
fermeté, la ioupleffe, la vivacité, le flegme, la
franchifc & la diflimulation.
L âge ne doit pas être un obftacle au choix d'un
négociateur , iorique d'ailieurs le fujet eft capa-
bie de foutemr avec dignité le poids de fa;mif-
llont M m ffllt. Prérogative de la fagefle de dif-
penfer des loix de 1,'àge j -mais à parler en igéiié*-
ra i, ii ies talens natureh ébatjchent un ambalîa-
deu r, c eft a l'expérience là l'achevier. Le fané
coule trop împetueufement dans les veines d'un
jeune homme.
i âge trop, avancé ont aufli I
leurs défauts. L n vieillard eft d'ordinaire peu pro*
Pre ,a s infirmer dans les bonnes grâces du prince
1 miniftrÊs , & hors d’ état, d'agir par la
lenteur & les inconnnodicés de .la, vieiflefle.. ..
Les jeuftes gens font trop hardis, lès vieillards
trop timides* j tes Uns ont trop de confiance, les
autres n en o'nt pasaffez 5 d'où il réfulte qu'à parler
en general , 1 intervalle^de trente à foixante ans
e.!î ' J 5 US ? roPr5 ^ux hegoerations , parce qu'il
elt/re^ ÔTlPêftl: éloigne des emporteréens de la jéu-
neue & des foibleffes de là caducité , & qu'on y
trouve avec l'expérience, la difcrétion & la modération
qiii manquent à; la première jéuneffe,
la vigueur, 1 a&ivité & l'agrément qui ont abandonne
les vieillards. T ■
On s'entend toujours mal quand ce n’eft que
par truchement ; & le négociateur doit là Voir ‘ &
meme bien favoir la langue du pays où il négoèiei
II eft fur què plus un mmiftre public faura -de
langues, plus il tirera parti de fes liaisons avec
les mmiftres étrangers , - qu'il eft obligé de voir
par bienfeance & par intérêt. Ces' miniftres.s’ou-
vnront toujours plus franchement à'ceux qui entendent
& parlent leur propre langue. Il y a , en
effet, dans la communication des idiomes, on ne
lait quoi qui attire & lie, les hommes les uns aux
autres. C eft une vérité ; dont l'expérience, nous
convainc.
Le négociateur doit,connoître le droit public ,
& il peut, difent quelques auteurs, parvenir à ac-
querir .es connoifTances de fou état par quatre differentes
voies.
« La première eft celle des écoles publiques
dans le pays où i l y a des chaires de droit natu-
. e 4L?1 c Public , de droit des gens ou de
politique ». ,
cc La fécondé, eft celle de la leéture des dif-
terens ouvrages compofés fur la fcience du gouverneraient
»... :
" L a troiueme , eft celle de la méditation &
des conversations qu'on peut avoir avec des gens
verbes dans la connoiflance de toutes les parties
de cette fcience. La réflexion donne fur cela des
ouvertures comme fur toute autre chofe, & fert
a diriger & a.etendre.ee qu'on a appris. La conv
en tio n avec des gens habiles perfectionne ces
Connoiflances »...
k La quatrième, celle de la pratique. L'expénence
eft une école infaillible, où les cônnoîflait-
ces acquifes par les trois autres voies reçoivent le
fceau de la perfe&ion ».
Mais nous obferverons que les écoles & là
converfation apprennent peu de chofe y & que
la leCture 8c les méditations font indifpenfables,
; Çe. neft pas tout , ' les auteurs qui ont écrit
fur les négociations n'dht -rien oublie : ils parlent
de la table du miniftre, dé fes habits , de fa
livrée , ils entrent dans les plus grands détails fur
fa maifon: fur le ftyle dés dépêches , fur la maniéré
de parler aux princes ou aux miniftrès*, fur
fes ;eflides j fur les- honneurs qu'il doit avoir ,
fur les petits préfens qu'il doit exiger s fut
les combinarfons de l ’adréffe & de la rufe $
fur la generofite avec laquelle il faut récompenfer
les efpions., fur le choix de$ domeftiques , fur
3rCj^ e P ^ re * mais la plupart de ees préceptes
ou de ces.confeils étant des lèçons de civilité,
ou des choses fi connues dans les eburs & ailleurs i
on ^peiit s çn rapporter là deffüs àU bôn -fens &
a 1 aniour-prdp^è} & nous ne nous aviferons pas
de nous occuper de pareilles'bagatelles.
/ 7 ? ® ' ° miniftre parle devant un fénat ou à une
république, il lui eft permis d'être plus oratoire
& plus etendu } mais s’il eft trop long, on peut
lui appliquer la réponfe que Cléomènes, Roi de
oparte , fit aux ambaffadeurs de l'ifle de Samos î
ceux-ci effayerent par une belle 8c longue orai-
ftjn , de lui perfuader de faire la guerre au tyran
l olycrate. J ai oublié le commencement de votre
harangue , je n'en ai pas écouté la fuite y & rien
ne m.en a tant plu que la fin.
v Le miniftre public ne doit rien -Iaiffer ignorer
a fon maître de la nature du pays où-il réfide,
4e ff.s ,^mit.es » de *a fertilité ou de fa ftérilité,
de l mduftrie du peuple, de fon commerce, de
fa difpofition pour les arts, de la guerre 011 <je la
paix , de fon affe&ion plus ou moins grande pour
le fouverain, des places fortes, desrehefs nationaux
ou étrangers, des forces fur lefquelles il
peut compter, des rapports d'amitié ou de haine
qui fe trouvent entre fes voifins, du revenu
8c de la dépenfe ordinaire de ce prince, de fes
miniftres, confeillers ou favoris, & enfin de
1 humeur & du génie du prince, de fa capacité
de fes exercices , des fes inclinations, de fe£
vertus ,■ de fes vices.
II doit informer fa cour , non-feulement des
avis qu'il tient pour véritables, mais encore de
ceux qu’il regarde comme incertains , & qui
pourroient être vrais.
Le miniftre du plus grand prince qui ait donné
des Joix à h Tofeane, repris par fon maître de
ce qu il ne l’avoit pas informé d'un événement
de la cour de Madrid , où ce miniftre réfidoit ,
s exeufa fur ce que ce fait lui avoit paru peu
important & étranger aux affaires de fon maître :
I « fot que vous êtes ( lui répondit Cofme de
^ M éd ic îs ) , cette affaire qqi vous pâfoît de peu
» de conféquence, jointe à d’autres dont je ne
» veux pas vous rendre compte , Jproduit des
» effets qui furpafient votre connoiflance ».
La maxime de Louis XI , qui difoit que pour ,
favoir régner il faut favoir diffimuler , eft nécef-
faire fur;tout dans les négociations. Lorfque la
nature des affaires & la néteftîté des circonftan-
ces engagent à difiimuler S c'eft de la politique?
mais fi le goût du manège & le tour d'efprit y
déterminent, c’ eft de la fourberie.
On ne doit pas oublier que la politique eft définie
par quelques pérfonnes , l’art de tromper
les hommes : on eft difpofé à croire que ce qui
s'appelle fraude & infidélité dans le commère«
de la vie civile , prend le beau nom de politique
dans le cabinet des princes? & il ne faut rien
faire qui puiffe donner du cours à cette idée dan-
èreufe.
Les négociateurs fémblent quelquefois remplis
de fi grandes’idées, de fi profondes réflexions,
de fi fublimes objets , qu'ils préviennent tout le
monde Çonrr'eux.
Comment aborder , recevoir , entretenir des ;
hommes qui paroiffent quitter le trépied ?
Les gens du monde regardent cet air myftér
rieux comme de la pédanterie , & ce dehors ma-
giftral les bleflfe.
' C e t air myftérieux êft fur-tout préjudiciable de
miniftre â miniftre. Le commerce que lès am-
baffadeurs font obligés d’avoir entr’eux , ne peut
s'entretenir que par une communication de tout
ce qu’ils peuvent fe dire , fans nuire aux interets
de leur cour. Ceux qui cachent tou t, trouvent
les autres toujours fîlencieux : on leur rend
myftère pour myftère, & ils ignorent ce qui fe
paffe.
Tout le monde le fait : on appelle un ambaffa-
deur , un honorable e f pion , parce qu'une de fes
principales fonctions eft de découvrir le fecret des
cours. Il s'acquitte mal de fon emploi, s'il ne fait
pas faire les dépenfes convenables pour mettre en
mouvement ceux qui font capables de l’inftruire.
Lorfqu'on rappelle un miniftre, il feroit à fou-
haiter qu'on envoyât d'avance fon fiicceffeur fur
les lieax , afin qu'il fe formât’ par de bons exemples
, qu'il vît lui - même lé genre de conduite
qui réuflit le mieux, qu’il connût les amis que Ion
prédécefteur a formés & cultivés , qu'il acquît
leur confiance, & qu'il s'inftruisît exa&ement des
chofes & des perfonnes. Un miniftre, à fon retour
donne en vain une bonne relation du pays
où il a-réfidéj fon fuccefleur n'en faifit jamais fi
bien l ’efprit que lorfqu'il fe trouve fur les lieux j
l'intervalle entre le départ de l’un & K arrivée de
l ’autre, fait quelquefois un grand vuide $ la fcène
change , fans qu’on en foit témoin ; des préventions
s'établiffent, fans qu'on foit à portée de
les empêcher j des amis fe refroidiffent, parce
qu’on ne les a pas cultivés. Le temps que l’on
emploie à connoître le fuccefleur, s il n’étoit
pas connu avant d’être employé, ^ell un temps
perdu pour les affaires ; fouvent même te fuccef-
feur fe fait un principe de fuivre un fyftême op-
pofé à celui qu'a fuivi fon prédécefteur.
Chaque fouverain devroit , ce femble, établir
l'ufage de Venife.j les ambaffadeurs d e là république
font obligés, à leur retour , de préfen-
ter au fénat une relation manuferite de leurs am*
baflades. Quoiqu'ils aient rendu compte en détail
de toutes leurs négociations particulières dans leurs
dépêches, le fénat croit qu’ il, importe au fer-
vice public d'avoir un abrégé qui en contienne
la fubllance , parce que toutes les pièces étant
raffembléês, miles en ordre & refondues par
celui même qui en etoit l’auteur , on y voit mieux
la fuite des affaires & la capacité du miriiftre qui
tes a dirigées ; c ’eft par ces relations toujours
exaétès que 1e fénat connoît les forces des princes
, I'étàt de leurs armées, de leurs provinces,
de leurs revenus & de leurs dépenfes j c’eft - là
que les nobles qui vont en ambaffade, puifent
tes connoiflances qui leur font néceftaires, 8c
les leçons de politique qui doivent régler leur
conduite.
Les obfervations que nous venons de faire ,
font plus ou moins utiles : tes négociations ont
pris une forme plus fimple j elles réufliflent quelquefois
fans toutes les précautions que nous avons
indiquées : la politeffe , l'ufage du monde, la fi-
neffe &c l’aftuce que donne l’expérience, apprennent
plus que tout ce que nous pourrions dire.
Mais on ne peut trop defirer que la diflimulation
ne foit employée que dans les momens néceflai-
res ? qu'on y renonce lorfqu'on n’en a plus be-
foin j que cette révolution ait lieu dans toutes les
cours, & qu'on ne regarde plus un ambaffadeur
ou un miniftre public comme un homme envoyé
au loin > afin de mentir pour 1e bien de la république.
En finiffant cet a r tic le , nous nous contenterons
de dire que 1e fecret eft l'ame de la négociation.
ytyei l'a rtic le C h if r e .
N E G R E S , malheureux africains qu'on retient
en efclavage, & qu'on emploie à la culture des
ifles d'Amérique & de quelques parties du continent
de l'Amérique.
Nous avons parlé à l’article G u in é e des divers
établiffemens qu’ont formés les européens
fur tes côtes d'Afrique, 8>c nous avons donné
d'afiez longs détails fur la traite des efclaves :
1 nous nous bornerons à indiquer ici l'affreufe condition
des negres en Amérique : nous parlerons
enfuite de l'efclavage en général , de l'efclavage
des negres en particulier, & des avantages qu'il
y auroit à leur rendre la liberté.
On a traité de déclamations tçut ce qu'on a
écrit contre l'efclavage des nègres, nous 1e fa-
vons : on répétera imite fois encore la même