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Il y a dans l’hôtel deux efpèces d'infirmes, dont
l’adminiftration s’eft; toujours occupée. On les appelle
manieros 8c moines lais.
Les manieros font des foldats qui, ayant eu le
malheur de perdre Tufage de leurs membres, ont
befoin d’être aidés & fervis. Il faut payer ceux
qui font en état de les aider. On accorda à cet
e ffe t, en 1689, quatre francs par mois. Cette
gratification fut réduite, en 1 7 1 3 ' à quarante
fols.
La table des foldats appellés, je ne fais pourquoi
, moines lais, a été établie pour ceux qui ,
par des coups de feu qui leur ont brifé les mâchoires,
n’ont plus de dents, & ne peuvent broyer
les alimens ordinaires. Leur cuifine eft faite par
les foeurs de la charité, & ils font fervis par elles.
On ne donne aux moines lais que des viandes
en hachis & des alimens faciles à mâcher. Ils ont
du pain blanc. On conçoit que ces tables font
plus difpendieufes à l’hôtel que les tables ordinaires.
—
Ces deux ïnftitutions de manieros 8c de moines
lais ont donc eu pour principes , des vues très-
humaines & très-juftes. Mais comme les meilleures
loix deviennent prefque toujours abufivcs à la
fuite des temps ; que les protections forcent fou-
vent les hommes qui difpofent des grâces , à s’ écarter
des règles , la paye des manieros 8c la table
des moines lais avoient été accordées à nombre
de gens qui n’en étoient pas fufceptibles, &
qui fouvent laiffoient derrière eux ceux qui les
méritoient davantage. Ces abus donnèrent lieu à
deux réglemens, en date du 4 décembre 1766,
qui fixent la manière dont ces deux efpèces d’ infirmes
feront reçus.
En 1 7 7 1 , fur les repréfentations que le nombre
des manieros 8c des moines lais qui fe préfentoient
journellement, 8c qui pour la plupart cherchoient
encore à obtenir ces grâces par faveur , augmenter
oit beaucoup 8c deviendroit très - onéreux à 1 é ta t, M. de Monteynard ordonna, conformément
aux intentions du ro i, qu’il ne fer oit plus
donné de ces places que par extinction.
L ’ordonnance de 1776 avoit. de beaucoup diminué
le nombre des hommes qui habitoient l’hôtel.
Il fe trouvoit alors quatre-vingt-feize manieros
8c cent trois moines lais. Il fut décidé , 'l e 28 juillet
même année, que ces deux claffes feroient
fixées à cent hommes pour chacune, parce que
ce qui reftoit d’hommes à l’hôtel, étoit la partie
Ja plus âgée , la plus caduque, & qui avoit le plus
befoin de ce fecours. Depuis cette décifion, on
y tient exactement, la main.
L ’une des parties de l’adminiftration la plus in-
téreffante & la mieux furveillée eft celle des infirmeries.
On ne paroît avoir rien négligé pour
jrégler l’ordre qui doit y régner.
Le médecin demeure dans l’hôtel. C ’e ffle mi-
piftre de la guerre qui le nomme. 11 jouit des
j$êmçs privilèges que lç§ médecins du r o i , & a
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le droit de committimus. Il doit faire deux vifiteÿ
par jour. Le réglement de 1712 l’ âftreighôit à
ne fortir que trois fois la femaine & encore pour
fix heures feulement} 8c après en avoir obtenu
l’agrément du gouverneur } fon traitement a été
réduit par l’ordonnance de 1776 à 3000 liv.
Le chirurgien-major a le même traitement &
les mêmes obligations. C e fut le célèbre M. M o rand
q u i, en 17J9 , propofa au miniftre de ne
plus admettre à cette place que celui qui auroit
le mieux répondu dans une aflfemblée de chirurgiens
tenue à cet effet dans l’hôtel. C e plan eft
exécuté. Le nombre des chirurgiens employés
fous fes ordres avoit été fixé par M. de Cr.é-
mille, & enfuite par M . de C h oifeul, à huit.
11 n’eft plus actuellement que du chirurgien gagnant
maîtrife & de deux, élèves.
L ’ un de ces chirurgiens doit toujours être de
garde, la nuit comme le jour. Ils font chargés des
détails de l ’appareil -, dans lequel il ne leur eft
jamais permis de jouer, qui doit être fermé pendant
les heures des repas, & dans lequel uti
d’entr’eux doit coucher. Ils ne doivent emporter
hors des infirmeries, ni médicamens , ni rien de
ce qui leur eft confié pour le. fervice de l’hôtel.
L ’adminiftration a bien voulu ouvrir pour leur
inftruCtion une école d’anatomie, à laquelle aucun
étranger n’eft admis. Elle commence au mois
de novembre, & finit à pâques. On ne fe fert
jamais des corps des officiers, ni de ceux des fol—
dats pour lefquels il y a un fervice. Ils ont un
corps chaque femaine , 8c l’enlèvent après la retraite
des malades ou pendant la meffe ; & ce ,
avec la permiffion du curé & l’ordre du chirurgien
major. Ils ne peuvent le garder que quatre
jours. Les foeurs de la Charité donnent de quoi
enfevelirles fujets dont on s’eft fervi, & qui* font
rendus entiers en préfence d’une des foeurs dé-
fignée par la fupérieure.
Il y a eu jufqu’en 1774 un apothicaire major,
dont les foeurs de la Charité obtinrent la fuppref-
fion. L’apothicaire gagnant maîtrife en fait les fonctions.
Il eft nommé après un concours qui fe fait
dans l’hôtel, & où fe trouvent les maîtres apo-»
thicaires de Paris. .
Les infirmeries font gouvernées par des foeurs
de la Charité, Le premier contrat que l’hôtel
paffa avec leur communauté , eft du 7 mars 1676.
Elles furent alors établies au nombre de douze.
Le fécond qui fut paffé par M. le duc de Choifeul
, le 16 février 1769,• porte leur nombre à
trente. Par le premier, l’hôtel leur donnoittrente*
fix liv. à chacune par an , 8c trente liv: à la grande
communauté par forme de fubvention. Par le fécond
, il leur donne â chacune la fomme de
foixante 8c dix livres , 8c à la communauté gé.->
nérale il conferve celle de trente liv.
Les conditions de ces deux contrats font ab-
folument les mêmes. Les principales font : dépendance
du fçul miniftre 4ç la guerre, & de fa part
protections
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ptote&ion '} n’être deftinées qu'aux malades réunis
dans leurs infirmeries} être chargées .de des
recevoir & de .les. congédier j fvoir feules pad-
miniftratioa de l’apothicairerie} être maitreffes de
choifir & renvoyer les domeftiques attachés au
fervice des infirmeries> être difpenfées de faigner,
de donner des lavemens , de faire les, leflîves 5
faire l’approvifionnement des malades pour les
jours maigres ; prendre, Air les récépines de la
fupérieure-; les denrées, fubfiftances 8c effets pour
lefquels il y a des marchés faits 8c des fourniffeurs
à l'hôtel} faire'faire les réparations aux lits , linge
8c hardes, 8c eh être rembourfées fur des états
certifiés véritables par elles 5 être traitées en maladie
comme les invalides | 8c en tout être regardées
comme filles de la maifon, & non comme
mercénaires. La fupérieure générale conferve le
droit de les changer.
La diftribution des malades dans les falles eft
faite de manière qu’il y a deux falles confacrées
aux malades, qui exigent un traitement & des
remèdes particuliers 8c fuivis (1 ). Ainfi , ceux
qui fe trouvent aux infirmeries pour raifon de caducité
, de paralyfie, ou autres accidens qui n’ in-
térefifent pas la vie d’iine manière prochaine, &
qui enfin ne demandent pas de traifemens & de
remèdes , ne peuvent côhtràéler des maladies
accidentelles & étrangères à leur état par le vpi-
Ænage des autres.
Les heures du fervice font ainfi divifées : avant
la vifite des médecin 8c chirurgien - major, les
bouillons : à fix heures du matin, les vifîtes de
ces officiers de fan t é } enfuite on fait les lits , à
l ’exception de ceux qui font falis par les rfiala-
d e s , 8c qu’ on fait avant la vifite : diftribution de
la portion à ceux qui doivent manger la portion
& demi portion, & c . Ceux qui ont été purgés
& ont la permiffipn de manger , dînent à midi 8c
demi. Le fouper eft fervi à cinq heures du foir
pour ceux auxquels il a été permis. Après le fouper
, on diftribuè les remèdes du foir. A fix heures
, fécondé vifite des médecin 8c chirurgien-major.
Dans les intervalles dé cés différentes heures,
on diftribuè des bouillons dans la proportion des
portions} c’ eft-à-diré, que ceux qui font à la
portion entière , en ont moins que ceux à la demi-
portion , & ceux-ci moins que ceux qui font à la
diète : les tifannes 8c boiffons, dans le cours de
la journée, füivànt lé befoin. La portion de vin
pour les. convalefcens eft fixée à une chopine.
On la réduit en proportion des autres alimens,
de forte que ceux à la demi - portion n’ en
ont qu’un demi-feptier, 8c ceux à la diète n’en
ont point. On donne une livre de pain blanc aux
officiers 8c foldats. Les premiers ont cinq quarte-
. fons de viande , 8c les autres une livre. Les quan-
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tîtés de viande font toujours, mifes à la marmite
fur ce pied , à caufe du bouillon néceffaire, mais
elles ne font diftribuées. que fuivant les feuilles
de vifites. ï î y a des rechauffoirs pour les bouillons
à l’inftar .de la Charité. Il y a des reverberes ,
dont des tuyaux /de fer blanc conduifent la fumée
au-dehors. On a eu raifon de fupprimer les
roulettes pour le tranfport des portions.
Il eft défendu , fous peine de prifon, d apporter
du dehors aux malades“ aucuns médicamens ,
drogues , viandes , alimens , boiffons & liqueurs.
La même peine eft prononcée contre ceux qui
emporteront les mêmes objets hors de l’infirmerie.
Les invalides 8c autresperfonnes attachées à l’ad-
miniftratiou peuvent cependant prendre aux infirmeries
les remèdes dont ils ont b efoin, fur des
billets figues du médecin & du chirurgien-major*
Les perfonnes du dehors ne peuvent entrer aux
infirmeries qu’une fois la femaine , 8c le jour indiqué
à cet effet. Elles ne peuvent y refter que
depuis une heure après-midi jufqu’à deux. A l’e ffet
de quoi, on commande pour ce jour & cette
heure une garde aux ordres d’un officier de confiance.
Les perfonnes du dehors ne peuvent boire , ni
manger avec, les malades & convalefcens, fous
quelque prétexte que ce foit. Tout trafic réciproque
des fubfiftances & médicamens eft expreffé-
ment défendu , non-feulement entre les invalides
qui font aux infirmeries 8c les perfonnes du dehors
, triais encore entre les invalides 8c ceux
de l’hôtel, les infirmiers domeftiques & autres.
Une décifion de i’adminiftration a fupprimé
. avec raifon les médecines de précaution , qui fe
prenoient hors des infirmeries. La falie des bains
eft fermée depuis 177 y , à tous ceux à qui les
officiers de fanté ne l’ont pas ordonnée.
Les ouvriers 8c domeftiques, ou b le f f é s p u
malades , ou devenus infirmes au fervice de l’hôtel
, font reçus aux infirmeries.
On a jugé néceffaire, en 1780, de commettre
un employé pour informer les chefs , de l’entrée,
de la fortie > ou de la mort de ceux qui fe rendent
aux infirmeries.
Toutes les difpofitions teftamentaires qui fé font
dans l’h ô te l, ne peuvent être reçues que par les
, notaires du Châtelet , ou par le curé, fon vicaire,
ou par un eccléfiaftique de la maifon en
l ’abfencè de l’un & de l’autre (2). En obfervar.t,
de la part du cu ré , de figqer & de faire figner
les telrateu.rs 8c trois témoins, conformément, à
l’article 289 de la coutume de Paris, tit. 14 des
teftamens. Il n’eft pas permis d’y mettre quelque
çhofe pour les prêtres de la million, ou pour les
fqeurs.de la Charité établies à l ’hôtel.
(.*) Réglement du iS.novembre 1766.
(.1) Réglement du 49 juin 1716.
(Eçon. polit, &. diplomatique, Tom. l l l . K