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côtes , d’avoir des forces confidérabîes de mer
pour les défendre. Les vaifleaux font pour
les uns ce que les forterefles font pour les
autres. La protection du commerce entrera encore
dans les moyens de détail , parce qu’un état
maritime ne peut fubfifter & profpérer que par
le commerce , qui- n’ eft jamais floriffant queutant
qu’ il peut - compter fur une protection efficace
de la part du gouvernement, & elle r\e peut
être telle qu,autant' que fes forces maritimes font
fupérieures.
Une puilfance majeure aura un intérêt général
& néceffaire à veiller à ce qui pourroit
agrandir celles qui font avec elle à -p e u -p rè s
én rapport d’égalité. Un moyen de détail pour
elle fera d’ empêcher que les puiffances moyennes
ou du ' troifième ordre ne ïoient opprimées ou
envahies, parce que le contrecoup d’un pareil
événement compromettroit fa propre confîdéra-
tion.
Pour une puilfance moyenne, ce fera un intérêt
général & néceffaire de ne point entrer dans
les querelles des grandes , parce que fi fan concours
donnoit de la prépondérance à l’une > l’équilibre
en pourroit fouffrir * & que le falut aes
moyennes eft dans le maintien de cet équilibre.
Une puilfance du troifième ordre aura pour intérêt
général & néceffaire de ne fe brouiller avec
perfonne, & en particulier de ménager autour
d’elle' des protecteurs & des défenfeurs contre,
l’ avidité des conquérans.
On ne fauroit donc prendre d’engagemens qui
felelfent ces intérêts généraux & néçeffaires fans
commettre des fautes politiques très-funeftes.
; Les intérêts de fimpte utilité dépendent un peu
plus de l’o p in io n& font par conféquent plus fujets
à erreur > mais les erreurs y font moins dangereu-
f e s , pourvu qu’elles ne faffent point facrifier ou
compromettre fes intérêts généraux ou efïentiels,
©u ceux des autres. C ’eft dans ce dernier cas qu’on
excite contre foi la défiance & la haine publi-
que.
II peut, par exemple, y avoir une utilité dé
détail à fe lier avec une puilfance, à prendre &
à foutenir fes intérêts > mais s’ il doit en réfulter
vraifembl ablemén t quelque fuite contraire aux
intérêts- généraux & nécelfaires, ce fera un faux
plan de politique.
Dans l’ordre particulier, on regarderoit comme
un fou quiconque , pour augmenter fon bien,
fe mettroit dans Iè rifque vraifemblable de le perdre
tout entier. Quoiqu’en matière politique on-
ne puifle pas établir une proportion- exactement
géométrique entre les réfôlutions & les événe-
mens, parce qu’ ils font incertains, il faut du moins,,
pour excufer &• juftifîer les réformions qu’elles
aient, pour elle plus de probabilité.. •
Il eft rare que l’bn puiffe fe livrer1 impunément-
aux, intérêts de: pute: convenance cela fyppofe.:
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des objets fôibles en eux-mêmes-, & qui ne me«
ritent pas qu’on s’expofe à des hafards.
Cette confédération devient encore bien plus grave
, s’il s’ agit de droit de convenance qui, fans
refpeCt pour la juftice & pour le droit d’autrui,
arme un. conquérant & le porte à entreprendre
de dépouiller fes voifins, parce que fes dépouilles
font à fa bienféance. Le concours des moyens qui
fe réunilfent contre de pareilles entreprises, fait
tomber ordinairement toutes les proportions entre
les rifques & les avantages.
En général , tout ce qui eft de pure convenance
eft trop arbitraire , & l’arbitraire eft le poi-
fon de la politique fenfee. Si nous fuivons des intérêts
effentiels , perfonne ne nous blâmera 5 &
les gouvernemens, ainfi que les individus , exercent
fur ces objets une cenfure affez raifonnable»
Il eft donc peu de partis à . prendre , qui ne
foient fujets à quelque inconvénient. Il eft bien difficile.
de calculer le pour & le contre, & c’eft ce
que doit faire un homme d’état dans tous les mo-
mens. : il doit fans, celfe combiner ce qu’il y a à
gagner > le rapprocher de ce qu’ il peut perdre ,
évaluer la valeur de l’un & de l’autre 5 dans le
nombre des objets de perte, calculer ceux qui
influent le moins fur les intérêts généraux & effentiels,
& ceux qui en pourroient être deftruc-
tifs J prévoir les reffources pour être dédommagé
par quelque chofe, des rifques que l’on court »
juger fi ce que l’on peut perdre eft fufeeptible
d’ être réparé j examiner fi ce que l’on prévoit qu’on
perdra , ne fera pas par lui - même un obftacle
. au fuccès de l’objet qui nous détermine : la com-
• binaifon de tous ces élémens eft prefqu’infihi.e^.
Quels peuvent être les guides fûrs dans un
- pareil labyrinthe , ou il eft fi facile de s’égarer
Une parfaite connoiffance de l’intérieur & des
moyens de l’état 5 une égale connoiffance , autant
. qu’il eft poffible, de l’intérieur & des moyens
des autres, afin de calculer les proportions d’une:
manière exaCte; une grande netteté d’idées pour
; voir chaque chofe dans fon jufte point de vue ÿ
[ une droiture d’èfprit, qui les compare l’une à
s, l’autre félon leur valeur réciproque y de la fuite
& de la prévoyance , pour ne point biffer confondre
les diverfes fortes d’intérêts y une attention
: continuelle & fuivie fur les évenemens pour en
tirer des avantages, ou pour réparer les dé Tordre
s qu’ils peuvent occafionner dans les premiers-
plans & dans les intérêts elfentiels > une fageffe *
prompte à céder ou aux obftacles invincibles, ou
à ceux contre lefquels on ne pourroit lutter qu’avec
trop de pertês. Et cette dernière qualité eft
peut-être une des plus effentielles dans l’ordre
politique ,, puifqu’ elle intéreffé le bonheur général
j & que fouvent une perfévérance deraifon-
n ab l'ed an s les vues d’un feul homme, qu’on-
peut nommer entêtement, force tous lès refforts-
politiques , & produit un ébranlement général.
* Exiger d'un feuf homme tant de. qualités *.c’c ft
1 n v
-peut-être rappeller la république de Platon, pour
laquelle il auroit fallu créer des hommes exprès ;
mais eft permis de peindre ce que les admmiftra-
teurSj-en certaines occafions, devroientetre, 8c
ce qu'il feroit à fouhaiter qu ils fuffent. Gc tableau
peut exciter l'émulation, & leur donner le
defir d'approcher de la perfection.
Voyez les articles Démocra tie , A ristocratie
, Monarchie , Gouvernement ,
L o i , 8c tous les autres articles qui ont rapport
à l’adminiftration.
IN T E R N O N C E S , miniftres du fécond ordre
, qu'envoie le pape dans les cours ; ils font
ce que. les envoyés y font de la part des autres
puiffances. Le pape n'a ordinairement qu'un ih-
xern&nce à Cologne auprès de l'éleéfeut de ce
nom ; à Bruxelles, auprès du gouverneur des Pays-
Bas autrichiens ; auprès des cantons fuiffes catholiques,
&c.
La Pologne envoie aufli à la Porte, des miniftres
fous le titre d'internonces , comme elle appelle
nonces les députés qui font envoyés à fes
diètes. On donne encore L Vienne le titre d’ûr-
ternonces à certains miniftres du grand-feigneur,
: Enfin les auditeurs de nonciature envoyés par
le pape avec un nonce , & qui^ exercent a-peü-
près les fonctions de nos fecrçtaires d àmbaffa-
d.e , prennent fouvent le titre d1 internonces, dans
1,’ intervalle du départ d’un nonce à l’ arrivée de
fon fucceffeur -, & afors cette qualité lignifie un
chargé d’affaires pendant l’abfence du nonce.
La France ne reconnoîtpoint d’ internonces, quoiqu’
elle reconnoiffe des-auditeurs de nonciature.
Voye% A uditeur de nonciature & N once.
I N T R O D U C T E U R D E S A M B A S S
A D E U R S . On nomme ainfi celui q u i, en-
tr’autres fonctions de fa charge reçoit & conduit
les miniftres étrangers dans la chambre de leurs
majeltés & des enfans de France, & auquel on
s’adreffe pour les particularités qu’il convient de
favoir au fujet du cérémonial.
Cette charge n’ a été établie en France qu’ à la
fin du dernier fiècle 5 & , dans la plupart* des autres
cours, elle êft confondue avec celle de maître
des cérémonies.
Les admiffionales, employés par les romains dans
le troifième fiècle, répondent à nos ' introduHeurs
des ambajfadeürs. Lampride dit d’ Alexandre, qui
monta fur le trôné en 208 \ quid falutaretur quafi
unus de fenatoribus , patente vélo admijfiônalibus
remotis. Il en eft fait mention dans le code théo-
dofien, ainfi que dans Ammien Marcellin, lib. x v ,
cap. y , ouTon voit que cet emploi étoit très-honorable.
Corippus, lib. z ii de lauàib. Jufiini, qui fut élu
empereur en y i8 , donne à cet officier le titre de
magifier.
IN V AL IDE S MILITAIRE S. C e mot n’ a pas
befoin de définition : nojis ns ferons ici que la
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defcrîption de l ’hôtel des Invalides, fondé par
Louis X IV : plufîeurs écrivains en ont examiné
des avantages & - des inconvéniens } & les principes
& les faits qu’ils établirent , mettront le
lecteur en état de juger les autres établiffemens'
de cette efpèce : nous ne nous permettions pas
cette difcuffion. /
« Outre les différens établiffemens que nous
» ayons faits dans le cours de nôtre règne , il
» n’y en a pas", dit Louis X IV dans fon tefta-
m ment, qui foit plus utile à l’état que. celui
« de l’hôtel royal^ des Invalides.' Il êft bien
« jufte que les foldats qui, par les bleffures qu’ils
” ont reçues à la guerre, ou par leurs longs fer-
» vices & leur ;âge font hors d’état de travailler
” & de gagner; leur v ie , aient une ftibfiftance
' « affurée pour le refte de leurs jours. Plufîeurs-
« .officiers y trouvent auffi. une retraite honora-
w ble. Toutes fortes de motifs doivent engager
» le dauphin & tous les rois nos fucceffeurs, à
» foutenir cet établiffement & à lui accorder une
*> prote<ftioh particulière. Nous les y exhortons
v autant qu’il eft en notre pouvoir ».
Toute la majefté du fiècle de Louis X IV & du
caractère de ce prince refpire encore dans les bâ-
timens de l’hôtel des Invalides. On ne peut les
parcourir fans une admiration mêlée de refpeôt.
Cette émotion nous a-accompagné dans la recherche
des titres & de la légiflation qui je gouvernent.
Il eft le plus ancien des afyles confacrés dans
l’Europe aux foldats. Il a fourni le modèle de
tous les autres 5 & quelque cas qu’on veuille
faire de ceux de Chelfea & de Greenwich , je
crois celui de Paris le premier du monde entier.
C ’ e ft, ce qui m’a déterminé à en faire entrer la
defcrîption dans un ouvrage de la nature de celui
ci.
On appelloit oblats ceux qui, dans le dixième
fiècle & dans les fuivans, fe donnoient aux abbayes
avec leurs biens , & même quelquefois avec
leurs familles, au point d’ entrer dans la fervitude
des abbayes, eux & leurs enfans; Il fubfîfte en«
core de ces oblats. dans la Flandre & dans les ordres
de Cîteaux & des Chartreux.
L ’églife a" depuis ouvert l’entrée des monaftères
à une autre efpèce d’ oblats. C ’étoient des foldats
eftropiés & invalides que le roi mettoit dans
les abbayes ou prieurés conventuels, & qui étoient
de fondation royale, ducale ou comtale. Les religieux
chez lefquels ils étoient placés , étoient
obligés de leur donner une portion monacale. Le
foldat invalide, de fon côté , étoit chargé de fonner
les cloches & de balayer l’églife & les cours.
Cette inftitution, dont la fingularité. tient aux
fiecles qui l’ont vue naître, n’avôit, en ïôjo ,
prefque plus lieu pour ceux auxquels la religion
& l’état Favoient confacrée. La plupart des places
de religieux lais fe trouvoient remplies par
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