
banque valoient plufieura millions; & par leur
foufcription, à l'obligation primitive ou contrat
de banque , ils les avoient réellement hypothéqués
pour répondre à tous fes engagemens. Malgré
fa trop grande facilité , elle fe foutint plus de
deux ans, par le grand crédit que lui donnoit
un cautionnement de cette valeur» Lorfqu’elle fut
obligée de s'arrêter , elle avoit en circulation environ
deux cen s mille livre s de billets. Pour fou-
tenir la,, circulation de: ces billets, qui lui reve-
noient auffi-tôt qu'ils étoient dans le commerce,
elle eut conftamment recours à la pratique de
tirer fur Londres des lettres de change, dont
le nombre & la valeur alloient toujours en croif-
fant, & qui à la fin fe montoient à plus de iîx
cents mille livres fterlings. Cette hanque, en un
peu plus de deux ans, avoit donc avancé à différentes
perfonnes au - delà de huit cents mille
livres à cinq pour cent. Peut-être pourroit ôn
regarder ces cinq pour c en t, fur les deux cents
mille ,livres qui circuloient en billets., comme un
bénéfice clair , fans autre déduction que les frais
d’adminiftration. Mais fur les fix cents mille liv.,
pourlefqueiles elle tiroit continuellement fur Londres
, elle payoit enTntérêt & en commiflion au-
delà de huit pour cen t, & conféquemment elle
perdoitplus de trois pour cent fur les trois quarts
de toutes fes opérations.
Il paroît que ces opérations produifirent un
effet tout oppofé à celui qu'a voient en vue ceux
qui eurent l'idée & la direction de la banque.
11 paroît qu'ils fe propofoient de féconder les
entreprifes patriotiques, ou fuppo fées telles, qui
fe-faifoient dans différentes parties du royaume ,
& en même-temps d'attirer toutes les affaires à
eux , pour fupplanter les autres banques d’Ecoffe,
particuliérement celles d'Edimbourg , dont la lenteur
à efeompter les lettres de change avoit déplu.
Sans doute les fpéculateurç tirèrent dé cette'
banque un foulàgement paffager, qui les mit en
état de pouffer leurs entreprifes deux ans de plus;
mais ils ne firent par là que s’endetter davantage,
& confommer leur propre ruine & celle de leurs
créanciers. A in fi, au lieu de guérir le mal qu'ils
avoient attiré fur eux & fur. leur pays , ils l'ont
aggravé à la longue par l'ufage d'un remède pernicieux.
Il auroit mieux valu pour eux , pour leurs
créanciers & pour l'Ecoffe, que la plupart d'en-
tr'eux euffent été obligés de s'arrêter deux ans
plutôt; Le fecours paffager que cette banque leur
a- donné, eft devenu pour les autres banques un
bien-réel & permanent. Tous ceux qui négo-
cioient les lettres de change que ces autres banques
efeomptoient avec tant de peine, n’ont pas
manqué de s'adreffer à la nouvelle, où ils étoient
reçus ambras ouverts. Elles ont pu fortir ainfi ai-
fément de ce cercle fatal., d’où elles ne fe fe-
roient jamais dégagées autrement fans une perte
çonfidérable , & peut-être même fans tomber juf-
qu'à un certain point dans le diferédit.
Cës opérations ont donc augmenté à la longue
. le mal réel qu'elles prétendoîent guérir, & ont fervi
efficacement les banques rivales qu’on vouloit fup-
pknter.
Lorfque cette banque s'établit, quelques perfonnes
penfèrent qu'avec quelque rapidité que fe
vuidâ-t fa caiffe, elle pourroit fe remplir facilement
par l'argent qu'on feroit fur les caution-
nemens de ceux auxquels elle auroit avancé des
billets. Je crois que l'expérience ne tarda pas à
les convaincre que cette méthode de faire de
l'argent étoit beaucoup trop lente pour répondre
à leurs vues , & que la caiffe, fi mal remplie
dans l'origine &. fi prompte à fe vuider., ne pou-
voit fe remplir par d’autre voie que l'expédient
ruineux de tirer fur Londres, & de payer à déchéance
par d'autres traites fur la même place
avec l’intérêt & la commiffion accumulés-. Mais
quoique cette reffource lui procurât de l'argent
auffi-tôt qu'elle en manquoit, au lieu d'y trouver
du bénéfice, elle perdait néceffairement fur-chaque
opération, de manière qu'à la longue il falloir
qu'elle fe ruinât , comme compagnie commerçante,
quoique peut-être moins promptement,
par la pratique difpendieufe de la traite- réciproque
: elle ne pouvoir pas mieux réuffir paç l’intérêt
du papier, qui, excédant ce que la circulation
du pays pouvoir abforber & employer , lui
revenoit pour être échangé contre de l'or & de
l’argent, auffi-tôt qu'elle l’avoit délivré', & pour
le paiement ; duquel elle étoit ; continuellement
obligée d'emprunter des efpèces. Au contraire *
toute la dépenfe des agens qui cherchoient des
perfonnes en état de prêter les frais de négo^
ciation avec ces perfonnes , celle des obligations
avec elles retomboient néceffairement à fa charg
e , & étoient une perte évidente fur la balance
de fes comptes. On peut affimiler le projet de
remplir fes coffres par cette voie , à l'idée'.d'un
homme qui auroit un étang, d'où il fe feroit
fans ceffe un écoulement d'eau qui ne feroit réparé
par aucune fourcé confiante, & qui préten-
droit le tenir toujours plein à l’aide d'une multitude
de gens qui iroient prendre de l'eau dans un
puits , à quelques milles de diftanee, & qui fe-
roient toujours.occupés à en apporter pour remplacer
celle qui fortiroit de l'étang.
Mais quand cette opération eût été praticable,
& utile à la banque, envifagée comme compagnie
commerçante, loin que le pays en pût tirer
aucun avantage , il devoit y perdre confidérable-
ment. Elle ne pouvoit augmenter la quantité d’ar-
gent à prêter. Tout ce qui en réfnltoit, c'e-ft que
la banque devenoit un bureau général de prêt
pour tout le. pays ,, & que ceux qui étoient .dans,
le . cas d’emprunter, s'adreffoient à elle plutôt;
qu’à des particuliers.; Mais il n’eft pas probable
qu'une banque qui prête peut-être à cinq cent-s?
perfonnes , dont la plupart font peu connues des
dire&eurs, foit plus judicieufe dans le choix de
fes débiteurs, que les particuliers qui prêtent à !
un petit nombre de g en s , dàns lefquels ils ont
de bonnes raifo'ns de mettre leur confiance. Les j
débiteurs d'une banque ; telle que je viens déjà
crayonner, dévoient être , pour la plupart, des
faifeurs de projets chimériques , des gens qui ti-
roient les uns furies autres des lettres de change
de circulation , qui mettoient de l’argent a de
folles entreprifes, qui ne pouvoient jamais réuffir
avec tous les fecours qu’on leur donnoit, & q ui,
quand elles auroient réuffi, n'étoient pas capables
de les - indemnifer de ce qu'elles leur avoient
coûté, réellement, ni de leur rapporter un capital
affez çonfidérable pour entretenir une quantité de
travail égale à celle qu'ils y avoient employée. Il
eft na'urel , au contraire, que les débiteurs fages
emploient l’argent qu’ils empruntent, à des en»
treprifes modeftes, proportionnées à leurs capitaux
; qui n'aient rien de grand & de merveilleux,
mais qui foient folides & profitables ; qui rendent
ce qu'on y amis, & qui le rendent avec ufure,
de manière qu'elles produifent un bénéfice capable ,
d’entretenir une beaucoup plus grande quantité
de travail que celle qu’il a fallu pour les amener
à bien. .Ainfi cette opération, qui ne pouvoit augmenter
le capital du pays, fervoit uniquement à
en faire paffer une grande partie de la caiffe des
gens propres à lé faire valoir par leur fageffe &
leur économie dans7 celle d'autres- qui fe per-
doient par des entreprifes imprudentes & rui;
neu fes.
Le fameux M. LaW péhfeit que l'induflrie de
l’Écoffe languiffoit,- faute d’argent pour la mettre
'en oeuvre. Il paroît avoir imaginé qu'en établif-
fant une banque d'une efpèce particulière, qui
donneroit du papier jufqu'à la valeur de toutes
les terres du pays, il remédieroit à ce befoin
d'argent. Le parlement d'Ecoffe ne voulut pas
adopter foh projet. Le duc d'Orléans , alors régent
de France, l'adopta enfuite avec quelques
changemens. L'idée qu'on pouvoit multiplier le
p apief-rripn voie prefque à l’infini , étoît la véritable
bafe de ce qu'on appelle le fyftême du Mif-
fiffipi, projet de banque & d’agiotage le plus extravagant
qu'on ait peut-être jamais conçu. Les
diverses opérations de ce fyftême ont été expliquées
fi complettement, fi clairement & fi nettement
par M. du Verney, dans fon examen des
réflexions politiques fur le commerce & les finances
de M. du T ô t , que je n'en dirai rien ici.
Les principes fur lefquels il étoit fondé , ont été
expofés par M. Law , dans un difeours fur l'argent
& le commerce , qu'il publia en Ecoffe lorf-
qu'il en fit la première propofition. Les idées
magnifiques, mais vifionnairës, qu'il étale dans
cet ouvrage & dans quelques autres, font encore
impreffion aujourd'hui fur plufieurs perfonnes , &
ont peut-êre contribué en partie à cet excès ,
dans les opérations de banque, dont on s'eft
plaint en E c o ffe .a illeu r s .
La banque d’Angleterre eft la banque de circulation
là plus çonfidérable qu'il y ait en Eu-,
rope. Elle fut établie par un aéte du parlement
& une charte du grand fceau , datée du 27 juillet
1694. Elle avança alors au gouvernement la fom-
me d’un million «deux cents mille livres llerlings ;
pour une annuité de cent mille livfes , ou pout
quatre - vingt - feize mille livres d’intérêt an-'
nüel-, & quatre mille livres pour les frais d’ad-
mimftration. Le crédit du nouveau gouvernement*
établi par la. révolution, devoit être bien foi-
b le , puifqu'il étoit obligé d’emprunter à fi gros
intérêt. T , ". ' . ; , ;
En 1(397 , on permit à -la banque d’augmenter
fon fonds d’un million mille cent foixante-cmzè
livres fterl. pour foutenir, difoit- on , le orédit
public; En 16 96, les billets dé l’échiquier s’ef-
comptoient à quarante , cinquante & foixante
pour cent de perte, & les billets de banque à
vingt pour cent. Pendant la grande refonte de
l’argent, à laquelle on procédoit alors, la banque
avoit jugé à propos d'interrompre le paiement
de fes billets 3 ce qui les fit néceffairement
tomber dans le diferédit.
D'après l'aéte de la feprièrae année de la reine
Anne , chap. V I I , la banque avança & paya à
l’échiquier la fomme de quatre cenrs mille livres
fterlings : à cette époque, elle avoit avancé la
fomme d'un million fix cents mille livres fur la
même annuité originaire de quatre - vingt - feize
mille livres d'intérêt, & quatre mille livres- de
frais d'adminiftration ; d'ou il fuit qu'en 1708 le
gouvernement avoit auffi bon crédit que les particuliers,
puifqu'il pouveit'emprunter au taux de
fix pour cent, qui étoit l'intérêt ordinaire & légal
de ce temps - là. En conféquence du même
a&e , la banque annullà pour un million fept
cents foixante-quinze mille vingt-fept liv. fterl.de
billets de l’échiquier, à fix pour cent d'intérêt,
& il lui fut- permis en même-temps de prendre
des fouferiptions pour doubler fon capital. Ainfi,
en 1708 , le capital de la banque fe montoit à
quatre millions quatre cents deux mille trois cents
quarante-trois livres fterlings, & elle avoit avancé
au gouvernement la fomme de trois millions trois
cents foixante-quinze mille vin^-fept livres.
Un appel de quinze pour cent en 1709 augmenta
le fonds de fix cents cinquante-fix mille
deux cents quatre livres un fol neuf deniers , &
un fécond appel de dix pouf cent en 1710 l'augmenta
de cinq cents un mille quatre cents qua-,
rante huit livres douze fols onze deniers. Le capital
de la banque fe trouva de cinq millions cinq
cents cinquante-neuf mille neuf cents quatre-vingt
quinzelivres.
En vertu de l'aéte de la huitième année de
l'a&e de George I , ch. XXI , la banque acheta
de la compagnie de la mer du fud, un fonds qui
fe montoit à quatre millions de livres 5 & en
1722, d’après des fouferiptions qu'elle avoit pii