
de Saint-Pierre font les chimères d’un bon citoyen
, les rêves d’un homme de bien , & nous
lui appliquerons la réflexion que Cicéron fit contre
les avis de Caton : Non Jumus in republica
Platonis , fed in jfcece Romuli,
P R O T E C T IO N : nous n’entendons ici par
ce mot qu’une efpêce de fauve-garde accordée
par un état puiflant à un état foible. L’ ufage des
protections a été fréquent > mais l’expérience a
montré leur danger. Rome acquit une autorité
infinie a l’ombre de ces protections : les principaux
d’entre les fénateurs prirent même des villes
fous leur protection. L ’antiquité ne fournit nulle
part de pareils exemples j & , s’il eft permis d’af-
furer l ’avenir fur les conjectures que peut fournir
le prêtent, la poftérité n‘en verra jamais de fem-
blables. C ’eft par ce moyen que Rome fe rendit
rn ait relie de la plus grande partie de la Grèce.
L ’éclat de ces républiques difparut , à mefure
que des puiflances fuperieures les environnèrent
de plus près. Prefiees par les fois de Macédoine.,
de Pont & d’Egypte, elles regardèrent les romains
comme les protecteurs de la liberté j elles
leur livrèrent leurs ^citadelles comme à des amis
pour les défendre. La Grèce introduifit chez elle
fon plus dangereux ennemi.
Oettzprotection n’elt pas rare aujourd’hui. Hambourg
, ville fouveraine , eft fous la protection
des ducs de Holftein. Aix-la-Chapelle, Ratif-
bonne , Lubeck, & les autres villes que l’on nomme
impériales, font fous la protection dit Tempe-
reur qui eft leur protecteur né } mais, d’un autre
côté , elles contribuent aux charges publiques de
l ’Empire germanique. Elles ÿ ont un crédit fi médiocre,
leurs voix font fi peu écoutées dans les
diètes , qu’elles ne doivent être confidérées que
comme des villes protégées par l’Empire, en
fourmffant le prix de la protection. La protection ,
accordée jufqu’ ici par la Pologne à la ville de
Dantzick , a été bien inutile dans les derniers dé- j
mêlés de cette ville avec le roi de Pruffe. Les
rois de Pologne ont été cependant dans I’ufage de
la lui faire payer affez chèrement.
La protection peut être regardée ou comme pri- ;
vee , ou comme publique. La protection privée
n’ a ni loix ni réglemens : elle eft clandeftine ,
elle n’ofe s’avouer. Que pourrait on en dire de
particulier ? On peut a durer en général que, de
tous les maux qui affligent une république , il
n’en eft point de plus confidérable > elle fait céder
le mérité à la faveur,} ellepofe une barrière
entre la vertu & les dignités. C ’eft par elle que
le vice eft en honneur, & que le crime s’afifurè
l ’impunité : c’eft la boëte de Pandore. Les hommes
peuvent faire des réglemens pour la défendre
} mais comment peuvent-ils les faire exécuter
? Il n’y a que les perfonnes accréditées qui
puiffent être fes inftrumens.
Lorfqu’ une nation n’ ett pas capable de fe ga- i
rantir elle-même d’ infultc & d’oppreflîon, elle
peut fe ménager la protection d’un état plus puif-
fant. Si elle l’obtient en s’engageant à certaines
chofes, même à payer un tribut en reconnoif-
fance de la fureté qu’on lui procure, à fournir
des troupes à fon . protecteur, & à faire caufe
commune avec lui dans toutes fes guerres, mais
en fe réfervant le droit de fe gouverner à fon
gre : c’eft un fimple traité de protection qui ne
déroge point à la fouveraineté , & qui ne s’éloigne
des traités d’alliance ordinaires que par la
différence qu’il met dans la dignité des parties
contractantes.
Quand une nation s’ eft mife fous la protection,
d Une autre plus puiffante, ou même s’eft affu-
jettie à elle, dans la vue d’en être protégée} ft
celle-ci ne la protège pas dans l’occafion, il eft
i manifefte que , manquant à fes- engagemens, elle
perd tous les droits que la convention lui avoir
, acquis , & que l’autre, dégagée de l’obligation
quelle avoit contractée, rentre dans les liens,
& recouvre fon indépendance ou fa liberté. Il
: faut remarquer que cela a lieu même dans le cas
où le protecteur ne manque point à fes engagemens
par mauvaife f o i , mais par impuiflance :
car la nation plus foible ne s’étant fôumife que
pour être protégée, fi l’autre ne fe trouve point
en état de remplir cette condition effentielle, le
paCte eft anéanti, & la plus foible peut, fi elle
juge à propos , recourir à une protection plus efficace.
C ’eft ainfî que les ducs d’Autriche, quf
avoient acquis un droit de protection , & en
quelque forte de fouveraineté, fur la ville de
Lucerne , ne voulant ou ne pouvant pas la- protéger,
cette ville s’allia avec les trois premiers
cantons 5 & les ducs ayant porté leurs plaintes à
l’empereur, les lueernois répondirent » qu’ils
» avoient ufé du droit naturel & commun à tou&
» les hommes, qui permet à chacun de chèr-
» cher fa propre fureté , quand il eft abandonné:
« de ceux qui font obligés de le fecourir
Poyei l’article Souveraine
PRQ VED ITEU RS . Voye^ l’amcleVenise..
PR O V EN C E . Vbyeç j dans le Dictionnaire
géographique , l’époque de fa réunion à. la Goudronne..
PR O V IN C E S : UN IE S : c’eft le nom qù’on
donneà la confédération desfept républiques que
forme la nation hollandoife.
Nous avons fait des articles particuliers fur
chacune des fept républiques : on y trouve uni
précis de I’hiftoire politique de ces diverfes provinces
} des détails & des remarques.fur la forme
de leur gouvernement, fur leurs productions
leur commerce, leur population , leur régime intérieur
, & fur beaucoup d’autres objets. Celui-ci contiendra des vues & des observations
plus générales. Nous donnerons11®. un précis de
l ’hilloire politique dues .Provinces- Unies : 20. nous
ferons la defeription de ces fept provinces :' iious
parlerohs de leur population, de leur culture &
de leur pêche : 3*. nous indiquerons les pays
qui appartiennent aux fept Provinces - Unies en
général, & nous ajouterons quelques mots fut le
traité de Bavière : 40. nous traiterons des manufactures
& du commerce des Provinces - Unies :
nous ferons des réflexions pqlitiques fur le commerce
, fur la richefie -des Provinces- Unies & les
effets de cette richefie : y°. nous parlerons de fes
revenus, de fes' impôts, de fes troupes & de
fa marine : 6°, du régime eccléfialtique & de la
tolérance , envifagée dans fes effets politiques
par rapport aux Provinces- Unies : 70. nous traiterons
de la conftitution fédérale des Provinces-
JJnies, de l’union d’Utrecht : nous entrerons dans
des détails fur l?s Etats-Généraux, fur l’admi-
niftration de ces républiques confédérées, & fur
les qfficiers de la confédération : 8°. nous traiterons
du llathouderat, des troubles qui viennent
d’arriver, & de la révolution qui vient de s’opérer
dans les Provinces-Uni es par les troupes du
roi de Pruffe : 90. nous parlerons des polfefiions
bollandoifes dans l'Inde, en'Afrique & en Amérique
, de la compagnie hollandoife, & nous terminerons
cette feCtion par des remarques fur
l’état aCtuel des Provinces- Unies : 10. la dernière
feClion indiquera les rapports politiques des Pro- ;
vinces-Unies avec les autres états de l’Europe ,
& nous rapporterons le dernier traité de ces républiques
avec la France.
S e c t i o n p r e m i è r e .
Précij de l'Jiifioire politique des Provinces-Unies.
Les dix-fept provinces, appellées les Pays-Bas,
faifoient autrefois partie de l’empire d'Allemagne.
Elles étoient gouvernées par des ducs , des comtes
& desfeigneurs. Philippe-le-Hardi, premier duc de
Bourgogne de la' branche cadette , fe trouva
maître du comté de Flandre, de celui d’Artois,
des villes de Malines & d’Anvers, par fon mariage
avec Marguerite veuve de Philippe, dernier
due de Bourgogne de la branche aînée.
Charles - Q uin t, qui devint enfuite empereur
d’Allemagne , hérita de ces domaines après la
mort du duc Charles-le-Hardi, fon bifaÿeul, &
il y réunit les autres provinces } en forte que dans
le.feizième’ fiècle, tous les Pays-Bas fe trouvèrent
fous la domination de là maifon d’Autriche.
Charles-Qùint mit tout en ufage pour y exercer
un empire abfolu j & cette prétention, jointe à
l’amour de la liberté & au -defir de maintenir
une religion qu’on opprimoit, infpira aux habi-
tans des Pays-Bas le defir de fecouer le-joug de
de la maifon d’Autriche. Leur mécontentement
augmenta , lorfque Charles V céda la régence
de ces provinces à Philippe fou fils , -qui ne voulut
pas .fouffrir d’autre religion que la catholique romaine.
Tout le monde connoît la perfécution
fanglante de Philippe I I } il appefantit le joug par
des impôts exorbitans. Cette oppreffion , déjà
'très-cruelle, ne connut plus de bornes fous 1 admit
tiltration de Ferdinand deTolede, duc d’Albe , à
| qui Philippe avoit donné le commandement des
Pays-Bas les dix-fept provinces fe révoltèrent ;
elles furent foutenues par Guillaume , prince
d’Orange, gouverneur pour le roi des comtés
de Hollande, de Zéelande & d ’Utrecht, ainfi
que par le comte Louis de Naflau , fon frère.
Les états de Hollande ne tardèrent pas à corf-
férer au premier le gouvernement de leur province
, & ils furent imités par plufieurs autres
villes. Guillaume eut foin de reunir entre-elles
les diverfes provinces, elles lignèrent en effet,
en1 1576., un adte qui porte le nom de pacification
de Gand. Il ne négligea rien pour en af-
furer l’exécution} mais il ne put empêcher fon.
abolition qui' eut lieu peu de temps après. Il
chercha dès - lors les moyens d’établir une confédération
fiable , ôc fes efforts eurent du fucr
cèsj les provinces conclurent, en 1 $ 79 , cette
fameufe union d’Utrecht, qui lia les Provinces-
Unies & qui fait aujourd’hui la bafe de leur confédération.
Le prince ne vécut pas affez pour jouir
de fes fuccès. L ’on étoit à-peu-près convenu de
le revêtir de la fouverainé de ces provinces.,
lorfqu’ en 1 ^84 il fut affafiiné. Sa mort affligea les
P r ovine es-Uni es mais elle ne les découragea point :
elles défendirent leur liberté à main armée - contre
l’Efpagne. Elifabsth, qui occupoit le trône
d’Angleterre, les prit fous fa protection. Le fort
de la guerre fe déclaroit en leur faveur, & leur
commerce faifoit des progrès fi rapides, qu’elles
établirent en' 1602 cette compagnie des Indes
orientales , qui depuis à étonné l’univers. La
guerre avoit épuifé les forces & les reffources de
l’Efpagne : cette puifiance fe vit réduite à demander
une fufpenlion d’armes , & à reconnoître
dans le premier article du traité, les Provinces-
Unies des Pays - Bas pour libres & indépendantes.
Les nouvelles républiques portèrent leur
puifiance durant cet armiftice à un tel point d’élévation
. qu’elles ne l’ont point furpaflé depuis.
A peine tes douze années étoient elles révolues
; c|ue la guerre recommença avec fureur. Frédéric
: Henri, prince d’Orange , revêtu alors de la dignité
Ide ftathouderd , montra de la valeur & de la pru-
denceau milieu des hoftilités. Elles fe terminèrent
enfin en 1648, époque du traité de Munfter.
Philippe IV , roi d’Efpagne renonça à tous fes
droits fur les Provinces- Unies , il les déclara libres
j & indépendantes : il promit de faire reconnoître
cette indépendance par les états de l’empire 5 il
tint mal fa parole, ou il rencontra des obftades ,
car l’indépendance des Provinces - Unies ne fut
reconnue que par l’empereur feul ; au refte l’em