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diacre. Les îoix du fouverain étoient confirmées
par le clergé, 8t revécues de la fan&ion des évêques.
Ils ne tardèrent pas à citer un de nos rois à
leur tribunal : ils le condamnèrent folemnellement,
& ils prononcèrent enfuite avec la même.Totem*
nité fa fentence d'4>fôJution. L'édit de Charles
le Chauve avoit permis comme une grâce de fe
mettre dans la fervitude : on vit des hommes libres
fe précipiter volontairement dans la fervitude
& fur-tout dans celle du clergé. M . Per-
re c io t, qui a Compulfé plus de fix mille Chartres
, cite ces formules curieufes , par lefquelles
des, efprits foibles fe mettoient dans la fervitude
d'un couvent, relevoient avec emphafe la géné-
rofïté & la nobleffe de cette fervitude, & parv
ien t de la liberté avec mépris. Ceux quife cro-
yoient redevables de quelque chofe à la protection
d'un faine, s'empreffoient de fe déclarer letes ,
eenfables ou main - mortables des eccléfiaftiques
qui le fervoient. Une foule de nobles & une
veine de Pologne luivirent ce bel exemple. Le
faint qui eut le plus de fuccès fut S. Martin, &
des villes entières fe qualifièrent du titre honorable
d'efclaves de S. Martin.
A la mort d’un fe r f, on lui eoupoit la main
droite, & on la préfentoit à fon feigneur, lorf-
que le ferf ne laifïoit rien qu'on pût lui offrir.
Quelques auteurs tirent de là l'étymologie
de la main morte \ M . Perreciot qui a écrit fur
cette matière, croit qu'ils fe trompent, & il dit
àvec plus de rai fon que main-morte vient de ma-
Hus monua, main qui ne peut transférer.
Dans ces temps de défordre & d'anarchie ,
les feigneurs accordorent leur protection ; ils
d'orwioient le droit d'afyle dans leurs châteaux ,
à condition qu'on feroit main-mortable.
La Gaule qui avoit été ravagée par les barbares
, offroit de tous côtés des terres en friche :
des étrangers , 8c en particulier des habitans des
forêts de la Germanie, des efpagnols chaflfés
par les maures, vinrent s'y établir : on leur im-
pofa diverfes conditions , & M. Perreciot fait
voir les diverfes métamorphofes de ces redevances
, dont plusieurs ont fini par la main-morte.
Il y a en France des forêts 8c des montagnes
qui ont été peuplées ou défrichées affer tard :
un feigneur y appelloit des colons ; il leur livroit
des mftrumens de labourage, du bétail y & il
impofoit à eux & à leur poftérité les charges de
la main-morte. Il paroît que la main-morte s'eft établie
ainfi aux environs du Mont-Jura.
Les feigneurs perfectionnèrent alors la théorie
de la fervitude : ils créèrent cette maxime : toutes
chofe s que villain a , font a fon feigneur, maxime
que le defpotifme oriental n'oferoit établir.
Us imaginèrent celle-ci qui n’eft pas moins cu-
rieufe : entre toi , feigneur, & ton •villain , il n'y
a d'autre juge fors Dieu.
Us déclarèrent les vil tains taïllables 6* corvéables
à merci & volonté du feigneur.
M A I
On doùtoit f i , en lui donnant la liber té; Ie$
feigneurs pou voient couper les'racines qui atta-
choient le ferf & le main-mortable à la glèbe. Une
loi du fouverain lui* même femble déclarer qu'ils
ne pouvoient lui donner la liberté qu'en lui donnant
la terre j & il y a lieu de croire que peu de
feigneurs s'avifoient de donner la terre.
Malgré ces beaux principes, les main-mortes cou«
: vroient autrefois la plus grande partie de la France :
; elles étoient fi générales en Dauphiné , qu'elles
! y affedoient même la plus haute nobleffe : on
les trouvoit jufque dans la ville de Paris. Au
douzième fiècle , la plupart des françois, gentilshommes
ou roturiers, étoient main- mortables ;
cela eft fâcheux pour les feigneurs aCfcuels, mais
il paroît que les poffeffeurs des fiefs furent fournis
à la main-morte perfonnelle & réelle, au droit
de pourfuite, aux redevances, aux corvées ; que
la prohibition d’aliéner fut commune , aux fiefs
& aux main-mortes ; que les valfaux nobles furent
fouvent qualifiés de fervi 5 qu'ils furent vendus
ou donnés par les fuzerains , comme les létes par
leurs feigneurs 5 & qu'à parler exactement, les
fiefs ne font que des main-mortes nobles, & les
main-mortes que des fiefs roturiers.
C e qu'il y a de fingulier y Ta taille arbitraire
exceptée, les main-mortes de la Franche-Comté
étoient moins rigoureufes au treizième fiècle
qu'elles ne le font aujourd'hui : les coutumes
introduites au quatorzième & quinzième fiècle
en ont agravé le joug.
; Les loix de la main-morte y font beaucoup plus
dures qu'en Bourgogne : c'eft une fuite des ordonnances
accordées au clergé & aux nobles;
par la cour de Madrid, qui vouloit ménager les
hommes puiffans de cette province éloignée.
Au milieu d'un oubli fi général des principes
du droit naturel & du droit civ il, plufieurs feigneurs
reconnurent, dès le douzième & treizième
fiècle , l'injultice de la main-morte : fur le point
de mourir, ils affranchirent leurs ferfs ; ils firent
des reftimtions 5. ils demandèrent pardon de leur
attentat, & M. Perreciot que nous citions tout
à l'heure, rapporte plufieurs de ces tellamens.
Le roi ne pouvant affoiblir les feigneurs qu'en
rendant aux communes une partie de leur liberté,
Louis-le-Gros commença les affranchiffemens ;
Louis X I & Louis X II fuivirent ce travail. Quelques
feigneurs, entraînés par l'exemple du monarque
, donnèrent de leur plein gré une multitude
de chartes d'affranchiffement j la main morte fuit
reléguée dans des cantons peu connus ; mais on
fe plaignit de la réforme : l'abbé de Nogent,
& beaucoup d'autres, foutinrent que cette nouveauté
étoit préjudiciable a la nation. La Franche-
Comté n'étoit pas réunie à la couronne , 8c elle
ne participa que foiblement 8c indirectement à
la, révolution générale.
L'adminiftration s'eft repofée, après avoir aboli
j les droits de la féodalité qui gênoient fon poutfoïr
: mats ceux qui gênent l’induftrie & le bonheur
des fujets fubfiftent. La Joumiflion eft établie
par - tout. Les lumières fe montrent de toutes
parts : elles éclairent jufqu'aux hommes qui les
calomnient. On voit dans je préambule de l'edit
de 1779 , qu'un jufte refpeét pour les propriétés
a circonfcrit les difpofitions du roi : mais n'eft-
il pas de l'intérêt, des . feigneurs euxTmêmes d a-
bolir la main-morte?.. L'agriculture , au lieu d a-
voir fait des progrès en Franche-Comté , ainfi
que par - tout ailleurs , a dégénéré depuis deux
ou trois fiècles ; jamais les feigneurs ne furent
plus pauvres que lorfque tout fut mainmortable.
Mandure, qui au huitième fiècle étoit »plus con-
fidérable que Befançon, n'eft plus, fous^ le joug
de la main-morte , qu'un chétif village>& dans un
village de la Franche-Comté, affranchi il y a quelques
années , la valeur des biens a doublé & triple
depuis l'afifranchifTement 5 l'expérience a juftifié les
calculs d'un archevêque de Befançon, qui en 1347
affranchit les terres de Gy 8c de Bucey : ce ref-
pe&able prélat voulant éclairer les autres-feigneurs
, fe donna la peine de prouver dans la
charte, qu’il eft de l'intérêt des feigneurs d’ affranchir
leurs ferfs j que leurs villages fe peupleront
8c s'enrichiront j’qu'il y aura des mutations ; que la
jujlice & les menus étroits vaudront mieux que .Us gros :
8c en effet, Gy eft devenue une ville importante,
& Bucey le plus gros village de la Franche-Comte ;
8c les archevêques a&uels recueillent les fruits de
Gette opération de bienfaifance.
Les maimmort,allés de Franche-Comte ne peuvent
rien aliéner, fans l'aveu du feigneur , 8c I
il faut acheter cet aveu. Le droit de mutation
eft du douzième, du fixième, du quart, du
tiers, 8c delà moitié de la Tomme ; on fient que
les mutations doivent être rares..
Mais fi ces calculs n'étoient pas vrais par-tout,
la néçeffité d’affranchir, en dédommageant les
feigneurs, ne refteroit-elle pas toujours ? Les charges
actuelles de la main-morte iont én général
les droits de pourfuite , de taille , de for-mariage
& d’échûte , la défenfe d'aliéner,8c de teller:
le droit.de taille réfervé.aux feigneurs, varie. I l eft
des cantons où les main-mortables doivent deux
corvées par Temaine avec leurs voitures, 8c trois
avec leurs bras, ou il doivent deux cens ; l'un eft
la douzième gerbe'des récoltes, 8c l'autre arbitraire
ri'a de bornes que la générofité du feigneur. Il
eft impoffible , fans doute * que ces droits fe perçoivent
à la rigueur. A l'époque où les ferfs^ ne
payoient d'impôts qu'à leurs feigneurs ; ils etoient
furchârgés ; aujourd'hui que le fouverain les aftu-
jettî.t à d’autres impôts très-confidérables, comment
fupporteront - ils' ce double fardeau ?..
N'offre - t-il pas: une contradiélion ? N'apper-
çoit-oii pas ici l'utilité des admihiftràtiops provinciales
, qui dans la répartition de l'impôt ;
P'ourro.ient du moins foulager les communautés
, main-mortables ; après la fuppfèffiôn de la mairt-
Q£con, polit, & diplomatique. Tome H L
morte, fi elle eft pofiible,'celles qui demeureroient
affujetties à des droits féodaux trop'pénibles ?
M A IR E S D U PALA IS . Foyci diétionnaire
de jurifprudence.
M A 1S SO U R , que les anglois écrivent Myfore ,
pays de la prefque-ifle de l'In d e , qui forme le
priftcipal domaine de Typo-Sa ïb, fils du célèbre
Ayder-Aly-Khan : ce dernier prince ayant- conquis
les pays de C.alicut, deCanara , de Scirré, & c .
| nous croyons devoir entrer dans, quelques détails-
! fur le petit empire, qu'il a laiffé à fa mort. Il eft
fi difficile d'avoir des renfeignemens exacts 8c
précis fur des contrées fi éloignées, que nous.récla-
mons l’indulgence du leéleur.
Ges détails montreront du moins de quellé
manière s'eft formé l'état d'Ayder-Aly , comment
le fort des contrées de l'Inde dépend d'un
jour, d'un moment, d'une, bataille, & ils éclaireront
fur la politique l'adminiftration & le gouvernement
des fouverains de l'Inde.
Le royaume de Maiflfour eft borné à l’oueft
par le Canara , & au fud par le Maduré ; il
fe trouve dans l'intérieur de 11 prefque-ifle.
Nous comptions beaucoup fur la deferiptioa
hiftorique & géographique de l'In d e , & nous
efpérions y trouver l'étendue & la pofition exaéte
des différentes fouverainetés de l'Inde, mais nos
efpérances font trompées- C e t ouvrage fè borne
à donner fur le Maiffour les deux lignes que nous
venons de tranferire j on n'y trouve que ceci fur
le Carnate : « le Carnate fait partie de la côte
« orientale de la principauté de l'Inde f i l s'étend
» à iy om il le de longueur, fu r 30 feulement de.
«largeur. Il contient un grand nombre de bonnes
« forterefles, 8c dé mines de diamans «. Lés livrai—
fons qui ont paru ne .difènt rien de fatisfaifant
fur le royaume de Tanjaour, fur celui de Ca-
riàra , non plus que fur le pays de Galicut, .
Avant la conquête d'Ayder - A ly , lés rois de
Maiffour étoient. bramines ;, ils réuniffoient les
droits dufeeptre & de l’encenfoir 5 8c. pour être^
plus vénérés de leurs peuples, ils affeétoient de
rie fe faire voir que deux; fois par an, dans les
jours où ils.préfido’ient aux cérémonies folemnelles
de la religion : afin de paroître uniquement occupés
des myftères facrés, ils abandonnoient îe gouvernement
au dayva ou régent, qui, jufqu'à N aad-
Raja, avoit toujours été un des plus proches païens'
du roi. Mais un bramine, nommé Çanero, favori
de ce prince j lui perfuâda de gouverner lui-même.,
d'abolir la dignité de dayva, 8c de deftituer fon
frère Nand Raja : celui-ci qui n'avoit ni les taie
ns, ni l'application, ni la fermeté néceffaires pour
fe maintenir dans cette dignité, ne fit aucune-réfif-
tance, & aima mieux être exilé fur la frontière,,
qùe de fe permettre la moindre repréfentation. •
Canero. s'empara de l'efprit du roi ; il devint^
fén miniftre , 8c il fut chargé de l'adminiftration