
g nie des Indes. Son commerce a .effentiellement
les mêmes ennemis que la république 5 fa fureté
ne peut avoir d'autre fondement que celle de l'état.
Les dettes publiques ont , de l’aveu de tous les
hommes f éclairés , fenfiblement affoibli les Provinces
Unies y & altéré la félicité générale par
l'augmentation progreffive des impôts 3 dont elles
ont été la fource. Jamais on ne ramènera la république
à fa fplendeur primitive , fans la décharger
de l'énorme fardeau fous lequel elle fuccombej
& ce fecours, elle doit l'attendre principalement
d'une compagnie qu'elle a toujours encouragée ,
toujours protégée, toujours favorifée. Pour mettre
ce corps piuffant en état de faire des facrifices
& de grands facrifices à la -patrie , il ne fera pas
nécelfaire de -diminuer les bénéfices des intéreffés :
il fuffira de le rappeller à une économie , à une
fîmplicité , à une adminiftration qui furent les
principes.de fes premières profpéritési
Une réforme fi nécelfaire ne fe feroit peut-être
pas fait attendre , fi la dernière révolution n'avoit
pas eu lieu. Cette confiance étpit due à un gouvernement
qui chercha. toujours à retenir dans
fon fcin une multitude de citoyens, & à n’en
employer qu'un petit nombre dans fes établiffe-
mens éloignés. C'étoit aux dépens de l'Europe
entière, que la Hollande augmentoit fans ceffe
le nombre de fes fujets. La liberté de conférence
dont on y jouiffoit, & la douceur des loix y atti-
ïoient tous les hommes qu'opprimoient en cent
endroits l'intolérance & la dureté du gouvernement.
Elle procuroit des moyens de fubfiftance à quiconque
vouloit s'établir & travailler chez elle.
On voyoit les habitans des pays que dévaftoit
la guerre, aller chercher en Hollande un afyle &
du travail. : a
L'agriculture n’y pouvoit pas être un objet con-
fidérable , quoique ta terre y fût très-bien cultivée
; mais la pêche du hareng lui tenoit lieu
d'agriculture. C'étoit un nouveau moyen de fub-
fiftance , une école de matelots. Nés fur les eaux,
ils labouroient la mer; ils en tîroient leur nourriture
5 ils s'aguerriffoient aux tempêtes. A force
de rifques , ils apprenoient à vaincre les dangers.
Le commerce detranfport, qu'elle faifoit continuellement
d'une nation de l’Europe à l'autre ,
étoit encore un genre de navigation qui ne con-
fommoit pas les hommes, & les faifoit fubfifter
par le travail.
Enfin la navigation , qui dépeuple une partie
de l'Europe, peuploit la Hollande > elle étoit
comme une production du pays. Ses vaiffeaux
étoient fes fonds de terre, qu'elle faifoit valoir
aux dépensée l'étranger.
Peu de fes habitans connoiffoient les commodités
qu'on ne pouvoit fe procurer^ qu’à haut
orix ; tous, ou prefquetous, ignoroient lejuxe.
Un efprit d'ordre, de frugalité, d'avarice même ,
régnoit dans toute la nation $£ étoit entretenu
avec foin par le gouvernement.
Les colonies étoient régies par le même efprit.
Le delfein de' conferver fa population préfi-
doit à fon économie militaire. Elle entretenoit en
Europe un grand nombre de troupes étrangères 5
elle en entretenoit dans .fes colonies. \
Les matelots, en Hollande, étoient bien payés}
& des matelots étrangers fervoient continuellement
, ou fur fes vaiffeaux marchands, ou fur
fes vaiffeaux de guerre.
Pour le commerce , il faut la tranquillité au-
dedans, la paix au dehors. Aucune nation, excepté
les fuilfes, ne .chercha plus que la Hollande
à fe maintenir en bonne intelligence avec fes vos-
fins , & , plus les fuiffes, elle chercha à
maintenir fes voiiins en paix.
La république s'étoit propofée de maintenir
l'union entre les citoyens, par de très-belles lo x
qui indiquaffent à chaque corps fes devoirs, par
une adminiftration prompte & défintéreffée de la
juftice , par des réglemens admirables pour les
négocians. Elle fentit la néceffité de la bonne foi1:
elle en montra dans Tes traités, & elle chercha à
la faire régner entre les particuliers.
Enfin, exceptées les imperfections de l’aCte
fédératif, des conftitutions des diverfes provinces
, des réglemens qui ont rapport à l'éterduè
de l'autorité du ftathouder dont nous avons affez
parlé dans la feCtion précédente , nous ne voyons
en Europe aucune nation qui eut mieux combiné
ce que .fa fituation , fes forces, fa population lui
permettoient d'entreprendre, & qui eut mieux
connu ou fuivi les moyens d'augmenter fa population
& fes forces. Nous n'en voyons aucune ,
dont l'objet étant le commerce. & la liberté civile,
qui s’appellent, s’attirent & fe foutiennenr,
fe foit mieux conduite pour conferver l'un &
l’autre : malheureufement ils n’ont pas pris le
même foin de leur liberté politique.
Mais combien ces moeurs font déjà déchues &
dégénérées de la fimplicité du gouvernement républicain
! Les intérêts perfonnels, qui s’épurent
par leur réunion , Te font i fol es en r is - .
rement, & la corruption eft devenue générale. On
y parle de la patrie, de la chère patrie dans tous
les aCtes 3 mais y aime- t-on réellement la -patrie ?
Quels Tentimens de patriotifme ne devroit-on
pas cependant.attendre d’un peuple qui peut fe
dire à lui-même : Cette terre que j'habite, c'eft
moi qui l'ai rendue féconde, c'eft moi qui Lai
embeliie, c'eft moi qui l’ai créée. Cette met
menaçante , qui couvroit nos campagnes, fe brjfe
contre les digues puiffantes que j'ai oppofées à fa
fureur. J'ai purifié cet air que des eaux croupif-
fantes rempliffoient de vapeurs mortelles-. C'eft
par moi que des villes fuperbes preffent La vafe
& le limon où flottoit l’Océan. Les ports que
j'âi conftruits, les canaux que j'ai créufés, regloire
çoivent toutes les productions de f univers que
je difperfe à mon gré. Les héritages des autres
peuples ne font que des poffeffions que l'homme
difpute à l’homme ; celui que.je iailferai à mes
enfans , je l'ai arraché aux élémens conjurés contre
ma demeure , 8c j'en fuis relié le maître.
C'eft ici que j'ai établi un nouvel ordre, phyfique,
un nouvel ordre moral. J'ai tout fait où il n y
avoit rien. L’air, la terre, le gouvernement, la
liberté , tout eft ici mon ouvrage. Je jouis de. la
gloire du. 5 fur l’av
cendres.
lieux où mes pètes voyoïent
petes. y '
de cette vafte poffeffion, qui dans leurs mains
pouvoit devenir la première colonie de l'univers
du paiTé ; & lorfque je porte mes regards
j nouanae. u e s iors , cette me tenant
fur l'avenir, je vois avec fatisfaClion que mes 1 butaire du commerce de la republiq
cendres, repoferont tranquillement dans les memes dérée , devint fa rivale , & bientôt
lieux où mes pètes voyoient fe former des tem* elLe une fupériorite decidee en Afrique
Que de motifs pour idolâtrer fa patrie 1 C e pendant
le patriotifme & l'efprit public diminuent
en Hollande. Et le leéteur aura-t-il befoiii de
preuves, après ce qu’il alu dans la feCtion précédente
fur la dernière révolution? /
Souvenez-vous, hollandois, que le feu facre
de la liberté ne peut être entretenu que par des
mains pures. Vous n'êtes pas dans ces temps
d'anarchie , où tous les fou.veràins de l’Europe,
également contrariés par la nobleffe de leurs
états , ne pouvoient mettre dans leurs opérations,
ni fecret, ni union , ni célérité, ? où l'équilibre
- des ptiiffances ne pouvoit être que l'effet de leur
fôibleffe mutuelle. Aujourd'hui l'autorité , devenue
plus indépendante , affure aux monarchies
des avantages dont un état libre ne Jouira jamais.
Que peuvent oppofer des républicains à cette fu-
périorité redoutable ? Des vertus ; & en avezvous
? N ’enhardi fiez vous pas les calomniateurs
de la liberté ? & que voulez-vous qu’on réponde
à ces hommes q u i, par préjugé d'éducation ou
par mauvaife f o i , difent tous les jours : le voilà
ce gouvernement que vous exaltiez fi fort dans
, qui devoit couvrir le vice ou la petiteffe
de fon territoire d'Europe , elles fe virent réduites
à n’être • que ce qu'elles étoient ayant
cette conquête , les fadeurs des nations. Alors
fe forma dans la maffe, de leurs richefles réelles,
un vuide que rien n'a rempli depuis.
Les fuites de l'ade de navigation , que fit
l’Angleterre, ne furent pas moins funeftes à la
Hollande. Dès lors , cette ille ceffant d’ être tri-
la république confé-
acquit fur | .... r # 1 en Afie |
en Amérique.
Si les autres nations avoient adopté la poli-,
tique angloife , la Hollande touchoit au terme
de fa ruine. Heureufement pour elle , les rois
ne connurent pas -ou ne voulurent pas affez la
profpérité de leurs peuples. Cependant, à me-
fure que les lumières ont pénétré dans les ef-
prits , chaque gouvernement a tenté d’entre
. prendre le commerce qui lui étoit propre. Tous
les pas qu’on a faits dans cette carrière, ont
refferré l'effor de la Hollande. La marche actuelle
fait préfumer que chaque peuple aura tôt ou
tard une navigation relative à la- nature de fon
territoire , à l'étendue de fon induftrie. A cette
| époque, où tout femble entraîner le deftin des
nations, le hollandois, qui a dû fa fortune autant
à l'indolence & à l'ignorance de fes voifins
qu'à fon économie , à fon expérience , fe trouvera
réduit à fa pauvreté naturelle*
Il n’appartient pas fans doute à la prévoyance
humaine d'empêcher cette révolution : mais il
ne falloit pas la précipiter, comme l'a fait la-
république , en cherchant à jouer un rôle principal
dans les troubles qui ont fi fouvent agite
; voîlà les fuites heureüfes de ce fyf- j l'Europe. La politique intéreffée de notre fiècle
tême de liberté qui vous èft fi cher. Aux vices
que vous reprochez au defpotifme , ils ont ajoute
un vice qui les furpaffe tous, l’rmpuiffance de
réprimer le mal. Que répondre à cette fatyre
amère de la démocratie ? Mais outre les dangers
de l'invafion étrangère, que n’avez-vous pas à
craindre de l’ufurpation du ftathouder ?
Comme nous avons parlé, dans la lecrion précédente
, de la fituation où fe trouvent les Pro-
vinces-Unies , relativement à la conftitution & à
h liberté intérieure : nous n'ajouterons rien de
plus ; nous dirons feulement quelques mots, de
leur pofition relativement au commerce. ^
Les Provinces-U nies n’ont pas donné, à leurs
poffeffions de l'autre hémifphère l’attention
qu’elles méritoient , quoique les brèches , que
recevoir coup fur coup leur fortune, fuffent
bien propres à leur ouvrir les yeux. Si je tourbillon
de la profpérité ne les eût aveuglé , elles
auroient apperçu dans la perte du Bréfil les
prerçûçres fources de leur décadence. Dépouillées
lui auroit pardonné les guerres qu’ elle a entre-
prifes ou Toutenues pour l’utilité de fon commerce.
Mais comment approuver celles où fon
ambition démefure'e & des inquiétudes mal fondées
ont pu l’engager ? Il a fallu qu’elle recourût
à des emprunts exceffifs. Si l'on réunit les
Jettes fépârément contractées par [a généralité,
par les provinces, par les villes, dettes également
publiques 3 on trouvera, qu'elles s'élevoiènt,
avant la dernière guerre avec l'Angleterre , à
deux milliards , dont l'intérêt, quoique réduit
à deux & demi pour cen t, a prodigieufement
[ augmenté la maffe des impôts.
D ’autres examineront, peut-être , fi ces taxes
ont été judicieufement ' placées , fi elles font
perçues avec l’économie convenable. Il fu ffic ici
d’obferver que leur effet a été de renchérir fi
fort les denrées de premier befoin , & par con-
féquent la main - d'oeuvre , que l'induftrie nationale
en a fouffert la plus rude atteinte. Les
manufactures de laine , , de foie , d’or & d’ar-
F f f f f i