
l'intérieur exige, il eft néceffaire de fortifier Peu
tree de là rivière. Depuis que les marattes on
acquis des ports, des corfaires auxquels ils ont
donné afyle, infeftent la mer Malabare parleurs
pirateries. Ces brigands tentent même des del-
î f0? '5 Par_tollt ils comptent faire du butin
Mahene feroit pas à Pabri de leurs entreprifes ,
s il y avoit de l’argent ou des marchandises fans
detenfe, qui puffent exciter leur cupidité.
J-es françois fe dédommageroient aifément des
depenfesqui auroient été faites, s’ils conduifoieik
leur commerce avec activité & intelligence. Leur
comptoir eft le mieux placé de tous pour l'achat
du poivre. Le pays leur en fourniroit deux millions
cinq cents mille livres pefant. Ge que l’Europe ne
confommeroit pas , ils le porteroient à la Chine ,
dans la mer Rouge & dans le Bengale. La livre
de poivre ne leur reviendroit qu'à 1 2 L , & ils
nous la vendroient 2 5 ou 50 f.
C e bénéfice, considérable par lui-même, fe-
roit gvofli par celui qu’on pourroit faire fur les
Marchandifes d’Europe que l'on porteroit à Mahé.
1 es fpéculateurs auxnuek • es fpéculateurs auxquels cCeP crnommnpmtoiirr pefftt l!ep mmiipeuiivx
connu , jugent qu'il fera aifé d’y débiter annuellement
quatre cents milliers de fe r , deux cents
miJIiers^de plomb , vingt-cinq milliers de cuivre,
deux mille fufils, vingt mille livres de poudre ,
cinquante ancres ou grappins, cinquante balles
de drap, cinquante mille aunes de toile à voile ,
une allez grande quantité de vif-argent, & environ
deux cents barriques de vin ou d’eau-de-
vie pour les françois établis dans la colonie » ou
pour les anglois qui font au voifinage. Ces objets
réunis produiraient au moins 584,000 Iiv .,
i J3>6oo liv. feroient gain , en fuppofant un
bénéfice de quarante pour cent. Un autre avantage
de cette circulation, c’eft qu’elle entretien-
droit toujours, dans ce comptoir, des fonds qui
le mettroient en état de fe procurer les productions
^du pays dans les faifons de l’année où elles
font à meilleur marché.
Le plus grand obftacle que le commerce peut
trouver, c eft la douane établie dans la colonie.
C e t impôt gênant appartient au fouverain du pays,
& a toujours été un principe de diffenfîon. Les
anglois de Tallichery, qui éprouvoient le même
dégoût, ont réuffi à fe procurer de la tranquillité.
On pourroit, comme eux , fe rédimer de
cette contrainte par une rente fixe & équivalente.
Mais , pour y déterminer le prince, il faudroit
commencer par lui payer les 46,355. roupies > ou
111,247 livres 4 fols qu’il a prêtées, & ne lui
plus refufer le tribut auquel on s"eft engagé pour
vivre paifiblement fur fes poffeMons.
Au nord de l’immenfè cote de Coromandel,
la France occupe Y anon, dans la province de
Ragimendry. C e comptoir fans territoire , fitué
à neuf milles de l’embouchure de la rivièré d’In-
gerom , fut autrefois ftoriffant. De fauffes vues
le firent négliger vers l’an 1748. Cependant on
y pourroit acheter pour 4 à yoo,ooo livres de
marchandifes , parce que la fabrication des bonnes
& belles toiles eft confîdérable dans le voifinage.
Quelques expériences heureufes prouvent
qu’on peut y trouver un débouché avantageux
pour les draps de l’Europe. Le commerce y feroit
plus lucratif, fi l’on n’étoit obligé d’en partager
le bénéfice avec les anglois , qui ont un
petit établiffement à deux milles feulement de ce*
lui des françois.
Cette concurrence eft bien plus funefte encore
à MazuJipatnam. La Fratice , réduite, dans cette
ville qui reçut autrefois fes loix , à la loge qu’elle
y occupoit avant 1749 , ne peut pas foutenir l’égalité
contre la Grande - Bretagne, à laquelle il
faut payer des droits d’ entrée & de fortie , &
qui obtient d’ailleurs dans le commerce toute la
faveur qu’entraîne la fouveraineté. Aufla toutes
les fpéculations des françois fe bornent - elles à
l’achat de quelques mouchoirs fins, de quelques
autres toiles, pour la valeur de î yo,ooo livres. Il
faut fe former une autre idée de Karical.
Cette ville fituéedans le royaume de Tanjaour,
fur une des branches du Colram, qui peut recevoir
des bâtimens de cent cinquante tonneaux >
fut cédée en 1758 à la compagnie, par un roi
; détrôné qui cherchoit de l’appui par - tout. Ses
affaires s’étant rétablies avant que les engagemens
euffent été remplis, il rétraéla le don qu’il avoit
fait. Un nabab attaqua la place avec fon armée^
& la remit en 1739 aux françois, dont il étoit
ami. Dans ces circonftances, le prince ingrat &
perfide fut étranglé par les intrigues de fes oncles
; & fon lucceffeur, qui avoit hérité de fes
ennemis comme de fon trône, voulut fe concilier
une nation puiffante en la confirmant dans
fa poffeftion* Les anglois s’étant rendus maîtres
de la place en 17Ô0 , en firent fauter les fortifications.
Elle fut depuis reftituée aux françois ,
qui y rentrèrent en 1765.
Dans l’état aétuel, 'Karical' eft un lieu ouvert,
qui peut avoir quinze mille habitans,. la plupart
occupés à fabriquer des mouchoirs communs,. &
des toiles propres à l’ufage des naturels du pays*
Son territoire , confidérablement augmenté par
les conceflions qn avoit faites en 1749-le ror de
Tanjaour, eft redevenu ce qu’il étoit dans les
premiers tems , de deux lieues de long fur une
dans"fa plus grande largeur. De quinze aidées
qui le couvrent,. la feule digne d’ attention fe
nomme Tiranoulé - Rayenpatnam : elle n’a pas
moins de vingt cinq mille âmes. On y fabrique ,
on y peint des perfes médiocrement fines, mais
convenables pour Batavia & les Philippines. Les
ehoulians, mahométans, ont de petits bâtimens,
avec kfquels ils font le commerce de Ceylan &
le cabotage*
La France peut tirer tous les ans de cette
poffeffion deux cents balles de toiles ou de mouchoirs
propres pour l’Europe , & beaucoup de
riz pour l’approvifionnement de fes- autres- colonies.
Toutes les marchandifes achetées à Karical, a
Yanaon, à Mazulipatnam, font.portées à Pondichéry
chef-lieu de tous les établiffemens françois
dans l'Inde.
Cette ville , dont les commencernens furent fi
foibles,- acquit avec le temps , de la grandeur,
de la puiftance, & un nom fameux. Ses rues,
la plupart fort larges & toutes tirées au cordeau,
étoient bordées de deux rangs d’ arbres qui don-
noient de la fraîcheur même au milieu du jour.
Une mofquée , deux pagodes , deux églifes , &
le gouvernement regardé comme le plus magnifique
édifice de l’orient, étoient des monumens
publics, dignes d'attention. On avoit conftruit
en 1740 une petite citadelle, qui étoit devenue
inutile depuis qu’il avoit été permis de bâtir des
maifons tout autour. Pour remplacer ce moyen
de défenfe , trois côtés de la place avoient été
'fortifiés par un rempart, un foffé , des battions,
& un glacis imparfait dans quelques endroits. La
rade étoit défendue par des batteries judicieufe-
ment placées.
La ville, dans une circonférence d’une grande
lieue, contenoit foixante-dix mille habitans. Quatre
mille étoient européens, métis ou topaffes.
Il y avoit au plus dix mille mahométans. Le refte
étoit des indiens , dont quinze mille étoient chrétiens
, & les autres de dix-fept ou dix-huit caftes
différentes. Trois aidées, dépendantes de la plac
e , pouvoient avoir dix mille âmes.
T e l étoit l’état de la colonie, lorfque les anglois
hautëür, eft uti vafte étang creufé- depuis plu-
fieurs fiècles , & q u i, après avoir rafraîchi &
fertilifé un grand’ territoire 5 vient arrofer les
environs de Pondichéry. Enfin la colonie eft favorablement
s’ en rendirent les maîtres dans les premiers,
jours de 1761 , la de'truifirent de fond en comble
, & en chaffèrent tous les habitans. D ’autres
examineront peut-être fi le droit barbare de la
uerre pouvoit juftifier toutes ces horreurs. La
rance prit en 1763 la réfolution de rétablir Pon?
dichery que le traité de paix venoit de lui rendre
, & d’en faire de nouveau le centre de fon
commerce.
La ville privée de p o r t, comme toutes celles
qui ont été bâties fur la côte de Coromandel, a
fur les autres l’avantage d’une rade beaucoup plus
commode- Les vaiffeaux peuvent mouiller près du
rivage, fous la protection du canon des fortifications.
Son territoire , qui a trois lieues de long
fur une de large , n’eft qu’un fable ftérile fur le
bord de la mer : mais, dans fa plus grande partie
, il eft propre à la culture..du riz» des légumes,
& d’une racine nommée chayaver ,'qui fert
aux couleurs. Deux foibles rivières qui traverfent
le pays, inutiles à la navigation, ont des eaux
excellentes pour les teintures, pour le bleu fin-
gnliérement. A trois milles de la place s’élève,
cenCtoifes au-deffus de la mer, un coteau qui
fert de guideaux navigateurs à fept ou huit lieues
de diftance, avantagé ineftimàblé' fur une côte
généralement trop baffe. A l’extrémité de cette
fituée pour recevoir les vivres & les
marchandifes du Carnate, du Mayffour & du T an-
jaour.
Tels font les puiffans motifs qui déterminèrent
la France à la réédification de Pondichéry. Aufli-
tôt que fes agens parurent , le 11 avril 1765 ,
on vit accourir les infortunésindiens que la guerre,
la dévaluation & la politique avoient difperlés.
Au commencement de 17 70 , il s’ en trouvoit
vingt-fept mille qui avoient relevé 1er ruines de
leurs anciennes habitations. Le préjugé où ils font
élevés , qu’on ne peut être' heureux qu’en mourant
dans le lieu où l’on a reçu Je jour , ce préjugé
fi doux à conferver, fi utile à noûrrir, ne
permet pas de douter qu’ ils ne revinffent tous ,
auffi-tôt que la ville feroit fermée.
Le projet en fut conçu quèlqües années après
la reprife de pofleffion. On 'ivavoit alors d’autre
idée fur la conftmction dans un terrein fablon-
neux , & où'les fondations doivent être néceffai-
rement dans l’eau , que l’établiffement fur puits,
ouvrage très-difpendieux & , pour ainfi dire , interminable.
M. Bourcet préféra un établiïfement
fur bermes, avec un revêtement fans épaiffeur , ta-
luant de deux cinquièmes , & appuyant fur un
rempart de terres mouillées , battues & comprimées.
Ces bermes avoient été mifes en ufâge dans
la conftru&ion de l’ancienne enceinte de la place j
mais les murs qui les foutenoient, étoient fondés
affez bas pour empêcher les aftaiffemens qu’auroit
produits l’écoulement des fables qui auroient pu
s’échapper de deffous les fondations 3 avantage
dont la nouvelle méthode étoit bien éloignée.
C ’eft dans ce mauvais fyftême que furent élevées
mille toifes de revêtement.
On ne fut pas plutôt inftruit en Europe du vice
de ces travaux, que le miniftére fit partir M. Def-
claifons, diftingué'dans le corps du génie par fa
probité & par fes talens. Cet habile homme n’adopta
ni l’établiffement fur puits, ni l’établiffement
fur bermes avec des revêtemens inclinés
aux deux cinquièmes de talus fur la hauteur. Il
commença à travailler en février 1 7 7 0 , & fit en
fept mois un développement de fix cents trenre-
fix toifes, avec dix pieds réduits de nette maçonnerie
au-deffus de la fondation, portée au
point le plus bas où l’ont eût pu épuifer les eaux.
Sa maçonnerie étoit folide , & fon revêtement
conftruit fuivant la pratique des plus grands maîtres.
M. Defclaifons, rappelle par une intrigue , fut
remplacé par le même ingénieur dont le travail
avoit été fi juttement blâmé. Celui - ci reprit fa
méthode , quoique ce qu’ il avoit fait fût déjà îé-
fardé, & il exécuta un nouveau'développement
P p p p i