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nu riche contre les revers de la fortune. En même
temps elle mettoit entre tes hommes’ plus d'égalité
j en les rappellant à leur commune deftina-
tion , qui eft le travail, foit des mains ou de
l'efprit ».
«Jamais peut-être la vertu n'avoit isfpiré de
législation plus propre, à amener le bonheur. Les
opinions , les fentimens, les moeurs corrigèrent ce
quellepouvoit avoir de.dëfeétueux, 8e fuppléèxe'ht
"à ce qu'elle laiffoit d’imparfait. (Auffi la profpérité
de la Penjilvame fut-elle très rapide. C tttc république
, fans guerres , fans conquêtes , fans
efforts , fans aucune de ces révolutions qui frappent
les yeux du vulgaire inquiet 8e paffionnq,
devint un fpeifacle pour l'univers entier. Ses
voiiins, malgré leur barbarie , furent enchaînés
par .la douceur de fes moeurs ; 8e les- peuples
éloignés , malgré leur corruption, rendirent hommage
à fes vertus. Toutes les nations aimèrent
J voir réalifer 8e renouveller les temps héroïques
de l’antiquité , que les moeurs 8e les loix de
l’Europe leur avoient fait prendre pour une fiction
«
C e morceau contient un grand nombre a’ .rrears,
que l'auteur impoli des recherches, fur les Etats-
Unis a démontré : il reproche à Penn , 8e avec
raifon de la duplicité 8e de la perfidie., 8e il
chargera vraifemblablement les idées qü’on a eu
julqu’ici de cet homme fingulier. » ..
La Penfilvanie propre étoit partagée en onze
comtés, Philadelphie, Bucks , C hefter, Lan-
caftre , Yorck , Cumberband , Berks , Nor-
tl-.ampton, Bedfort, Northumberland. Weftmo-
reland.
Dans la même contrée, les comtés de N ew -
caftle, Kent 8e de Suffex formoient un autre
gouvernement, mais conduit fur les mêmes prin-
cip’és. ' .
Le ciel de la colonie etott pur 8e feretn. Le
climat très-fain par lui - même , s'étoit encore
amélioré par les défrichemens. Les eaux Iïmptdcs
8e falnbres y coulent toujours für un fond de
roc ou de fable. Les faifons y tempèrent Tannée
par une variété marquée. L’hiver, qui commence
avec le mois de janvier , n’èxpire qu’à la
fin de mars. Rarement accompagné de brouillards
Se de nuages , le froid y ’ eft cqnftamment modéré.
; mais quelquefois affez v if pour glacer en
une nuit les plus grandes rivières. Cette révolution
auffi - courte que fubite eft l’ouvrage du.
vent du nord-oueft, qui fouffle des montagnes 8c
des lacs du Canada. Le printemps s’annonce par
de douces pluies , par une chaleur légère qui ■
s’accroît par degrés jufqu’ à la fin de juin. Les
ardeurs de la canicule feraient-violentes', fans le
venctdu fud-oueft qui les rafraîchit. C e fecours
eft: affez côWftà'nï,
Quoique le pays foit inégal, il n’éft pas fté-
rfl’e- Le fol eft tantôt un fable jaune & noir,
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I tantôt ;à'u 'gravier, tantôt une cendre griisatre-
I fur un fond pierreux, & 'quelquefois auffi. une
te; re gratte , fur-tout entre les ruiffeaux q u i, la
l ; coupant dans tous les feus, y.verfent encore plus
de fécondité qui ne feroient des rivières navigables.
Quand les Européens abordèrent dans cette
contrée, ils n'y virent d'abord que des bois de
conftruétion & des,, mines de fer à exploiter. En
abattant, en défrichant, «ils couvrirent peu à peu
les terres qu'ils avoient remuées , de nombreux
troupeaux, de fruits très-variés , de plantations
■ de lin & de* chanvre , de plufieurs fortes de
légumes, de toute efpèce de grains, maïs fin-
gulièrement de froment & de maïs, qu’une heu-
reufë expérience montra* propre au climat. De
tous côtés on pouffa les défrichemens avec une
vigueur & . un fuccès qui étonnèrent''toutes les
natiqns.
D'où naquit cette furprenante profpérité ? De
la liberté, de la tolérance , qui ont^ttiré dans ce
pays , des fuédois , des hollandois, des françois
induftrieux , & fur-tout de laborieux allemands. '
Elle eft Louvrage des quakers, des anabatiftes,
des anglicans, des méthodiftes', des presbytériens,
des moravés , des luthériens & des catholiques.'
’
Entre de fi ttombreufes fe&es , on diftingue
celle des Dumplers. Son fondateur fut un allemand
q u i, dégoûté du tumulte du mondé* i fe
retira dans une folitude agréable , à cinquante
“ milles de Philadelphie, pour fe livrer à la contemplation
La curiofité, attira dans fa retraite
plufieurs de fes compatriotes. Le fpedtacle de
fes moeurs (Impies, pieu fes & tranquilles, les fixa
près de lui. Tous enfemble ils formèrent une peu-
,plade qu'ils appellèrent Euphrate , par allufion aux
'hébreux, qui pfalmodoient fur les bords de ce'
■ fleuve. -
Cette pétitfe ville , formée en triangle, eft entourée
de pommiers & de? mûriers ^arbres utiles
& agré.ables, plantés avec fymmétrie. Au centre
eft un verger très-étendu. Entre ce verger & ces
allées , font des maifons de bois à trois étages ,
où chaque Dumpler ifolé peut, fans être diftrait ,
vaquer à fes méditations. Ces contemplatifs ne
font au plus que cinq cents. Leur territoire n'a
pas plus de deux cefttsi cinquante acres d'étendue.
Une rivière , un étang s-une' montagne couverte
d'arbres, marquent, fes limites.
Les hommes & les femmes habitent des quartiers
féparés. Ils ne fe voient que dans les temples
> ils ne s'affemblent ailleurs que pour les affaires
publiques. Le travail, la prière & le fom-
meil partagent leur vie. Deux fois le jour & deux
fois, la niiït, le culte religieux les tire de leurs
cellules. Comme les quakers & les méthodiftes,
ils ont tous le droit de prêcher, quand ils fe croient
infpirés. L'humilité, la tempérance, la chafteté ,
les autres vertus chrétiennes font les Jujets dont
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ils aiment le plus à parler dans leurs affemblées. j
Jamais ils ne violent le repos du fabbat, fi cher
à tous les hommes , oififs ou laborieux. Ils admettent
l'enfer & le paradis, mais ils rejettent l'éternité
des peines. La doctrine du péché originel
eft peur eux un blafphême impie qu'ils abhorrent.
Tout dogme cruel à l'homme leur paroît injurieux,
à la divinité. Comme ils n'attachent de
mérite qu’aux oeuvres volontaires , ils n'adminif-
trent jamais le baptême qu'aux adultes. Ils le
croient cependant fi nécenairè au falut, qu'ils
s'imaginent q ue , dans l'autre monde, les âmes
des chrétiens font occupées à convertir celles des
des hommes qui- ne font pas morts fous la loi
de l'évangile.
Encore plus défintérettés que les quakers j ils
ne fe permettent jamais de procès. On peut les
tromper, les maltraiter, fans craindre ni repré-
iailles., ni plaintes de leur pair : tant ils fo n t,
par religion fi ce que les ftoïciens étoient par
philofophie, înfenfibles aux outrages.
Rien iveiL plus (impie que leur vêtement- En
hiver, une longue robe blanche, où pend un
capuchon pour tenir- lieu dé chapeau, couvre
lirai chemife groffière , de larges culottés, & de~S
fouliers épais. En été , c'èft le même habillement
, fi ce n’eft que la toile remplace la laine.
A la culotte près, les femmes font vêtues comme
les hommes. 1
• On ne fejnôurrit là que de végétaux ; non que
ce foit une lo i , mais par une abftinence plus
conforme à l'efprit du chriftianifme, ennemi du
fangv r ^ T
• Chacun s attache gaiement au genre d'occupation
qui lui eft affigné. Le produit de tous les
travaux eft mis en commun, pour fubvenir aux
befoins de tous. Cette communauté d'induftrie
a créé, non-feulement une culture, des manufactures
, toüs les arts nécêffaires à la petite fo-
ciété, mais encore un fuperflu d'échanges proportionnés
à fi population.
Quoique les deux fexes vivent fépàrément à.
Euphrate , les Dumplers ne renoncent'pas au mariage.
Ceux que la jeunette Sc l'amour, fi voi~
fins de la dévotion , invitent à cette union ,
quittent la ville, & vont former,un établittement
à ta campagne , aux dépens dii tréfor public ,
qu’ils groffiffent de leurs travaux , tandis que
leurs enfans font élevés- dans la métropole. Sans ;
cette liberté fage & ’ chrétienne, les Dumplers
ne feroient que des moines qui devieridroient avec
le temps féroces ou libertins.
C e qu'il y a de plus édifiant & de plus fingulier
en mêm,e temps dans la conduite de toutes
les fe&es qui ont peuplé la Penftivanie, c'èft l'ef-
prit de concorde- qui règne entr’elles , malgré la
différence de leurs opinions religieufes. Quoiqu'ils
ne foient pas membres de la même églife , ces
de&aires s'aiment comme lès enfans d’un feul &
■ meme père. Ils ont vécu toujours en frèrès, parce
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qu'il avoient la liberté de penfer en hommes.
C'èft à cette précieufe harmonie qu'on peut fur-
tout attribuer les accrojffemens rapides de la
colonie.
Au commencement de 17 14 , cet' établiffement
comptoit trois cents cinquante mille habitans fui-
vant l’évaluation préfentée au congrès général. On
ne diffimulera pas que trente mille noirs faifoient
partie de cette nombreufe population : on fait
que la Penfiivanie a défendu depuis la révolution
, toute importation de noirs, & qu’elle a
pris des mefures efficaces pour l’émancipation
future detouslesefclavës. Au reile, dans cette pro-r
vince l’efclavage. n'avoit pas été un germe de
corruption, comme il l’a toujours é té , comme
il fera toujours dans des fociétés moifts bien ordonnées.
Les moeurs font encore pures, auftères
même | en Penfyivàhie. C et avantage tient-il 'au
climat , aux loix , à la religion , à l'émulation^
des. feétes | à des ufages particulier ? On le demande
aux leéteurs.
A l'époque de la révolution l'abondance y étoit
confiante , & l’ aifance univerfelle. L'économie
particulière aux penfilvains n’empêchoit pas que
les deux fexes ne fuffent bien vêtus. La nourriture
étoit encore fupérieure à l’habillement. Les
familles les moins ai fées avoient du-pain dé là
viande , du cidre., de la bfère, de l'eau-de-vie ^
du fucre. Un grand nombre pouvoit ufer habituellement
des vins de France & d'Efpagne , du
punch, & même de liqueurs plus chères. L'abus
de ces boiffons étoit plus rare qu'ai Heurs, mais
■ il n,'étoit pas fans exemple.
Le délicieux fpeéiacle de cette abondance n'é-
toit jamais troublé par-l’image affligeante de la
mendicité. La Penfiivanie n'avoit pas un feul pauvre.
Ceux que la naiffance ou la fortune avoient
laiffés fans, . reffources , étoient convenablement
entretenus par le tréfor public. La bienfaifance
allôit plus, loin j elle s’étendoit jufqu'à l'iiofpita-
lité la plus préverianter Un voyageur pouvoit
s'arêter par-tout, fans crainte de caufer d’aune
peine que le regret de fon départ.
La tyrannie des impôts ne venoit pas flétrir ,
empoifônner la félicité de la. colonie. En 1766 ,
ils ne s'éîevoiem pas au - defifus de 280,140 liv.
La plupart même , defiinés ài fermer les plaies
de la guerre de 17 5 6 , dévoient ceflfer en 1772.-
Si à cette époque les peuples n'ont pas reçu ce
foulagement, c'èft que les irruptions des fim-
vages ont occafionné des dépenfes extraordinaires.
Les penfilvains, tranquilles p'offeffeurs, libres
ufufruitiers d’une terre qui récompenfoit toujours
leurs travaux, ne craignoient pas de produire
leur efpèce. A peine trou voit-on un célibataire
dans la province. Le mariage en étoit plus doux
Si plus facré. Sa liberté comme fa fainteté dépendait
du choix des ccntraétans : ils prenoient le
juge ou le prêtre, plutôt pour témoin que pour