réfervés
dans le traité. Dans l'efpace de vingt ans, la ligue
réunit huit cantons, parmi lefquels Lucerne efl
le quatrième en date, 8c devint le troilième en
rani *
Cette ville avoit fait quelques conquêtes fur les
vaÏÏaux de la maifon d'Autriche. En 138 6 , les
ducs réfolurent de frapper un coup décilîf. Il y
eut une bataille fanglante près de la petite ville
de Sempach. Les confédérés remportèrent la victoire.
Léopold d'Autriche fut tué avec la fleur de
la nobleffe de fon parti. La paix de 1389 procura
à Lucerne raffranchiffement entier de la domination
autrichienne : fa liberté fut confirmée 8c même
étendue par l'empereur Sigifmond , lors du
concile de Confiance.
Nous ne rapporterons pas ici les divers événe-
mens communs à toute la nation helvétique, auxquels
la république de Lucerne a eu part. Ses citoyens
8c fujets ont partagé les dangers 8c les
fuccès des diverfes guerres foutenues par les fuif-’
fes i ils en ont partagé la gloire 8c les conquêtes.
Voyei les articles C o r p s h e l v é t iq u e , S u i s s
e & les articles particuliers des douze autres cantons.
Le fchifme politique, ocçafîonné par le fchifme
religieux , a donné à l ’état de Lucerne1 comme
au pius ancien des cantons qui font demeurés attachés
à l'églife de Rome, le premier rang dans
les diètes particulières des fuifïes catholiques. Les
recès , les aétes 8c diplômes publics, la corref-
pondance avec les puiffances étrangères, dont ce
parti a recherché l'appui ou accepté l'union, font
dépofés à Lucerne : nous avons dit ailleurs que la
L U C
chancellerie générale du corps helvétique efl fixée
à Zuric. Durant les brouilleries qu'occafionnèrent
entre les huit cantons le progrès de la réformation
dans les bailliages indivis entre ces cantons,
& les querelles entre les abbés de Saint-Gall 8c
les peuples dè Toggenbourg, qui éclatèrent en
l S}9 » !ƒ *$ ,. 1656 & 1 7 1 2 , l'état ^Lucerne 3
uni aux trois cantons fes plus anciens alliés 8c à
celui de Z u g , contre les cantons de Zuric 8c de
Berne, fut obligé de fournir prefque feul les munitions,
& de füpporter les plus grands frais.
On a lieu d'efpérer que ces querelles ne fe
réveilleront plus. Les objets douteux qui en furent
le prétexte, font fixés par des traités 5 les préjugés
de partis 8c de feétes s'affoibliffent chaque
jour 3 d’ailleurs la politique doit déterminer Lu-
1 cerne à vivre en paix avec les ariflocraties voifî-
nes. Les divers mouvemens intérieurs qu'a éprouvé
la république, doivent infpirer de la modération
à fes aJminillrateurs j dans cesmomens decrife,
l'attrait d'une indépendance égale à celle des peuples
des états “démocratiques voifins, préfenté aux
communes par des citoyens mécontens, peut augmenter
les embarras du gouvernement 8c la fermentation
des efprits. En 14775 8c depuis dans
la mutinerie affez générale des payfans en 1 6 5 1 ,
quelques fujets de l'état de Lucerne fe révoltèrént:
ils furent défarmés 3 8c des bourgeois, convaincus
d'avoir encouragé la rébellion , furent punis.
On découvrit, en 17 6 4 , un complot de quelques
citoyens ; le gouvernement, inquiet fur les fuite
s , avertit les états de Z u r ic , Berne, Fribourg
8c Soleure, de fe difpofer à protéger fa conlli-
tution , en vertu de la garantie réciproque énoncée
dans les traités d’alliance. Les préparatifs de
ces états ariflocratiques pour fecourir au befoin
le ^gouvernement de Lucerne, mirent ce lui-c i à
même de févir fans crainte contre les coupables.
Depuis cette époque, le gouvernement entretient
une garde de 1 y© hommes dans la ville.
Remarques générales fur le canton te Lucerne.
Le canton ou le pays fujet à la ville de Lucerne y
peut avoir , dans fa plus grande longueur ou largeur
, dix à onze lieues communes. Sa population
efl évaluée à cent mille âmes, & on affaire qu’elle
n'alloit qu'à la moitié de ce nombre il y a trois
fïècles. Nous ne favons fi ces faits font bien conf-
tatés.
La partie méridionale du pays efl montueufe 3
mais elle renferme peu de glaciers bu de .rochers :
elle efl abondante en bois 8c en pâturages , &
fournit au commerce d'exportation , des fromages
8c des befliaux.
Le fol de la partie feptentrionale du canton de
Lucerne efl fertile en grains, en fruits 8c en fou-
rages. Ses récoltes , année commune , fuffifent à
la confommation des habitans 3 mais les montagnards
de divers cantons voifins venant fe pourvoi^
de bled au marché de Lucerne , il faut que
là ville tire -des autres parties de la Suifïe,, 8c
L U C
même le plus fouvent de l 'Alface ou de îa Suabe,
cet excédent de grains. C 'e fl aufïi du marquifat
de Baden 8c de l'Alface que les lucernois tirent
les vins qui manquent à leur pays. On évalue à
200,000 livres ce feul objet d'importation annuelle.
La France 8c la Bavière leur fourniffent
des felsg ainfi qu'à la majeure partie de la SuifTe*
Les manufactures du pays fe réduifent à quelques
filatures de foie ou de coton.
Le gouvernement de Lucerne a tant de rapport
avec ceux des autres cantons arillocratiques , que
nous pouvons nous borner ici à une notice générale.
Un confeil de. cent perfonnes, choifies
dans le corps de la bourgeoifie, efl revêtu du
pouvoir fouverain. M. de la Borde dit que M.
Coxe s'elt tronipé en affurant qu'à Lucerne, il
n'y a que cinq cens perfonnes , parmi lefquelles
on puifïe choifîr les cent. Trente-fix confeillers,
pris du nombre des cen t, forment le fénat ou petit
confeil : il efl partagé en deux divifions égales
, qui fe remettent l’une à l’autre l'adminiflra-
tion tous les fix mois : on les appelle la divifion
ou le côté de L'été 3 & la divifion ou côté de l'hiver ,
parce que l'une relève l’autre- aux deux fêtes de
$. Jean, après le folflice de l’ été 8c celui de
l’hiver. La divifion qui fo r t , n'efl pas exclue des
affemblées pendant le femeflre fuivant3 mais, celle
qui rentre, y efl obligée par ferment. La divifion
qui for t, fait le grabaut ou ia rééledion de celle
qui fuccède 3 elle complette auffi les places vacantes
par mort, en cnoififfant les nouveaux fujets.,
ou dans le grand confeil, ou dans le corps
de la bourgepifie. La réélection , ou la confirmation
des membres du grand confeil, a lieu auffi
chaque femellre dans le confeil des cent. Après
ces opérations , la nouvelle divifion du fénat
prête ferment dans la chapelle d'une églife, 8c
le grand confeil fur l'hôtel-de-ville. La bourgeoifie
efl. appellée chaque fois à renouveller le ferment
de fidélité au gouvernement.
Il faut, pour afpirer aux charges, être citoyen
né dans le canton ou au fervice de la république.^
Une loi expreffe défend au père 8c au fils,
ou à deux ^frères, de fièger, en même temps,
dans un même corps de confeil 3 l'un cependant
peut être du grand confeil pendant que l'autre
fiège au fénat 5 il efl affez ordinaire qu^après la
mort d'un fénateur , fon fils ou fon frère lui fuccède
j il fuffit d'avoir vingt ans accomplis pour
être éligible. L'entrée dans le fénat donne le pa-
tricîât à la perfonne 8c à fes defcendans , 8c ce
titre de nobleffe ell reconnu par l'ordre de
Malthe.
Le gouvernement de Lucerne feroît fufceptible
de plufieurs remarques. Quoique le grand confeil
foit le fouverairt titulaire, le fénat ou le petit
confeil s'efl emparé de prefque toute l'autorité.
Il ne faut pas s'en étonner : c’efl la marche
naturelle des paffions, 8c de tous Iesgouverne-
mens. C e fénat a la puiffance exécutrice 3 il a |
L U C
feul Fadminiflration des affaires courantes , cellt
des finances 8c le foin de la police 5 8c le confeil
, qu’on appelle fouverain , ne s’affemble que
dans certaines occafions, foit pour des queflions
relatives à la légiflation , foit pour d'autres affaires
de cette nature. Au milieu de ces ufurpations
de la puiffance exécutrice, le confeil général a
pourtant gardé un beau privilège. Le fenat juge
les affaires criminelles j & lorfqu’un arrêt inflige
la peine de mort, on convoque l'affemblée générale
pour le prononcer. C 'e fl une fage coutume
dans une. petite république : elle prouve que les
moeurs y font moins corrompues qu’ailleurs, 8c
qu’on n’y efl pas obligé fouvent de prononcer la
peine de mort. Dans les caufes civiles , on appelle
au confeil fouverain, des arrêts du fénat : mais
on dit que c’efl une fimple formalité 3 qu'alors
on appelle feulement de l ’opinion des fénateurs
dans un tribunal, aux mêmes fénateurs dans un
autre tribunal. L ’influence du fénat doit être en
effet trop forte fur un corps , dont il forme plus
du tiers, 8c dans lequel il choifit à fon gré fes
membres 5 qui d’ ailleurs efl revêtu des principaux
emplois de l’ état 5 qui les confère prefque tous.,
8c qui compte au nombre de fes droits 3 celui de
nommer à tous les bénéfices eccléfiafliques i prérogative
qui lui donne un grand nombre de créatures,
puifque les deux tiers des revenus du
canton appartiennent au clergé.
Les parens du candidat jufqu'au troifième degré
ne peuvent voter à l’éle&ion : on a fait
d’autres, réglemens pour circônfcrire le pouvoir
des patriciens ou des nobles : mais ôn éludé
tous ces réglemens 3 8c ce qu'on peut dire , c ’efl
qu'ils n'ofent pas encore déclarer la guerre ou
faire la paix, former de nouvelles alliances, ou
impofer de nouvelles taxes, fans le conféntement
général de l'affemblée des citoyens 5 mais qu’ils
gouvernent d’ ailleurs la république à leur gré.
Nous avons parlé à l ’article Etats-Unis des
vices de l'aéle de la confédération des fuiffes :
nous avons dit que celui de l’union américaine,
malgré quelques défauts, efl mieux calculé : nous
obferverons ici que la conflitntion des diverfes
républiques de la Suiffe n'approche pas non plus
de celles des républiques du nouveau - Monde 5
8c pour n'en citer qu'un exemple, en' Amérique
on a adopté pour principe fondamental la divi-
fîon ou la réparation'dés trois pouvoirs Iégrflatif,
exécutif 8c judiciaire : quelques états n’ont pas
trop bien appliqué ce principe j mais on l’a méconnu
dans tous les gouvernemens .de la Suiffe ,
8C on ne doit pas en être furpris : ils fe font formés,
avant que les .phibfophes & les politiques
euffent développé cette maxime fondamentale de
la liberté publique -: ils ont.tous confondu la puiffance
exécutrice 8c la puiffance judiciaire : ceux
qui en font rçvêtus , ont encore une grande put
à la puiffance légiflative 3 8c par une influence
fecreue, ils l'entraînent prefque toujours. Au