
chaque individu doit payer de celle qu’on demande
à chaque paroiiTe, varient de même tous
les ans, félon qu'on fuppofe que les circonftances
l ’exigent. Dans le premier cas , ce font les officiers
de l’éleâion qui jugent de ces circonilances ;
dans le fécond, ce font ceux de la paroiiTe, &
les uns & les autres font plus ou moins fous la
diredlion de l’intendant. Dans les diftriéts où il n'y
a point encore d'adminiftrations provinciales, on dit
que ces affeffeurs font fouvent des injullices ,
non-feulement parce qu’ils font ignorans & mal
informés mais parce qu’ils écoutent l’ amitié ,
l animolité ^de parti & leur reifentiment particu-
Il^ell évident qu’un homme fujet à un pareil ,
impôt ; ne peut jamais être certain de ce qu’il aura
a payer , qu’après qu’ il eft impofé. Si quelqu’un
a ete taxé forfqu’ildevoit être exempt, ou fi quelqu’un
a ^été furtaxé, & qu’ il ait le bonheur de
faire goûter fes plaintes, il faut qu’il commence
toujours par payer; mais l’ année d’enfuite on
reimpofe toute la paroiffe pour le rembourfer. Si
quelqu’un des contribuables fait banqueroute ou
devient infolvable, le colleéteur eft obligé" d’avancer
cette ta-xe, & l’année fuivante on réim-
pofe toute la paroiffe pour rembourfer le collecteur.
Si le colleéteur fait lui-même banqueroute,
la paroiffe qui le choifit, répond de fa conduite
au receveur général de' l’éleétion. Mais comme
il pourroit être embarraffant pour le receveur de
perfécuter toute la paroiffe , il prend à fon choix
cinq ou fix des plus riches contribuables , & les
oblige à faire bon des deniers perdus par l’jnfol-
vabilité [ du colleéteur. La paroiffe eft: enfuire
réimpofée pour le rembourfement de ces cinq ou
fix. Ces réimpofitions font toujours par-delà la'
taille annuelle.
Lorfqu’on impofe une taxe fur les profits des
capitaux dans quelque branche de commerce, les
marchands ont prefque tous foin de ne mettre en
vente que ce qu’ils peuvent vendre à un prix fuf-
fifantpour fe rembourfer de la taxe qu'ils ont avancée.
Quelques - uns retirent une partie de leurs
fonds du commerce , & le marché fe trouve
moins fourni qu'auparavanr. Le prix de la mar-
ehandife hauffe, & le paiement final de la taxe
tombe fur le confommateur. Mais quand une taxe
eft impofée fur les profits des capitaux employés
dans l’ agriculture, il n’eft pas de l'intérêt des fermiers
de retirer de cet emploi aucune partie de
leurs fonds. Chaque fermier occupe une certaine
quantité de terres, dont il paye la rente. Pour
cultiver convenablement ces terres, il faut une
certaine quantité de capitaux ; & s’ il en retire une
partie , il n'en fera pas plus en état de payer la
rente & la taxe. Pour payer la taxe , il ne peut
jamais être de fon intérêt de diminuer la quantité
de fon produit, ni de fournir le marché moins,
abondamment. L ataxe rie lui donnera donc jamais
Je moyen de faire monter le prix de fon produit,
ni de fe rembourfer lui-même , en faifant payer ,
finalement la taxe au confommateur. Cependant
il eft néceffaire que le fermier ait un profit rai-
fonuable, comme tout autre qui emploie fes capitaux
, fans quoi il faut qu’il abandonne le métier.
Avec une pareille taxé , il ne peut faire ce profit
qu en payant moins de rente au propriétaire. Plus
il paye en rente , moins il a de quoi payer en impôt.
Une taxe de cette efpèce, impofée dans le
courant d’un bail; peut fans doute gêner ou ruiner
le fermier. Au renouvellement du bail, elle
tombe fur le propriétaire.
Dans les pays où la taille perfonnelle a lieu ,
le fermier eft communément impofé en propor- -
tion des capitaux qu’ il paroît employer dans la
culture. Il craint fouvent, par cette raifon, d'avoir
un bon attelage de chevaux ou de boeufs ,
& il affeéte de montrer de mauvais inftrumens de
labourage. Il a une telle méfiance de la juftice
des afiefleurs , qu'il contrefait le pauvre & tâche
de paroître^ prefque hors d’état de rien payer y
de peur d'être obligé de payer trop. Il ne corn«
fuite peut-être pas toujours fon propre intérêt ,
& peut-être qu'il perd plus par la diminution de
fon produit , qu'il n'épargne par celle de l'impôt.
D'après fa mauvaife culture 3 le marché n'eft pas
approvifionné > mais la petite augmentation du prix
qu'elle peut occafionner, ne l'indemnife pas de
la diminution de fes récoltes j elle peut encore
moins le mettre en état de payer plus de rente au
propriétaire. Le public 3 le fermier , le propriétaire
^ tous fouffrent plus ou moins de cette mauvaife
culture. Ainfî la taille perfonnelle tend à
décourager de plus d'une manière la culture , &
à tarir la principale fource de la richeffe d'un grand
pa]S*
C e qu'on appelle capitation dans les provinces
méridionales de l'Amérique feptentrionale & dans
les ifles des Indes occidentales,ou la taxe annuelle de
tant par tête de nègre , eft proprement un impôt fur
les profits^ d'une certaine êfpèce de capitaux employés
a 1 agriculture. Comme les colons font la:
plupart fermiers & propriétaires , le paiement
final de la taxe tombe fur e.ux, en leur qualité
de propriétaires , fans aucun dédommagement.
Les impôts de tant par tête fur les efclaves
employés a la culture, femblent avoir été communs
autrefois dans toute l'Europe. Il- y a au*«
jourd hui un impôt de cette efpèce dans Yempire
de Ruffie. C'eft probablement fur cela qu'on a
■ repréfenté toutes les fortes de capitations comme
des marques d'efclavage. Mais tout impôt eft
pour celui qui le paye , une marque non de fer-
vitude, mais de liberté. Il dénote, il eft vrai >
fa fourmffion à un gouvernement ,* mais il dénote
aufli qu ayant quelque propriété , on ne peut être
foi-même la propriété d'un autre. Une capitation
fur des efclaves eft très-différente d'unecapitationr-
fur des hommes libres. La fécondé eft payée par
les perfonnes fur qui elle eft impofée, & K »
pas la première» La fécondé eft ou abiblumenç
arbitraire ou abfolument inégale, & la plupart
du temps arbitraire & inégale. La première
quoiqu’inégale à certains égards, la valeur de
tous les efclaves n'étant pas la même , n eft point
arbitraire. Chaque maître qui fait exactement le
nombre de fes efclaves, fait exactement ce qu'il
doit payer. Ces diveries taxes portant le même
nom, on a cru quelles étoient de mê4me na-
ture. , ■ /
Les taxes fur les prohts des capitaux, appliquas
à .telles branches d'induftrie, ne peuvent jamais
affeCter l'intérêt de l'argent. On ne prête pas à
plus bas intérêt à céux qui exercent une branche
d'induftrie chargée d'une tax e, q^'à ceux qui
en exercent une qui ne 1 eft pas. Il n en eft pas
de même des taxes fur le revenu provenant de tous
les capitaux , quelle que iojt la manière dont ils font
employés. Si te gouvernement effaye de les lever
avec un peu d'exaCtitude, elles tomberont, dans,
plufieurs cas , fur l’intérêt de l'argent. Le vingtième
j denier, en France, eft une taxe de la
même efpèce que celle qu'on appelle en Angleterre
taxe fur les terres , & il eft aftis de même
fur les revenus des terres, des maifons & des
capitaux. Quoiqu'on ne le perçoive pas avec une.
grande rigueur fur les capitaux , on le perçoit
avec beaucoup plus d'exactitude que cette partie
de la taxe furies terres, qui eft impofée en Angleterre
fur le même fonds. Dans plufieurs c a s ,
il tombe entièrement fur l'intérêt de l'argent. Le
vingtième ne paroît pas avoir^ fait monter le taux
des contrats de rente , C c’ eft-à-dire, des annuités
perpétuelles , rachetables en tout temps par le débiteur
, moyennant le rembourfement de la fomme
originairement avancée, mais dont le rachat n'eft
point exigible par le prêteur, fi ce n'eft dans des
cas particuliers ) , quoiqu'il fe lève exactement fur
toutes. I - - < . • j*
Tant qu'une propriété relie entre les^ mains
d'une même perfonne, quelques taxes qu'on impofe
fur cette propriété, on ne „prétend rien diminuer
ou ôter de fa valeur foncière, mais percevoir
quelque chofe fur fon revenu. Quand la
propriété change de mains, quand elle paffe du
mort au vivant, ou du vivant au vivant, elle eft
fouvent impofée par des taxes qui ôtent une partie
de fa valeur foncière.
Le tranfport de toutes fortes de propriétés du
mort au vivant, & celui des propriétés immobilières
des terres & des maifons entre-vifs, font
des faits publics & notoires de leur nature , &
tels qu'il n'eft pas poffible de les cacher long-
tems. On peut les impofer d’une manière direCte.
Le tranfport d’un capital ou des propriétés mobilières
entre-vifs par un p rê t, eft fouvent & peut
toujours être une affaire fecrette , & il n'eft pas
aifé de le taxer d’une manière direCte. On l'a
taxé indirectement : i° . en exigeant que l'a d e ,
contenant l'obligation de rembourfer, foit écrit
fur du papier ou du parchemin qui paye un certain
droit- de timbre, fous peine de nullité de
l'aCte : i° . en exigeant, fous la même peine de,
nullité , qu’ il foit configné dans un regiftre public
ou fec ret, & en mettant certains droits fur cet
enrégiftrement. Les droits de papier timbré & les
droits d'infinuatipn ont été fouvent placés fur les
aCtes qui. transfèrent des. propriétés de toute efpèce
du mort au v if , & fur ceux qui - transfèrent
des propriétés immobilières du vivant au vivant,
quoiqu'il fut aifé de les taxer d'une manière directe.
La vigefima h&réditâtum , le vingtième denier
; des fucceffions, impofé par Augufte fur les an-
; çiens romains, étoit un impôt fur le tranfport de
propriété du mort au vivant. DionÇaffius, qui
en parle le moins confufément-, dit qu'on le percevoir
fur toutes les fucceffions, legs & donations
en cas de mort, excepté fur les a&es en faveur
des plus proches parens ou des pauvres.
La taxe fur les fucceffions, en Hollande ( i ) ,
eft de la même efpèce. Les fucceffions collatérales
font taxées, félon le degré de parenté, depuis
cinq jufqu'à trente pour cent de la valeur de
la fucceffion. Les donations teftamentaires ou les
legs à des collatéraux fontfujets aux mêmes droits.
Celles du mari à la femme, ou de la femme au
mari, font taxées au cinquantième denier $ la
luftuofa hareditas 3 la -fucceffion trifte des afcen-
dans aux defcendans , n'eft taxée qu'au vingtième
denier. Les fucceffions directes ou celles des defcendans
aux afcendans, ne paient rien. La more
d'un père eft rarement fuivie pour ceux de fes
enfans qui vivoient avec lui d'aucun accroiffe-
ment, & fouvent elle eft fuivie d'une diminution
confîdérable de revenu, par la perte de fon in7
duftrie, de fon emploi, ou de quelque bien viager
dont il étoit en pofTeflion. Il y auroit de la
cruauté dans une taxe qui leur enleveroit une par-;
tie de fa fucceffion. Mais tout ce qui revient aux
enfans qui, dans le langage des loix romaines ,
font appellés émancipés 3 & dans celui des loix d'E-
cofle foris-familiated 3 établis hors de la famille ,
c'eft-à-dire, qui ont reçu leur portion, quifonc
une famille à p a r t, &: qui vivent fur des fonds
féparés & indépendans de ceux de leur père, eft:
un accroiflement de leur fortune, & peut-être
pourroit-on le taxer fans autre inconvénient que
les inconvénièns attachés à toutes ces fortes de
droits.
Le cafueî, dans les loix féodales, étoit une taxe
fur le tranfport des terres , tant du mort au v if
que du vivant au vivant. Il faifoit jadis , dans
toute l'Europe, une des principales branches du
revenu de la couronne.
(i) Mémoires concernant les droits, &c, tom. x , pag. n j .